Statue du général de Miribel à Hauterives

Les X dans la guerre : huit portraits commentés

Dossier : Le Grand Magnan 2017Magazine N°727 Septembre 2017
Par Christian MARBACH (56)


Marie François joseph de MIRIBEL
(1851), 1931–1893


Sta­tue du géné­ral de Miri­bel à Hau­te­rives dans la Drôme.

La petite ville de Hau­te­rives est sur­tout connue pour le mer­veilleux Palais du fac­teur Che­val, superbe tra­vail d’artisan inven­tif pour une vision uto­pique. Mais, à quelques pas de ce Palais, Hau­te­rives fait aus­si mémoire, par une sta­tue en gloire, du géné­ral de Miri­bel, qui y décéda. 

Ce sol­dat avait com­bat­tu dans toutes les guerres de la seconde moi­tié du XIXe siècle. Miri­bel croyait avec force en Dieu et Dieu lui appor­ta son aide contre les Russes en Cri­mée, contre les Autri­chiens en Ita­lie, contre les Jua­ristes au Mexique, contre les Prus­siens en France, contre les Com­mu­nards à Paris. 

Les cam­pagnes se suc­cé­daient, par­fois stop­pées par quelque bles­sure sui­vie d’une courte conva­les­cence, sou­vent célé­brées par quelque remise de déco­ra­tion, régu­liè­re­ment rela­tées dans les jour­naux pour quelque exploit lors d’un com­bat hors normes. 

Et Miri­bel fut nom­mé chef d’état-major géné­ral des armées en 1890. Le cou­ron­ne­ment de sa carrière. 

COMMENTAIRE

Miri­bel connut un moment de vraie gloire à Pue­bla, mais qu’allions-nous faire là-bas ? Et lui, se posait-il cette ques­tion ? Et quand il fut effi­cace pour par­ti­ci­per à la défaite des Com­mu­nards, le fit-il sans états d’âme car, sol­dat dis­ci­pli­né, il obéis­sait à un gou­ver­ne­ment démo­cra­ti­que­ment légitime ?

En par­cou­rant la liste des ter­rains d’affrontement qui furent pro­po­sés aux X sol­dats, de la cam­pagne de Rus­sie aux gué­rillas de la déco­lo­ni­sa­tion, le lec­teur de 2017 pour­ra évi­dem­ment haus­ser les sour­cils car aujourd’hui nous ne por­tons pas le même regard sur les rai­sons ou les méthodes de cer­taines de nos inter­ven­tions mili­taires passées.


René ROY
(1914), 1894–1977

Photo de tranchée 1914
Pho­to de tran­chée, du fonds Rou­que­rol de l’X. © COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE (PALAISEAU)

Quand René Roy passe le concours d’entrée à l’X, en juin 1914, il sait déjà que la guerre s’annonce avec évi­dence. Il sait aus­si que la voca­tion de l’École est res­tée « mili­taire » comme au siècle précédent. 

La pro­mo­tion 1914 va suivre une for­ma­tion mili­taire accé­lé­rée sans rejoindre la Mon­tagne Sainte-Gene­viève. Plus de 900 X périrent durant cette guerre et cha­cune des pro­mos com­prises entre 1909 et 1914 va perdre un quart de ses effec­tifs. Seules les pro­mo­tions du Pre­mier Empire, de 1802 à 1809, avaient subi de telles coupes dans leurs effectifs. 

Dans l’anthologie de textes sur « la Grande Guerre des Écri­vains » qu’Antoine Com­pa­gnon (70) a publiée, il est un sen­ti­ment sou­vent expri­mé : celui du res­pect méri­té par les jeunes offi­ciers par­ta­geant avec leurs sol­dats les dan­gers des corps-à-corps et des pluies d’obus dans les tranchées. 

Pour sa part, Roy fera par­tie des bles­sés graves. Il s’était d’abord bat­tu à Craonne en 1915, à Ver­dun en 1916. Et au Che­min des Dames en 1917, il perd la vue. 

Roy reprend cepen­dant les cours scien­ti­fiques en 1918. Il sort pre­mier de sa pro­mo­tion et choi­sit les Ponts. Il y vivra une car­rière dense et ani­mée. Ce savant excep­tion­nel avait su conti­nuer, mal­gré ses bles­sures, à mar­cher Vers la lumière.

Roy, auteur de nom­breux ouvrages d’économie, d’économétrie et de sta­tis­tique, avait aus­si écrit un livre de réflexion por­tant ce titre (Fas­quelle édi­teurs, 1930). 

COMMENTAIRE

Par­ler des X dans la guerre, c’est aus­si évo­quer les X qui ont com­bat­tu sans avoir choi­si le métier des armes.

Et ils ont aus­si eu à affron­ter la ques­tion de leur ave­nir pro­fes­sion­nel, sou­vent une car­rière stop­pée par la guerre, par­fois l’inévitable obli­ga­tion de chan­ger de métier ou d’orientation.


Serge RAVANEL
(1939), 1920–2009

Le chant des partisans.
Le chant des par­ti­sans.

Admis à l’X en juin 1939, Serge Asher y est appe­lé pour une sco­la­ri­té met­tant l’accent sur les res­pon­sa­bi­li­tés de futur offi­cier. Après l’armistice, il conti­nue sa « for­ma­tion » dans le Limou­sin avant d’être convo­qué dans les chan­tiers de jeu­nesse puis en novembre 1940 à Lyon, où l’X a déménagé. 

Mais faut-il vrai­ment se plon­ger alors dans les études scien­ti­fiques ? Ce n’est qu’en mai 1941 que Serge Asher prend des contacts encore timides avec une résis­tance encore bien modeste. Ces longs mois d’études et de matu­ra­tion poli­tique avaient fini par per­sua­der Asher qu’il peut et doit pas­ser à l’action effective. 

Une fois qu’il s’est jeté à l’eau (ce qui lui arri­ve­ra d’ailleurs un jour au sens propre pour échap­per à la Ges­ta­po en plon­geant dans l’Arve…), il va connaître le temps des bombes, des voyages clan­des­tins en s’attachant sous les plan­chers des wagons, des faux papiers avec divers faux noms, dont celui de Rava­nel trou­vé dans un roman de Fri­son-Roche, des codes, des opé­ra­tions en groupes, des tra­hi­sons, des arres­ta­tions et des éva­sions, des bles­sures, des dis­putes et négo­cia­tions entre réseaux, des contacts dif­fi­ciles avec les ser­vices du géné­ral de Gaulle à Londres ou ceux des Alliés, des arrière-pen­sées rela­tives à l’avenir de la France après la Libération. 

Après la guerre, Asher gar­de­ra son nom de résis­tant – Rava­nel. D’abord inté­gré dans l’armée, il en démis­sionne en 1950 et entame une car­rière d’ingénieur et de consultant. 

COMMENTAIRE

On peut trou­ver dans l’histoire bien des périodes où des poly­tech­ni­ciens ont témoi­gné de cette volon­té de refus. Avec des expres­sions qui allaient du cha­hut pas tou­jours oppor­tun à de vrais com­bats sur des bar­ri­cades, ou à l’engagement mili­taire jusqu’au sacrifice.

Les X enga­gés dans la libé­ra­tion d’un pays annexé, exploi­té, par­fois mar­ty­ri­sé en ont appor­té la preuve.


Raoul François DAUTRY
(1900), 1880–1951

Entré dans l’armée après l’X, Raoul Dau­try en démis­sionne très vite pour rejoindre la Com­pa­gnie du che­min de fer du Nord. Le voi­ci par­ti pour une car­rière excep­tion­nelle de che­mi­not, mana­ger clair­voyant autant inté­res­sé par les ques­tions tech­niques que sociales. 

Affiche du film de Jean Dréville, La bataille de l’eau lourde
Affiche du film de Jean Dréville,
La bataille de l’eau lourde, 1948.

Dès 1914, le réseau dont il est res­pon­sable est ou détruit, ou réqui­si­tion­né pour per­mettre l’exode des réfu­giés. Dau­try entre « dans la guerre ». Il y fait mer­veille, s’attirant la recon­nais­sance de Joffre et de Foch. On lui doit notam­ment « la ligne des cent jours » qui ser­vi­ra lors de la contre-offen­sive de la Somme. 

En 1940, Dau­try, deve­nu trop tard ministre de l’Armement, aura eu le temps de deman­der que l’eau lourde fabri­quée en Nor­vège soit éva­cuée de ce pays mena­cé par l’avancée allemande. 

Et il fera trans­fé­rer en Grande-Bre­tagne le 16 juin 1940 dans des condi­tions rocam­bo­lesques le stock dis­po­nible en France, de nou­veau juste à temps. 

Les ciné­philes qui ont aimé La Bataille de l’eau lourde de Dré­ville ou Bon Voyage de Rap­pe­neau seront heu­reux de ce rappel. 

Après son départ du gou­ver­ne­ment, en 1940, il se retire aus­si­tôt à Lour­ma­rin. S’il ne rejoint pas de Gaulle à Londres ou à Alger, il reste en contact avec lui et le Conseil natio­nal de la Résistance. 

Aus­si sera-t-il nom­mé, à la Libé­ra­tion, dans divers postes de res­pon­sa­bi­li­té, notam­ment comme ministre de la Recons­truc­tion et de l’Urbanisme puis comme Admi­nis­tra­teur géné­ral du CEA. 

COMMENTAIRE

Comme bien d’autres, les poly­tech­ni­ciens entrent sou­vent dans la guerre sans com­battre eux-mêmes, tout en s’engageant déli­bé­ré­ment dans les acti­vi­tés de défense, et dans des domaines variés, logis­tique ou pro­duc­tion, concep­tion ou espionnage.

Ain­si Citroën trans­for­mant ses usines pour fabri­quer obus et arme­ments en 1914.

Ain­si d’innombrables Résis­tants rejoi­gnant les rangs de l’Armée des ombres après 1940.


Jean François Arsène KLOBB
(1876), 1857–1899

Klobb tué par les troupes de Voulet. Couverture illustrée du journal
Klobb tué par les troupes de Vou­let. Cou­ver­ture illus­trée du jour­nal Cor­riere Illus­tra­to del­la Dome­ni­ca, Milan, 3 sep­tembre 1899.

Klobb est né à Ribeau­villé, dans le Haut- Rhin en 1857. Après la défaite de 1870, sa famille choi­sit de res­ter fran­çaise, comme le feront un tiers des Alsa­ciens et Mosel­lans, comme le fera la famille d’Alfred Drey­fus (1878).

À sa sor­tie de l’X, il choi­sit l’artillerie de marine. Sauf un pas­sage en Guyane, sa car­rière se déroule pour l’essentiel au Sou­dan fran­çais, un ter­ri­toire qui devien­dra le Mali. C’est en tant que com­man­dant à Tom­bouc­tou, qui vient d’être conquis par Joffre (1869), qu’il orga­ni­sa les pre­mières uni­tés méha­ristes, refou­la les Toua­regs vers Gao. 

C’est aus­si là qu’il va être appe­lé à deve­nir un des acteurs du drame de la mis­sion diri­gée par Vou­let et Chanoine. 

Ces deux offi­ciers qui connais­saient bien la région ont convain­cu Paris de les envoyer vers le centre de l’Afrique, pour étendre la zone d’influence fran­çaise. Ils se lancent dans une expé­di­tion de conquête en uti­li­sant des méthodes d’une rare brutalité. 

Quand les incen­dies de vil­lages et les mas­sacres com­mis sont rap­por­tés aux auto­ri­tés fran­çaises, celles-ci décident d’y mettre fin et demandent à Klobb de rejoindre leur mis­sion et d’en prendre le commandement. 

À l’été 1899, Klobb part avec une petite troupe, rejoint le déta­che­ment Vou­let-Cha­noine près de Zin­der ; il leur fait connaître les déci­sions du gou­ver­ne­ment, mais Vou­let refuse de les accep­ter, et le 14 juillet, il fait assas­si­ner Klobb, qui s’était pour­tant enga­gé à ne pas ouvrir le feu. 

Cer­tains tirailleurs se rebellent alors contre leurs chefs, et suc­ces­si­ve­ment Vou­let puis Cha­noine sont abattus. 

COMMENTAIRE

Pen­dant un siècle et demi, les offi­ciers poly­tech­ni­ciens ont par­ti­ci­pé à pra­ti­que­ment toutes les cam­pagnes mili­taires de la France, en Europe mais aus­si en Afrique du Nord, en Afrique noire, à Mada­gas­car, en Indo­chine. Je pour­rais ajou­ter l’Égypte, Saint- Domingue, le Mexique.

Ce texte n’a pas pour objec­tif de pré­sen­ter une thèse ambi­tieuse sur la colo­ni­sa­tion elle-même, et ses divers aspects mais donne l’occasion de rap­pe­ler quelques noms de poly­tech­ni­ciens qui y ont par­ti­ci­pé au ser­vice de leur pays : Lamo­ri­cière (1824), Rigault de Genouilly (1825), Faid­herbe (1838), Dou­dart de Lagrée (1842), Doli­sie (1879) ou Klobb.


Louis Ferdinand FERBER
(1882), 1862–1909

Tableau : Le dernier vol du capitaine Ferber
Le der­nier vol du capi­taine Fer­ber (avec détail) par Rovel (X 1868), © COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE (PALAISEAU)


 
Sur les registres de 1882, un artilleur. Mais un artilleur plus vite pas­sion­né par les débuts de l’aviation que les per­fec­tion­ne­ments des canons. Il se ren­seigne sur les expé­riences de l’Allemand Otto Lilien­thal ou des frères Wright aux États- Unis, il veut pla­cer la France dans le déve­lop­pe­ment de ce moyen de transport. 

Il s’attache à moto­ri­ser ses aéro­planes, ce qui lui per­met d’effectuer par­fois des bonds. Il com­prend et appri­voise les gestes du pilo­tage, dès lors que l’on veut faire voler un « plus lourd que l’air ». Il prend alors part à de nom­breux meetings. 

Le 27 mai 1905, il réus­sit avec son appa­reil, le pre­mier véri­table « vol stable en Europe », et en 1909 à Reims, il réus­sit à par­cou­rir 30 kilomètres. 

Fer­ber est assez scien­ti­fique pour appro­cher les mys­tères des sciences indis­pen­sables à l’avionique. Il est assez tech­ni­cien pour mettre au point des grues de lan­ce­ment, et défi­nir les para­mètres des moteurs qu’il monte sur ses drôles d’engins volants. 

Grand lec­teur de Jules Verne, il est aus­si conscient de la néces­si­té de com­mu­ni­quer pour prou­ver l’efficacité de ses pro­to­types et, deve­nu pilote expé­ri­men­té, fait par­ta­ger aux foules sa propre foi dans le futur de l’aviation.

Fer­ber se tue le 22 sep­tembre 1909 au cours d’une démons­tra­tion à Bou­logne-sur- Mer. 

COMMENTAIRE

L’actualité quo­ti­dienne conti­nue à nous rap­pe­ler la muta­tion conti­nuelle des tech­no­lo­gies uti­li­sées pour la défense et la guerre. L’aviation est un excellent exemple de ces pro­grès, et de la course conti­nuelle entre la puis­sance de l’obus et la résis­tance de la cui­rasse (je cite ici le Verne De la Terre à la Lune).

Qui peut dou­ter de la néces­si­té conti­nuelle de pro­té­ger son pays dans un envi­ron­ne­ment en per­pé­tuelle transformation ?

Et qui peut dou­ter de notre besoin conti­nu de for­mer dans ce but des pion­niers comme ceux dont on peut lire les noms dans les annuaires de l’École ?


Joseph Albert TOUFLET
(1871), 1853–1885

Monument funéraire consacré à Touflet, au Salvador
Il y a une dizaine d’années, Domi­nique Saint- Jean (1967), en mis­sion de coopé­ra­tion au Sal­va­dor, a obte­nu la remise en état du monu­ment funé­raire consa­cré à Touflet.

La pro­mo­tion 1871 est celle de Fer­di­nand Foch. Elle est aus­si celle d’Albert Tou­flet, un cocon mécon­nu, sauf au Sal­va­dor. Tou­flet com­mence sa car­rière mili­taire dans l’artillerie.

En 1881, il est envoyé avec son ami Mon­tes­sus (1871) au Sal­va­dor pour y ensei­gner l’art fran­çais de la guerre. Mon­tes­sus quitte le Sal­va­dor en 1885 et devien­dra un expert mon­dial sur la séis­mo­lo­gie des Andes mais Tou­flet reste sur place. 

Le dic­ta­teur du Gua­te­ma­la, Jus­to Rufi­no Bar­rios, veut alors annexer son voi­sin. Après des pre­miers revers, l’armée sal­va­do­rienne se replie sur des posi­tions qu’elle for­ti­fie, à Chal­chua­pa. L’instructeur fran­çais ne peut pas se conten­ter de res­ter spec­ta­teur des combats. 

Il aide au ren­for­ce­ment des for­ti­fi­ca­tions, à la mise en place des bat­te­ries, à l’exécution des tirs. La valeur des troupes sal­va­do­riennes sur­prend l’armée de Bar­rios, et l’assaut mené par le dic­ta­teur lui-même le 2 avril 1885 échoue. 

Bar­rios est tué, les troupes gua­té­mal­tèques s’enfuient, le Sal­va­dor est sauvé. 

COMMENTAIRE

Depuis la créa­tion de l’École, des X ont tou­jours été appe­lés à appor­ter le concours de la France à des armées étran­gères, par leur ensei­gne­ment ou à l’occasion de livrai­sons d’armes et de matériels.

Voi­ci quelques exemples du XIXe siècle. Ber­nard (1794) a ren­for­cé les for­ti­fi­ca­tions des États-Unis contre un pos­sible assaut bri­tan­nique, Cro­zet (1807) a créé le Vir­gi­nia Mili­ta­ry Ins­ti­tute, Fab­vier (1802) a été un des héros de l’indépendance grecque.

Ver­ny (1856) a construit un arse­nal et Ber­tin (1858) des navires au Japon, Lamo­ri­cière (1824) a défen­du les États du pape contre le Pié­mont ou Gari­bal­di, Bru­net (1857) a lut­té avec des samou­raïs contre l’empereur Mei­ji et Tou­flet est mort à Chal­chua­pa pour le Salvador.


Guillaume Henri DUFOUR
(1807), 1787–1875

Dessin de Guillaume-Henri Dufour, à cheval,  par Claude Gondard (65).
Guillaume-Hen­ri Dufour par Claude Gon­dard (65). © CLAUDE GONDARD

Un X dans la guerre. Quel magni­fique sujet si on choi­sit d’évoquer à ce pro­pos le géné­ral suisse Dufour ! Les accords entre la France et la Confé­dé­ra­tion hel­vé­tique per­met­taient en 1807 à un jeune Suisse de pré­sen­ter le concours d’entrée à Poly­tech­nique dans les mêmes condi­tions qu’un Français. 

Voi­ci donc notre fils d’horloger deve­nu interne au Col­lège de Navarre. Après l’école d’application de Metz, il com­mence une car­rière dans l’armée impé­riale. Mais, la Res­tau­ra­tion le met en demi-solde puis le renvoie. 

Dufour rentre à Genève et y cherche un emploi. Et le voi­ci enga­gé dans une car­rière épous­tou­flante. Sa for­ma­tion excep­tion­nelle pour l’époque, sa connais­sance des pro­blèmes mili­taires, sa maî­trise des tech­no­lo­gies, ses qua­li­tés péda­go­giques recon­nues, son hon­nê­te­té et sa dis­cré­tion lui per­mettent de jouer un rôle émi­nent dans la vie publique. 

Et la guerre, me direz-vous ? Nous y voici. 

En 1847 éclate le conflit du Son­der­bund, lorsque cer­tains can­tons déci­dèrent de faire séces­sion. Le gou­ver­ne­ment fédé­ral fait appel à Dufour, qui s’est déjà illus­tré et fait res­pec­ter par ses tra­vaux d’urbanisme à Genève, le lan­ce­ment de « la carte Dufour », la moder­ni­sa­tion de l’armée suisse. 

En quelques semaines, ce stra­tège accom­pli réduit les can­tons rebelles en les atta­quant dans l’ordre le plus effi­cace ; il sait tenir compte de leurs carac­té­ris­tiques de loca­li­sa­tion et d’engagement dans le conflit. 

Il obtient suc­ces­si­ve­ment leur red­di­tion. Tac­ti­cien, il gagne sans trop de pertes, de part et d’autre. Négo­cia­teur loyal, il sait se ser­vir à bon escient de la menace comme du pardon. 

En quelques mois, il ramène la tran­quilli­té en Suisse. 

COMMENTAIRE

Par­ler des X dans la guerre, c’est par­ler des X avant la guerre, pen­dant la guerre, après la guerre. Au soir de sa vie, Dufour des­si­na lui-même sa future tombe, un simple car­ré de terre avec deux stèles côte à côte, pour sa femme et pour lui.

Sur la sienne, cette courte ins­crip­tion accom­pagne nom, pré­noms et dates : « Hel­ve­to­rum Dux », c’est-à-dire géné­ral des Suisses. Et cette devise : « Hon­neur et franchise. »

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