CD piano duos avec martha argerich et Daniel Barenboim

Mozart, Schubert, Stravinsky

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°712 Février 2016Par : Martha Argerich, Daniel Barenboïm, pianosRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : Un DVD ou un Blu-Ray Euroarts 2059994

La Sonate pour deux pia­nos de Mozart
Varia­tions sur un thème ori­gi­nal D.813 pour quatre mains de Schubert
Le Sacre du Prin­temps, ver­sion pour deux pia­nos de Stravinsky

Ils se connaissent et sont amis depuis la fin des années 1940 à Bue­nos Aires, alors tous les deux enfants pro­diges. Mais, à part quelques concerts (concer­to et quatre mains) dans les années 1980, ils ont rare­ment joué ensemble, alors qu’ils font par­tie des génies du pia­no du der­nier demi-siècle.

Ce concert que publie Euroarts est donc un événement.

Daniel Baren­boïm, pia­niste en concert dès sept ans, s’est inté­res­sé très tôt à la direc­tion d’orchestre, nom­mé à vingt-trois ans à la tête de l’English Cham­ber Orches­tra (avec qui il enre­gis­tra, diri­geant depuis le pia­no, les concer­tos de Mozart dans la ver­sion qui fait encore réfé­rence cin­quante ans après) et à trente-trois ans à la tête de l’Orchestre de Paris.

Toute sa car­rière est une alter­nance constante du pia­no et de la direc­tion d’orchestre.

Mar­tha Arge­rich, elle, ne joue plus en réci­tal depuis plu­sieurs dizaines d’années, et donc se concentre sur les concer­tos et la musique de chambre. Elle joue asso­ciée aux plus grands autres solistes, Kre­mer, Mais­ky, Rabi­no­vitch, Kova­ce­vich, Nel­son Freire, etc. Elle est une per­son­na­li­té clef des fes­ti­vals de Ver­bier et de Lugano.

Au-delà du côté excep­tion­nel de cette soi­rée, il nous est don­né de voir un magni­fique spec­tacle. Com­men­çons par la fin du concert, l’incroyable trans­crip­tion pour deux pia­nos du Sacre du prin­temps, faite par Stra­vins­ky lui-même, et qu’il avait jouée avec son ami Debussy.

La créa­tion de l’œuvre ori­gi­nale à Paris en 1913 don­na lieu à un des plus grands scan­dales de la musique, le bal­let se ter­mi­na dans un brou­ha­ha colos­sal de spec­ta­teurs pro­tes­tant contre le côté sau­vage de la musique. Le Sacre est désor­mais deve­nu un clas­sique, mais la vio­lence brute, la sau­va­ge­rie pri­maire que Stra­vins­ky vou­lait sus­ci­ter sont tou­jours là.

Et même si rien ne peut rem­pla­cer l’impact d’un orchestre au com­plet pour cette œuvre, il faut recon­naître que la trans­crip­tion et l’interprétation des deux pia­nistes d’origine argen­tine ne gomme rien de la bru­ta­li­té et de l’invention ryth­mique de la partition.

Baren­boïm, qui a beau­coup diri­gé l’œuvre (on se sou­vient, vrai­ment, d’un de ses pre­miers concerts du Sacre, alors qu’il était très jeune chef de l’Orchestre de Paris, il y a qua­rante ans) avait déjà joué la trans­crip­tion, mais pas Argerich.

Ren­dons-nous compte de ce que ce DVD nous per­met de voir. Sur une des scènes les plus impor­tantes du monde, la Phil­har­mo­nie de Ber­lin, deux Stein­way côte à côte joués par deux des pia­nistes les plus recher­chés actuel­le­ment, pour une par­ti­tion extrê­me­ment dif­fi­cile et impres­sion­nante, néces­si­tant une com­pli­ci­té et une har­mo­nie ryth­mique de tous les instants.

Dès l’introduction, le son des pia­nistes nous sai­sit, le thème intro­duc­tif de la nature d’habitude joué au bas­son est là ren­du par un son plein du pia­no, au tou­cher magni­fique, de Baren­boïm. Et on com­prend que l’on va être pris, hap­pé, par un flot de musique hyp­no­tique pen­dant trente-cinq minutes, la force de la musique s’ajoutant à la per­for­mance pia­nis­tique époustouflante.

Le concert s’était ouvert par la Sonate pour deux pia­nos en ré de Mozart. Une œuvre agréable que l’on connaît au disque, mais dont l’image per­met de com­prendre la vraie nature. Les deux ins­tru­ments se répondent constam­ment, s’entremêlent, les artistes échangent musi­ca­le­ment en permanence.

Puis c’est le point culmi­nant, selon moi, de ce concert, les Varia­tions sur un thème ori­gi­nal de Schu­bert de 1824. Le pia­no à quatre mains est plus fusion­nel, natu­rel­le­ment, que le jeu à deux pia­nos. Là, Arge­rich et Baren­boïm sont superbes de conni­vence, de tou­cher, d’inventivité.

Ils sont plus proches, se touchent sou­vent, mon­trant leur com­pli­ci­té, et per­met­tant une palette de styles et d’atmosphères variés pour les dif­fé­rentes varia­tions, comme c’est néces­saire dans une telle œuvre.

Vrai­ment un très beau concert.

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