Michel Affholder (55)

Michel Affholder (55), pionnier de l’environnement

Dossier : TrajectoiresMagazine N°711 Janvier 2016
Par Michel GÉRARD (55)
Par Jean-Michel BARBIER (65)
Par Jean-Pierre MORELON (55)
Par Jean-François SAGLIO (55)

Avec Michel Aff­hol­der (55) dis­pa­rais­sait, le 25 juin 2014, un des pion­niers de la poli­tique d’environnement de notre pays.

Dès 1960, en Moselle, Michel Aff­hol­der s’intéresse aux ques­tions d’assainissement, d’eaux plu­viales et d’inondations pour les col­lec­ti­vi­tés publiques. La poli­tique de l’urbanisme est alors en plein remaniement.

La Direc­tion de l’aménagement fon­cier et de l’urbanisme cherche à mieux pré­voir et struc­tu­rer les liens entre les réseaux fixes, l’organisation spa­tiale des zones urbaines et les moyens financiers.

Michel y est appe­lé en 1966. Il par­ti­cipe alors à l’élaboration de nom­breux textes d’application de la loi d’orientation fon­cière de 1967.


Maîtriser les crues de la Seine

Pour faire face aux évé­ne­ments plu­vieux impor­tants, Michel pro­meut la créa­tion de bas­sins tam­pons (à L’Haÿ-les-Roses et Anto­ny pour la Bièvre, au Stade de France – 165 000 m3 pour les bas­sins ver­sants de Seine-Saint-Denis) et de maillages sus­cep­tibles d’équilibrer les charges des usines d’épuration en modi­fiant les iti­né­raires des flux entre bas­sins ver­sants (liai­son Cachan-Seine amont). La ges­tion de la Seine lui revient en par­tie : les rete­nues du Der et d’Orient, qui régu­la­risent les débits de la Marne et de la Seine ont été créées par la Ville de Paris. Michel montre l’insuffisance de ces ouvrages face à des crues comme celle de 1910, pous­sant à la recherche d’autres solutions.


À l’origine de la politique d’élimination des déchets

Lorsque, en 1971, le pre­mier minis­tère au monde char­gé de l’environnement est créé en France, Michel est un des pre­miers ingé­nieurs à y entrer. Sa capa­ci­té de tra­vail et son esprit délié font mer­veille dans des sujets dont les non-aver­tis ont du mal à ima­gi­ner la complexité.

Quand est créé un groupe inter­mi­nis­té­riel d’études sur l’élimination des rési­dus solides, Michel en est nom­mé secré­taire. Le ministre auquel il remet son rap­port final, en 1973, le charge d’en mettre en oeuvre les préconisations.

La loi fon­da­trice de la poli­tique des déchets, com­bi­nant régle­men­ta­tion et inter­ven­tion éco­no­mique à l’instar de la loi sur l’eau de 1964, est pré­sen­tée devant le Par­le­ment en juillet 1975 et rapi­de­ment votée.

La création de l’ANRED

Michel Aff­hol­der est char­gé de créer et diri­ger l’Agence natio­nale pour la récu­pé­ra­tion et l’élimination des déchets, organe pré­vu par la loi pour aider les col­lec­ti­vi­tés locales à concré­ti­ser la poli­tique déci­dée. De 1976 à 1984, il ins­talle l’ANRED à Angers et par­court la France et l’Europe pour repé­rer et dif­fu­ser les bonnes pra­tiques. Ses connais­sances, ses rela­tions et sa par­faite maî­trise de l’allemand lui donnent une aura de pre­mier plan.

Mais un dif­fé­rend grave naît en 1984 avec son ministre de tutelle. Pré­fé­rant la véri­té à la sou­mis­sion, Michel quitte l’ANRED. Cet acte de cou­rage, où il a mani­fes­té son hon­nê­te­té intel­lec­tuelle, le ramène à sa pas­sion pour le cycle de l’eau en milieu urbain.

Il sai­sit une offre des Affaires étran­gères et devient conseiller tech­nique du ministre de l’Intérieur du Maroc pour l’élaboration des plans d’assainissement d’une ving­taine de villes.

Dans les pas de Belgrand

En 1989, Paris recherche un direc­teur de l’assainissement de la Ville, simul­ta­né­ment direc­teur géné­ral adjoint du Syn­di­cat inter­dé­par­te­men­tal pour l’assainissement de l’agglomération pari­sienne (SIAAP).

Très bien pré­pa­ré à ce poste de haute res­pon­sa­bi­li­té, il y reste jusqu’à son départ en retraite en 2002, soit treize ans au ser­vice de trois maires successifs.

Il a la charge du fonc­tion­ne­ment de l’existant et son amé­lio­ra­tion, le réseau pari­sien de Bel­grand et les usines d’épuration des eaux usées : Achères (2 100 000 m3/jour, rame­né à 1 500 000 m3/jour pour évi­ter trop de rejets en ce lieu) et Noi­sy-le-Grand (por­té de 30 000 m3/jour à 75 000 m3/jour) qui existent, Colombes (240 000 m3/jour) et Triel (300 000 m3/jour) qu’il crée, Valen­ton dont il accroît la capa­ci­té à 600 000 m3/jour.

Le tout per­met­tant aujourd’hui l’épuration presque com­plète des effluents de 8,5 mil­lions de per­sonnes et de 4 mil­lions d’emplois et de garan­tir par temps sec la san­té de la Seine jusqu’à son estuaire.

Michel Aff­hol­der eut ain­si la satis­fac­tion de voir cou­ron­ner les efforts de ses pré­dé­ces­seurs, depuis Bel­grand, et les siens propres, par le retour de nom­breuses espèces de pois­sons dans la Seine, mani­fes­tant le retour à un équi­libre éco­lo­gique per­du depuis un siècle et demi : trente-deux espèces y vivent contre trois en 1970.


Un engagement associatif

Constam­ment pré­oc­cu­pé de la recherche et de la for­ma­tion du milieu tech­nique du cycle de l’eau, Michel s’investit dès le début de sa vie pro­fes­sion­nelle dans l’AGHTM (aujourd’hui ASTEE, asso­cia­tion de spé­cia­listes de l’eau et de l’environnement). Il en est d’ailleurs pré­sident de 1994 à 1998.

Il pilote, avec Fran­çois Vali­ron (43), un ouvrage col­lec­tif sur la concep­tion et l’exploitation des réseaux d’assainissement uni­taires. Après sa retraite, il conti­nue de par­ti­ci­per acti­ve­ment à la vie de l’association.

En 2005, il contri­bue au congrès du cen­te­naire de l’association en coor­don­nant l’écriture d’un ouvrage remar­quable : De l’hygiène à l’environnement : cent ans d’action.


Un honnête homme

Sa modes­tie, qui contras­tait avec ses qua­li­tés pro­fes­sion­nelles, a frap­pé ceux qui l’ont connu. Il laisse le sou­ve­nir d’une vive intel­li­gence, d’un humour déli­cat et sans iro­nie, d’un dés­in­té­res­se­ment, d’un cou­rage et d’une hon­nê­te­té intel­lec­tuelle sans compromis.

Il émer­veillait ses col­la­bo­ra­teurs par sa maïeu­tique : écoute puis conclu­sion par­faite, argu­men­tée à par­tir de ce qu’il avait récol­té et médi­té. Il n’hésitait jamais à appro­fon­dir les solu­tions les plus inno­vantes et à pous­ser à leur mise en oeuvre si elles lui parais­saient adap­tées et éco­no­mi­que­ment rentables.

Plein d’initiatives, Michel était un ani­ma­teur tou­jours prêt à aider, jamais désar­çon­né dans les pires situa­tions, extra­or­di­naire joueur de mots, de rap­pro­che­ments inat­ten­dus. Sa joie inté­rieure, mani­feste, débor­dait dans les réunions ami­cales, de famille, de promotion.

Il émer­veilla sa famille et ses amis par sa façon de vivre, cou­ra­geu­se­ment et joyeu­se­ment, les deux années où il se savait pour­tant ron­gé par un mal incurable.

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