Les nouveaux Japonais

Dossier : Entreprise et stratégieMagazine N°658 Octobre 2010
Par Jean ESTIN

REPÈRES
On les voyait hier petits indus­triels sous-trai­tants à bas coûts de fac­teurs ; ce sont aujourd’­hui des grands groupes met­tant en œuvre des pro­ces­sus indus­triels modernes, fai­sant jouer les effets d’é­chelle et concen­trant leurs mar­chés, sec­teur par sec­teur ; ce seront demain les lea­ders tech­no­lo­giques mon­diaux dans de nom­breuses acti­vi­tés : les grands lea­ders chi­nois repro­duisent avec qua­rante ans de déca­lage l’é­vo­lu­tion des grands groupes japonais.

Qui se sou­vient que dans les années cin­quante les groupes japo­nais étaient sur­tout connus pour leurs expor­ta­tions tex­tiles » de mau­vaise qua­li­té « , dans les années soixante pour leurs stra­té­gies de dum­ping, dans les années soixante-dix pour leurs stra­té­gies de conquête de parts de mar­ché per­mises uni­que­ment par leurs bas taux d’in­té­rêt. Il a fal­lu attendre les années quatre-vingt pour recon­naître les avan­tages com­pé­ti­tifs du Japon en termes de coûts et de pro­duc­ti­vi­té indus­triels, de ges­tion de la qua­li­té et d’in­no­va­tion technologique.

Les » petits » pro­duc­teurs japo­nais sont deve­nus de grands groupes mondiaux

Le déve­lop­pe­ment des volumes dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt pour les uns et les autres, d’a­bord sur le mar­ché domes­tique puis sur le plan mon­dial, a per­mis la mise en oeuvre d’ef­fets d’é­chelle et d’ou­tils de pro­duc­tion avec pour consé­quence l’aug­men­ta­tion mas­sive de la com­pé­ti­ti­vi­té mal­gré la hausse des coûts de fac­teurs. Il s’est accom­pa­gné d’une amé­lio­ra­tion signi­fi­ca­tive de la qua­li­té des pro­duits pour pou­voir péné­trer les mar­chés exté­rieurs en l’ab­sence de réseaux de répa­ra­tion ou de main­te­nance. Il s’est enfin tra­duit dans les années quatre-vingt-dix et deux mille par des posi­tions de lea­der­ship mon­dial, en volume, en valeur et en tech­no­lo­gie, avec des inno­va­tions de rup­ture (par exemple dans les sys­tèmes hybrides pour Toyota).

Retour vers le futur
Dans les années cin­quante, Toyo­ta était un petit fabri­cant de camions et de bus à bas coûts, tra­vaillant en petites séries. Pana­so­nic était un fabri­cant de bicy­clettes d’en­trée de gamme. Hon­da était le spé­cia­liste des ton­deuses à gazon.

Les petits pro­duc­teurs japo­nais du tex­tile, de la méca­nique ou de l’ap­pa­reillage élec­trique d’hier sont aujourd’­hui les grands lea­ders tech­no­lo­giques mon­diaux dans la fibre de car­bone, l’au­to­mo­bile, la fibre optique, les câbles super­con­duc­teurs ou des com­po­sants cri­tiques des cir­cuits imprimés.

Les grands groupes chi­nois suivent un déve­lop­pe­ment simi­laire. Leur base de com­pé­ti­ti­vi­té et leur modèle de déve­lop­pe­ment actuels ne sont pas ceux d’il y a dix ans. Et leur base de com­pé­ti­ti­vi­té dans dix ans sera for­te­ment dif­fé­rente de celle d’aujourd’hui.

Hier, les coûts salariaux

Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, un tis­su de PME chi­noises s’est déve­lop­pé dans les tex­tiles et l’ha­bille­ment d’en­trée de gamme, le petit élec­tro­mé­na­ger, l’élec­tro­nique ou la méca­nique de base. Il est fon­dé sur des coûts du tra­vail 7 à 17 fois plus faibles que les coûts occi­den­taux (charges sociales com­prises et cor­ri­gés des dif­fé­rences de productivité).

Nos nou­veaux Japo­nais sont en fait de nou­veaux Américains

Ces PME tra­vaillent essen­tiel­le­ment en sous-trai­tants de grands don­neurs d’ordre, concep­teurs et desi­gners occi­den­taux, sans capa­ci­té de déve­lop­pe­ment com­mer­cial et mar­ke­ting. Les pro­duits issus de ce sys­tème de pro­duc­tion arrivent aujourd’­hui en Europe avec des avan­tages de coûts de 20 à 40 % (après coûts de trans­port) sui­vant les secteurs.

Cet avan­tage dimi­nue­ra bien évi­dem­ment au fur et à mesure de la mon­tée du niveau de vie moyen de la popu­la­tion chi­noise, mais il ne dis­pa­raî­tra pas à l’é­chelle d’une génération.

Aujourd’hui, l’échelle et la compétitivité industrielles

Dyna­mique des coûts salariaux
Selon les scé­na­rios les plus pro­bables, les coûts sala­riaux chi­nois moyens ne rejoin­dront les coûts sala­riaux occi­den­taux que vers 2050 ou 2070 aux taux de change actuels ou un peu plus rapi­de­ment selon la vitesse de rééva­lua­tion du yuan. À titre de com­pa­rai­son, les salaires japo­nais ont mis qua­rante ans (de 1950 à 1990) pour rejoindre ou dépas­ser les salaires occi­den­taux. Les salaires sud-coréens ont mis cin­quante ans pour rejoindre un niveau équi­valent à 80% (en moyenne) des salaires occi­den­taux aujourd’hui.

Le tis­su de PME est tou­jours une réa­li­té mais, depuis le milieu des années 2000, émerge un ensemble de grands groupes indus­triels qui concentrent leurs sec­teurs d’ac­ti­vi­té, déve­loppent des outils indus­triels modernes, béné­fi­cient d’ef­fets d’é­chelle sans pré­cé­dent compte tenu de la taille (actuelle et future) du mar­ché inté­rieur et de la part de la pro­duc­tion mon­diale cap­tu­rée par la Chine.

Ils se dotent d’ou­tils de recherche, de déve­lop­pe­ment de pro­duits, de déve­lop­pe­ment com­mer­cial, de marques propres et de stra­té­gies d’ac­cès direct au mar­ché, à l’in­té­rieur et à l’ex­té­rieur de la Chine. Dans tous les seg­ments de pro­duc­tion de coeur de mar­ché, et mal­gré la hausse iné­luc­table des coûts sala­riaux, la com­pé­ti­ti­vi­té des lea­ders chi­nois va s’ac­croître très for­te­ment au cours des pro­chaines années, compte tenu de ces effets d’é­chelle, au rythme de la crois­sance et de la concen­tra­tion du mar­ché chi­nois. Elle ne dimi­nue­ra pas comme on l’es­père en Occident.

Demain, l’innovation technologique

Com­pé­ti­ti­vi­té et croissance
Les grands groupes chi­nois croissent entre 20 et 50 % par an selon les sec­teurs, alors que leurs concur­rents occi­den­taux croissent entre 2 et 15 % par an (au mieux). Avec ces dif­fé­ren­tiels de crois­sance, la bataille de la com­pé­ti­ti­vi­té indus­trielle dans les indus­tries de masse sera for­cé­ment gagnée par les lea­ders chi­nois, indé­pen­dam­ment de tout avan­tage de coûts des facteurs.

La tech­no­lo­gie suit iné­luc­ta­ble­ment le lea­der­ship indus­triel et – en retour – le sou­tient. Les lea­ders chi­nois avaient en moyenne dix à quinze ans de retard sui­vant les sec­teurs indus­triels sur les lea­ders occi­den­taux dans les années 1995. Ils avaient cinq à dix ans de retard en 2000. Ils ont aujourd’­hui deux à quatre ans de retard sui­vant les sec­teurs et sont lea­ders dans cer­tains d’entre eux.

Les lea­ders chi­nois repro­duisent l’é­vo­lu­tion his­to­rique des grands groupes japonais

D’i­ci huit à dix ans, les lea­ders chi­nois seront lea­ders ou proches du lea­der­ship tech­no­lo­gique dans la construc­tion aéro­nau­tique, l’au­to­mo­bile, le nucléaire, le pho­to­vol­taïque, les équi­pe­ments de télé­com­mu­ni­ca­tions, les cen­trales ther­miques, les navires de forage, la construc­tion fer­ro­viaire…, dans tous les grands domaines indus­triels que les pou­voirs publics occi­den­taux pensent pou­voir sanc­tua­ri­ser (les indus­triels sont plus lucides).

La Chine est deve­nue, par exemple, le pre­mier pro­duc­teur d’é­crans de télé­vi­sion plats en moins de cinq ans et repré­sente aujourd’­hui 80% de la pro­duc­tion mon­diale dans ce domaine. Le lea­der chi­nois BOE avait quinze ans de retard tech­no­lo­gique sur Phi­lips en 2004. Il n’a plus que deux ans de retard aujourd’­hui face au lea­der tech­no­lo­gique Sam­sung (qui lui-même a lar­ge­ment dépas­sé Phi­lips dans ce domaine).

Une dynamique prévisible

Lea­der chi­nois dans les télécommunications
Hua­wei était un petit pro­duc­teur local de digi­tal Switch et de PBX en 1995 sans part de mar­ché hors de Chine. C’est aujourd’­hui un des trois grands mon­diaux des équi­pe­ments de télé­com­mu­ni­ca­tions avec 70% de son chiffre d’af­faires hors de Chine, une part de mar­ché mon­diale de 18% et une crois­sance de 30% par an.

Les lea­ders chi­nois repro­duisent l’é­vo­lu­tion his­to­rique des grands groupes japo­nais. Leurs évo­lu­tions à terme sont prévisibles.

Les petits sous-trai­tants sans accès direct au mar­ché déve­loppent aujourd’­hui des pro­duits et des tech­no­lo­gies, déposent des bre­vets, créent leurs marques et deviennent des acteurs mon­diaux. D’une com­pé­ti­ti­vi­té uni­que­ment basée sur les coûts du tra­vail, ils passent à une com­pé­ti­ti­vi­té basée sur les échelles et les séries de pro­duc­tion, les pro­ces­sus indus­triels avan­cés et les inno­va­tions technologiques.

Aux pro­duits de faible qua­li­té suc­cèdent des pro­duits de haute qua­li­té et tech­ni­ci­té. Les indus­tries à faible valeur ajou­tée (tex­tile, com­mo­di­tés indus­trielles) font place à des indus­tries à forte valeur ajou­tée et conte­nu tech­no­lo­gique (télé­com­mu­ni­ca­tions, construc­tion aéro­nau­tique, nucléaire).

Puis­sance finan­cière et marges de manœuvre
De petites struc­tures sans moyens finan­ciers sont deve­nues des groupes dont la valo­ri­sa­tion bour­sière est égale ou supé­rieure à celles de leurs concur­rents occi­den­taux. Cela leur per­met de mener des stra­té­gies de crois­sance, d’in­ves­tis­se­ments en R&D et d’ac­qui­si­tions ambitieuses.

Erreur stra­té­gique des construc­teurs américains
Gene­ral Motors n’a pas per­du face à Toyo­ta parce que ce der­nier devait gagner iné­luc­ta­ble­ment la par­tie. Il a per­du parce qu’il n’a d’a­bord pas cru à la capa­ci­té du fabri­cant japo­nais de fabri­quer des voi­tures de qua­li­té. Il n’a pas vu l’in­té­rêt de sa stra­té­gie de contour­ne­ment dans des mar­chés péri­phé­riques (l’A­frique) pour bâtir des échelles de pro­duc­tion et bais­ser ses coûts. Il n’a pas cru à sa capa­ci­té à péné­trer le mar­ché amé­ri­cain. Il n’a pas vou­lu adap­ter ses pro­duits et son modèle d’ac­ti­vi­té. Il n’a pas cru à l’in­té­rêt de déve­lop­per en temps vou­lu une stra­té­gie d’ex­pan­sion mon­diale (ou pas su). Il a per­du parce qu’il n’a pas vou­lu chan­ger sa vision stra­té­gique, n’a pas cru à la force de son concur­rent et a tou­jours eu une étape de retard dans la per­cep­tion de celui-ci. Aujourd’­hui, Toyo­ta a 17% de part du mar­ché amé­ri­cain de l’au­to­mo­bile, ce qui repré­sente 32% de ses reve­nus mondiaux.

Que faire ?

Pour les groupes occi­den­taux, se battre et gagner, bien sûr.

Les groupes occi­den­taux qui consi­dèrent que leur pro­blème fon­da­men­tal est une lutte inégale avec des petits concur­rents chi­nois ne res­pec­tant pas les normes de qua­li­té, tra­vaillant dans des condi­tions » grises « , et copiant sans ver­gogne les inno­va­tions occi­den­tales ont déjà per­du la par­tie. Ils ne voient pas que la vraie lutte sera bien plus redou­table, sur leurs propres bases de com­pé­ti­ti­vi­té actuelles, avec des outils indus­triels per­for­mants, des pro­duits dont la qua­li­té s’a­mé­lio­re­ra, et sur la base de tech­no­lo­gies de plus en plus inno­vantes. La luci­di­té, l’a­na­lyse froide des réa­li­tés et la prise au sérieux des concur­rents consti­tuent la moi­tié d’une stra­té­gie gagnante, en défense comme en attaque.

La défense, l’attaque… et les alliances

Pour les grands lea­ders occi­den­taux ou les acteurs de niche, le pire est le moins probable.

En défense

Foca­li­sa­tion des inves­tis­se­ments en Chine
Les mar­chés euro­péens et amé­ri­cains ne seront pas tou­jours dans l’in­té­rêt stra­té­gique des grands lea­ders chi­nois. Pour­quoi diluer ses res­sources à croître dans des mar­chés mûrs, où la concur­rence est exa­cer­bée, les posi­tions concur­ren­tielles bien éta­blies, plu­tôt que dans des sec­teurs où la crois­sance du mar­ché chi­nois est de 15 à 25 % par an pour encore dix à quinze ans, où les mar­chés ne sont pas encore for­te­ment concen­trés et où les lea­ders peuvent encore croître de façon ren­table à 25 ou 30% par an ?

Les déve­lop­pe­ments de Hua­wei, Haier, Sino­pec, CNCC, Chal­co, Leno­vo, Har­bin Power, CSR… dans le monde sont les signes avant-cou­reurs de déve­lop­pe­ments plus mas­sifs de grands lea­ders chi­nois à l’in­ter­na­tio­nal ; d’a­bord dans les mar­chés « péri­phé­riques » (Afrique, Moyen- Orient, Bré­sil, Indo­né­sie) puis au cœur des mar­chés amé­ri­cains et européens.

À la dif­fé­rence des lea­ders japo­nais qui n’a­vaient pas d’al­ter­na­tive à des stra­té­gies de gains de parts de mar­ché mon­diales pour bâtir leur com­pé­ti­ti­vi­té indus­trielle, les groupes chi­nois ont un mar­ché interne gigan­tesque en crois­sance forte et longue. L’in­té­rêt stra­té­gique de nombre d’entre eux est d’a­bord de gagner sur ce marché.

Les groupes chi­nois ont un mar­ché interne gigan­tesque en crois­sance forte et longue

Pas de se diluer dans des mar­chés occi­den­taux aujourd’­hui sans crois­sance, au risque de se lais­ser dépas­ser sur leur mar­ché local par des concur­rents chi­nois ou occi­den­taux plus rapides et plus foca­li­sés. Pour ceux qui s’y aven­tu­re­ront, la conquête des mar­chés amé­ri­cains ou euro­péens n’est pas assu­rée. Le déve­lop­pe­ment dans les cœurs de mar­ché de milieu de gamme sera lent et dif­fi­cile, non pas à cause des niveaux de qua­li­té néces­saires (qui seront vite atteints) mais par les pro­duits spé­ci­fiques, modèles d’ac­ti­vi­tés adap­tés, marques propres, petites séries fluc­tuantes, forces com­mer­ciales mul­tiples, niveaux de ser­vice dif­fé­ren­ciés, approches fines et seg­men­tées qu’il fau­dra mettre en oeuvre avec la com­plexi­té qui en résulte. La bataille stra­té­gique en Chine est une guerre de mou­ve­ment. C’est deve­nu au contraire une guerre de tran­chées aux États-Unis et en Europe, qui requiert des com­pé­tences dif­fé­rentes et n’offre plus la même valeur.

Les acqui­si­tions (coû­teuses s’il s’a­git de lea­ders, ris­quées s’il s’a­git d’ac­teurs mar­gi­naux) seront un moyen dif­fi­ci­le­ment contour­nable pour les acteurs chi­nois d’ac­cé­lé­rer leur péné­tra­tion des mar­chés occi­den­taux. Crée­ront-elles vrai­ment de la valeur ?

En attaque

Oppor­tu­ni­tés de crois­sance en Chine
KFC est aujourd’­hui le lea­der de la res­tau­ra­tion rapide en Chine avec 3 mil­liards de dol­lars de chiffre d’af­faires, 3000 points de vente et une crois­sance de 27% par an. Coca-Cola y est lea­der dans les sodas avec 50% de part de mar­ché ; Col­gate Pal­mo­live y est lea­der avec 30% de part de mar­ché dans les pro­duits d’hy­giène den­taire ; AMD avec 55% de part de mar­ché dans les micro­pro­ces­seurs ; Schnei­der avec 20% de part de mar­ché dans des équi­pe­ments basse tension.

Contrai­re­ment aux idées reçues, et à la dif­fé­rence du mar­ché japo­nais, le mar­ché chi­nois est ouvert, même s’il est féro­ce­ment concur­ren­tiel. Il est ren­table pour des lea­ders. Les groupes occi­den­taux ont une oppor­tu­ni­té qu’ils n’ont jamais eue lors de la crois­sance du mar­ché japo­nais dans les années cin­quante à quatre-vingt : se déve­lop­per sur le mar­ché chi­nois, y éta­blir des posi­tions de lea­der­ship, atta­quer les concur­rents chi­nois sur leurs propres mar­chés, acqué­rir des entre­prises chi­noises avant que celles-ci ne deviennent des concur­rents trop puissants.

Le déve­lop­pe­ment du mar­ché chi­nois est en fait une des plus grandes oppor­tu­ni­tés éco­no­miques des soixante der­nières années pour les lea­ders occi­den­taux, en tout cas pour ceux d’entre eux qui en ont l’am­bi­tion, les moyens (très éle­vés), dans la durée (longue), et avec les modèles d’ac­ti­vi­té et les capa­ci­tés d’exé­cu­tion (adap­tés). Ils y ont certes des han­di­caps mais pas de désa­van­tages rédhi­bi­toires du fait de leur origine.

La bataille stra­té­gique en Chine est une guerre de mouvement

Ce déve­lop­pe­ment s’ac­com­pagne de poten­tiels de déve­lop­pe­ments simi­laires dans des pays « péri­phé­riques » majeurs (Inde, Bré­sil, Rus­sie, Ara­bie Saou­dite, Indo­né­sie). Les grands lea­ders chi­nois, comme les grands lea­ders occi­den­taux, ne pour­ront tout faire. Il fau­dra faire des choix. Compte tenu de la mul­ti­pli­ci­té des oppor­tu­ni­tés de crois­sance (à l’é­chelle mon­diale), rien n’est donc per­du… ni gagné pour les grands lea­ders occi­den­taux. La vraie bataille se joue­ra sur les mar­chés et les pays en forte crois­sance. Pas dans les éco­no­mies du pas­sé. Le véri­table enjeu est donc l’al­lo­ca­tion de res­sources dans un monde en crois­sance forte et longue.

En alliances

Inté­rêts croisés
Les groupes chi­nois auront inté­rêt à s’al­lier avec des groupes occi­den­taux pour accé­lé­rer leur déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique, acqué­rir des savoir-faire mana­gé­riaux, ou déve­lop­per des marques inter­na­tio­nales en Chine. Les groupes occi­den­taux auront inté­rêt à s’al­lier avec des groupes chi­nois pour accé­lé­rer leur déve­lop­pe­ment en Chine et pour dis­po­ser des res­sources finan­cières néces­saires pour sou­te­nir leur crois­sance mondiale.

Dans de nom­breux cas et compte tenu de la taille des enjeux, les par­te­na­riats, y com­pris capi­ta­lis­tiques (prises de par­ti­ci­pa­tion, fusions) appa­raî­tront pro­ba­ble­ment plus pro­fi­tables aux action­naires des grands groupes que la concur­rence directe. Com­ment faire et avec quels par­te­naires pour que ces fusions et alliances soient les plus pro­fi­tables ? Dans quel sens s’ef­fec­tue­ront-elles, avec quelle gou­ver­nance et quelle dyna­mique à terme ?

Les nouveaux Américains

Désta­bi­li­sa­tion pro­bable des mar­chés occidentaux
Comme pour les groupes japo­nais et amé­ri­cains dans le pas­sé, les grands lea­ders chi­nois ne pren­dront qu’une part limi­tée du mar­ché mon­dial en dehors de la Chine et des pays émer­gents, et inéga­le­ment répar­tie entre sec­teurs (les groupes japo­nais ont rare­ment des parts de mar­ché dépas­sant les 20 à 25% en Europe ou aux États-Unis dans les sec­teurs où ils sont lea­ders). Mais leur émer­gence désta­bi­li­se­ra les sys­tèmes concur­ren­tiels et les acteurs occidentaux.

Dans de nom­breux sec­teurs, les grands lea­ders de demain seront chi­nois. Ces lea­ders seront-ils vrai­ment inter­na­tio­naux ? Et remet­tront- ils en cause l’exis­tence des grands lea­ders occi­den­taux ? Pas nécessairement.

La vraie bataille se joue­ra sur les mar­chés en forte croissance

Même si la dyna­mique à l’œuvre est la même que celle des grands groupes japo­nais il y a qua­rante ans, le pro­duit de cette dyna­mique peut s’a­vé­rer fort dif­fé­rent à terme. La taille poten­tielle gigan­tesque du mar­ché inté­rieur chi­nois va per­mettre la créa­tion de nou­veaux groupes de taille et d’une puis­sance supé­rieures à terme à celles des groupes japonais.

Dans de nom­breux sec­teurs, cette taille rend moins néces­saire, voire défa­vo­rable à court terme, la pour­suite d’une stra­té­gie inter­na­tio­nale ambi­tieuse pour un grand lea­der chi­nois. La crois­sance et l’ou­ver­ture du mar­ché chi­nois (et des autres grands pays émer­gents) redonnent en paral­lèle des oppor­tu­ni­tés de déve­lop­pe­ment inédites aux grands groupes occidentaux.


Il faut trou­ver les moyens d’in­ves­tir en Chine

Fina­le­ment, le déve­lop­pe­ment de la Chine à moyen et long terme s’ap­pa­rente peut-être davan­tage à celui des États-Unis de la pre­mière moi­tié du ving­tième siècle qu’à celui du Japon de l’a­près-guerre. Nos nou­veaux Japo­nais sont en fait de nou­veaux Américains.

Les per­dants seront en pre­mier lieu les concur­rents mar­gi­naux occi­den­taux qui n’au­ront pas les moyens d’in­ves­tir en Chine (ou dans d’autres éco­no­mies en forte crois­sance). Ils seront les pre­miers à perdre leurs parts de mar­ché aux États-Unis et en Europe. Ils seront aus­si la cible de grands lea­ders chi­nois en recherche d’acquisitions.

Ce seront en second lieu les grands lea­ders occi­den­taux qui se trom­pe­ront dans leurs allo­ca­tions de res­sources à l’é­chelle mon­diale, par­ta­gés entre la défense de leurs posi­tions his­to­riques et le déve­lop­pe­ment sur de nou­veaux mar­chés. Ils seront confron­tés à des options de crois­sance en nombre, en taille, et en moyens néces­saires, inima­gi­nables il y a encore dix ans. Dans les deux cas, ils seront nombreux.

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