L’image du plateau

Dossier : ExpressionsMagazine N°600 Décembre 2004Par : Georges WATERNAUX (41)

Le plateau

Ima­gi­nons une per­sonne qui trans­porte un pla­teau, par exemple avec des tasses à café. Ces tasses sont visibles, mais non pas les mains du por­teur si elles sont pla­cées bien en dessous.

Ima­gi­nons, sur le pla­teau, non pas des tasses, mais des petits san­tons jouant une comédie.

Ima­gi­nons que ces petits san­tons soient innom­brables, qu’un pla­né­ta­rium soit au-des­sus de leur tête avec les astres et les galaxies.

C’est ain­si que l’on peut voir la créa­tion comme sou­te­nue par un pla­teau : avec le cos­mos et la voûte étoi­lée, et avec l’hu­ma­ni­té qui vit sur la terre.

Le Créateur

Le Créa­teur sou­tient le pla­teau1. Il sou­tient la créa­tion. Celle-ci s’ef­fon­dre­rait dans le néant sans la force divine, mais celle-ci main­tient en action la créa­ti­vi­té de la nature.

Sur le pla­teau, nous voyons le cos­mos évo­luer en un mou­ve­ment hori­zon­tal, celui de l’His­toire. Nous pou­vons connaître ce mou­ve­ment grâce à l’ob­ser­va­tion et l’ex­pé­ri­men­ta­tion. Mais la connais­sance scien­ti­fique n’a pas accès à la rela­tion qui existe, hors du temps, entre l’u­ni­vers et son Créa­teur. Celui-ci fait émer­ger la vie, Il la fait s’or­ga­ni­ser selon les lois qu’Il lui confère. Il dote chaque être humain de ses facul­tés intel­lec­tuelles et spi­ri­tuelles, du » pou­voir pen­ser et choisir « .

Cepen­dant l’ac­tion divine qui s’exerce ain­si dans un sens ver­ti­cal et dans l’é­ter­nel ins­tant demeure invisible.

Cette dis­tinc­tion entre mou­ve­ment hori­zon­tal et rela­tion ver­ti­cale per­met de mieux réa­li­ser la dif­fé­rence entre les phé­no­mènes sen­sibles et les réa­li­tés révélées.

Le cos­mos évo­lue, l’hu­ma­ni­té vit son his­toire sans que Dieu inter­vienne de façon visible, sans qu’Il montre sa main, mais en lais­sant la nature se construire selon ses propres lois. Et Il n’in­ter­vient pas pour cor­ri­ger les déficiences.

C’est l’ob­ser­va­tion seule qui per­met de décou­vrir COMMENT les choses se passent. À Napo­léon qui le ques­tion­nait sur la place de Dieu dans les lois de la nature, le mar­quis de Laplace pou­vait répondre : » Je n’ai pas besoin de cette hypothèse. »

En effet, Dieu laisse agir les causes secondes. Il appar­tient à la rai­son d’or­ga­ni­ser ses connais­sances, de com­prendre, à par­tir des don­nées expé­ri­men­tales, com­ment fonc­tionne l’u­ni­vers en ver­tu de ses forces internes.

Mais Dieu est Cause Pre­mière. Il est la cause d’exis­tence de ce qui est contin­gent, de ce qui pour­rait ne pas exis­ter. Il est une cause onto­lo­gique et non pas une cause cos­mo­lo­gique, ni un pre­mier moteur qui se situe­rait et agi­rait dans le mou­ve­ment horizontal.

Des domaines différents

Les pen­seurs et les cher­cheurs, les scien­ti­fiques et les phi­lo­sophes insistent de plus en plus sou­vent sur la néces­si­té de sépa­rer bien clai­re­ment ce qui est l’ob­jet de la science et ce qui est l’ob­jet de la méta­phy­sique, aucune des deux approches ne devant faire obs­tacle à l’autre2.

En son temps, l’é­non­cé par New­ton de la loi de gra­vi­ta­tion uni­ver­selle a jeté le trouble dans les esprits, tant cette nou­velle for­mu­la­tion était en contra­dic­tion avec les idées reçues.

Il n’é­tait plus besoin de faire inter­ve­nir des puis­sances célestes pour expli­quer le mou­ve­ment des astres. Celui-ci résulte seule­ment de l’at­trac­tion des masses.

À tort, on avait vou­lu faire dire à la Bible ce qu’elle ne dit en aucune manière.

Les lois phy­siques ne sont nul­le­ment en oppo­si­tion avec les don­nées de la Foi.

L’as­tro­no­mie étu­die les mou­ve­ments du cos­mos que le Créa­teur sou­tient sans le modifier.

L’in­ter­ven­tion de la Cause Pre­mière n’est pas à recher­cher dans le big-bang. Dieu laisse faire la nature en lui confé­rant une créativité.

Inver­se­ment, on ne s’ap­puie­ra pas sur les connais­sances scien­ti­fiques pour résoudre les grands pro­blèmes méta­phy­siques. Jamais un Gaga­rine ne ver­ra Dieu au milieu des étoiles. Jamais un chi­rur­gien ne détec­te­ra une âme sous son scal­pel. Et la science qui pense » déter­mi­nisme « , qui voit seule­ment le hasard ou la néces­si­té, n’est pas en mesure de dire aux hommes d’où vient leur liber­té ni ce en quoi elle consiste.

Chaque dis­ci­pline a son domaine. La théo­lo­gie n’a pas à prendre posi­tion en matière scien­ti­fique, pas plus que la connais­sance expé­ri­men­tale ne peut dire son mot lors­qu’il s’a­git de l’invisible.Ainsi devrait se dis­si­per le vieil anta­go­nisme entre science et foi. Si l’on dis­tingue conve­na­ble­ment le domaine de cha­cune, cet anta­go­nisme devient fort arti­fi­ciel. Il n’y a plus aucune rai­son de voir se contre­dire les décou­vertes scien­ti­fiques et les écrits ima­gés de la Bible.

» L’al­pha et l’o­mé­ga « 3 ne sont pas com­men­ce­ment ni fin dans une his­toire. Mais Dieu est fon­de­ment et fina­li­té. » Arke Kai Telos « , dans une rela­tion avec l’univers.

C’est dans cette rela­tion avec le Créa­teur qu’on peut décou­vrir le des­sein de Dieu, la réponse à l’in­ter­ro­ga­tion sur le POURQUOI des choses. La des­ti­née de l’homme ne se lit pas dans le cos­mos, mais dans les signes d’o­ri­gine divine que découvre la pen­sée, dans le mes­sage révé­lé qui s’a­dresse, lui aus­si, à la rai­son humaine.

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1. Cela ne signi­fie pas que le Créa­teur se situe » sous le pla­teau « . En fait, Il n’est nulle part. Dieu est en dehors de l’es­pace et du temps. Mais il sou­tient la Créa­tion de l’in­té­rieur, car Sa rela­tion avec cette Créa­tion est à la fois trans­cen­dante et immanente.
2. On cite­ra en particulier :
– le pro­fes­seur Domi­nique Lecourt de l’u­ni­ver­si­té de Paris VII (Science et Ave­nir, juin 1991, p. 45) ;
– Hubert Reeves, dans Mali­corne, Seuil, p. 169 et 170.
3. Apo­ca­lypse, cha­pitre 21, ver­set 6.

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