Le guerrier et le philosophe

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°654 Avril 2010Par : Erik EGNELL (57) Préface d'Anne-Marie COCULARédacteur : Gilles COSSON (57)Editeur : Editions Cyrano - 2009 - Les Boulbennes, 24240 Pomport

Dans son nou­veau livre, Erik Egnell nous offre une rétros­pec­tive très inté­res­sante d’une époque ô com­bien dra­ma­tique ! celle des guerres de reli­gion vues au tra­vers du prisme de deux acteurs contras­tés : le guer­rier, Blaise de Mon­luc, futur maré­chal de France, et Michel de Mon­taigne, le phi­lo­sophe des immor­tels Essais.

Couverture du livre : Le guerrier et le philosopheL’auteur nous fait ren­con­trer au long des années ces deux carac­tères bien trem­pés dont l’unpassera sa vie sur les champs de bataille, allant de l’Italie, chère au cœur des Valois, à la répres­sion sans états d’âme des sou­lè­ve­ments protestants,l’autre pré­fé­rant le champ clos de sa stu­dieuse retraite, ce qui ne l’empêchera pas de faire face à des charges diverses, dont la mai­rie de Bor­deaux et un rôle dis­cret de média­teur entre les par­tis anta­go­nistes : papistes et huguenots.

Si dif­fé­rents qu’ils soient, les deux hommes – ils se connaissent, bien que sépa­rés par une géné­ra­tion sont pour­tant unis dans un même pro­jet que l’auteur met en valeur avec talent : la volon­té de gar­der au royaume de France l’Aquitaine, un moment ten­tée par la séces­sion. Et il est inté­res­sant de consta­ter que Hen­ri de Navarre, le futur Hen­ri IV, dépas­sant sa foi réfor­mée, est pos­sé­dé par la même idée, ce qui, après quelques allers et retours, le ramè­ne­ra comme cha­cun sait au catho­li­cisme au nom de l’unité du royaume et de la vic­toire sur la Ligue.

Le livre nous rap­pelle avec force à quelles hor­reurs peuvent mener les « inté­grismes » si l’on consi­dère, par delà la Saint-Bar­thé­le­my, les cruau­tés qui ensan­glantent alors la terre de France et tout par­ti­cu­liè­re­ment le grand Sud-Ouest où la lutte des deux fac­tions conduites par les plus illustres capi­taines : Anjou, Condé, Mont­mo­ren­cy, Guise, ne ces­se­ra jamais pen­dant plus de trente ans, avec cepen­dant de nom­breuses trêves où cha­cun retourne à ses occu­pa­tions. La leçon reste d’actualité.

Le scandale des mignons 

Mais le récit est enri­chi aus­si par des extraits d’oeuvres de fic­tion pos­té­rieures qui montrent à quel point notre lit­té­ra­ture a été mar­quée par cette époque : Vol­taire, Bal­zac, Dumas ont inter­pré­té, cha­cun à sa manière, la four­be­rie intel­li­gente et conci­lia­trice de Cathe­rine de Médi­cis, le scan­dale des « mignons », les ten­ta­tions des « grands ».

L’on y apprend éga­le­ment que Ron­sard ne dédai­gnait pas de mettre la main à l’épée, comme la plu­part des gens de son temps et que le tré­sor royal, per­pé­tuel­le­ment vide, obli­geait les grands argen­tiers à des acro­ba­ties, ce qui n’est pas­sans nous rap­pe­ler le présent.

Le bruit et la fureur 

Bref, c’est à un vrai tra­vail de béné­dic­tin que s’est livré notre camarade,avec l’approbation bien­veillante d’Anne-Marie Cocu­la, grande spé­cia­liste uni­ver­si­taire de Mon­taigne, ravie de voir un « pseu­do-thé­sard », aus­si scru­pu­leux que tar­dif, venir jeter une lumière ori­gi­nale sur une époque dont le bruit et la fureur nous invitent à réflé­chir aux moyens d’éviter de tels drames, avec au bout du compte la leçon un peu triste mais tou­jours valable qu’il faut que les adver­saires soient bien fati­gués de la guerre pour que l’esprit de tolé­rance prenne enfin l’avantage.
 

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