Le labyrinthe des jours ordinaires

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°689 Novembre 2013Par : Pierre ROSENTIEHL (55)Rédacteur : Hervé Le BRAS (63) (EHESS, INED, Cambridge)Editeur : Éditions du Seuil – 2013

Les Anglais dis­posent de deux mots pour qua­li­fier un laby­rinthe : maze, qui cor­res­pond au sens fran­çais d’un lacis de che­mins et de car­re­fours sépa­rant un point de départ d’un point d’arrivée, et laby­rinth, où un seul che­min mène au but par des tours et des détours tortueux.

Livre : LE LABYRINTHE DES JOURS ORDINAIRES par Pierre Rosenstiehl (55)Pierre Rosens­tiehl passe du maze au laby­rinth dans le très joli livre qu’il vient de publier. Par­tant d’un maze, il montre com­ment un algo­rithme simple uti­li­sant un fil qu’on débo­bine et rem­bo­bine per­met d’arriver au but, en décri­vant une fois dans chaque sens tous les cou­loirs. Il suf­fit alors de fer­mer chaque voie qui abou­tit à un car­re­four déjà visi­té pour trans­for­mer le laby­rinthe en arbre (mathé­ma­tique), dont la base se rami­fie de proche en proche.

Si l’on enve­loppe d’un trait toutes les branches de l’arbre en par­tant de la base, on y revient néces­sai­re­ment puisque tous les croi­se­ments ont été éli­mi­nés. Le maze est deve­nu laby­rinth. Rosens­tiehl montre bien d’autres manières d’explorer les laby­rinthes. Voi­ci pour les laby­rinthes du titre. Mais les jours ordi­naires ? Entre des démons­tra­tions sous forme de dia­logue d’anciens Grecs en train de ban­que­ter, Rosens­tiehl insère de courts récits de l’existence du jeune Renart, que sa famille a confié à une nourrice.

Dès le pre­mier cha­pitre, l’enfant s’égare à la recherche de pis­sen­lits qu’il des­tine à son lapin, puis il retrouve son che­min et donne sa récolte à un gros lapin dont il craint la mor­sure vorace. Le laby­rinthe est déjà là, et son minotaure-lapin.

On a com­pris que le fil débo­bi­né plus haut est celui qu’Ariane confia à Thé­sée et les convives grecs qui dis­cutent mathé­ma­tiques, des Cré­tois du temps de Minos et Pasiphaé.

Le laby­rinthe est celui de la vie de Renart et celui qui nous fait par­cou­rir le livre. Il est une figure uni­ver­selle et mys­té­rieuse, peut-être sym­bo­lique, mais de quoi ? Le même des­sin de laby­rinth a été tra­cé à l’aide de galets il y a 4 000 ans sur des îles de la Bal­tique, gra­vé sur les murs des cités grecques, sur les pièces minoennes, il est orne­ment sur les mosaïques de Pom­péi. On l’a trou­vé chez les Bataks de Suma­tra et dans des tri­bus ama­zo­niennes dont on doute qu’elles aient enten­du par­ler du Minotaure.

Une com­pli­ca­tion de la forme minoenne a pavé de dalles noires et blanches l’entrée de plu­sieurs cathé­drales gothiques, et les enlu­mi­nures de très vieux manus­crits en uti­lisent des variantes.

Mal­gré l’ingéniosité de Rosens­tiehl, le laby­rinthe garde sa part de mystère.

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