Réforme fiscale « verte » : rendez-vous dans trente ans

Dossier : Environnement et FiscalitéMagazine N°534 Avril 1998
Par Michel COHEN De LARA (81)

La vie de rêve d’Élisa

La vie de rêve d’Élisa

Éli­sa se réveilla avant l’heure. Une belle jour­née s’an­non­çait. Ce matin, elle irait faire ses courses à vélo ; c’é­tait agréable avec une cir­cu­la­tion auto­mo­bile réduite, grâce notam­ment à un par­tage plus équi­table de la voi­rie entre les dif­fé­rents modes de trans­port et au péage urbain élec­tro­nique (dont les recettes com­pen­saient les pertes fis­cales résul­tant de la baisse du ver­se­ment trans­port et des droits de muta­tion immo­bi­lière). II est vrai qu’elle devait s’ap­pro­vi­sion­ner en quan­ti­té aujourd’­hui ; bah ! si c’é­tait trop lourd, elle ferait appel au ser­vice de livrai­son. Il fau­drait ensuite s’oc­cu­per des billets de train pour les vacances et de la loca­tion de la voi­ture à l’ar­ri­vée. Après quoi, un après-midi de tra­vail (cinq minutes aller, cinq minutes retour…à pied).

« Bon­jour « ! Le radio-réveil s’é­tait mis en marche et un jour­na­liste égre­na les nou­velles du jour. « Aujourd’­hui 1er avril 2030, le gou­ver­ne­ment pré­sente sa loi de finances. Et, comme tou­jours depuis trente ans, baisse des charges frap­pant le tra­vail et hausses des taxes sur les éner­gies fos­siles. (…) Et après les infor­ma­tions, nous aurons notre bul­le­tin quo­ti­dien sur le déve­lop­pe­ment durable où nous ferons le point sur les actions en matière de pré­ven­tion des chan­ge­ments cli­ma­tiques. » En 2000, qui aurait ima­gi­né une radio de ser­vice public accor­dant une place signi­fi­ca­tive et régu­lière à un sujet on ne peut plus public .. . la pré­ser­va­tion de l’en­vi­ron­ne­ment ? Le per­son­nel média­tique avait bien chan­gé en une tren­taine d’années !

« Les cossards au pouvoir »

Eli­sa se sou­ve­nait de ce jour du 1″ avril 2000 où le gou­ver­ne­ment avait annon­cé son inten­tion de revoir pro­gres­si­ve­ment la fis­ca­li­té dans le sens d’un déve­lop­pe­ment durable , sans aug­men­ter la pres­sion glo­bale, mais en dépla­çant ses assiettes du tra­vail vers les pol­lu­tions ou les res­sources natu­relles. Par miracle, le pays avait eu la chance d’a­voir un diri­geant… pares­seux ! Epui­sé par son ascen­sion au pou­voir, il ne se voyait pas pas­ser son temps et dépen­ser l’argent de l’É­tat à éteindre les incen­dies que ce der­nier contri­buait lui-même à allu­mer. Conscient de ne pas tout savoir, il vou­lait mobi­li­ser l’in­for­ma­tion là où elle se trou­vait. Si le mar­ché pou­vait se char­ger d’une par­tie du tra­vail, il se « conten­te­rait » volon­tiers de sim­ple­ment en cor­ri­ger les imper­fec­tions lors­qu’il ne pou­vait pas prendre en compte spon­ta­né­ment cer­tains enjeux (effets externes, pré­lè­ve­ments de res­sources non renou­ve­lables, etc.).

« Dieu me garde de mes amis … »

Au début il avait fal­lu pré­pa­rer les dos­siers en concer­ta­tion avec les par­te­naires concer­nés : indus­tries fortes consom­ma­trices d’éner­gie, indus­tries de main-d’oeuvre, trans­port rou­tier, trans­port col­lec­tif, agri­cul­teurs, ménages, admi­nis­tra­tions . asso­cia­tions, etc.

Taxer les éner­gies fos­siles ne sou­le­vait pas a prio­ri l’en­thou­siasme – et c’é­tait com­pré­hen­sible – du côté des uti­li­sa­teurs, mais ils étaient rejoints en cela par d’é­tranges alliés. Cer­tains défen­seurs de l’en­vi­ron­ne­ment se méfiaient des ins­tru­ments éco­no­miques car ils y voyaient une pos­si­bi­li­té d’ap­pro­pria­tion de l’en­vi­ron­ne­ment par les plus riches ; ceci avait pro­vo­qué des blo­cages notam­ment contre l’ins­tau­ra­tion de péages de régu­la­tion en zone urbaine.

Éton­nant de voir com­bien cer­tains redé­cou­vraient des pro­blèmes sociaux – bien réels – pré­ci­sé­ment lorsque des mesures de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment étaient envi­sa­gées. Le gou­ver­ne­ment était som­mé de répondre aux cri­tiques sur le carac­tère « socia­le­ment injuste » de la réforme : « vous allez faire mou­rir les per­sonnes âgées de froid en leur fai­sant payer le chauf­fage au prix fort « , « com­ment vont faire les ménages modestes pour se dépla­cer en cas de péage urbain et de baisse des sub­ven­tions au trans­port col­lec­tif « , etc. À ces slo­gans, il pou­vait en oppo­ser d “autres – » impôt pour impôt, plu­tôt le « pétro » que le bou­lot » – mais il s’en tenait à une ligne direc­trice simple de trai­te­ment sépa­ré des pré­oc­cu­pa­tions sociales et écologiques.

L’écologique et le social

Les pré­lè­ve­ments sur les res­sources non renou­ve­lables (pétrole, gaz, etc.) ou fra­giles (eau, etc.) ou rares (espace urbain) et sur les pol­lu­tions seraient gui­dés par des consi­dé­ra­tions éco­lo­giques. En effet, l’u­sage de l’en­vi­ron­ne­ment étant un fac­teur de pro­duc­tion – ne serait-ce que par son rôle de res­source (consom­ma­tion d’eau de l’a­gri­cul­ture , consom­ma­tion d’es­pace par l’ur­ba­ni­sa­tion et le trans­port, bio­di­ver­si­té) et d’exu­toire (rejets dans l’air, dans l’eau, de pol­luants dont on confie l’é­pu­ra­tion ou l’ac­cu­mu­la­tion aux équi­libres natu­rels) – il lui fal­lait un prix et un droit, comme le capi­tal , les matières pre­mières, la main-d’oeuvre.

Par exemple, les émis­sions de CO2 étant contin­gen­tées, l’E­tat émet­trait des » droits à pol­luer » (oh ! par­don ! des » per­mis d’é­mettre une quan­ti­té limi­tée de pol­luant »). En ver­tu du prin­cipe pol­lueur-payeur, ces per­mis seraient mis aux enchères, et les recettes col­lec­tées iraient au bud­get de l’E­tat, qui bais­se­rait d’autres pré­lè­ve­ments obli­ga­toires pour ne pas alour­dir la pres­sion fis­cale dans son ensemble.

Côté social, on main­tien­drait l’im­pôt sur le reve­nu en le sim­pli­fiant , mais la grande nou­veau­té, c’é­tait un pro­jet de loi ins­tau­rant un reve­nu mini­mum garan­ti à tous (reve­nu de citoyen­ne­té, allo­ca­tion uni­ver­selle) . Ce reve­nu devait notam­ment per­mettre de cou­vrir cer­tains besoins mini­maux, par exemple en éner­gie (plus chère, mais uti­li­sée plus rationnellement).

Bien sûr, pour ne pas alour­dir la pres­sion fis­cale, cette redis­tri­bu­tion directe aux per­sonnes se sub­sti­tue­rait pro­gres­si­ve­ment au maquis exis­tant de sub­ven­tions en tous genres. Enfin , l’im­pact social de la baisse des charges sur le tra­vail était à prendre en compte : par exemple, la baisse des charges sur les bas salaires était un obs­tacle de moins dans l’embauche de deman­deurs d’emploi peu qualifiés.

Un mouvement entraîné par son succès

Le 1er avril 2000… Tout le monde avait cru que c’é­tait une blague. Trente ans après , Éli­sa esti­mait que c’é­tait une bonne blague. On avait fait men­tir l’a­dage sur les plai­san­te­ries les plus courtes… car le mou­ve­ment avait duré, entraî­né par son propre suc­cès. Sa dyna­mique avait dépas­sé les pro­jec­tions four­nies par les éva­lua­tions éco­no­miques pru­dentes de l’époque.

Mur anti-bruitLa vie d’É­li­sa était plus simple. Avec la baisse des charges sur le tra­vail, un obs­tacle à l’embauche avait été levé, et il était plus facile de trou­ver un emploi que du temps de ses parents. En outre, en décon­nec­tant en par­tie emploi et reve­nu grâce au reve­nu mini­mum garan­ti, on était peu à peu par­ve­nu à décris­per les ten­sions autour du tra­vail. Et que dire de la sim­pli­ci­té appor­tée par ce mode de redis­tri­bu­tion directe sans condi­tions aux indi­vi­dus : il n’y avait plus besoin de faire des queues aux gui­chets, de rem­plir des for­mu­laires accom­pa­gnés de mul­tiples pho­to­co­pies de docu­ments, d’en­voyer des cour­riers, etc. , pour récla­mer les aides aux­quelles on avait droit.

L’im­pôt n’a­vait pas dis­pa­ru pour autant ; il avait même retrou­vé une cer­taine légi­ti­mi­té. L’im­pôt sur le reve­nu était pro­gres­sif ; les prix des car­bu­rants crois­saient régu­liè­re­ment ; l’u­sage de la voi­rie urbaine était tari­fé ; on payait les trans­ports en com­mun à leur coût, etc. On payait… mais on savait pour­quoi. Ain­si, en 2030, un litre d’es­sence coû­tait bien plus cher qu’un litre d’ex­cellent vin. On pou­vait tou­jours dis­cu­ter à l’in­fi­ni pour savoir lequel de ces pro­duits il était plus sage de consom­mer avec modé­ra­tion, mais il n’é­tait pas dérai­son­nable d’im­po­ser plus for­te­ment une res­source natu­relle non renou­ve­lable ayant mis des cen­taines de mil­lions d’an­nées à se consti­tuer qu’une res­source tout aus­si natu­relle, mais renou­ve­lable et met­tant quelques années ou dizaines d’an­nées à deve­nir un pro­duit de valeur.

Du côté des entre­prises, la majo­ri­té d’entre elles appré­ciait une fis­ca­li­té assise sur l’éner­gie. Quand l’ac­ti­vi­té éco­no­mique était faible, la charge fis­cale l’é­tait éga­le­ment… alors qu’a­vant les charges sur le tra­vail pesaient lour­de­ment en période dif­fi­cile. Là aus­si, la quan­ti­té de for­mu­laires, les pour­cen­tages chan­geants, les coti­sa­tions diverses et variées, déduc­tibles ou non, etc. , tout ceci avait été oublié…

Pour cer­taines entre­prises grosses consom­ma­trices d’éner­gie, pour le trans­port rou­tier, pour les agri­cul­teurs, etc., cela avait été indé­nia­ble­ment dif­fi­cile au début. Mais la réforme avait été pro­gres­sive, per­met­tant d’an­ti­ci­per et de sus­ci­ter le pro­grès tech­nique dans le domaine des pro­cé­dés et des moteurs, de chan­ger peu à peu les modes d’oc­cu­pa­tion de l’es­pace, ou d’u­sage des sols, de l’eau, etc.

Et du côté de l’É­tat, eh bien, une taxe assise sur l’éner­gie avait le mérite d’être simple à recou­vrer. De plus, les dépenses de l’É­tat étaient moindres qu’au­pa­ra­vant. Par exemple, il y avait moins besoin d’en­glou­tir des mil­liards de francs dans des pro­grammes déme­su­rés d’in­fra­struc­tures de trans­port quand le coût du trans­port s’é­le­vait et rédui­sait ain­si le tra­fic. La décrois­sance des coûts sociaux de pol­lu­tion, de san­té, mais aus­si d’in­dem­ni­sa­tion chô­mage allait dans le même sens.

En 2010

Éli­sa se sou­ve­nait qu’en 2010 elle avait déci­dé de ne pas rem­pla­cer sa deuxième voi­ture défaillante ; le foyer com­por­tait alors seule­ment un petit véhi­cule à moteur hybride acquis quelques années aupa­ra­vant. Avec la détente sur le mar­ché du tra­vail, et l’ap­pa­ri­tion de nom­breux besoins en ser­vices de proxi­mi­té (favo­ri­sés par la baisse du coût du tra­vail et la hausse du prix du trans­port), elle avait pu trou­ver un emploi assez près de chez elle et s’y rendre en trans­port en commun.

Quand la famille avait besoin d’une voi­ture de taille impor­tante pour les vacances, il suf­fi­sait de la louer (un » livreur » vous l’a­me­nait à domi­cile et repar­tait avec son vélo pliant !). En effet, on trou­vait quan­ti­té de socié­tés de loca­tion de véhi­cules avec des flottes qui avaient béné­fi­cié des inno­va­tions tech­no­lo­giques (maté­riaux légers, moteurs, etc.) sus­ci­tées par la hausse des prix des carburants.

Éli­sa avait aus­si pu embau­cher une per­sonne à domi­cile pour faire gar­der ses enfants, sans tra­cas­se­ries admi­nis­tra­tives, sans aides par-ci, sans charges par-là ..

En 2020

En 2020 , avec la qua­si-dis­pa­ri­tion des droits de muta­tion immo­bi­lière et une épargne accu­mu­lée, elle avait pu acqué­rir un loge­ment à proxi­mi­té de son lieu de tra­vail. Un appar­te­ment dans un immeuble réha­bi­li­té du centre-ville bien sûr… car la réha­bi­li­ta­tion s’a­vé­rait bien plus créa­trice d’emplois que la construc­tion d’u­ni­tés de loge­ments neufs en périphérie.

Tout n’était pas rose

Bon, tout n’é­tait pas rose et le sys­tème avait aus­si ses dérives. 11 avait par exemple fal­lu se mobi­li­ser contre un pro­jet de pri­va­ti­sa­tion d’es­paces natu­rels au motif qu’ils seraient ain­si mieux pro­té­gés qu’ils ne l’é­taient jus­qu’a­lors ! Pour Éli­sa, il y avait une dif­fé­rence entre éco­no­mie de mar­ché et socié­té de marché.

Et main­te­nant, en 2030 ..

Le cauchemar d’Alizé

Ali­zé se réveilla en hur­lant. C’é­tait encore ce fichu cau­che­mar qui la ren­dait folle ! Qui pou­vait croire à ces sor­nettes de vie para­di­siaque, à ces « uto­pies fis­ca­lo-éco­lo­gistes »… La meilleure, c’é­tait encore cette his­toire de diri­geant pares­seux ! Un comble… sur­tout quand elle se rap­pe­lait la suc­ces­sion de » bos­seurs » qui avaient occu­pé le poste, et avaient été sur les fronts de tous les incen­dies (allez leur par­ler de réduc­tion du temps de travail !).

Ali­zé rêvait régu­liè­re­ment d’É­li­sa et de sa vie heu­reuse dans son monde de « signaux-prix ». Si ces cau­che­mars déli­rants per­sis­taient, il fau­drait qu’elle aille consul­ter un psy­chiatre. Elle se pin­ça et répé­ta tout haut : « je m’ap­pelle Azi­lé, je ne suis pas folle, et nous sommes le 1er avril 2030 « . Une dure jour­née en pers­pec­tive. La radio annon­çait une forte tem­pête (une de plus !), et il y avait tou­jours ces troubles sociaux dans la cin­quième cou­ronne (cin­quième ou sixième ? l’ag­glo­mé­ra­tion s’é­tait tel­le­ment éta­lée qu’elle ne s’en sou­ve­nait plus). Elle cou­pa le poste. Elle ne sup­por­tait plus la rubrique « Un avo­cat vous conseille « .

Il est vrai que les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs avaient empi­lé des couches et des couches de régle­men­ta­tions et de normes pour s’at­ta­quer notam­ment aux innom­brables pro­blèmes de pol­lu­tion. De ce côté-là, c’é­tait béné­fique en termes d’emploi … d’hommes de loi. La socié­té pas­sait son temps en pro­cès. Et bien sûr, dans cet ensemble de règles par­fois contra­dic­toires, seuls ceux qui en avaient les moyens pou­vaient s’y retrou­ver. Ali­zé habi­tait loin de tout, dans un pavillon qu’elle avait fait construire il y a trente ans avec moult sub­ven­tions et prêts publics dans ce qui était alors la troi­sième cou­ronne. Le prix était inté­res­sant et le cadre agréable. Bien sûr, elle avait dû ache­ter une voi­ture, mais l’en­semble coû­tait alors moins cher qu’un appar­te­ment en centre-ville.

Les bonnes intentions de l’an 2000 … et l’enfer en 2010

En 2010, Ali­zé avait per­du son emploi . Dom­mage, elle ne pas­sait qu’une heure et demie en voi­ture pour y aller (aller retour bien sûr). Depuis des années, les charges n’a­vaient ces­sé de peser sur le tra­vail pour com­bler des trous publics sans fonds (indem­ni­sa­tion chô­mage , sub­ven­tions et inves­tis­se­ments en tous genres, etc.). Elle venait à peine de s’a­che­ter – grâce à des primes de l’É­tat – un nou­veau modèle auto­mo­bile, peu pol­luant et à consom­ma­tion réduite. Mal­gré les accords volon­taires pris par les construc­teurs auto­mo­biles pour réduire les consom­ma­tions uni­taires des véhi­cules, il n’a­vait pas été pos­sible de res­pec­ter les enga­ge­ments natio­naux en matière d’é­mis­sions de gaz à effet de serre. Avec des moteurs plus sobres, on consom­mait moins pour par­cou­rir un kilo­mètre et, comme l’É­tat se refu­sait à aug­men­ter la fis­ca­li­té sur les car­bu­rants, il en coû­tait encore moins qu’au­pa­ra­vant pour se dépla­cer, aug­men­tant ain­si l’at­trac­ti­vi­té du mode rou­tier et relan­çant les tra­fics à la hausse par leur sen­si­bi­li­té au prix. Cette baisse des coûts de dépla­ce­ment arran­geait Ali­zé qui avait pu trou­ver un emploi à trois heures de chez elle (certes, elle pou­vait aller où elle vou­lait, mais quand aurait-elle eu le temps de le faire ?).

Comme le prix du trans­port rou­tier bais­sait, le trans­port col­lec­tif était en situa­tion de concur­rence dif­fi­cile. Cer­tains défen­seurs de l’en­vi­ron­ne­ment n’en­vi­sa­geaient comme solu­tion que des sub­ven­tions sup­plé­men­taires pour le trans­port public, plu­tôt que la maî­trise de la demande de trans­port. En l’ab­sence de pré­lè­ve­ment sur la cir­cu­la­tion auto­mo­bile (péage urbain), on avait aug­men­té le ver­se­ment trans­port pour four­nir des recettes, alour­dis­sant une fois de plus le coût du tra­vail. En outre, au nom de l’in­ter­mo­da­li­té, on avait créé des sys­tèmes de type » carte orange » per­met­tant de se dépla­cer sur une cen­taine de kilo­mètres de rayon pour un prix for­fai­taire modique. Les trans­ports en com­mun étaient pleins … mais l’ag­glo­mé­ra­tion était encore plus dis­per­sée qu’au­pa­ra­vant et les dépla­ce­ments de plus en plus longs et nom­breux. L’en­fer en 2010 était pavé des bonnes inten­tions de l’an 2000.

En 2020

En 2020, l’ef­fet de serre com­men­çait à sérieu­se­ment inquié­ter, suite à des séries d “évé­ne­ments cli­ma­tiques extrêmes (et à la faillite de quelques socié­tés de réas­su­rance). En outre, les prix du pétrole s’é­taient mis à grim­per car tous les pays en déve­lop­pe­ment s’ap­pro­vi­sion­naient dans le Golfe per­sique, qui était qua­si­ment la seule res­source res­tante. Du côte des moteurs, on pou­vait encore gagner un peu côté consom­ma­tion, mais pas autant qu’en 2000. Comme on n’a­vait pas tou­ché au prix du trans­port, la dépen­dance à l’é­gard du mode rou­tier s’é­tait accrue.

La situa­tion deve­nait dif­fi­cile pour Ali­zé : le super­mar­ché le plus proche était à vingt kilo­mètres, l’é­cole de ses enfants à dix … En quelques années, son bud­get dépla­ce­ment avait dépas­sé son bud­get loge­ment. En outre, ses jour­nées étaient fati­gantes et elle ne pou­vait même pas embau­cher quel­qu’un pour s’oc­cu­per de ses enfants tel­le­ment elle aurait eu de charges à payer.

Elle aurait aimer démé­na­ger, mais qui vou­lait de son pavillon à pré­sent ? Sans comp­ter les droits de muta­tion qui décou­ra­geaient tout éven­tuel ache­teur ‑assez fou pour envi­sa­ger de vivre dans ces franges urbaines abandonnées.

Tout n’était pas sombre

Bien sûr, tout n’é­tait pas sombre, tout au moins pas pour tout le monde. Devant les pro­tes­ta­tions indi­gnées contre le péage urbain élec­tro­nique – « réta­blis­se­ment de l’oc­troi », « seuls les riches pour­ront cir­cu­ler ». « atteinte à la liber­té de l’au­to­mo­bi­liste « , etc. – et la néces­si­té de lut­ter contre la pol­lu­tion atmo­sphé­rique et le bruit, on avait res­treint l’ac­cès aux centre-villes aux véhi­cules peu pol­luants. Total, seuls ceux qui pou­vaient acqué­rir ces modèles récents et chers cir­cu­laient… et cir­cu­laient bien ! Si, en plus, ils habi­taient en centre-ville, ils béné­fi­ciaient de trans­ports col­lec­tifs sub­ven­tion­nés. Pour­quoi se plain­draient-ils ? Et en plus ils avaient un cadre de vie agréable et béné­fi­ciaient du sys­tème de pro­tec­tion sociale assis sur les reve­nus du travail.
En 2030…

Un avenir incertain

La conduc­trice se réveilla brus­que­ment. Elle s’é­tait assou­pie au volant et un coup de klaxon l’a­vait fait sur­sau­ter. Ces » rêves gigognes » se repro­dui­saient de plus en plus souvent.
Quelles caricatures !

On était le 1er avril 2000 et l’a­ve­nir était incertain.

Poster un commentaire