Renforcer la formation aux métiers de l‘eau dans le monde

Dossier : De l’eau pour tousMagazine N°683 Mars 2013
Par Jean-François DONZIER

Même s’ils sont encore insuf­fi­sants, de nom­breux inves­tis­se­ments se réa­lisent chaque année dans le sec­teur de l’eau. Mais, sou­vent, ces inves­tis­se­ments n’atteignent pas com­plè­te­ment leurs objec­tifs par suite de défauts de concep­tion, mais aus­si et sur­tout pour cause d’insuffisances mul­tiples au niveau de leur ges­tion et de leur exploitation.

Les consé­quences en sont graves, car beau­coup d’infrastructures se dégradent trop rapi­de­ment, et l’on assiste donc à un gas­pillage impor­tant de crédits.

REPÈRES
Les per­son­nels affec­tés à la ges­tion des ser­vices d’eau sont très nom­breux et les besoins de for­ma­tion impor­tants : à titre d’exemple, pour un ser­vice urbain d’eau potable des­ser­vant un mil­lion d’habitants, on estime entre 500 et 700 le nombre d’employés néces­saires, autant pour le ser­vice d’assainissement. Ce sont donc des mil­liers d’employés qu’il faut for­mer dans chaque pays. Dans le monde, des cen­taines de mil­liers d’agents, de tous niveaux, mais majo­ri­tai­re­ment de faible niveau hié­rar­chique, doivent être mis au ser­vice de la ges­tion de l’eau, et il faut assu­rer l’efficacité de leur tra­vail par un effort consi­dé­rable de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle ini­tiale et continue.

Le poids des frais de personnel

Des inves­tis­se­ments lourds
Dans les pays indus­tria­li­sés comme la France, les entre­prises et les régies du sec­teur de l’eau consacrent envi­ron 5% de leur masse sala­riale à la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle conti­nue de leurs employés.

Tous les experts insistent sur la néces­si­té de ren­for­cer les capa­ci­tés de for­ma­tion des pro­fes­sion­nels de l’eau et de déve­lop­per l’échange d’information ins­ti­tu­tion­nelle, éco­no­mique et tech­nique, afin de per­mettre une orga­ni­sa­tion plus effi­cace des usages et des ser­vices, l’optimisation des coûts, ain­si que l’exploitation et la main­te­nance opti­male des ins­tal­la­tions et réseaux d’eau muni­ci­pale, indus­trielle et agricole.

Les salaires cor­res­pondent à la moi­tié des charges glo­bales de fonctionnement

Par ailleurs, les frais d’exploitation, de main­te­nance et de renou­vel­le­ment repré­sentent envi­ron deux fois le coût des amor­tis­se­ments des inves­tis­se­ments, et les salaires cor­res­pondent à la moi­tié des charges glo­bales de fonc­tion­ne­ment des ser­vices : la main‑d’oeuvre repré­sente jusqu’à un tiers du coût total du ser­vice de l’eau.

Afin d’optimiser ce poste de dépense très impor­tant, il est indis­pen­sable de ren­for­cer les com­pé­tences des per­son­nels de tous niveaux par la for­ma­tion ini­tiale et conti­nue. Les enjeux, en termes d’efficacité des ser­vices et pour l’économie, sont majeurs.

Formation lacunaire

Dans de nom­breux pays, la for­ma­tion, ini­tiale et sur­tout conti­nue, n’a pas encore atteint un niveau suf­fi­sant, quan­ti­ta­tif et qua­li­ta­tif, pour répondre aux besoins, et elle a été trop sou­vent relé­guée à un rang secon­daire des pré­oc­cu­pa­tions encore trop tour­nées vers la seule réa­li­sa­tion prio­ri­taire d’équipements, sans sou­ci suf­fi­sant de leurs condi­tions ulté­rieures de ges­tion éco­no­mique, d’exploitation et de main­te­nance, ni prise en compte appro­priée du « grand cycle de l’eau » dans sa globalité.

Cadres Tech­ni­ciens
et maîtrise
Ouvriers
Pays en développement 1–5% 10–15% 80–89%
Pays déve­lop­pés 5–15% 25–30% 55-​70%

Il est donc indis­pen­sable de ren­for­cer les capa­ci­tés de for­ma­tion ins­ti­tu­tion­nelle, éco­no­mique et tech­nique des pro­fes­sion­nels de l’eau par­tout dans le monde. Mais les per­son­nels concer­nés sont très nom­breux et les besoins importants.

En outre, les répar­ti­tions hié­rar­chiques de ces per­son­nels sont variables selon les zones géo­gra­phiques étu­diées, mais les ouvriers et employés sont, de loin, les plus nom­breux, au moins 60 à 70%, même si les pour­cen­tages de cadres et de tech­ni­ciens tendent à s’accroître avec le niveau de déve­lop­pe­ment des dif­fé­rents pays (tableau ci-dessous).

Formation initiale ou permanente

Les besoins de for­ma­tion à satis­faire sont énormes.

De nom­breux domaines
Les besoins en for­ma­tion couvrent les domaines les plus divers : concep­tion et étude des inves­tis­se­ments, pro­gram­ma­tion et sui­vi de la réa­li­sa­tion des tra­vaux et leur récep­tion ; exploi­ta­tion et main­te­nance des ouvrages de pro­duc­tion, des réseaux, des ins­tal­la­tions de trai­te­ment ; admi­nis­tra­tion et orga­ni­sa­tion des ser­vices, ges­tion indus­trielle et com­mer­ciale, comp­ta­bi­li­té, direc­tion des res­sources humaines, rela­tions avec les usa­gers et abon­nés, maî­trise des res­sources en eau, tant en quan­ti­té qu’en qua­li­té, etc.

Il faut prendre en compte à la fois les besoins en for­ma­tion ini­tiale diplô­mante, pour four­nir au sec­teur les jeunes pro­fes­sion­nels com­pé­tents dont il a grand besoin, et les besoins en for­ma­tion per­ma­nente et conti­nue des per­son­nels en place, afin de per­mettre une réelle qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle, qui reste en géné­rale insuf­fi­sante – voire inexis­tante –, recy­cler les agents et les adap­ter aux modes de ges­tion éco­no­mique moderne, aux nou­velles tech­no­lo­gies, aux rela­tions avec les usa­gers et faci­li­ter leur évo­lu­tion de carrière.

Il faut répondre aux besoins des admi­nis­tra­tions natio­nales ou locales, des ser­vices col­lec­tifs publics et pri­vés des eaux, ain­si que des sec­teurs éco­no­miques indus­triels ou agri­coles, notam­ment, dans des domaines très variés.

Il faut, en outre, déve­lop­per une exper­tise de haut niveau pour répondre à des besoins spé­ci­fiques : hydro­mé­téo­ro­lo­gie, des­sa­le­ment de l’eau de mer, réuti­li­sa­tion des eaux usées épu­rées, recharge de nappes, uti­li­sa­tion de tech­no­lo­gies non conven­tion­nelles ou adap­tées aux contextes locaux, pré­ven­tion des patho­lo­gies d’origines hydriques, etc.

Des solutions avant tout locales

Si les solu­tions de for­ma­tion expa­triée d’ingénieurs dans les pays les plus déve­lop­pés res­tent utiles, au moins pour cer­taines spé­cia­li­tés encore rap­pe­lées ci-des­sus et pour les­quelles les capa­ci­tés d’accueil doivent être ren­for­cées, elles ne concernent qu’une infime mino­ri­té des besoins à satis­faire et c’est donc sur place, dans chaque pays, qu’il faut créer ou ren­for­cer, à court terme, les capa­ci­tés locales de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle, pour pou­voir faire face aux besoins, notam­ment en termes quan­ti­ta­tifs, compte tenu des effec­tifs en cause, de façon appro­priée et adap­tée à la diver­si­té des situa­tions, ain­si que dans la langue des agents concer­nés et à un prix de revient com­pa­tible avec l’économie locale.

Cela signi­fie que la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle doit être assu­rée par des éta­blis­se­ments locaux ou régio­naux et avec des équipes de for­ma­teurs autochtones.

Apports aux pays émergents

Dans chaque pays, il faut ren­for­cer les capa­ci­tés locales de for­ma­tion professionnelle

La France dis­pose d’une expé­rience recon­nue de la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle dans le sec­teur de l’eau, qu’elle peut mettre au ser­vice des pays qui le demandent.

Il est inutile de reve­nir sur le rôle d’accueil en France d’étudiants étran­gers, en for­ma­tion ini­tiale, de nos uni­ver­si­tés et grandes écoles d’ingénieurs, qui doit être encore déve­lop­pé, notam­ment pour offrir aus­si des for­ma­tions de haut niveau inter­na­tio­nal à des étu­diants non francophones.

Le rôle des écoles inter-États de Oua­ga­dou­gou, 2IE, lar­ge­ment sou­te­nues par la coopé­ra­tion fran­çaise, est pri­mor­dial en Afrique de l’Ouest.

Dans le domaine de la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle conti­nue, on recense plus de 200 stages « eau », dans toutes les dis­ci­plines, ins­crits aux cata­logues propres d’une ving­taine d’établissements d’enseignement supé­rieur fran­çais actifs dans ce domaine.

Le rôle pivot de l’OIEau

L’Office inter­na­tio­nal de l’eau est le pivot de la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle conti­nue du sec­teur de l’eau en France. En 2012, il a accueilli plus de sept mille sta­giaires dans les deux éta­blis­se­ments de son Centre natio­nal de for­ma­tion aux métiers de l’eau (CNFME) de Limoges et de La Sou­ter­raine. Pour 2013, le CNFME pro­pose au total plus de 300 thèmes de stages, répar­tis sur plus de 500 ses­sions de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle conti­nue tout au long de l’année, dans un cata­logue qui couvre toutes les thé­ma­tiques nécessaires.

Dans le cadre de la coopé­ra­tion inter­na­tio­nale, l’Office accueille évi­dem­ment des sta­giaires étran­gers ou orga­nise des for­ma­tions dans les pays qui le demandent, mais sur­tout il apporte son appui à des orga­nismes de for­ma­tion homo­logues pour qu’ils déve­loppent eux-mêmes des com­pé­tences locales effi­caces dans le cadre d’une rela­tion per­ma­nente fon­dée sur un réel partenariat.

L’OIEau peut alors inter­ve­nir pour l’ingénierie de créa­tion ou de ren­for­ce­ment de centres de for­ma­tion locaux ou régio­naux aux métiers de l’eau, pour la for­ma­tion de for­ma­teurs et pour la four­ni­ture d’une docu­men­ta­tion péda­go­gique adap­tée aux besoins spé­ci­fiques de chaque pays où il intervient.

Maquette du centre de formation aux métiers de l'eau en Arabie Saoudite.
Centre de for­ma­tion en Ara­bie Saoudite
Pla­te­formes pédagogiques
L’OIEau, outre une équipe per­ma­nente de trente-deux for­ma­teurs expé­ri­men­tés, épau­lés par des experts confé­ren­ciers pour des domaines très spé­cia­li­sés, offre un équi­pe­ment excep­tion­nel de pla­te­formes péda­go­giques, repro­dui­sant les condi­tions exactes de tra­vail des sta­giaires et spé­cia­le­ment conçues pour la for­ma­tion tech­no­lo­gique aux métiers de l’eau, consti­tuant un ensemble unique en Europe à cette échelle.

Centres asso­ciés
L’Office inter­na­tio­nal de l’eau est inter­ve­nu ou conti­nue d’intervenir depuis plus de vingt ans dans des pays comme l’Arabie Saou­dite, le Kenya, le Maroc, le Nige­ria, la Tuni­sie, par exemple, pour ren­for­cer des éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés pré­exis­tants, mais aus­si en Afrique du Sud, en Algé­rie, au Bré­sil, au Laos, au Liban, au Mexique, en Pales­tine, en
Pologne en Rou­ma­nie ou au Viêt Nam, pour étu­dier et appuyer la créa­tion de toutes pièces de nou­veaux centres de for­ma­tion s’inspirant de ses propres prin­cipes péda­go­giques. Ces centres asso­ciés forment main­te­nant chaque année plu­sieurs mil­liers de pro­fes­sion­nels de tous les niveaux dans leurs pays respectifs.

Priorité à la formation

La for­ma­tion pro­fes­sion­nelle doit deve­nir une prio­ri­té de l’aide publique au déve­lop­pe­ment, car, dans une majo­ri­té de pays, il n’existe pas encore de moyens réels de for­ma­tion conti­nue et sou­vent ini­tiale appro­priée des pro­fes­sion­nels de l’eau.

Créer des éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés pou­vant répondre aux besoins énormes du secteur

Dans ces pays, il est indis­pen­sable de créer des éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés (centres de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle) pou­vant répondre aux besoins énormes du sec­teur, notam­ment en effec­tifs de tous les niveaux hié­rar­chiques, et en prio­ri­té aux besoins en eau potable, assai­nis­se­ment et irri­ga­tion col­lec­tive. Il paraît indis­pen­sable de condi­tion­ner les aides des don­neurs inter­na­tio­naux, dans le cadre des finan­ce­ments des infra­struc­tures du sec­teur de l’eau, à des garan­ties plus fortes sur la ges­tion, l’exploitation et la main­te­nance des ins­tal­la­tions finan­cées, ce qui passe par un sou­tien à des pro­jets de créa­tion et de ren­for­ce­ment des centres de for­ma­tion dans les pays prio­ri­taires. C’est ce que recom­mande le Réseau inter­na­tio­nal des centres de for­ma­tion aux métiers de l’eau (RICFME), qui a été créé en novembre 2008 à Paris pour fédé­rer les éta­blis­se­ments exis­tant dans le monde entier. Là où il n’en existe pas, la créa­tion de centres tech­niques de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle, orien­tés notam­ment vers la for­ma­tion conti­nue des per­son­nels, devrait être une condi­tion préa­lable des aides aux infrastructures.

La for­ma­tion pro­fes­sion­nelle est un inves­tis­se­ment ren­table. Par­tout où la for­ma­tion des per­son­nels des ser­vices des eaux a été suf­fi­sam­ment déve­lop­pée, on observe des pro­grès rapides dans l’amélioration de la qua­li­té des ser­vices four­nis à la popu­la­tion. Il faut abso­lu­ment pour­suivre dans cette voie.

Commentaire

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Ano­ny­me­Lo­ran­gil Louissaintrépondre
10 avril 2013 à 16 h 30 min

Demande d’in­for­ma­tion

Je suis Loran­gil Louis­saint un spe­cia­liste en ges­tion de res­sources en eau pour la san­té des per­sonnes. J’ha­bite en Hai­ti et je suis haitien,je cherche une orga­ni­sa­tion inter­na­tio­nale qui tra­vaille dans le domaine de l’eau pour que puisse se déve­lop­per mes capa­ci­tés d’or­ga­ni­sa­tion, en deve­nant membres si c’est pos­sible Merci

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