« Réconcilier les Français avec le progrès scientifique et technologique »

Dossier : ExpressionsMagazine N°650 Décembre 2009

(les choix des pas­sages du dis­cours et les inter­titres sont de la Rédaction).

Dans un monde de com­pé­ti­tion accrue, la force de la France dépen­dra essen­tiel­le­ment de son poten­tiel scien­ti­fique et tech­nique. En ces temps d’in­cer­ti­tude et de scep­ti­cisme, notre foi dans le pro­grès est essen­tielle parce que c’est elle qui nour­rit notre volon­té et notre capa­ci­té de bâtir l’a­ve­nir. Bien sûr, l’hu­ma­ni­té peut, par incons­cience et égoïsme, emprun­ter les che­mins de sa des­truc­tion. Le lent pro­ces­sus de réchauf­fe­ment de la pla­nète et l’é­pui­se­ment de ses res­sources natu­relles consti­tuent un aver­tis­se­ment sans appel. Mais pour autant, la peur de l’a­ve­nir ne peut gui­der nos actes. Nous devons croire au pro­grès, nous devons croire dans la puis­sance de la science. Nous devons y croire avec pas­sion mais aus­si avec raison. 

Une œuvre collective

» Nous devons croire au pro­grès, nous devons croire dans la puis­sance de la science. Nous devons y croire avec pas­sion mais aus­si avec raison »

Le pro­grès scien­ti­fique est une œuvre col­lec­tive et c’est la rai­son pour laquelle nous avons réfor­mé nos uni­ver­si­tés et moder­ni­sé nos orga­nismes de recherche pour essayer de mieux les ancrer dans notre pay­sage éco­no­mique et social. À Palai­seau, l’É­cole poly­tech­nique s’est enga­gée à par­ti­ci­per acti­ve­ment à la consti­tu­tion d’un consor­tium scien­ti­fique et tech­no­lo­gique de l’en­ver­gure du MIT.

L’É­cole poly­tech­nique a déjà com­men­cé à conclure des par­te­na­riats. Elle devra encore les mul­ti­plier avec les acteurs pré­sents et à venir du pla­teau de Saclay. Son niveau d’ex­cel­lence l’ap­pelle à jouer un rôle moteur auprès de ses par­te­naires. Tous les acteurs du Pla­teau sont concer­nés par la construc­tion de ce pôle scien­ti­fique que nous vou­lons de niveau mon­dial. La dyna­mique est enclen­chée. Elle doit impé­ra­ti­ve­ment se pour­suivre, et prin­ci­pa­le­ment dans deux direc­tions : la recherche et la tech­no­lo­gie et l’é­mer­gence d’un grand campus. 

Recherche et technologie


Natha­lie Kos­cius­ko-Mori­zet (92), Marion Guillou (73) et le Pre­mier ministre Fran­çois Fillon lors de la Pré­sen­ta­tion au dra­peau de la pro­mo­tion X 2008

D’i­ci 2011, nous avons pré­vu de dou­bler le poten­tiel de recherche du Cam­pus. Il repré­sente déjà 1 600 per­sonnes, répar­ties dans 21 labo­ra­toires conjoints à l’É­cole poly­tech­nique et d’autres orga­nismes. Depuis mai der­nier, la col­la­bo­ra­tion de l’É­cole poly­tech­nique avec l’u­ni­ver­si­té Paris-Sud a débou­ché sur la créa­tion d’un double diplôme. C’est une avan­cée dans le décloi­son­ne­ment des uni­ver­si­tés et des grandes écoles ; elle doit être pour­sui­vie. Enfin, le regrou­pe­ment des pôles de recherche par­ta­gé en quatre domaines va dans le bon sens. 

Un grand campus

Deuxième direc­tion, pour faire émer­ger un grand cam­pus dédié à la tech­no­lo­gie : l’É­cole poly­tech­nique doit déve­lop­per des par­te­na­riats pri­vi­lé­giés avec les entre­prises. C’est tout ce qu’at­tendent celles qui ont choi­si d’é­ta­blir sur le Pla­teau leurs centres de recherche et développement.

La géné­ra­li­sa­tion des chaires d’en­sei­gne­ment et de recherche sou­te­nues par les entre­prises répond à la même logique.

Mais les ver­tus de cette logique de soli­da­ri­té ne por­te­ront tous leurs fruits que si on les marie à une solide inté­gra­tion dans l’en­vi­ron­ne­ment local. Avec le pro­jet du pla­teau de Saclay, nous vou­lons prendre de l’a­vance. Nous avons adop­té la logique de clus­ters encou­ra­gée au niveau euro­péen et inter­na­tio­nal. C’est en concen­trant tous les acteurs de la chaîne de l’in­no­va­tion que l’on peut sus­ci­ter décou­vertes, trans­ferts de tech­no­lo­gie et créa­tion de richesses et d’emplois. 

Diversité

Dans le grand bou­le­ver­se­ment de la mon­dia­li­sa­tion, la France a plus que jamais besoin que ses élites soient conscientes de leur res­pon­sa­bi­li­té éthique et sociale au ser­vice de la Nation.

Le jour venu, soyez des diri­geants éclai­rés et ouverts. Ne cher­chez pas à vous entou­rer uni­que­ment des gens qui vous res­semblent. La diver­si­té des points de vue, des cultures, des tem­pé­ra­ments, des for­ma­tions est une richesse pour toutes les orga­ni­sa­tions dans les­quelles vous serez ame­nés à exer­cer vos talents. La soli­da­ri­té his­to­rique qui anime le réseau des poly­tech­ni­ciens est fon­da­men­tale ; mais sachez aus­si aller plus loin et osez recru­ter des col­la­bo­ra­teurs d’o­ri­gines diverses, cette diver­si­té est un inves­tis­se­ment que vous ne regret­te­rez pas. 

Féminisation

Je crois néces­saire d’en­cou­ra­ger les femmes à s’en­ga­ger dans les sciences. Ce n’est pas parce que c’en est une qui dirige votre Conseil d’ad­mi­nis­tra­tion que l’on peut igno­rer qu’elles sont seule­ment autour de 18 % à l’É­cole poly­tech­nique. Ce n’est natu­rel­le­ment pas un pro­blème d’ap­ti­tude, c’est un pro­blème culturel.

En tolé­rant que les filles soient détour­nées de branches pro­fes­sion­nelles por­teuses d’emploi, nous pri­vons notre socié­té de res­sources indis­pen­sables à son déve­lop­pe­ment. Pour que les com­por­te­ments changent, nous avons ensemble une action de sen­si­bi­li­sa­tion déci­sive à mener auprès de nos concitoyens. 

Innovation

À l’is­sue de votre for­ma­tion, une grande part d’entre vous choi­si­ra la recherche et l’ex­per­tise tech­nique. Je ne peux que vous encou­ra­ger à le faire, et durablement.

Près des deux tiers d’entre vous s’o­rien­te­ront vers les grandes entre­prises. Je veux rap­pe­ler que la France manque d’en­tre­prises de taille moyenne inno­vantes et que ce sont elles qui seront nos grandes entre­prises de demain. Le gou­ver­ne­ment s’est enga­gé en faveur de l’in­no­va­tion, en pro­po­sant le Cré­dit d’im­pôt recherche et en déve­lop­pant les pôles de com­pé­ti­ti­vi­té. N’ayez pas peur de pro­fi­ter de cette dyna­mique et de deve­nir des créa­teurs d’en­tre­prises. Avec un incu­ba­teur d’en­tre­prises sur le Cam­pus, vous avez les moyens de le faire dès maintenant. 

Au service de l’État

» La diver­si­té des points de vue, des cultures, des tem­pé­ra­ments, des for­ma­tions est une richesse pour toutes les orga­ni­sa­tions dans les­quelles vous serez ame­nés à exer­cer vos talents »

À la sor­tie de l’É­cole, bien des car­rières vous seront offertes. C’est le résul­tat d’une spé­cia­li­té fran­çaise : tan­dis que, dans d’autres pays, les diplômes juri­diques tiennent le haut du pavé, chez nous, le diplôme d’in­gé­nieur reste l’un des modes d’ac­cès recon­nus à des postes de responsabilité.

Chaque année à la sor­tie de l’É­cole, une petite cen­taine d’entre vous rejoint les » corps tech­niques » de l’É­tat. Comme jadis cer­tains s’é­taient deman­dés si » la Répu­blique avait besoin de savants « , cer­tains se demandent aujourd’­hui si l’É­tat a encore besoin d’ingénieurs.

Oui, nous avons besoin d’in­gé­nieurs au ser­vice de l’É­tat. Parce qu’il existe des mis­sions réga­liennes, comme la défense ou le finan­ce­ment des grandes infra­struc­tures. Parce que l’É­tat doit pou­voir se repo­ser sur les capa­ci­tés d’a­na­lyse et de pro­gram­ma­tion de ses ingénieurs.

Au final, quoi que vous choi­sis­siez au sor­tir de l’É­cole, vous par­ti­ci­pe­rez au rayon­ne­ment de la France par vos qua­li­tés indi­vi­duelles. Il y en a une que vous avez tous en par­tage : la connais­sance per­son­nelle des sciences et la conscience que leur exer­cice est exigeant.

Vos qua­li­tés font de vous des femmes et des hommes capables de rele­ver ce qui est à mon sens l’un des grands défis actuels : récon­ci­lier les Fran­çais avec le pro­grès scien­ti­fique et tech­no­lo­gique. Nous devons réus­sir à faire la syn­thèse des nou­veaux enjeux envi­ron­ne­men­taux et économiques. 

Être audacieux

Nous devons convaincre nos conci­toyens que le pro­grès scien­ti­fique est source d’a­van­cées pour l’en­semble de la socié­té, que la qua­li­té de vie, la méde­cine et même le déve­lop­pe­ment durable s’en nour­rissent. Je vous sou­haite d’al­ler cha­cun plan­ter votre dra­peau sur les ter­ri­toires que vous choi­si­rez de conqué­rir. Je vous sou­haite d’être auda­cieux, parce qu’a­près tout il n’est pas de gloire sans cou­rage ni prise de risques. Et, quoi que vous fas­siez par la suite, sou­ve­nez-vous des mois pas­sés au sein des ser­vices des armées ou des ser­vices de l’É­tat, et » deman­dez-vous ce que vous pou­vez faire pour votre pays « , car sa gran­deur dépend de l’en­ga­ge­ment de cha­cun d’entre nous.

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