“ Rêve de mineur ” hier, “ quête ” aujourd’hui inachevée,

Dossier : L'AustralieMagazine N°592 Février 2004
Par Rémy AUTEBERT

Le rêve australien

La per­cep­tion mythique de l’Aus­tra­lie, com­mune en Europe, affecte sa rela­tion avec le reste du monde. Pays déve­lop­pé, terre de contrastes, l’Aus­tra­lie est par­ta­gée entre la volon­té de s’af­fi­cher au cœur de l’hé­mi­sphère aus­tral comme le chantre de l’é­co­lo­gie et celle d’ex­ploi­ter ses res­sources éner­gé­tiques pri­maires consi­dé­rables. Ces carac­té­ris­tiques en font, pour le géo­logue et le mineur, un ter­rain unique, fas­ci­nant et complexe.

Carte minière d'Australie

Un grand pays minier

Vieux, très vieux conti­nent, où affleurent les plus anciennes roches connues à la sur­face de l’é­corce ter­restre, l’Aus­tra­lie regorge en son sous-sol de concen­tra­tions miné­rales en tous genres.

Mine d’uranium.en Australie
Mine d’uranium. © COGEMA.
 
Prospection dans le Nord de l'australie

Pros­pec­tion dans le Nord. © COGEMA.

Le poids excep­tion­nel du sec­teur des matières pre­mières, qui avoi­sine chaque année 40 % des expor­ta­tions, tra­duit l’ef­fort de valo­ri­sa­tion de ses richesses natu­relles consen­ti par un pays qui se place au pre­mier rang des pro­duc­teurs d’a­lu­mine et au troi­sième pour l’or et le fer.

Deuxième pro­duc­teur d’u­ra­nium (19 % des 36 000 tonnes d’u­ra­nium pro­duites dans le monde) après le Cana­da, l’Aus­tra­lie est par contre en tête des pays déten­teurs de res­sources de ce même métal (36 % des 2 340 ktU recen­sées par l’OCDE-AEN AIEA en 2001). Le gise­ment poly­mé­tal­lique excep­tion­nel à cuivre, or et ura­nium d’O­lym­pic Dam repré­sente à lui seul plus de 50 % des res­sources ura­ni­fères nationales.

Trente ans d’histoire de Cogema en Australie

Une his­toire qui débute dans les années soixante-dix, après la décou­verte de nou­veaux gise­ments d’u­ra­nium dans le Top End1 se rat­ta­chant au modèle métal­lo­gé­nique de » dis­cor­dance « 2 éla­bo­ré quelques années plus tôt lors des pros­pec­tions ura­ni­fères pra­ti­quées avec suc­cès dans la Sas­kat­che­wan canadienne.Le dépar­te­ment des pro­duc­tions du CEA (qui devien­dra Coge­ma en 1976) enga­gé dans une quête pla­né­taire de res­sources ura­ni­fères des­ti­nées à satis­faire les besoins du jeune pro­gramme élec­tro­nu­cléaire fran­çais ne peut igno­rer ce nou­vel Eldorado.

Ses équipes de géo­logues y mettent pour la pre­mière fois le pied en 1972 et entre­prennent leurs pre­mières recherches d’u­ra­nium par le biais d’une filiale locale créée pour l’oc­ca­sion, AFMECO (Aus­tra­lian French Metal Cor­po­ra­tion) asso­ciée, en joint-ven­ture, à une bonne dizaine d’autres com­pa­gnies minières (dont BP Aus­tra­lia, BHP Mine­rals Ltd, PNC Explo­ra­tion, Pan­con­ti­nen­tal Mining Ltd).

Mais l’El­do­ra­do se dérobe sous le pied des » Fren­chy explo­rers » qui se voient refu­ser l’ac­cès aux zones pro­met­teuses du Ter­ri­toire-du-Nord, dans un contexte morose de limi­ta­tion des inves­tis­se­ments étran­gers dans l’uranium.

À défaut de pou­voir tes­ter au nord le modèle géo­lo­gique dit » de dis­cor­dance « , AFMECO se contente d’ex­plo­ra­tions dans les bas­sins du Centre, de l’Ouest et au Queens­land, sur des modèles clas­siques sédi­men­taires et volcano-sédimentaires.

L’ac­ti­vi­té d’ex­plo­ra­tion marque une longue pause après la mise en place en 1983 par le gou­ver­ne­ment aus­tra­lien d’une poli­tique de limi­ta­tion du nombre des exploi­ta­tions d’u­ra­nium (poli­tique dite » des trois mines » : Nabar­lek, Ran­ger appar­te­nant à ERA et Olym­pic Dam pro­prié­té de Wes­tern Mining), pour reprendre pro­gres­si­ve­ment à par­tir de 1990 en Arn­hem Land, terre abo­ri­gène, puis s’ar­rê­ter en 2002, faute de découvertes.

Para­doxa­le­ment, c’est donc avec sa cas­quette de » cher­cheur d’or » (voir enca­dré) et à par­tir de 1986, que Coge­ma ren­contre ses réels pre­miers suc­cès miniers : décou­verte suc­ces­sive par ses géo­logues des gise­ments de Bax­ter, White Foil et Frog’s Leg, puis pre­mière pro­duc­tion de lin­gots en 2002.

AREVA, producteur d’or en Australie

À la fin des années quatre-vingt, les prix de l’u­ra­nium enre­gis­trant une baisse sen­sible, Coge­ma entame une diver­si­fi­ca­tion dans l’ex­plo­ra­tion de l’or, dont la métal­lo­gé­nie n’est pas très éloi­gnée de celle de l’uranium.
Premier lingot d'or de la mine de White Foil (Australie)
White Foil, pre­mier lin­got. © COGEMA
Le nou­veau » ter­rain de manœuvre » des géo­logues de Coge­ma rede­vient pla­né­taire et la pro­vince auri­fère de Kal­goor­lie en Aus­tra­lie s’af­fiche tout natu­rel­le­ment comme une cible de choix, por­teuse d’es­poirs de découvertes.
Il fal­lait la pré­sence du métal pré­cieux pour atti­rer dès le XIXe siècle des mil­liers de cher­cheurs et mineurs dans cette région déser­tique de l’Ouest aus­tra­lien, consti­tuée des vieux cra­tons (2,6 à 3 mil­liards d’an­nées) du Yil­garn et de Pil­ba­ra. AFMECO y débute sa pros­pec­tion en 1986, met en évi­dence de nom­breux indices, iden­ti­fie des zones à res­sources poten­tielles et découvre le gise­ment de Bax­ter, éva­lué à 8,1 tonnes d’or, à peine trois ans après le début de ses travaux.
L’é­tude de Bax­ter est menée jus­qu’au stade de la fai­sa­bi­li­té minière. Fina­le­ment en 1994, AFMECO, ses pros­pects et son gise­ment sont ven­dus au pro­duc­teur aus­tra­lien Plu­to­nic. La vente réus­sie du fruit de ses recherches invite Coge­ma à pour­suivre cette aventure.
Mais à la suite de ce suc­cès, tout semble para­doxa­le­ment à recons­truire. Coge­ma crée une nou­velle filiale, Mine­raus (MINEs and Resources AUS­tra­lia) qui, dans cette région très pro­met­teuse et sou­mise à une forte concur­rence, par­vient à recons­ti­tuer un por­te­feuille de titres miniers consé­quent. En deux ans, la jeune filiale par­vient à cir­cons­crire deux nou­veaux gise­ments, White Foil et Frog’s Leg à seule­ment 20 km de Kalgoorlie.
Après une étude de fai­sa­bi­li­té posi­tive ache­vée en 1999, Coge­ma, deve­nue filiale du Groupe Are­va, décide de » sau­ter le pas » en deve­nant l’o­pé­ra­teur minier de ces deux gise­ments proches dont les res­sources sont esti­mées res­pec­ti­ve­ment à 12 et 30 tonnes d’or.
La mise en exploi­ta­tion est rapide et Are­va coule son pre­mier lin­got sur White Foil à l’é­té 2002 : le rêve est deve­nu réalité.


De ses acti­vi­tés ura­nium en Aus­tra­lie, Coge­ma conserve une par­ti­ci­pa­tion de 8 % dans la socié­té ERA (deuxième pro­duc­teur d’u­ra­nium aus­tra­lien), le gise­ment de Koon­gar­ra en Nor­thern Ter­ri­to­ry (voir enca­dré) et une connais­sance géo­lo­gique du pays qui pour­rait un jour lui per­mettre de relan­cer ses acti­vi­tés de recherche. À cela deux condi­tions : une » ouver­ture » plus grande de l’Aus­tra­lie à la pro­duc­tion d’u­ra­nium et un mar­ché de l’u­ra­nium plus porteur.

KOONGARRA
un gisement d’uranium pour le futur

Des quatre gise­ments d’u­ra­nium décou­verts dans le » Top End » au début des années soixante-dix, Koon­gar­ra, situé à 225 km à l’est de Dar­win, est le plus petit, mais le plus riche (un peu plus de 12 000 tonnes d’U à 0,7 % d’U dans sa par­tie la mieux recon­nue) et contient de l’or (envi­ron 3 t).
Deux groupes cana­diens opi­niâtres, Noran­da (le décou­vreur) et Deni­son dans les années quatre-vingt, en ont suc­ces­si­ve­ment conduit le déve­lop­pe­ment et l’é­tude de fai­sa­bi­li­té jus­qu’à la mise en place de la poli­tique des trois mines.
En 1993, Coge­ma reprend les actifs ura­nium de Total et récu­père ain­si 70 % de Koon­gar­ra, tou­jours » endor­mi « . Les 30 % res­tants sont acquis à Deni­son en 1995.
Avec cette acqui­si­tion, Coge­ma a en main l’un des fleu­rons métal­lo­gé­niques du Nord aus­tra­lien. Mais les tests et études ser­vant de base au pro­jet ont par­fois un quart de siècle, Koon­gar­ra encla­vé dans le parc natio­nal du Kaka­du, clas­sé au patri­moine mon­dial, en terres abo­ri­gènes, est sou­mis à une régle­men­ta­tion dra­co­nienne et à une légis­la­tion fon­cière complexe.
La rééva­lua­tion récente du pro­jet a fina­le­ment confir­mé son inté­rêt. Des rela­tions har­mo­nieuses se sont tis­sées entre les équipes de Coge­ma et la com­mu­nau­té abo­ri­gène. Mais le vœu des pro­prié­taires tra­di­tion­nels du site, qui se sont pro­non­cés avec insis­tance en faveur de la mise en exploi­ta­tion du gise­ment, reste aujourd’­hui encore à exaucer.

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1.
Top End : extrême nord de l’Aus­tra­lie, où sont situés les prin­ci­paux gise­ments d’uranium.
2. Dis­cor­dance : sur­face de dis­con­ti­nui­té entre deux for­ma­tions géo­lo­giques, qui cor­res­pond à une période d’é­ro­sion pen­dant un arrêt de sédi­men­ta­tion. En Aus­tra­lie du Nord, comme en Sas­kat­che­wan, les dis­cor­dances cibles de la pros­pec­tion d’u­ra­nium sont d’âge pro­té­ro­zoïque (1,8 à 1,4 mil­liard d’an­nées) ; elles séparent des dépôts gré­seux hori­zon­taux repo­sant sur un socle ancien de gra­nite ou gneiss plissé.

White Foil, Australie, premier convoi minier en road train
White Foil, pre­mier convoi. © COGEMA. 

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