Louis-Joseph Libois (41), Pionnier du numérique

Dossier : ExpressionsMagazine N°652 Février 2010
Par Jean DUQUESNE (52)

Né en 1921, Louis-Joseph Libois nous a quit­tés le 23 octobre 2009, quelques semaines après le décès de son frère Claude Libois (43), ingé­nieur de l’ar­me­ment qui a fait toute sa car­rière dans l’in­dus­trie de l’élec­tro­nique de défense.

En 1946, Louis-Joseph Libois rejoint le SRCT (Ser­vice des recherches et du contrôle tech­nique) qui allait deve­nir le CNET. En 1957, il est nom­mé à la tête du Dépar­te­ment » Recherches sur les machines élec­tro­niques « . Il prend la res­pon­sa­bi­li­té du centre de Lan­nion en 1962 et devient direc­teur du CNET en 1971.

À cette date il est nom­mé direc­teur géné­ral des télé­com­mu­ni­ca­tions, l’é­qui­valent actuel de pré­sident de France-Télé­com, jus­qu’en 1974. Il rejoi­gnit alors la Cour des comptes comme conseiller maître, rôle dans lequel son » pou­voir sépa­ra­teur » ren­dit de nom­breux services.

Le choix du numérique

Sur le plan tech­nique, il fut tout d’a­bord res­pon­sable des trans­mis­sions par voie hert­zienne. Il se consa­cra ensuite à la numé­ri­sa­tion des télé­com­mu­ni­ca­tions. En 1962, il faut envi­sa­ger de nou­velles géné­ra­tions de maté­riel pour rem­pla­cer les vieux cen­traux télé­pho­niques : Louis-Joseph Libois a l’au­dace de lan­cer l’é­tude de solu­tions basées sur une élec­tro­nique numé­rique tem­po­relle pilo­tée par des ordi­na­teurs, au moment où les Bell Labs de l’ex-ATT y renon­çaient. Ces tra­vaux abou­tissent en 1970 à une pre­mière mon­diale : la mise en ser­vice du cen­tral de Per­ros-Gui­rec. Puis ce fut le lan­ce­ment du réseau Trans­pac (trans­mis­sion de don­nées par paquets) et des trans­missions par fibres optiques.

Une curiosité sans limites

Trans­pac
En 1973, sous la pres­sion du pro­jet concur­rent Cyclades et d’un groupe d’utilisateurs très actifs, le CIGREF, L.-J. Libois prend la déci­sion de lan­cer un réseau com­mu­té basé sur la norme X25 ava­li­sée par le CCITT : c’est la nais­sance de Transpac.

Il fut aus­si pré­sident de la sec­tion fran­çaise de l’Ins­ti­tute of Elec­tri­cal and Elec­tro­nics Engi­neers et de la Socié­té fran­çaise des élec­tri­ciens, des élec­tro­ni­ciens et des radio­élec­tri­ciens, membre fon­da­teur de l’A­ca­dé­mie des tech­no­lo­gies et Com­man­deur de la Légion d’honneur.

Avec ses grandes qua­li­tés humaines, sa curio­si­té intel­lec­tuelle était inex­tinguible. Pour s’en faire une idée, il suf­fit de lire Ter­ra inco­gni­ta, son der­nier ouvrage évo­qué dans La Jaune et la Rouge d’a­vril 2009. Il y expose ses vues sur des sujets aus­si divers que la théo­rie de l’é­vo­lu­tion, la poé­sie, l’art et, sin­gu­liè­re­ment, l’art contemporain.

Un hom­mage de Mar­cel Rou­let (54)
Dans » la lettre du Colidre « , l’an­cien PDG de France-Télé­com et ancien pré­sident de l’AX écrit : » Au total L.-J. Libois aura mar­qué l’his­toire des télé­com­mu­ni­ca­tions fran­çaises. Un grand ser­vi­teur de l’É­tat et de la France, humble et modeste, nous a quittés. »

Sur le blog de Bruno Frappat

Cet homme de quatre-vingt huit ans, poly­tech­ni­cien, ingé­nieur, savant et huma­niste, curieux de tout, chré­tien fidèle, veuf et sans enfant, avait durant des décen­nies ser­vi avec hon­neur la haute fonc­tion publique. Sans esbroufe,sans clin­quant. Il avait « agi » (mot à la mode) avec la fier­té du devoir accom­pli mais sans la morgue des puis­sants. S’il y a bien une jus­tice – et com­ment en dou­ter ? – il devrait être accueilli là-haut avec ces mots tout simples : « Voi­ci un homme de bien, qui fut utile à ses contem­po­rains et ne l’a pas crié sur les toits. Entrez, vous êtes chez vous. »

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