Un détail de l'Opéra Garnier

Qu’un peu de couleur réveille notre ciel gris ! Palais Garnier : renaissance d’un temple de la polychromie

Dossier : ExpressionsMagazine N°558 Octobre 2000
Par Romain BERLINE (94)

J’ai tapis­sé le monu­ment par ces chaudes divi­sions mar­mo­réennes, comme on étend de grandes et chaudes tapis­se­ries aux vastes baies d’une salle des fêtes, disait Charles Gar­nier de son Nou­vel Opéra.

Force était de consta­ter que le temps, la pluie et la pol­lu­tion avaient recou­vert d’un sombre voile gris la pierre, les ors et les marbres de la façade de l’Opéra.

Mais cette année, grâce à sa res­tau­ra­tion exté­rieure, nous pou­vons appré­cier à nou­veau la magni­fique poly­chro­mie du Palais Gar­nier. Les marbres, les mosaïques de la log­gia, les ors des cha­pi­teaux, des bustes des claus­tras et des ins­crip­tions des avant-corps, les ors de la frise supé­rieure des masques et des groupes sculp­tés, toute cette cas­cade d’ors qui semble prendre sa source au plus haut du monu­ment, dans la lyre du majes­tueux Apol­lon de Millet, et rebon­dir sur la cou­pole avant d’illuminer la façade, tout annonce que le gris est ban­ni de ce lieu, dédié tout entier à l’art et au plai­sir des yeux.

Poly­chro­mie de marbres tout d’abord, pour laquelle Gar­nier mobi­lise les res­sources des car­rières de marbre et des bancs de gra­nit de l’Europe entière : le vert de Suède, le gra­nit d’Aberdeen en Écosse, la brèche vio­lette, le jaune de Sienne, le blanc de Ser­ra­vez­za, le vert de Gênes, la brèche de Sicile pour l’Italie, l’onyx d’Algérie, le por­phyre de Fin­lande, la bro­ca­telle d’Espagne…

© J.-P. DELAGARDE © J. MOATTI

Admi­rez donc la log­gia de la façade, avec ses seize colonnes en pierre de Bavière sur un fond de pierre rouge du Jura, reliées par des bal­cons en pierre polie d’Échaillon por­tés par des balustres en marbre vert de Suède.

Dix-huit colonnes en marbre “ fleur de pêcher” aux cha­pi­teaux de bronze doré aux deux ors sou­tiennent un rideau en pierre du Jura, per­cé d’œils-de-bœuf où sont pla­cés des bustes en bronze doré de com­po­si­teurs célèbres, for­mant des claus­tras, rideaux poly­chromes des­ti­nés à abri­ter la log­gia et ses promeneurs.

À l’intérieur, voyez la majes­té du grand esca­lier, aux degrés de marbre blanc de Ser­ra­vez­za et les encor­bel­le­ments aux balustres en cris­taux de fluo­rine jaunes, verts ou vio­lets, les rampes en onyx d’Algérie, les colonnes en jaspe du Mont-Blanc rouge et noir.

Pas­sez par la majes­tueuse porte de marbre cipo­lin menant du grand esca­lier à l’orchestre, gar­dée par La Comé­die et La Tra­gé­die, deux caria­tides en marbre vert de Suède et jaune de Sienne.

Levez la tête pour aper­ce­voir les cha­toyantes mosaïques d’émaux poly­chromes de la log­gia et de l’avant-foyer. L’art de la mosaïque, en pro­ve­nance de Rome et de Venise, fut réin­tro­duit par Gar­nier pour les besoins de la déco­ra­tion de l’Opéra.

Péné­trez dans la salle de spec­tacle, res­tau­rée en 1996, et appré­ciez la douce cha­leur du velours et des ors. Lais­sez-vous trom­per par le rideau de scène en trompe‑l’œil. Les dorures de la salle ne sont pas recou­vertes entiè­re­ment de feuilles d’or, mais seule­ment d’une pein­ture de la cou­leur de l’or rehaus­sée d’or aux endroits éclai­rés. L’illusion est par­faite dans la pénombre du spectacle.

“ Je la vois, moi, cette foule colo­rée, qui devait ani­mer le grand esca­lier ; et vous, ne la voyez-vous pas ?
Elle gra­vit les marches de marbre, elle s’accoude sur les bal­cons d’onyx ; elle cir­cule sous les mosaïques de l’avant-foyer.
C’est l’or, le bro­cart, le damas, le velours qui jaillissent de la palette de Véro­nèse, et qui, main­te­nant, éclatent et scin­tillent sous les voûtes de l’escalier !
Quelle joie pour le colo­riste ! Quelle fête pour les yeux ! ”

Charles Gar­nier,
Le Nou­vel Opé­ra de Paris

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