Les nouvelles technologies informatiques au service du commerce bancaire

Dossier : InformatiqueMagazine N°610 Décembre 2005Par Xavier TERRASSE (76)

CERTAINS DIRIGEANTS de banque aiment à rap­pe­ler qu’une banque c’est » une marque, des hommes et de l’in­for­ma­tique « . L’in­for­ma­tique joue en effet un rôle dif­fé­rent dans le sec­teur finan­cier, car elle est » l’u­sine » de la banque et non pas une » com­mo­di­ties » comme dans de nom­breuses indus­tries. C’est pour­quoi la majo­ri­té des grandes banques de détail sont encore dans des tech­no­lo­gies qua­si­ment dis­pa­rues dans l’in­dus­trie : le main­frame pour les machines et le Cobol comme lan­gage de pro­gram­ma­tion. Tou­te­fois, l’ar­ri­vée des tech­no­lo­gies Web et des archi­tec­tures ouvertes consti­tue une oppor­tu­ni­té pour aider au déve­lop­pe­ment com­mer­cial dans des pays sur­ban­ca­ri­sés comme la France. 

Il s’a­git en effet pour l’in­for­ma­tique de la banque de détail d’ac­com­pa­gner les évo­lu­tions mar­ke­ting impor­tantes de ces der­nières années que sont le pas­sage d’un mar­ke­ting pro­duit à un mar­ke­ting client, la dis­tri­bu­tion par la banque de pro­duits conçus et gérés par d’autres (sépa­ra­tion producteur/distributeur) et la coha­bi­ta­tion indis­pen­sable entre la banque de proxi­mi­té (les agences) et la banque à dis­tance (Inter­net et téléphone). 

Les deux pre­miers points, qui néces­sitent de revi­si­ter les sché­mas d’ar­chi­tec­ture fonc­tion­nelle et tech­nique et mettent en place de nou­veaux objets infor­ma­tiques ne sont pas l’ob­jet de cet article, même s’ils induisent de pro­fonds chan­ge­ments à la fois au sein des équipes de maî­trise d’ou­vrage et de maî­trise d’œuvre. 

La coha­bi­ta­tion entre banque à dis­tance et banque de proxi­mi­té n’é­tait pas évi­dente il y a cinq ans, époque à laquelle cer­tains oppo­saient ces deux modèles. La démarche de BNP Pari­bas, à tra­vers son pro­gramme de banque de détail mul­ti­ca­nal, a per­mis aux hommes de mar­ke­ting de véri­fier les usages par leurs clients des dif­fé­rents canaux de vente et aux infor­ma­ti­ciens d’u­ti­li­ser les nou­velles tech­no­lo­gies pour ren­for­cer la per­for­mance du sys­tème infor­ma­tique global. 

Pour les infor­ma­ti­ciens, la réa­li­sa­tion de ce pro­gramme a conduit à des réa­li­sa­tions impor­tantes dans les quatre domaines suivants : 

  • mise en place d’une archi­tec­ture à trois niveaux pour assu­rer la véri­table » mul­ti­ca­na­li­sa­tion » des opérations ; 
  • mise en place d’un poste de tra­vail pour l’en­semble des posi­tions » front office » de la banque ; 
  • mise en place d’une boucle » ges­tion de la rela­tion client « ; 
  • mise en place d’un véri­table » Canal Internet « . 

Mise en place d’une architecture à trois niveaux pour assurer la véritable » multicanalisation » des opérations

Le prin­cipe de la banque mul­ti­ca­nal consiste à pou­voir effec­tuer chaque étape d’un pro­ces­sus ban­caire sur n’im­porte quel canal. Ceci signi­fie que tous les canaux doivent uti­li­ser les mêmes don­nées et les mêmes opé­ra­tions élé­men­taires ban­caires. Pour ce faire il a fal­lu trans­for­mer les pro­duits de banque à dis­tance qui exis­taient à la fin des années quatre-vingt-dix en canaux de dis­tri­bu­tion multiproduits 

Ceci conduit à la sépa­ra­tion en trois couches applicatives : 

  • la couche de pré­sen­ta­tion, propre à chaque canal, peut se résu­mer d’une part au déve­lop­pe­ment de ser­vices d’i­den­ti­fi­ca­tion et d’autre part à des déve­lop­pe­ments d’é­cran propres à cha­cun des canaux (dans le cadre du canal » ser­veur vocal « , l’é­cran est évi­dem­ment rem­pla­cé par un mes­sage). Ceci signi­fie que cette couche ne com­porte aucune règle de ges­tion sur les pro­duits ban­caires. Cette mise en place néces­site bien sou­vent la réécri­ture de ce qui avait été fait pour le » pro­duit » banque à distance ; 
  • la couche de trai­te­ment, qui va mettre en place une ciné­ma­tique d’o­pé­ra­tions ban­caires élé­men­taires, cette ciné­ma­tique pou­vant être dif­fé­rente sui­vant le canal d’ap­pel. L’im­por­tant dans cette couche est de bien défi­nir l’o­pé­ra­tion élé­men­taire pour que celle-ci soit le plus pos­sible mul­ti­ca­nal, la spé­ci­fi­ci­té du canal inter­ve­nant dans l’ordre d’en­chaî­ne­ment de ces opé­ra­tions élémentaires ; 
  • la couche des don­nées qui va être consti­tuée des bases de don­nées et de leurs accesseurs. 

Mise en place d’un poste de travail pour l’ensemble des positions » front office » de la banque

Le chan­ge­ment fon­da­men­tal pour la rela­tion banque-client entre la banque à dis­tance et la banque de proxi­mi­té réside dans le chan­ge­ment de la notion de client. En effet, pour une agence, un client c’est le titu­laire d’un ensemble de contrats dans cette agence. Pour un client de la banque à dis­tance, ce qui l’in­té­resse c’est de connaître l’en­semble des contrats qu’il a avec la banque, quelle que soit l’a­gence. De même un opé­ra­teur d’une plate-forme télé­pho­nique natio­nale doit pou­voir opé­rer sur l’en­semble des comptes d’un client. Ceci conduit à trans­for­mer les postes de tra­vail des agences et des plates-formes télé­pho­niques pour les faire pas­ser d’un ensemble de tran­sac­tions sur des contrats à un véri­table dos­sier client syn­thé­ti­sant l’en­semble des rela­tions banque-client. 

Mise en place d’une boucle » gestion de la relation client » (GRC)

La mul­ti­pli­ci­té des canaux de contact offerts tout en sou­hai­tant avoir une vision cen­tra­li­sée de l’en­semble des contacts conduit à mettre en place de nou­veaux sys­tèmes d’en­re­gis­tre­ment et de sui­vi ; un work­flow et des outils puis­sants de sto­ckage per­mettent de suivre les pro­ces­sus de bout en bout et de par­ta­ger l’in­for­ma­tion quel que soit le canal par lequel l’o­pé­ra­tion a été faite. 

Ceci conduit à la mise en place sys­té­ma­tique d’en­re­gis­tre­ment d’é­vé­ne­ments pour ali­men­ter la boucle GRC, ce qui néces­site de faire évo­luer de nom­breux pro­grammes qui conser­vaient ces évé­ne­ments à l’in­té­rieur de leurs propres systèmes. 

Le data­wa­re­house ain­si mis en place est alors uti­li­sé, d’une part pour faire des études mar­ke­ting sur le com­por­te­ment des clients à par­tir de leurs com­por­te­ments réels, et d’autre part pour pré­pa­rer auto­ma­ti­que­ment des cam­pagnes com­mer­ciales auprès de clients mieux ciblés. 

Mise en place d’un véritable » Canal Internet »

La trans­for­ma­tion des pro­duits Inter­net en un réel canal de dis­tri­bu­tion néces­site de trans­for­mer ces pro­duits réser­vés à des abon­nés en d’une part un por­tail infor­ma­tion­nel acces­sible à tous per­met­tant aux seuls clients d’ac­cé­der à des ser­vices tran­sac­tion­nels tels qu’ils les connais­saient dans les anciens pro­duits Internet. 

Cette évo­lu­tion conduit les infor­ma­ti­ciens du fait de » l’an­cien­ne­té » de cer­tains ser­vices Inter­net à des chan­ge­ments très lourds d’in­fra­struc­ture avec des outils de por­tail, des outils de Web ser­vices, des midd­le­ware pour enfin accé­der aux don­nées ban­caires. Tout cela en conser­vant un niveau de sécu­ri­té maximal. 

L’en­semble de ces trans­for­ma­tions a néces­si­té des remises en cause pro­fondes dans les habi­tudes des infor­ma­ti­ciens ban­caires qui ont dû pas­ser de l’u­ti­li­sa­tion sys­té­ma­tique du déve­lop­pe­ment pro­prié­taire en Cobol sur main­frame à des archi­tec­tures com­plexes mélan­geant sys­tèmes ouverts et main­frame, Cobol, XML et Java, déve­lop­pe­ments pro­prié­taires et logi­ciels ache­tés. À titre d’exemple un client qui appelle le centre d’ap­pels BNP Pari­bas pour effec­tuer une opé­ra­tion ban­caire va pas­ser par une tren­taine de machines infor­ma­tiques ou de télécommunication. 

Ce chan­ge­ment impor­tant des habi­tudes infor­ma­tiques ban­caires per­met aujourd’­hui d’en­re­gis­trer chaque mois : 

  • 2 mil­lions d’ap­pels vers le ser­veur vocal informatique, 
  • 580 000 appels vers le centre de rela­tions clients, 
  • 5 mil­lions de contacts vers le por­tail Inter­net, dont 2 mil­lions vont géné­rer des opé­ra­tions bancaires, 
  • 9 mil­lions d’ou­ver­tures de dos­siers clients dans les agences et le centre de rela­tions clients, 
  • 1,2 mil­lion de contacts clients grâce aux outils de ges­tion de cam­pagne basés sur la boucle GRC, 


tout cela uti­li­sant les mêmes pro­grammes de trai­te­ment et la même base de don­nées élémentaires. 

Ces évo­lu­tions tech­no­lo­giques ont per­mis à la banque de détail de pas­ser d’un mar­ke­ting pro­duit à un mar­ke­ting clients indis­pen­sable pour affron­ter la satu­ra­tion du mar­ché ban­caire exis­tant aujourd’­hui dans notre pays. 

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