Robert Bonnal (36) Apôtre de la coopération française

Dossier : ExpressionsMagazine N°675 Mai 2012
Par Jacques BOURDILLON (45)

Après un bref séjour en Tuni­sie, Robert Bon­nal, mobi­li­sé à la fin de la Seconde Guerre mon­diale, arrive à Dakar en 1947. Oli­vier Bigorgne lui offre le poste de direc­teur des tra­vaux publics de la Gui­née fran­çaise ; il rejoint donc Cona­kry et devient l’un des prin­ci­paux col­la­bo­ra­teurs du gou­ver­neur Roland Pré dont il res­te­ra un ami fidèle.

De la Guinée à la rue Monsieur

Ceux qui ont lu le livre de Roland Pré écrit au début des années 1950 L’avenir de la Gui­née fran­çaise savent que ce pays avait (et a tou­jours) d’immenses res­sources poten­tielles dans les domaines les plus divers (riz, bananes, quin­qui­na, fer, bauxite, or, dia­mant, éner­gie hydraulique).

« La France s’est por­tée aux pre­mières lignes de front en faveur du Tiers monde »

Point de vue confir­mé vingt ans après par le gou­ver­neur Mas­son, patron de l’éphémère MARG (Mis­sion d’aménagement régio­nale en Guinée).

Ceux qui ont lu le livre de Claude Abou Dia­ki­té La Gui­née enchaî­née, le livre noir de Sékou Tou­ré savent que ce dic­ta­teur a non seule­ment mas­sa­cré nombre de ses conci­toyens, mais aus­si com­pro­mis pour long­temps le déve­lop­pe­ment excep­tion­nel de ce pays. Robert Bon­nal savait tout cela lorsqu’il a com­men­cé une seconde car­rière en s’installant à Paris, rue Mon­sieur, pour deve­nir le pilier de la coopé­ra­tion de la France en faveur de ses anciennes colo­nies, à un triple titre : minis­tère de la Coopé­ra­tion, minis­tère de l’Équipement, et BCEOM (dont il était deve­nu président).

Trente ans au service d’une cause

Robert Bon­nal consacre quelques pages aux trois décen­nies de coopé­ra­tion : « Pen­dant les années soixante, le taux de crois­sance est bon, voire brillant (plus de 5 % en moyenne), le déve­lop­pe­ment paraît bien par­ti (mal­gré le cri d’alarme de René Dumont L’Afrique noire est mal par­tie), il y a l’euphorie des indépendances […].

L’amour de l’Afrique
Robert Bon­nal se carac­té­ri­sait par de solides convic­tions reli­gieuses qui lui fai­saient consi­dé­rer son métier comme un apos­to­lat, un amour de l’Afrique dont il a sou­hai­té le déve­lop­pe­ment har­mo­nieux au-delà des indé­pen­dances qu’il a tou­jours sou­hai­tées, un sens aigu des réa­li­tés (il était par­fai­te­ment conscient des défauts et des qua­li­tés des hommes avec qui il tra­vaillait), une grande géné­ro­si­té à l’égard de ses col­la­bo­ra­teurs, une volon­té farouche d’améliorer le vaste domaine qui lui était confié.

Au seuil des années soixante-dix, les défauts struc­tu­rels des États, plus ou moins mas­qués jusque-là, appa­raissent au grand jour, il devient clair que la majo­ri­té d’entre eux fonc­tionnent à un train de vie qui excède leurs moyens […].

À par­tir des années quatre-vingt, les choses se gâtent sérieu­se­ment pour tout le monde (ou presque) à cause notam­ment des effets du 2e choc pétro­lier (1979), les pays qui s’étaient mis à vivre sur un grand pied ne sont plus en état d’honorer le rem­bour­se­ment des emprunts et sont obli­gés de frei­ner brutalement. »

Je ter­mi­ne­rai par quelques mots de Robert Bon­nal sur la coopé­ra­tion fran­çaise : « Il faut d’abord dire sans faire preuve de fier­té natio­nale dépla­cée que la France s’est constam­ment por­tée aux pre­mières lignes de front en faveur du Tiers monde […] un des points sen­sibles du débat : mono­cul­ture ou diver­si­fi­ca­tion ? Il ne s’agit pas d’opposer l’une à l’autre, il faut au contraire com­bi­ner par­tout où on le peut cultures de rente et cultures vivrières […]. La coopé­ra­tion fran­çaise s’est tou­jours impo­sé comme ligne de conduite de ne pas dis­cri­mi­ner ses inter­ven­tions en fonc­tion des régimes poli­tiques adop­tés par les pays partenaires […].

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