Les enseignements des accidents de la route : remèdes humains et techniques

Dossier : Libres proposMagazine N°561 Janvier 2001Par : Yves GEORGES (36), ancien directeur technique chez Renault

Il est peu connu que des Fran­çais se sont, très en amont, enga­gés dans l’a­mé­lio­ra­tion de la sécu­ri­té rou­tière. Par­mi eux des X ont joué leurs par­ti­tions res­pec­tives, comme les modestes auteurs de l’ar­ticle pré­cé­dent, mais d’autres aus­si dans l’ad­mi­nis­tra­tion et chez les constructeurs.

Et c’est un X, Chris­tian Geron­deau (57) qui, dans les années soixante-dix, a eu la témé­ri­té d’im­po­ser le port de la cein­ture et les limi­ta­tions de vitesse.

En quelques années le nombre des tués est pas­sé de 17 000 par an à moins de 10 000.

Les acci­dents four­nissent tant de don­nées (1 mil­liard de kilo­mètres par­cou­rus en 24 heures et 250 000 acci­dents cor­po­rels par an) qu’on peut les exploi­ter avec cer­ti­tude. Puisque nos pro­po­si­tions sont démon­trables, ce sont des théorèmes.

Théorème 1 – Responsabilité de l’accident

Dans 95 % des cas la res­pon­sa­bi­li­té incombe au conducteur.

Dans 5 % des cas c’est une défaillance méca­nique majeure (ou un évé­ne­ment exté­rieur, par exemple un arbre tom­bant sur la voi­ture), donc un acci­dent inévitable.

Consta­tons que c’est à ces 5 % que s’in­té­resse le contrôle technique.

Théorème 2 – La « sécurité active » ou la conduite à risque constant ?

Depuis l’o­ri­gine les voi­tures ont fait de consi­dé­rables pro­grès : frei­nage, sta­bi­li­té de route, fia­bi­li­té, silence, confort, etc., mais elles ont pris du poids donc de la puis­sance et la vitesse maxi­mum a augmenté.

Mais la fré­quence des acci­dents ne dépend pas de l’âge de la voi­ture. La « sécu­ri­té active » n’a pas d’exis­tence statistique.

Théorème 3 – « La sécurité passive »

La pro­tec­tion en cas d’ac­ci­dent par une défor­ma­tion contrô­lée de la struc­ture du véhi­cule et l’u­sage des moyens de rete­nue est près de ses limites. Elle ne résout pas le pro­blème inso­luble de la com­pa­ti­bi­li­té (38 tonnes contre 2 tonnes).

Corol­laire : il faut agir sur le conducteur.

Les moyens

1) Bonne parole, contrôles plus fré­quents, sanc­tions plus lourdes, limi­ta­tion méca­nique des vitesses maxi­mum. Ce n’est pas un pro­blème technique.

2) Assis­ter, infor­mer et quel­que­fois contraindre le conduc­teur, ce que les pro­grès scien­ti­fiques permettent.

Voi­ci une liste non exhaus­tive des dis­po­si­tifs qui pour­raient être mis en œuvre :

  • éthy­lo­mètre auto­ma­tique blo­quant le fonc­tion­ne­ment du véhicule ;
  • alerte en cas de baisse de vigilance ;
    ces deux points se jus­ti­fient par la consta­ta­tion qu’un pour­cen­tage impor­tant de véhi­cules acci­den­tés ont quit­té la route « tout seuls » ;
  • radar de proxi­mi­té (brouillard mais aus­si espacement),
  • sup­pres­sion des infor­ma­tions ou com­mandes excen­trées (chauf­fage, radio, etc.). À la limite sup­pres­sion du tableau de bord et pro­jec­tion à l’in­fi­ni comme dans l’aviation,
  • contrôle de décé­lé­ra­tion en cas de heurt d’un pié­ton (atté­nua­tion du deuxième choc), etc.

Cer­tains de ces sys­tèmes ont un délai d’ap­pli­ca­tion court. Mais ils ont un coût. Il faut choisir.

D’autres néces­sitent des efforts de R&D. Mais la voi­ture, née des tech­niques, doit en béné­fi­cier. On a bien uti­li­sé des sys­tèmes sophis­ti­qués et chers pour dimi­nuer la pol­lu­tion qui ne tue pas 25 per­sonnes par jour.

Inves­tis­sons intel­lec­tuel­le­ment pour qu’un ins­tru­ment type de la civi­li­sa­tion moderne ne soit plus une machine à engen­drer des morts et des handicapés.

Les ingé­nieurs, en sécu­ri­té pas­sive, ont fait, en qua­rante ans, un tra­vail exem­plaire. Continuons. 

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