Pourquoi la maintenance ?

Dossier : La maintenanceMagazine N°564 Avril 2001Par Henri ARNOUX (46)

Dans son article » Main­te­nance : un nou­veau regard sur la nor­ma­li­sa­tion » Ber­nard Méchin nous explique entre autres com­ment un comi­té tech­nique du comi­té euro­péen de nor­ma­li­sa­tion a défi­ni le terme main­te­nance, en com­pa­gnie de 118 autres termes, cela au bout de plus de trois ans de dis­cus­sions par­fois très vives. 

La main­te­nance est donc : » L’en­semble de toutes les actions tech­niques, admi­nis­tra­tives et de ges­tion durant le cycle de vie d’un bien, des­ti­nées à le main­te­nir ou à le réta­blir dans un état dans lequel il peut accom­plir la fonc­tion requise. » Le terme de main­te­nance a déjà par lui-même une cer­taine conno­ta­tion sta­tique et cette défi­ni­tion pour­rait à pre­mière lec­ture confir­mer ce sen­ti­ment. On pense au petit gar­çon de la légende hol­lan­daise qui enfonce son doigt dans le trou par lequel la digue en ava­rie laisse pas­ser l’eau de la mer : il fait de la main­te­nance puis­qu’il main­tient la digue dans un état dans lequel elle conti­nue à rem­plir sa fonc­tion requise, qui est d’ar­rê­ter la mer, et d’ailleurs il le dit : » Je main­tien­drai « , même si son inter­ven­tion ne relève pas d’une tech­nique très éla­bo­rée. La main­te­nance serait-elle seule­ment cette fonc­tion statique ? 

Les articles qui suivent mon­tre­ront au lec­teur qu’il n’en est rien et que la main­te­nance est une acti­vi­té dyna­mique, qui évo­lue autant, sinon plus, que d’autres acti­vi­tés indus­trielles d’au­jourd’­hui, et que par ailleurs la main­te­nance peut par­ti­ci­per à la solu­tion de quelques-uns des grands pro­blèmes de notre époque : la sécu­ri­té des per­sonnes, l’emploi, la pro­tec­tion de l’environnement. 

La main­te­nance évo­lue, et cela depuis l’é­poque où elle a com­men­cé à être, modes­te­ment d’a­bord, puis de façon plus affir­mée, une acti­vi­té recon­nue. À l’o­ri­gine, on avait ten­dance à inter­ve­nir sur un maté­riel seule­ment quand il était en panne, c’est-à-dire que l’on fai­sait uni­que­ment ce qu’on appelle main­te­nant de la main­te­nance cor­rec­tive, mais on a rapi­de­ment réa­li­sé qu’il était net­te­ment pré­fé­rable d’in­ter­ve­nir avant la défaillance : le pas­sa­ger d’un train n’ap­pré­cie pas tel­le­ment que la loco­mo­tive tombe en panne, et le pas­sa­ger d’un avion aime encore bien moins qu’il y ait des pro­blèmes en vol ! 

De plus, il est presque tou­jours moins cher d’in­ter­ve­nir avant plu­tôt qu’a­près la défaillance, et on épargne les coûts indi­rects, qui peuvent atteindre des mon­tants très éle­vés, par exemple lors­qu’une défaillance entraîne des dom­mages cor­po­rels ou des morts d’homme, ou des pol­lu­tions. La main­te­nance cor­rec­tive a donc pro­gres­si­ve­ment cédé la plus grande place à la main­te­nance pré­ven­tive. (Même si l’ob­jec­tif » zéro défaut » est très à la mode, il y aura tou­jours des pannes, on ne ver­ra donc pas dis­pa­raître la main­te­nance corrective.) 

Inter­ve­nir avant la défaillance, c’est bien, mais encore faut-il savoir quand ? Phi­lippe Che­ne­vier rap­pelle au début de son article sur la main­te­nance des Air­bus qu’en 1930 la pre­mière règle d’en­tre­tien aéro­nau­tique édic­tée par l’ad­mi­nis­tra­tion amé­ri­caine sti­pu­lait que » les ins­tru­ments et les équi­pe­ments devront être révi­sés à inter­valles suf­fi­sants pour assu­rer leur fonc­tion­ne­ment cor­rect à tout moment » ce qui était indis­cu­table, mais quelque peu insuf­fi­sant pour en déduire des règles opé­ra­tion­nelles précises. 

Il a donc fal­lu mettre au point des échéan­ciers en tenant compte de la lon­gé­vi­té des com­po­sants d’un maté­riel. Cette lon­gé­vi­té peut s’ex­pri­mer en temps, en géné­ral nombre d’heures de fonc­tion­ne­ment, mais aus­si dans cer­tains cas en durée calen­daire, ou en nombre d’o­pé­ra­tions (nombre d’at­ter­ris­sages pour un pneu d’a­vion, nombre de déclen­che­ments pour un disjoncteur). 

On peut aus­si ren­con­trer des com­bi­nai­sons de cri­tères. Ces échéan­ciers défi­nissent des pro­grammes d’o­pé­ra­tions plus ou moins impor­tants com­pre­nant des visites, des contrôles et des rem­pla­ce­ments de pièces, exé­cu­tés a prio­ri ou en fonc­tion de l’é­tat de la pièce. On par­le­ra alors de main­te­nance pro­gram­mée, ou de main­te­nance sys­té­ma­tique si les opé­ra­tions sont déclen­chées par le comp­teur de temps ou d’u­ni­tés d’u­sage, sans qu’il soit pro­cé­dé à un contrôle d’é­tat. Pour prendre un exemple de la vie cou­rante, le pro­prié­taire d’une voi­ture qui confie sa voi­ture au gara­giste tous les 10 000 ou 20 000 kilo­mètres pour une révi­sion fait de la main­te­nance systématique. 

On a donc pro­gres­sé depuis la main­te­nance après défaillance, mais cette pro­cé­dure n’é­vite pas deux risques oppo­sés : si la pério­di­ci­té rete­nue est trop faible, on rem­place des com­po­sants qu’on aurait pu main­te­nir plus long­temps en ser­vice, ce qui coûte cher à la fois en com­po­sants et en temps de travail1. Si au contraire, elle est trop longue on risque de voir sur­ve­nir quand même des défaillances, et on n’au­ra pas atteint le but recher­ché. On s’ef­for­ce­ra donc de connaître l’é­tat du bien consi­dé­ré, de façon à n’in­ter­ve­nir que lorsque c’est nécessaire. 

Pour cela on sui­vra l’é­vo­lu­tion de para­mètres repré­sen­ta­tifs de l’é­tat du bien consi­dé­ré : consom­ma­tion spé­ci­fique d’éner­gie ou de matières (par exemple la masse de com­bus­tible consom­mé par kWh pour une uni­té de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té), niveau des tem­pé­ra­tures ou des pres­sions ; on pour­ra aus­si pro­cé­der à des contrôles non des­truc­tifs, qui ne néces­sitent aucun démon­tage (ana­lyse des huiles, ana­lyse des vibra­tions, ther­mo­gra­phie, etc.). 

On n’in­ter­vien­dra que si la valeur de ces para­mètres ou le résul­tat de ces essais révèlent qu’une opé­ra­tion de main­te­nance est néces­saire. L’é­tude de ces para­mètres ou des résul­tats de ces essais donne d’ailleurs en géné­ral des indi­ca­tions utiles sur l’in­ter­ven­tion à exé­cu­ter, et sur les com­po­sants en fin de vie. Cette main­te­nance, qui est tou­jours de la main­te­nance pré­ven­tive, s’ap­pelle de la main­te­nance condi­tion­nelle.

Ce sui­vi des para­mètres repré­sen­ta­tifs de l’é­tat d’un bien va tout natu­rel­le­ment conduire à s’in­té­res­ser à leur évo­lu­tion, disons pour faire simple à leur déri­vée, et, à par­tir de la valeur actuelle d’un para­mètre don­né consi­dé­ré comme repré­sen­ta­tif et de sa déri­vée, essayer de déter­mi­ner à l’a­vance à quel moment ce para­mètre va atteindre la cote d’a­lerte. On aura donc la pos­si­bi­li­té de faire à l’a­vance une pro­gram­ma­tion qui échap­pe­ra aux défauts signa­lés à pro­pos de la main­te­nance sys­té­ma­tique. On est alors au stade de la main­te­nance pré­vi­sion­nelle. (Cer­tains parlent de main­te­nance pré­dic­tive, mais il vaut mieux évi­ter ce terme qui a un léger par­fum de pro­phé­tie, voire de voyance…) 

Il n’a été ques­tion jus­qu’i­ci que de la main­te­nance d’un bien qui existe, et on pour­rait en conclure que la main­te­nance com­mence avec la vie opé­ra­tion­nelle de ce bien, mais ce serait une lourde erreur. En réa­li­té, il faut com­men­cer très tôt à pen­ser à la main­te­nance d’un bien, et on note­ra que dans la défi­ni­tion de la main­te­nance on cite » L’en­semble de toutes les actions tech­niques, admi­nis­tra­tives et de ges­tion durant le cycle de vie d’un bien » or le cycle de vie, selon la même norme, débute à la concep­tion du bien. 

La concep­tion du bien ne signi­fie pas le moment où sont arrê­tées ses spé­ci­fi­ca­tions mais bien le moment où l’on défi­nit les per­for­mances atten­dues et le pro­gramme d’ac­ti­vi­té, les deux notions consti­tuant un tout. Pour conser­ver à un bien les per­for­mances sou­hai­tées par l’ex­ploi­tant en res­pec­tant le pro­gramme d’ac­ti­vi­té qu’il a défi­ni, il faut pré­voir un pro­gramme de main­te­nance qui dans la plu­part des cas contien­dra à inter­valles régu­liers un arrêt com­plet de son fonctionnement. 

L’ar­ticle de Jean-Louis Rotru­bin et d’Em­ma­nuel Chol nous montre que la dis­po­ni­bi­li­té opé­ra­tion­nelle d’un sous-marin nucléaire lan­ceur d’en­gins, avec toutes les condi­tions de sécu­ri­té que demande la part du nucléaire à bord de ces navires, exige une longue période d’in­dis­po­ni­bi­li­té pen­dant laquelle tous les équi­pe­ments sont débar­qués, visi­tés et remis en état si besoin est. Dans l’in­dus­trie, on par­le­ra des » grands arrêts » qui ont la même finalité. 

Natu­rel­le­ment il faut aus­si pen­ser à la main­te­nance au moment de l’é­ta­blis­se­ment des plans et spé­ci­fi­ca­tions. L’ar­ticle de Phi­lippe Che­ne­vier déjà cité montre que depuis le temps où l’ad­mi­nis­tra­tion amé­ri­caine de l’a­via­tion deman­dait des révi­sions à des inter­valles suf­fi­sants pour assu­rer un fonc­tion­ne­ment cor­rect à tout moment, les régle­men­ta­tions ont énor­mé­ment évo­lué et la défi­ni­tion d’un plan de main­te­nance est enca­drée par des pres­crip­tions extrê­me­ment rigou­reuses qui ont un impact évident sur la concep­tion même du bien. 

Cette évo­lu­tion, qui appa­raît de façon par­ti­cu­liè­re­ment frap­pante dans le cas du trans­port aérien, s’ex­plique faci­le­ment par une évo­lu­tion de nos tech­niques qu’on pour­rait, de façon évi­dem­ment sim­pliste et réduc­trice, sym­bo­li­ser par la fameuse devise olym­pique : Citius, altius, for­tius. Dans le cas du trans­port aérien, cela peut d’une cer­taine manière résu­mer l’é­vo­lu­tion des avions qui trans­portent de plus en plus vite et à une alti­tude de plus en plus éle­vée des pas­sa­gers de plus en plus nom­breux pour aller de plus en plus loin. 

Mais en contre­par­tie, les consé­quences des acci­dents sont de plus en plus lourdes, et il est donc impé­ra­tif de réduire ce risque d’ac­ci­dent, même si on ne doit jamais oublier que le risque zéro n’existe pas. 

On peut natu­rel­le­ment tenir le même rai­son­ne­ment à pro­pos des cen­trales nucléaires ou des grosses uni­tés de pro­duc­tion chi­miques, pour ne citer que ces deux exemples. Dans tous les cas, une main­te­nance bien conçue et stric­te­ment exé­cu­tée consti­tue­ra, en paral­lèle avec un res­pect rigou­reux des règles de mise en œuvre, un des piliers de la sécurité. 

Cette sécu­ri­té concerne natu­rel­le­ment les per­sonnes, mais elle concerne aus­si l’envi­ron­ne­ment. On peut rap­pe­ler par exemple qu’à l’oc­ca­sion des deux der­nières marées noires on a mis en cause la main­te­nance insuf­fi­sante des deux navires sinis­trés. Mais la main­te­nance inter­vient aus­si pour la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment dans des domaines beau­coup moins média­ti­sés. Tout d’a­bord, la » fonc­tion requise » à laquelle il est fait réfé­rence dans la défi­ni­tion de la main­te­nance inclut dans sa des­crip­tion un ren­de­ment nomi­nal que le construc­teur s’ef­for­ce­ra de rendre le plus éle­vé pos­sible et que la main­te­nance aura à charge de main­te­nir à ce niveau. 

Un maté­riel bien main­te­nu consom­me­ra donc un mini­mum de res­sources natu­relles, géné­ra­le­ment non renou­ve­lables, et pro­dui­ra un mini­mum de rejets. Cette pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment est évi­dem­ment cru­ciale dans des acti­vi­tés direc­te­ment liées à l’en­vi­ron­ne­ment telles que la pro­duc­tion et la dis­tri­bu­tion de l’eau où un dys­fonc­tion­ne­ment condui­ra soit à dis­tri­buer de l’eau pol­luée, soit à en ren­voyer dans les rivières ou les nappes phréa­tiques. Cette liai­son entre la main­te­nance et l’en­vi­ron­ne­ment est exa­mi­née plus en détail dans un des articles de ce numé­ro : » Main­te­nance et environnement « . 

Un autre aspect plu­tôt mécon­nu concerne la durée de vie des ins­tal­la­tions. Une usine où la main­te­nance est bien exé­cu­tée dure­ra plus long­temps qu’une usine mal entre­te­nue. Cela aura des réper­cus­sions posi­tives dans deux sec­teurs, qu’on aurait plu­tôt ten­dance à consi­dé­rer comme anta­go­nistes : la ges­tion finan­cière et la pro­tec­tion de l’environnement. 

Sur le plan finan­cier, l’aug­men­ta­tion de la durée de vie d’un bien est syno­nyme d’al­lon­ge­ment de la durée d’a­mor­tis­se­ment, et elle a donc un effet posi­tif du point de vue de la ges­tion finan­cière de l’en­tre­prise. Mais en même temps elle réduit le rythme de consom­ma­tion des matières pre­mières néces­si­tées par la construc­tion de l’u­ni­té de pro­duc­tion : il y a en quelque sorte un amor­tis­se­ment éco­lo­gique qui décroît en même temps que l’a­mor­tis­se­ment financier. 

On doit sou­li­gner à ce sujet que l’ac­crois­se­ment de la taille des uni­tés de pro­duc­tion, signa­lé plus haut, fait que ces pré­lè­ve­ments de matières pre­mières sont loin d’être négligeables. 

L’ar­ticle de Mar­cel Saba­ton nous décrit le pro­gramme » durée de vie » de l’EDF dont l’ob­jec­tif est de pro­lon­ger la durée de vie de cer­taines cen­trales, et notam­ment des cen­trales nucléaires, au-delà de la durée de vie pré­vue au moment de leur concep­tion. On constate, en lisant cet article, que la main­te­nance des cen­trales nucléaires fait appel à toutes les res­sources scien­ti­fiques actuelles, y com­pris au niveau de la recherche fon­da­men­tale, sans oublier la rigueur dont les articles pré­cé­dem­ment cités nous ont mon­tré la nécessité. 

L’im­por­tance de la main­te­nance dans la vie de l’en­tre­prise, son carac­tère trans­ver­sal, puisque nous venons de voir qu’elle met en jeu toutes les tech­no­lo­gies exis­tantes, ont conduit les entre­prises et les pou­voirs publics à entre­prendre un tra­vail de nor­ma­li­sa­tion d’un type ori­gi­nal. L’ar­ticle de Ber­nard Méchin nous montre qu’il ne s’a­git plus de nor­ma­li­ser des objets, ce qui n’est déjà pas simple, mais des concepts, ce qui est encore plus com­pli­qué, et une des tâches impor­tantes des nor­ma­li­sa­teurs a été de don­ner de ces concepts une défi­ni­tion sur laquelle l’en­semble des par­ti­ci­pants, à l’é­chelle de l’Eu­rope, soit d’ac­cord et cela ne fut pas tou­jours un tra­vail aisé ; il s’a­gis­sait en effet de trou­ver des défi­ni­tions accep­tables aus­si bien par des pays nor­diques que par des pays médi­ter­ra­néens, en dépit des dif­fé­rences cultu­relles qui peuvent sépa­rer ces pays aus­si bien que la dis­tance. Il en a été de même pour la norme euro­péenne pour la pré­pa­ra­tion des contrats de main­te­nance, qui devait res­ter com­pa­tible avec des sys­tèmes et des tra­di­tions juri­diques extrê­me­ment diverses. 

La main­te­nance est donc une fonc­tion impor­tante de l’en­tre­prise, et ce serait une regret­table erreur de ne la consi­dé­rer que comme un poste de dépenses et par consé­quent de tout faire pour réduire les coûts de main­te­nance, comme cela semble mal­heu­reu­se­ment être actuel­le­ment le cas (voir l’ar­ticle de Daniel Dunet sur le poids éco­no­mique de la main­te­nance). Cela per­met certes d’a­mé­lio­rer la ren­ta­bi­li­té immé­diate, mais au prix d’une dégra­da­tion de l’é­tat de l’ou­til de tra­vail et d’une réduc­tion de sa durée de vie2. 

Une main­te­nance bien orga­ni­sée est au contraire un fac­teur de pro­duc­ti­vi­té, par le main­tien des carac­té­ris­tiques de fonc­tion­ne­ment de l’ou­til de tra­vail et le main­tien de sa sécurité. 

Mais ce serait encore une erreur dans ce sur­vol de la main­te­nance de res­ter à l’in­té­rieur du cadre étroit de l’en­tre­prise, on doit aus­si consi­dé­rer qu’il s’a­git d’une acti­vi­té éco­no­mique qui peut par­ti­ci­per de façon signi­fi­ca­tive à la solu­tion de quelques-uns des pro­blèmes majeurs du siècle qui com­mence : l’emploi, la sécu­ri­té des per­sonnes, la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment. Les dif­fé­rents articles de ce numé­ro spé­cial de La Jaune et la Rouge qui ont été évo­qués per­met­tront au lec­teur de se faire une idée plus pré­cise des enjeux de cette acti­vi­té et de son impor­tance dans notre socié­té technique. 

Enfin, n’ou­blions pas le poids éco­no­mique et social de la main­te­nance. L’ar­ticle de Daniel Dunet nous décrit la situa­tion actuelle du mar­ché de la main­te­nance. L’im­por­tance de ce mar­ché est mal connue en rai­son du fait que la main­te­nance est une acti­vi­té trans­ver­sale qui ne consti­tue pas une branche indus­trielle, et que de ce fait elle est plus dif­fi­cile à prendre en compte. 

On voit que la main­te­nance indus­trielle repré­sente à l’é­chelle fran­çaise un volume d’ac­ti­vi­tés de l’ordre de 23 mil­liards d’eu­ros, et que la main­te­nance immo­bi­lière et ter­tiaire repré­sente de son côté un volume d’af­faires de l’ordre de 18 mil­liards d’eu­ros. En ajou­tant la main­te­nance des ouvrages d’art le total des dépenses consa­crées à la main­te­nance est de l’ordre de 46 mil­liards d’eu­ros. Ces mon­tants impor­tants sont d’au­tant plus signi­fi­ca­tifs qu’il s’a­git d’une acti­vi­té de ser­vices dans laquelle la part » main-d’œuvre » est pré­pon­dé­rante (de l’ordre de 70 %) et qui requiert des pro­fes­sion­nels qua­li­fiés dans des spé­cia­li­tés très diverses. 

On cite­ra tout d’a­bord les tra­vaux de main­te­nance pro­pre­ment dits qui demandent en géné­ral des pro­fes­sion­nels qua­li­fiés et dans cer­tains cas une haute qua­li­fi­ca­tion, assez fré­quem­ment com­plé­tée par une habi­li­ta­tion spé­ciale (tra­vaux sur les ins­tal­la­tions élec­triques ou tra­vaux avec risque d’ex­po­si­tion aux radia­tions : nucléaire ou médi­cal). Mais comme on l’a déjà dit plus haut, il ne faut pas se limi­ter aux opé­ra­tions de main­te­nance pro­pre­ment dites, mais pen­ser à la pré­pa­ra­tion à la main­te­nance qui exi­ge­ra de nom­breux spé­cia­listes dans les bureaux d’é­tude pour toutes les études de sûre­té de fonctionnement3, d’a­na­lyse de pannes, de nou­velles méthodes de main­te­nance telles que la main­te­nance cen­trée sur la fiabilité4, etc. 

Il ne faut pas oublier non plus le tra­vail d’éla­bo­ra­tion de la docu­men­ta­tion tech­nique qui demande des rédac­teurs de docu­men­ta­tion, des des­si­na­teurs, des tra­duc­teurs tech­niques, des codi­fi­ca­teurs… Il s’a­git là de véri­tables métiers et non de petits bou­lots, selon l’ex­pres­sion consacrée. 

L’ar­ticle de Daniel Dunet nous montre éga­le­ment qu’il ne faut pas consi­dé­rer seule­ment la main­te­nance indus­trielle, mais éga­le­ment la main­te­nance immo­bi­lière et ter­tiaire qui est d’une impor­tance éco­no­mique com­pa­rable en termes de bud­gets et d’ef­fec­tifs. Il s’a­git de la main­te­nance d’im­meubles qui peuvent être des immeubles d’ha­bi­ta­tion, des immeubles de bureaux, ou des immeubles à voca­tion spé­ci­fique : grandes sur­faces com­mer­ciales, théâtres, musées, hôpitaux… 

Tous ces immeubles sont munis d’é­qui­pe­ments tech­niques de plus en plus impor­tants et de plus en plus com­plexes : ascen­seurs, cen­trales de chauf­fage ou de condi­tion­ne­ment d’air, réseaux de toutes sortes selon le type d’im­meubles (eau, eaux usées, eau chaude, air com­pri­mé, vide, télé­phone, télé­vi­sion, réseau infor­ma­tique, etc.), sys­tèmes de sur­veillance, et la sûre­té de fonc­tion­ne­ment de ces sys­tèmes peut deve­nir vitale. 

Une bonne main­te­nance est donc un impé­ra­tif aus­si pour ces immeubles et requiert des pro­fes­sion­nels confir­més. Cet aspect de la main­te­nance n’a pas été trai­té dans les articles qui suivent, mais il ne doit être ni oublié, ni sous-esti­mé. Sans entrer dans toutes les consé­quences, il suf­fit de citer les pro­blèmes de sécu­ri­té que peut entraî­ner une main­te­nance inadap­tée dans un hôpi­tal ou dans un grand immeuble de bureaux.
Le total des dépenses consa­crées à la main­te­nance est, on l’a dit, de l’ordre de 46 mil­liards d’eu­ros. Il convient d’a­jou­ter que si l’ef­fec­tif du per­son­nel de main­te­nance demeure à peu près constant, l’é­tude de la pyra­mide des âges conduit à pré­voir de nom­breux départs en retraite dans les pro­chaines années. Il y aura donc un besoin impor­tant en per­son­nel de main­te­nance à satis­faire à brève échéance. 

En pré­pa­rant le som­maire de ce numé­ro on n’a pas vou­lu se limi­ter stric­te­ment au cadre fran­çais, et notre cama­rade Mek­ki Zidi a bien vou­lu nous pré­sen­ter un état de la main­te­nance en Tuni­sie. Son article nous montre que la néces­si­té de cette acti­vi­té est par­fai­te­ment com­prise dans son pays. 

Pour ter­mi­ner sur une note humo­ris­tique, on détour­ne­ra deux slo­gans publi­ci­taires bien connus : 

La main­te­nance ne coûte cher qu’a­vant la panne.
La main­te­nance, c’est dif­fi­cile, c’est cher, mais ça rap­porte gros.

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1. Sans oublier que des démon­tages trop fré­quents ne sont pas favo­rables à la lon­gé­vi­té du bien.
2. Sans oublier les risques pour la qua­li­té des pro­duits ou des services.
3. Pour les lec­teurs qui ne dis­po­se­raient pas d’un recueil de normes sur la main­te­nance, la sûre­té de fonc­tion­ne­ment est défi­nie comme » l’en­semble des pro­prié­tés qui défi­nissent la dis­po­ni­bi­li­té et les fac­teurs qui la condi­tionnent : fia­bi­li­té, dis­po­ni­bi­li­té, main­te­na­bi­li­té et logis­tique de maintenance « .
4. Ceci est la tra­duc­tion du sigle RCM (Relia­bi­li­ty cen­te­red main­te­nance) qui repré­sente une méthode uti­li­sée par l’EDF sous le sigle OMF (Opti­mi­sa­tion de la main­te­nance par la fiabilité).

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