Les relations bilatérales entre la France et le Viêtnam

Dossier : Le Viêtnam en 2005Magazine N°609 Novembre 2005
Par Jean-François BLAREL

Épine dor­sale de ce par­te­na­riat, notre poli­tique d’aide au déve­lop­pe­ment a connu en 2005 une avan­cée consi­dé­rable : avec 334 mil­lions d’eu­ros d’aide publique au déve­lop­pe­ment, la France est le second bailleur bila­té­ral après le Japon. Cet effort finan­cier excep­tion­nel reflète le sou­tien que sou­haite appor­ter la France à deux pro­jets essen­tiels, le pro­jet de trans­port fer­ré urbain d’Ha­noi (enga­ge­ment de 165 mil­lions d’eu­ros) et une seconde phase de moder­ni­sa­tion des équi­pe­ments de signa­li­sa­tion et de télé­com­mu­ni­ca­tions fer­ro­viaires sur la ligne Hanoi-Vinh (enga­ge­ment de 40 mil­lions d’euros).

La qua­li­té de notre coopé­ra­tion s’ap­pré­cie non seule­ment en chiffres mais aus­si au regard de la per­ti­nence des sec­teurs d’in­ter­ven­tion. Au cours de ces der­nières années, la France a concen­tré ses efforts de coopé­ra­tion autour de cinq objectifs :

  • accom­pa­gner le Viêt­nam dans sa tran­si­tion juri­dique et politique ;
  • sou­te­nir la moder­ni­sa­tion du sys­tème édu­ca­tif et de recherche ;
  • pro­mou­voir une coopé­ra­tion cultu­relle fon­dée sur l’é­change et le trans­fert de savoir-faire ;
  • accom­pa­gner la muta­tion de l’é­co­no­mie et faci­li­ter l’in­té­gra­tion à venir à l’Or­ga­ni­sa­tion mon­diale du commerce ;
  • contri­buer à la réduc­tion de la pau­vre­té et à l’a­mé­lio­ra­tion des acquis sociaux.


La place par­ti­cu­lière accor­dée à l’en­sei­gne­ment supé­rieur, à la recherche, à la culture et aux trans­ferts de tech­no­lo­gie donne à la France un spectre d’ac­tion très large qui est une spé­ci­fi­ci­té de notre action par­mi les bailleurs de fonds pré­sents au Viêt­nam. L’aide fran­çaise se carac­té­rise éga­le­ment par le grand nombre des acteurs pré­sents sur le ter­rain : on dénombre en effet pas moins de 567 struc­tures publiques, para­pu­bliques, asso­cia­tives ou consu­laires tra­vaillant en coopé­ra­tion au Viêt­nam : struc­tures aca­dé­miques, asso­cia­tions, col­lec­ti­vi­tés locales, struc­tures de santé..

Par­mi les domaines de notre coopé­ra­tion, je vou­drais insis­ter sur notre contri­bu­tion à la for­ma­tion des élites viet­na­miennes. L’en­sei­gne­ment supé­rieur est un des volets prio­ri­taires de l’ac­tion fran­çaise au Viêt­nam. Ces coopé­ra­tions se font sous deux formes :

  • une action forte et ambi­tieuse des éta­blis­se­ments uni­ver­si­taires fran­çais au Viêt­nam, au tra­vers de plus de 150 accords uni­ver­si­taires avec les éta­blis­se­ments d’en­sei­gne­ment supé­rieur viet­na­mien, qui visent à déve­lop­per des for­ma­tions au Viêtnam ;
  • une action en vue de favo­ri­ser la mobi­li­té des étu­diants viet­na­miens en France, pre­mier pays euro­péen pour l’ac­cueil des étu­diants viet­na­miens avec près de 3 500 étu­diants ins­crits dans les éta­blis­se­ments d’en­sei­gne­ment supé­rieur fran­çais à la ren­trée uni­ver­si­taire 2004 d’autre part.


Au Viêt­nam, depuis plu­sieurs années, la France a contri­bué à la créa­tion de centres de for­ma­tion et à la mise en place de diplômes délo­ca­li­sés des uni­ver­si­tés fran­çaises : Pro­gramme de for­ma­tion des ingé­nieurs d’ex­cel­lence du Viêt­nam (PFIEV), Centre fran­co-viet­na­mien de for­ma­tion à la ges­tion (CFVG), Centre de for­ma­tion à la main­te­nance indus­trielle (CFMI). La France a déci­dé de fran­chir une nou­velle étape et de déve­lop­per un pro­gramme d’am­pleur dans le domaine de la coopé­ra­tion uni­ver­si­taire, annon­cé lors de la visite d’É­tat du Pré­sident Chi­rac au Viêt­nam : la créa­tion de Pôles uni­ver­si­taires fran­çais. Ce pro­jet, insé­ré au sein de l’U­ni­ver­si­té natio­nale du Viêt­nam à Hanoi et à Ho Chi Minh-Ville, accueille­ra des étu­diants dès la ren­trée uni­ver­si­taire 2006. Les for­ma­tions, for­te­ment arti­cu­lées avec la recherche fon­da­men­tale et appli­quée, seront dis­pen­sées dans les grands domaines scien­ti­fiques, tels que les Sciences et Tech­no­lo­gies, les Sciences de la Vie et les Bio­tech­no­lo­gies, les Sciences éco­no­miques et de Ges­tion, les Sciences juri­diques et les Sciences sociales et humaines. D’autre part, la France a pro­cé­dé à la mise en place à Hanoi et à Ho Chi Minh-Ville de centres pour les études en France, des­ti­nés à accroître le nombre de brillants étu­diants viet­na­miens que la France est fière de rece­voir chaque année dans les éta­blis­se­ments d’en­sei­gne­ment supé­rieur français.

En accom­pa­gnant le Viêt­nam sur la voie de sa moder­ni­sa­tion éco­no­mique et sociale, la France favo­rise l’en­vi­ron­ne­ment néces­saire à un accrois­se­ment de nos rela­tions éco­no­miques bila­té­rales. Celles-ci sont d’une grande densité.

La France est le pre­mier inves­tis­seur étran­ger non-asia­tique au Viêt­nam, avec un stock d’in­ves­tis­se­ments de 2,5 mil­liards de dol­lars (soit 5 % du stock des inves­tis­se­ments étran­gers au Viêt­nam) et plus de 200 entre­prises implan­tées dans des sec­teurs d’ac­ti­vi­té variés. Près de 20 000 emplois viet­na­miens sont liés aux inves­tis­se­ments fran­çais au Viêt­nam. Les inves­tis­se­ments les plus emblé­ma­tiques sont ceux d’EDF (cen­trale élec­trique de Phu My), de France Télé­com et d’Al­ca­tel dans les équi­pe­ments de télé­com­mu­ni­ca­tions, de Lafarge dans le sec­teur du ciment, de Sano­fi-Aven­tis dans les pro­duits phar­ma­ceu­tiques, ou du groupe Bour­bon dans la grande dis­tri­bu­tion (Big C). S’y ajoute une forte pré­sence des entre­prises fran­çaises sur des pro­jets struc­tu­rants. Les sec­teurs-clés pour la pour­suite du déve­lop­pe­ment des rela­tions éco­no­miques bila­té­rales sont l’éner­gie (cen­trales élec­triques, trans­port et dis­tri­bu­tion d’élec­tri­ci­té, construc­tion de la raf­fi­ne­rie de Dung Quat, coopé­ra­tion pour l’é­la­bo­ra­tion de la loi sur l’éner­gie nucléaire), les trans­ports urbains et fer­ro­viaires, l’aé­ro­nau­tique et le spa­tial, le domaine aéro­por­tuaire, l’en­vi­ron­ne­ment (ges­tion de l’eau et des déchets de tous types), les télé­com­mu­ni­ca­tions, le sec­teur cimen­tier, les ser­vices finan­ciers, la grande dis­tri­bu­tion, et l’agroalimentaire.

Enfin, les échanges com­mer­ciaux entre la France et le Viêt­nam ont été mul­ti­pliés par huit en dix ans pour atteindre 1,2 mil­liard d’eu­ros en 2004. Les pro­duits phar­ma­ceu­tiques repré­sentent le pre­mier poste des expor­ta­tions fran­çaises vers le Viêt­nam. Les biens d’é­qui­pe­ment consti­tuent le second sec­teur-clef pour nos expor­ta­tions vers le Viêt­nam. Cela recouvre la four­ni­ture par la France d’é­qui­pe­ments tech­no­lo­giques modernes au tis­su pro­duc­tif viet­na­mien dans des domaines aus­si variés que la pro­duc­tion et le trans­port d’éner­gie, et notam­ment d’élec­tri­ci­té, les cimen­te­ries, les télé­com­mu­ni­ca­tions et plus géné­ra­le­ment les tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion. Les pro­duits agroa­li­men­taires fran­çais, et notam­ment les vins et spi­ri­tueux, connaissent une forte dyna­mique sur le mar­ché viet­na­mien. Nous sou­hai­tons qu’elle se pour­suive et atten­dons des auto­ri­tés viet­na­miennes la mise en œuvre de mesures amé­lio­rant encore l’ac­cès au mar­ché pour ces pro­duits, notam­ment dans le cadre de l’ac­cord com­mer­cial signé à la fin de 2004 avec l’U­nion euro­péenne et dont les textes d’ap­pli­ca­tion n’ont pas encore été publiés sur ce cha­pitre pré­cis. Ces échanges sont bien enten­du appe­lés à se déve­lop­per encore de manière signi­fi­ca­tive, notam­ment via l’ac­ces­sion du Viêt­nam à l’Or­ga­ni­sa­tion mon­diale du com­merce à laquelle la France accorde son soutien.

Dia­logue poli­tique, coopé­ra­tion dans les domaines-clés de la moder­ni­sa­tion du Viêt­nam, rela­tions éco­no­miques et com­mer­ciales denses, impli­ca­tion d’ac­teurs nom­breux et diver­si­fiés : le par­te­na­riat entre la France et le Viêt­nam est sin­gu­lier et d’a­ve­nir. Mais il trouve aus­si une nou­velle dimen­sion dans son inté­gra­tion dans le cadre plus glo­bal des rela­tions entre l’U­nion euro­péenne et le Viêt­nam, éta­blies il y quinze ans. La France ne perd pas de son influence à lais­ser l’U­nion euro­péenne s’ex­pri­mer sur les droits de l’homme, sur la coopé­ra­tion éco­no­mique, sur l’aide au déve­lop­pe­ment… Au contraire, elle apporte à ce dia­logue son expé­rience, son his­toire, ses valeurs. La France veut être une porte d’en­trée pour le Viêt­nam dans l’U­nion euro­péenne : c’est le meilleur moyen pour elle de don­ner à son par­te­na­riat avec le Viêt­nam l’é­lan qui lui per­met­tra de s’ins­crire dans la durée. 

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