L’eau douce : enjeux et défis pour la recherche en France et en europe

Dossier : Dossier FFEMagazine N°697 Septembre 2014
Par Patrick FLAMMARION (89)

Quels sont les enjeux relatifs à l’eau douce ?

En France et en Europe, la pro­blé­ma­tique de l’eau douce fait l’objet d’une poli­tique et d’une réflexion euro­péenne intégrée.

Les enjeux et défis y prennent plu­sieurs formes dif­fé­rentes comme : la qua­li­té éco­lo­gique des milieux aqua­tiques, l’adaptation au chan­ge­ment cli­ma­tique, les risques liés aux nou­veaux conta­mi­nants chi­miques, les ten­sions sur les res­sources en eau, la res­tau­ra­tion des ser­vices éco­lo­giques appor­tés par les éco­sys­tèmes aqua­tiques et leur biodiversité.

© Rolf Wein­gart­ner Irstea

Actuel­le­ment, moins de la moi­tié des masses d’eau douce fran­çaises sont en bon état, et il reste donc des efforts à consentir.

En effet, un cours d’eau en bon état apporte un cer­tain nombre de ser­vices : épu­ra­tion, dépol­lu­tion, pêche ou tou­risme grâce à la pré­ser­va­tion de la beau­té des paysages.

La ques­tion des pro­duits chi­miques consti­tue aus­si un enjeu consi­dé­rable : les cours d’eau sont impac­tés, in fine, par toutes les sub­stances chi­miques qui cir­culent dans les dif­fé­rents com­par­ti­ments de l’environnement. La maî­trise et la connais­sance de toutes ces sub­stances est un véri­table défi : alors que plus de 100 000 sub­stances chi­miques sont uti­li­sées par les hommes, seule une cen­taine, au maxi­mum, de ces sub­stances sont actuel­le­ment sui­vies en rou­tine dans les cours d’eau.

Mal­gré les pro­grès des connais­sances, c’est donc encore lar­ge­ment une « boîte noire » : les risques pour la san­té de l’homme ou de l’environnement sont insuf­fi­sam­ment connus, sub­stance par sub­stance, et c’est encore plus le cas pour les « cock­tails de sub­stances », la situa­tion usuelle étant que les orga­nismes vivants dans les éco­sys­tèmes aqua­tiques sont expo­sés à un mélange de nom­breuses sub­stances chimiques.

La recherche tra­vaille acti­ve­ment sur ce sujet.

Quels sont les moyens mis en place pour faire face à ces enjeux ?

Les poli­tiques publiques font face à ces enjeux et défis à tra­vers un panel de régle­men­ta­tions mises en place à dif­fé­rents niveaux. En découle un cer­tain nombre de plans natio­naux comme le plan natio­nal d’adaptation au chan­ge­ment cli­ma­tique, qui intègre de nom­breuses actions rela­tives à l’eau.

Par ailleurs, les direc­tives de niveau euro­péen sont ensuite décli­nées dans le droit natio­nal des dif­fé­rents Etats membres et sont l’occasion de mise en œuvre concrète.

Par exemple, pour mesu­rer et appré­cier l’état éco­lo­gique des cours d’eau, des bioin­di­ca­teurs (fon­dés sur l’évaluation des popu­la­tions ou les com­mu­nau­tés de végé­taux, d’algues, d’invertébrés ou de pois­sons) ont été déve­lop­pés et sont uti­li­sés par des acteurs variés tant publics que pri­vés (bureaux études) et per­mettent de loca­li­ser les sites où la vigi­lance doit être accrue.

L’utilisation des sub­stances chi­miques est déjà très régle­men­tée mais de nou­velles règles ont été mises en place dès la concep­tion des nou­velles sub­stances afin de limi­ter au maxi­mum leur poten­tiel toxique pour l’homme et pour l’environnement. Sur tous ces sujets, la recherche contri­bue lar­ge­ment à la mise en œuvre des poli­tiques publiques ain­si qu’à leur conception.

Comment s’organise la recherche ?

En France, l’étude CARTEAU rela­tive aux « Eaux et milieux aqua­tiques : pano­ra­ma des acteurs de Recherche et Déve­lop­pe­ment » a per­mis de quan­ti­fier les cher­cheurs en France tra­vaillant sur les eaux et les milieux aqua­tiques (y com­pris côtiers). Il appa­raît sur ces quelques 5 000 scien­ti­fiques que trois quarts tra­vaillent pour la recherche publique, tan­dis qu’un quart tra­vaille pour le sec­teur pri­vé (cf : Veo­lia, Suez envi­ron­ne­ment, EDF, etc.).

Irs­tea regroupe à lui seul 10 % de la recherche publique sur l’eau douce. Et les enjeux de l’eau contri­buent for­te­ment à l’identité de notre organisme.

Au-delà de notre mis­sion de pro­duc­tion de nou­velles connais­sances dans le domaine de l’eau, nous tra­vaillons aus­si sur la struc­tu­ra­tion et la coor­di­na­tion avec d’autres ins­ti­tu­tions de recherche dans le but de nous coor­don­ner en termes de prio­ri­tés de travail.

Au niveau fran­çais, cette coor­di­na­tion est faite au sein du groupe « eau » d’AllEnvi, l’alliance natio­nale de recherche pour l’environnement, et au niveau euro­péen au sein du « Joint Pro­gra­ming Ini­tia­tive : Water Chal­lenges for A Chan­ging World ».

En France, dans cer­taines régions, des struc­tures de recherche et d’innovation sous la forme de pôles de com­pé­ti­ti­vi­té ont été créées en Alsace Lor­raine, Lan­gue­doc Rous­sillon et dans la région Centre. Mont­pel­lier s’est aus­si doté d’un ins­ti­tut fédé­rant un total de 14 labo­ra­toires de recherche, forts de 400 scien­ti­fiques, depuis l’automne der­nier, l’Institut Mont­pel­lié­rain de l’Eau et de l’Environnement (IM2E).

A quel niveau et comment intervenez–vous ?

L’eau est une pro­blé­ma­tique qui inté­resse et est très fédé­ra­trice à tous les niveaux : régio­nal, natio­nal et euro­péen et Irs­tea inter­vient à tous ces niveaux, en y jouant un rôle très actif. Par exemple, au niveau euro­péen, nous sommes char­gés de l’Agenda Stra­té­gique de Recherche et d’Innovation qui des­sine les axes des futures recherches qui seront conduites dans les 10 pro­chaines années.

Fort de nos 600 cher­cheurs, tech­ni­ciens et doc­to­rants qui forment nos équipes de recherche sur l’eau, Irs­tea est un véri­table pro­duc­teur de science et d’expertise.

Nos équipes sont mobi­li­sées, entres autres, sur la mise en place de modèle de pré­vi­sion des inon­da­tions ou d’étiages, la mise au point de pla­te­formes d’avertissements des crues liés aux pré­ci­pi­ta­tions, afin de per­mettre l’anticipation des évé­ne­ments dan­ge­reux et ain­si d’améliorer la ges­tion des risques mon­ta­gnards (pro­jet Rythmme), le déve­lop­pe­ment d’indicateurs bio­lo­giques pour mieux prendre en compte le fonc­tion­ne­ment et la vul­né­ra­bi­li­té des éco­sys­tèmes aqua­tiques, l’impact des sub­stances chi­miques avec des outils pré­coces de détec­tion des risques éco­toxi­co­lo­giques sur les inver­té­brés aquatiques…

Nos éco­no­mistes et socio­logues s’impliquent, avec les autres spé­cia­listes, pour mieux appré­hen­der les risques socio-éco­no­miques dans les ter­ri­toires, ou déve­lop­per une ges­tion durable de la res­source en eau entre tous les usa­gers, ou encore d’évaluer les impacts sur la pro­duc­tion agri­cole, sur les reve­nus des agri­cul­teurs, et sur la via­bi­li­té des filières avales, de réduc­tions poten­tielles d’allocation en eau pour le sec­teur agricole.

Quelle est votre actualité récente ?

Le 30 juin der­nier a eu lieu la publi­ca­tion de l’Agenda Stra­té­gique de Recherche et d’Innovation mis en place dans le cadre euro­péen et dont j’assure la coor­di­na­tion au niveau européen.

Plu­sieurs axes de recherche et d’innovation ont été mis en prio­ri­té et les bud­gets sont en train d’être ras­sem­blés auprès des Etats membres et de la Com­mis­sion euro­péenne, afin de lan­cer au plus vite les pre­miers grands pro­jets : la recherche se pour­suit et progresse.

La Meuse
La Meuse © Alain Dutartre Irstea

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