Roger Loison (36), 1917–2006

Dossier : ExpressionsMagazine N°620 Décembre 2006Par : Lucien COCHE (36) et Jacques PETITMENGIN (47), pendant douze ans collègue de Loison au directoire de CdF-Chimie

ROGER LOISON nous a quit­tés le 11 octobre, dans sa 90e année, après une courte maladie.

Entré second, il est vite deve­nu le major de la pro­mo 1936 – un major très aimé, main­te­nant très regret­té par toute sa pro­mo. Il aurait d’ailleurs été major dès l’entrée si les lois du « schick­sal » n’avaient pas intro­duit des points de boni­fi­ca­tion pour ceux qui, dans leurs études secon­daires, avaient inclus les sujets de tra­di­tion lit­té­raire, le latin et la phi­lo. Si Roger Loi­son ne l’a pas fait, ce n’est pas par manque d’intérêt. Cela vient sim­ple­ment de ses ori­gines fami­liales. Il n’était pas fils ou des­cen­dant de poly­tech­ni­ciens, ni même de ce qu’on appe­lait alors la « haute bour­geoi­sie » : son père était un modeste fonc­tion­naire. Un train de vie très modeste lui aus­si. Roger avait été aidé par une bourse à faire des études qui le des­ti­naient à une car­rière plus brillante, ou socia­le­ment consi­dé­rée comme telle.

Grand ama­teur de ran­don­nées et de mon­tagne, il choi­sit à la sor­tie de l’École d’application d’artillerie de Fon­tai­ne­bleau de ser­vir dans l’artillerie de mon­tagne, où il fut affec­té à une bat­te­rie qui contri­buait à gar­der un petit col des Alpes. Il racon­tait sa guerre avec humour : les fan­tas­sins qui tenaient les postes fron­tières étaient, des deux côtés, sur­tout des réser­vistes qui, recru­tés dans la région, par­laient le même patois. Une fois, dans la seconde quin­zaine de juin 1940, sa bat­te­rie a dû faire des tirs, deman­dés par un ordre venu de très haut. En plein accord avec leurs supé­rieurs directs, ils ont pris grand soin d’envoyer leurs obus de 75 sur une zone pier­reuse où ils ne ris­quaient de faire de mal à personne !

Après deux années à l’École des Mines de Paris, de 1940 à 1942, Roger a été affec­té au ser­vice des Mines de Nan­cy, où il s’occupait sur­tout des mines de fer. Mais il y a aus­si com­men­cé une car­rière pro­fes­so­rale, à l’École des mines et des indus­tries métal­lur­giques de Nan­cy, qu’il a ensuite pour­sui­vie jusqu’en 1972 à l’École des Mines de Paris. Il a d’ailleurs assu­ré, par la suite, la pré­si­dence de l’École natio­nale supé­rieure de chi­mie de Lille.

Il a donc vécu à Nan­cy la seconde par­tie de l’Occupation, la Libé­ra­tion, la recons­truc­tion, la remise en état de la sidé­rur­gie. En 1947, sa car­rière s’orienta vers les char­bon­nages, il prit la direc­tion de la sta­tion d’essais de Mont­lu­çon du CERCHAR, Centre de recherche des char­bon­nages de France. Il rega­gna la région pari­sienne en 1950, pour diri­ger les groupes de recherche « sécu­ri­té minière » et « com­bus­tion­ga­zéi­fi­ca­tion- coké­fac­tion », puis l’ensemble des recherches du CERCHAR ; il écri­vit à cette occa­sion quelques livres de réfé­rence en ces matières.

En 1967, il fut appe­lé au Direc­toire de la Socié­té Chi­mique des Char­bon­nages (CdF-Chi­mie) dont il devint par la suite direc­teur géné­ral. Le gou­ver­ne­ment avait en effet déci­dé d’accélérer le regrou­pe­ment des indus­tries chi­miques des houillères, et de don­ner à la nou­velle struc­ture le sta­tut avec Conseil de sur­veillance et Direc­toire, ins­pi­ré du modèle de gou­ver­nance alle­mand, fort éloi­gné du sta­tut qua­si monar­chique du PDG à la française.

Rude tâche qu’amalgamer la chi­mie de trois bas­sins aux tra­di­tions dif­fé­rentes, de pas­ser le sta­tut du per­son­nel du public au pri­vé, de conver­tir les usines de la car­bo à la pétro­chi­mie, d’absorber une ving­taine de filiales habi­tuées à l’indépendance, de tra­ver­ser sans trop de mal le séisme de Mai 68 puis les chocs pétro­liers, et le tout en qua­dru­plant, en volume, la pro­duc­tion totale et en mul­ti­pliant par quinze les expor­ta­tions ! L’humanité de Roger, sa capa­ci­té d’écoute bien­veillante à l’égard de tous, son res­pect des autres, son sou­ci d’être équi­table, tout comme son atta­che­ment à l’intérêt géné­ral et son dés­in­té­res­se­ment per­son­nel, jouèrent un rôle essen­tiel dans la recherche conti­nuelle du consen­sus indis­pen­sable au bon fonc­tion­ne­ment d’un direc­toire affron­té à de tels problèmes.

Roger par­tit en retraite à la fin de 1979 et conti­nua quelque temps son acti­vi­té pro­fes­sion­nelle comme ingé­nieur- conseil, dans les domaines de l’énergie et de la sécu­ri­té. C’était aus­si un mélo­mane aver­ti, ama­teur d’Erik Satie et joueur de saxo­phone… Et dans ces toutes der­nières années, où l’effectif de sa pro­mo décrois­sait rapi­de­ment, il n’a pas ces­sé de tenir son rôle de major en par­ti­ci­pant aux acti­vi­tés du petit groupe de cocons qui, mal­gré l’âge, tra­vaille à l’entretien de nos rela­tions d’amitié.

Que Jeanne, son épouse, Antoi­nette et Fran­çoise, ses filles, ses petit­sen­fants et arrière-petits-enfants soient assu­rés que nous par­ta­geons leur cha­grin, et que nous gar­de­rons de Roger Loi­son le sou­ve­nir lumi­neux de son intel­li­gence, de son inté­gri­té et de son humanité.

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