Le recyclage au service du développement durable

Dossier : ExpressionsMagazine N°647 Septembre 2009
Par Jean PRIEUR (87)
Par Thierry COLOIGNER (93)

Repères
849 mil­lions de tonnes de déchets ont été pro­duits en France en 2004, dont 14 Mt par les col­lec­ti­vi­tés, 28 Mt par les ménages, 90 Mt par les entre­prises, et sur­tout 374 Mt par l’a­gri­cul­ture et la syl­vi­cul­ture et 343 Mt par les mines, les car­rières et le BTP. Les modes de trai­te­ment sont l’en­fouis­se­ment (29 %), l’in­ci­né­ra­tion (43 %), le tri pour recy­clage (13 %) et enfin le trai­te­ment bio­lo­gique (6 %). Source : Ademe.

L’in­dus­trie du recy­clage com­porte trois étapes : col­lec­ter des déchets, valo­ri­ser et enfin com­mer­cia­li­ser des pro­duits résul­tant de la valorisation.

C’est d’a­bord une acti­vi­té de ser­vices de proxi­mi­té dans ses rela­tions avec les pro­duc­teurs de déchets dont 90 % sont des entre­prises. C’est aus­si une acti­vi­té indus­trielle avec des sites dédiés de proxi­mi­té qui per­mettent de trier et pré­pa­rer les déchets pour en faire des matières pre­mières secon­daires (MPS). Ces sites néces­sitent une main-d’oeuvre locale impor­tante et des inves­tis­se­ments de plus en plus conséquents.

Le recy­clage four­nit enfin des matières pre­mières secon­daires (MPS) pour des clients indus­triels sur le mar­ché international.

L’in­dus­trie du recy­clage est donc en concur­rence, d’une part, avec les solu­tions d’en­fouis­se­ment et d’in­ci­né­ra­tion, et, d’autre part, avec les four­nis­seurs de matières pre­mières vierges. C’est un métier com­plexe, dont la tech­ni­ci­té va crois­sante, et qui requiert par consé­quent l’ex­pé­rience de vrais professionnels.

Le recy­clage est au cœur de la stra­té­gie envi­ron­ne­men­tale de ges­tion durable des déchets : réduire, réuti­li­ser, recy­cler. Pour la plu­part des déchets non orga­niques, le recy­clage est une alter­na­tive per­ti­nente et éco­no­mique aux solu­tions d’en­fouis­se­ment et d’in­ci­né­ra­tion. En outre, il per­met d’é­co­no­mi­ser les res­sources natu­relles (matières pre­mières, pétrole, eau). 

Malgré la crise, des perspectives prometteuses

2 450 entre­prises en France
En 2006, elles ont réa­li­sé un chiffre d’af­faires de 9,8 mil­liards d’eu­ros avec 31 500 sala­riés. La pro­duc­tion de MPS a per­mis d’é­co­no­mi­ser 43 mil­lions de tonnes de matières pre­mières vierges (20 Mt d’a­cier, 2 d’autres métaux, 10 de papier, 6 de verre, et 6 de plas­tique), 5,9 Mt de pétrole et d’é­vi­ter l’é­mis­sion de 19 Mt de CO2. Sur une période de cinq ans, la crois­sance annuelle moyenne de cette indus­trie a été de 11%. À côté des deux lea­ders des ser­vices aux col­lec­ti­vi­tés (Veo­lia- Suez Envi­ron­ne­ment) qui ont inté­gré l’ac­ti­vi­té recy­clage dans leur filiale pro­pre­té qui couvre l’en­semble de la chaîne de valeur du sec­teur des déchets, les géné­ra­listes du déchet (Seche- Coved, Piz­zor­no, Groupe Nicol­lin) se sont déve­lop­pés dans le sec­teur des déchets à par­tir d’ac­ti­vi­tés de col­lecte et d’é­li­mi­na­tion. Les gros spé­cia­listes du recy­clage (Paprec, CFF Recy­cling, GDE, Gal­loo), ini­tia­le­ment actifs sur une filière du recy­clage (par exemple : papiers-car­tons, métaux), ont éten­du leurs acti­vi­tés au recy­clage de nou­veaux types de déchets en élar­gis­sant leur cou­ver­ture géo­gra­phique. Enfin, une mul­ti­tude d’ac­teurs plus petits sont pré­sents loca­le­ment ou régio­na­le­ment sur une ou plu­sieurs filières.

La crise de l’au­tomne 2008 a eu deux effets sur l’in­dus­trie du recy­clage : une chute bru­tale des cours des matières pre­mières et donc des MPS ; une baisse des volumes des déchets col­lec­tés du fait du ralen­tis­se­ment bru­tal de l’ac­ti­vi­té éco­no­mique. De nom­breux acteurs sont aujourd’­hui fra­gi­li­sés, ce qui va se tra­duire par une forte restruc­tu­ra­tion et une concen­tra­tion du secteur.

Au-delà de la crise actuelle, le sec­teur du recy­clage béné­fi­cie de trois vec­teurs de crois­sance. En pre­mier lieu, un fort sou­tien poli­tique, au niveau natio­nal et euro­péen, le trai­te­ment de déchets est for­te­ment encou­ra­gé. En second lieu, le déve­lop­pe­ment des filières, les filières des fer­railles, des métaux non fer­reux et du papier-car­ton sont matures avec des taux de col­lecte supé­rieurs à 50 %. Mais les plas­tiques et les DEEE (Déchets d’é­qui­pe­ments élec­triques et élec­tro­niques) dont le taux de col­lecte est de 20%, et plus encore, les déchets de chan­tier, très impor­tants en volume, offrent un poten­tiel de déve­lop­pe­ment très impor­tant. Enfin, la prise de conscience éco­lo­gique des acteurs éco­no­miques, par­ti­cu­liers et indus­triels, fait dimi­nuer la méfiance vis-à-vis des MPS. Les indus­triels pres­crip­teurs doivent désor­mais conce­voir des pro­duits inté­grant des MPS tout en faci­li­tant le recy­clage de ces pro­duits en fin de vie.

L’in­dus­trie du recy­clage pos­sède donc de for­mi­dables oppor­tu­ni­tés de déve­lop­pe­ment, prin­ci­pa­le­ment par sub­sti­tu­tion aux solu­tions d’en­fouis­se­ment et d’incinération.

Quatre leviers d’accélération

Tou­te­fois, il faut avoir conscience que les délais de mise en place d’une filière de recy­clage sont longs. Le taux de col­lecte des papiers-car­tons est, par exemple, pas­sé de 41,3 % en 1997, à 63,5 % en 2007 puis à 64,3% en 2008. Quatre types de mesures per­met­tront d’ac­com­pa­gner et d’ac­cé­lé­rer cette mutation.

Des mesures fis­cales. Les Pays-Bas nous ont mon­tré la voie : en éle­vant les taxes sur la filière de l’en­fouis­se­ment (85 €/t pour les déchets com­bus­tibles), ils ont réduit de 84% les volumes mis en décharge sur la période 1995–2005.

L’in­dus­trie du recy­clage pos­sède donc de for­mi­dables oppor­tu­ni­tés de développement

Une aug­men­ta­tion impor­tante de la Taxe géné­rale sur les acti­vi­tés pol­luantes (TGAP) sur les filières d’en­fouis­se­ment et d’in­ci­né­ra­tion est ver­tueuse. Elle encou­rage tous les acteurs en place à se mobi­li­ser, à chan­ger leurs habi­tudes et à trou­ver de nou­velles solu­tions en quelques années. Cepen­dant, l’é­vo­lu­tion pro­gram­mée de la TGAP sur la période 2008–2013 reste trop faible pour faire évo­luer les acteurs rapi­de­ment (en 2013, 20 ?/t sur l’en­fouis­se­ment et 4 ?/t sur l’in­ci­né­ra­tion) : il fau­drait arri­ver en 2018 à un niveau mini­mum com­pris entre 60 ?/t et 100 ?/t pour l’en­fouis­se­ment et entre 30 ?/t et 50 ?/t pour l’incinération.


Des mesures légis­la­tives pour ren­for­cer le dis­po­si­tif. L’Al­le­magne a for­te­ment déve­lop­pé la part du recy­clage en restrei­gnant la mise en décharge depuis 2005. Seuls les déchets pré­trai­tés com­pre­nant moins de 5 % de car­bone orga­nique et les déchets inertes sont doré­na­vant accep­tés en décharge. Cette mesure avait été annon­cée douze ans aupa­ra­vant. En France, l’in­ter­dic­tion for­mu­lée dans la loi du 13 juillet 1992 de toute mise en décharge de déchets bruts à comp­ter de 2002 n’a pas eu les mêmes effets. Une res­tric­tion aus­si forte que celle pra­ti­quée en Alle­magne pour­rait chan­ger la donne et accom­pa­gner uti­le­ment la mesure d’aug­men­ta­tion de la TGAP.

Un strict res­pect des régle­men­ta­tions. L’ad­mi­nis­tra­tion doit être plus réac­tive dans l’ap­pli­ca­tion des règles, en par­ti­cu­lier pour fer­mer les sites de décharge et de recy­clage non autorisés.
Une évo­lu­tion de la régle­men­ta­tion sur l’u­sage des pro­duits recy­clés. Accom­pa­gnant l’exi­gence des consom­ma­teurs pour un usage accru de matière recy­clée, la régle­men­ta­tion doit favo­ri­ser l’u­sage des MPS.

Objec­tifs fixés par le Gre­nelle de l’en­vi­ron­ne­ment et l’U­nion Européenne
France Alle­magne Objec­tifs Grenelle Direc­tive UE (nov. 2008)
Valo­ri­sa­tion matière des déchets ménagers 30% en 2007 dont 16% pour le recyclage 64% en 2007 dont 46% pour le recyclage

35% en 2012

45% en 2015

50% de recy­clage en 2020
Recy­clage des embal­lages ménagers 53% en 2005 67% en 2005 75% en 2012
Recy­clage des déchets des entre­prises de plus de 10 salariés 68% en 2004 75% en 2012
Niveaux de taxes et taux de mise en décharge en Europe

(Sources Eurostst & Ademe)

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