Loxodromie et projection de Mercator

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°610 Décembre 2005Par : Raymond D’HOLLANDER (38) et la collaboration d’Henri Marcel DUFOUR (44)Rédacteur : Jean BOURGOIN (45)

Cet ouvrage retrace en détail l’histoire de la loxo­dro­mie et de la pro­jec­tion de Mer­ca­tor, ces deux sujets étant étroi­te­ment imbriqués.

En 1537 le cos­mo­graphe por­tu­gais, Pedro Nunes, ima­gine le concept de loxo­dro­mie, tra­jec­toire décrite par un navire navi­guant à cap constant sur la Terre sup­po­sée sphé­rique. Sa théo­rie, jugée à tort fausse par le mathé­ma­ti­cien Simon Ste­vin, est réha­bi­li­tée près de quatre cents ans plus tard par l’auteur. Celui-ci s’est atta­ché la col­la­bo­ra­tion d’un uni­ver­si­taire por­tu­gais spé­cia­liste de Pedro Nunes pour écrire la bio­gra­phie du grand cos­mo­graphe por­tu­gais, bio­gra­phie très mal connue en France, où les publi­ca­tions le concer­nant com­portent de nom­breuses erreurs.

En 1541, Gérard Mer­ca­tor trace des loxo­dro­mies sur un globe terrestre.

En 1569, il publie à Duis­burg sa célèbre carte Ad usum navi­gan­tium, dans le sys­tème de pro­jec­tion qui porte son nom et où les loxo­dro­mies sont repré­sen­tées par des droites. C’est une véri­table révo­lu­tion dans la car­to­gra­phie marine. Avec la col­la­bo­ra­tion d’Henri Mar­cel Dufour, l’auteur fait une étude détaillée des dif­fé­rentes hypo­thèses qui ont été émises sur la manière dont Mer­ca­tor aurait dres­sé son cane­vas de paral­lèles en lati­tudes crois­santes ; par l’étude de l’orga­num direc­to­rium de la carte, tous les deux énoncent plu­sieurs pro­prié­tés inédites du cane­vas de paral­lèles de Mercator.

Après une des­crip­tion du conte­nu de la carte Ad usum navi­gan­tium, l’auteur indique son mode d’utilisation pour des mesures et il met en évi­dence les pro­grès consi­dé­rables que cette carte apporte par rap­port aux cartes plates anté­rieures. L’ouvrage contient des extraits inédits en France de cette célèbre carte.

En 1594 Edward Wright pré­co­nise l’utilisation des “ sécantes cumu­lées ” pour défi­nir l’écartement des paral­lèles des cartes dites “ réduites ”.

Un cha­pitre est consa­cré à la contri­bu­tion du Fla­mand, Simon Ste­vin, à l’étude de la loxodromie.

Le cha­pitre sui­vant est consti­tué par une impor­tante contri­bu­tion de Ber­nard Leclerc, pro­fes­seur de mathé­ma­tiques à l’Université de Caen, consa­crée à l’histoire mathé­ma­tique de la loxo­dro­mie au XVIIe siècle. Il expose com­ment l’émergence d’outils mathé­ma­tiques nou­veaux : loga­rithmes népé­riens, géo­mé­trie infi­ni­té­si­male, cal­cul dif­fé­ren­tiel et inté­gral, a per­mis l’étude mathé­ma­tique de la loxo­dro­mie par Snel­lius, Leib­niz, Ber­nouilli, Bar­row, Gre­go­ry, pour abou­tir enfin en 1695 à la décou­verte de l’équation de la loxo­dro­mie et de celle de la lati­tude crois­sante par l’astronome Edmund Halley.

Ain­si depuis la nais­sance du concept de loxo­dro­mie dû à Pedro Nunes en 1537 jusqu’à la décou­verte de son équa­tion en 1695, il aura fal­lu cent cin­quante-huit ans, alors que l’exposé et la démons­tra­tion de la for­mule de la lati­tude crois­sante et de celle de la loxo­dro­mie occupent actuel­le­ment moins d’une page dans un trai­té de navi­ga­tion ou un trai­té de car­to­gra­phie mathématique.

Ce voyage dans le temps se ter­mine par un cha­pitre rédi­gé par Hen­ri Mar­cel Dufour, décri­vant les dif­fé­rents sys­tèmes de pro­jec­tion de Mer­ca­tor sur la sphère et sur l’ellipsoïde, uti­li­sés actuel­le­ment en géo­dé­sie et en cartographie.

Ray­mond D’Hollander, ingé­nieur géné­ral géo­graphe hono­raire, a fait sa car­rière à l’Institut géo­gra­phique natio­nal et a été notam­ment direc­teur de l’École natio­nale des sciences géo­gra­phiques ; il se pas­sionne pour l’histoire des sciences, dont il est un spé­cia­liste recon­nu. Sur l’invitation de scien­ti­fiques belges et alle­mands il a par­ti­ci­pé en 1994 au Col­lo­quium orga­ni­sé à Saint-Nico­las (Bel­gique) près du lieu de nais­sance de Mer­ca­tor, à l’occasion du qua­trième cen­te­naire de la mort de l’illustre car­to­graphe fla­mand. Plus récem­ment en 2002 il a été invi­té à Lis­bonne par des scien­ti­fiques por­tu­gais à pré­sen­ter la théo­rie de la loxo­dro­mie de Pedro Nunes, à l’occasion du cin­quième cen­te­naire de sa nais­sance. Il a reçu en 2005 le “ grand prix de car­to­gra­phie ” de la Socié­té de géo­gra­phie pour l’ensemble de son oeuvre.

Hen­ri Mar­cel Dufour, ingé­nieur géné­ral géo­graphe hono­raire, a diri­gé le bureau d’étude et de cal­cul du Ser­vice de la géo­dé­sie de l’Institut géo­gra­phique natio­nal. Il est spé­cia­liste des sys­tèmes de pro­jec­tion uti­li­sés en géo­dé­sie et en cartographie.

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