Principes variationnels & dynamique

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°617 Septembre 2006Par : JeanLouis BasdevantRédacteur : Christoph KOPPER, professeur associé au Département de physique à l’École polytechnique

Jean-Louis Bas­de­vant a ensei­gné la phy­sique à l’Écolepolytechnique entre 1969 et 2006, il était pro­fes­seur de phy­sique entre 1979 et 2004. Aujourd’hui il est pro­fes­seur hono­raire. Il est le père de la réforme X 2000 de l’enseignement à l’X. Dans le cadre de cette réforme a été créé un deuxième cours court de phy­sique aux côtés du cours long tra­di­tion­nel. Ce cours porte sur la rela­ti­vi­té res­treinte et les prin­cipes varia­tion­nels. Jean-Louis Bas­de­vant a assu­mé la par­tie consa­crée aux prin­cipes varia­tion­nels de ce cours. Le livre dont nous par­lons est issu de ce der­nier cours de Jean-Louis Bas­de­vant à l’École. Son sujet – les prin­cipes varia­tion­nels et la méca­nique ration­nelle – a été lais­sé de côté dans l’enseignement à l’X assez long temps, mal­gré son impor­tance fon­da­men­tale dans toute la phy­sique, et aus­si mal­gré le fait qu’il s’agisse d’un sujet très poly­tech­ni­cien auquel ont contri­bué de façon déci­sive en par­ti­cu­lier Lagrange, Pois­son et Poincaré.

Le livre com­mence par une intro­duc­tion aux prin­cipes varia­tion­nels qui peut pré­tendre au rang d’un essai lit­té raire ori­gi­nal. Jean-Louis Bas­de­vant donne une vue uni­fiée sur l’histoire des prin­cipes varia­tion­nels en com­men­çant par les Pytha­go­réens et Éra­tos­thène, en pas­sant par Buri­dan et la Renais­sance, par Fer­mat et son prin­cipe, par Leib­niz et Mau­per­tuis, et en allant jusqu’à la période moderne qui com­mence avec Euler et Lagrange, et qui va jusqu’à Feyn­man. Plus pro­fon­dé­ment cette intro­duc­tion nous fait décou­vrir les liens entre les prin­cipes varia­tion­nels et la culture occi­den­tale dans tous ses aspects, qu’il s’agisse de science, d’économie, de phi­lo­so­phie et de reli­gion ou de l’esthétique.

L’auteur se contente d’un mini­mum de for­ma­lisme mathé­ma­tique pour faire com­prendre l’essentiel des prin­cipes varia­tion­nels. Le texte lui-même pré­sente les prin­cipes varia­tion­nels et la méca­nique ana­ly­tique en six chapitres.

Le pre­mier part d’une expli­ca­tion élé­men­taire du prin­cipe de Fer­mat et de ses nom­breuses appli­ca­tions en optique. Il est lar­ge­ment illus­tré par des exemples de mirages dans l’atmosphère ter­restre. Dans ce cha­pitre les prin­cipes varia­tion­nels sont illus­trés aus­si par le prin­cipe fon­da­men­tal de la phy­sique sta­tis­tique à l’équilibre ther­mique : celui de la maxi­mi­sa­tion de l’entropie, compte tenu des contraintes aux­quelles est sou­mis le sys­tème. L’auteur montre com­ment la dis­tri­bu­tion de Boltz­mann et toutes ses consé­quences découlent de ce prin­cipe varia­tion­nel. Il donne d’autres exemples de mise en oeuvre de prin­cipes varia­tion­nels, comme le cal­cul de sur­faces mini­males, les lois de Kir­ch­hoff, etc.

Le deuxième cha­pitre com­mence par la méca­nique ana­ly­tique de Lagrange. Après une dis­cus­sion brève mais claire des inva­riances et des lois de conser­va­tion, on passe aux forces dépen­dant de la vitesse, et on arrive au lagran­gien d’une par­ti­cule rela­ti­viste dans un champ élec­tro magnétique.

Le troi­sième cha­pitre traite du for­ma­lisme 60 cano­nique de Hamil­ton dont Jean-Louis Bas­de­vant sou­ligne la vue pro­phé­tique sur toute la phy­sique : Hamil­ton a expri­mé la convic­tion que la méca­nique du point cor­res­pond de la même manière à une limite d’une théo­rie plus fon­da­men­tale, que l’optique géo­mé­trique est la limite des faibles lon­gueurs d’onde de l’optique ondulatoire.

Cette théo­rie plus fon­da­men­tale, la méca­nique quan­tique, n’a été décou­verte qu’un siècle plus tard ! Ce cha­pitre donne aus­si une intro­duc­tion aux sys­tèmes dyna­miques et au chaos, dont Poin­ca­ré fut le pre­mier prophète.

Le qua­trième cha­pitre élar­git le for­ma­lisme lagran­gien à la théo­rie des champs, domaine où il trouve son vrai essor. En pas­sant par la corde vibrante on arrive rapi­de­ment aux équa­tions d’EulerLagrange géné­ra­li­sées et au champ de Maxwell.

Le cin­quième cha­pitre fait encore preuve de la concep­tion ori­gi­nale de ce livre : Jean-Louis Bas­de­vant dis­cute du mou­ve­ment dans des espaces courbes et nous guide vers le point de vue ein­stei­nien, en nous expli­quant com­ment le mou­ve­ment dans un poten­tiel peut se conce­voir aus­si comme un mou­ve­ment libre dans un espace à géo­mé­trie noneuclidienne.

Ce cha­pitre contient l’explication élé­men­taire et claire de quelques effets de la rela­ti­vi­té géné­rale : la pré­ces­sion du péri­hé­lie de Mer­cure et la déflexion gra­vi­ta­tion­nelle des rayons lumi­neux. Il est abon­dam­ment illus­tré par des exemples de mirages gra­vi­ta tion­nels pris de l’astrophysique. Le der­nier cha­pitre pré­sente une intro­duc­tion aux inté­grales des che­mins de Feyn­man. Là encore les prin­cipes varia­tion­nels appa­raissent comme prin­cipe uni­fi­ca­teur à la base d’une vue uni­fiante sur la phy­sique clas­sique et la phy­sique quantique.

Ce livre, ori­gi­nal par son ton ins­pi­ré, son élé­gance et sa légè­re­té, et par sa vue uni­fiée sur des sujets res­sen­tis naï­ve­ment comme indé­pen­dants, fera plai­sir à tout lec­teur dont l’intérêt cultu­rel pour la phy­sique a sur­vé­cu à l’esprit quel­que­fois un peu uti­li­taire de nos temps. Il peut ser­vir comme intro­duc­tion au sujet, déga­gé de tout bagage for­mel inutile. Il sera par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sant pour les géné­ra­tions d’anciens élèves de l’X, qui se sou­viennent de Jean-Louis Bas­de­vant comme un des ensei­gnants les plus cha­ris­ma­tiques et ins­pi­rés à l’École poly­tech­nique de nos temps.

Poster un commentaire