Axes de communication au Viêt-nam

L’aménagement du territoire

Dossier : VIÊT-NAMMagazine N°525 Mai 1997Par : Jean BRUNOT de ROUVRE (52), ingénieur général des Ponts et Chaussées, Mission DATAR - Institut de Stratégie du Développement, ministère du Plan et de l’Investissement de la République socialiste du Viêt-nam

On n’a­borde pas le Viêt-nam sans émo­tion : tous ceux qui ont connu le pays en sont res­tés mar­qués, et il est dif­fi­cile d’en par­ler serei­ne­ment, tant les par­tis-pris sont encore vivaces. Mais le pays, qui s’est rele­vé après trente ans de guerres, où l’hé­roïsme autant que l’hor­reur ont fait la une de l’his­toire mon­diale, a été tel­le­ment déchi­ré qu’il n’est pas rare d’a­voir eu des liens dans l’un et l’autre camp, comme c’est le cas dans tant de familles viet­na­miennes. On s’a­per­çoit alors que l’es­sen­tiel est une affaire de cœur, qui dépasse tous les cli­vages, comme les liens fami­liaux l’emportent sur les divi­sions politiques.

Cette his­toire de cœur fut aus­si depuis long­temps celle de l’au­teur, et c’est bien à cela que les Viet­na­miens tou­jours sen­ti­men­taux recon­naissent leurs vrais amis. Sans cette pro­fonde conni­vence, il ne serait pas pos­sible de s’in­té­grer dans un orga­nisme viet­na­mien, de nouer des rela­tions per­son­nelles et cha­leu­reuses, d’être admis et même écou­té aux plus hauts niveaux de déci­sion. La grande qua­li­té des res­pon­sables qui sont mes inter­lo­cu­teurs, leur charme per­son­nel font un vrai plai­sir de cette rela­tion, si spar­tiates que soient les condi­tions de tra­vail et de vie au milieu de gens très simples et ten­dus par l’ef­fort depuis les temps les plus anciens. 

Le renouveau de la planification et de l’aménagement du territoire : coïncidence franco-vietnamienne

L’aménagement du ter­ri­toire est une démarche inter­mi­nis­té­rielle, et l’accord fran­co-viet­na­mien implique plu­sieurs minis­tères de part et d’autre dans le Comi­té de pilotage.
FRANCE :
• Minis­tère des Affaires étrangères,
• DATAR (Délé­ga­tion à l’aménagement du ter­ri­toire et à l’action régionale),
• Minis­tère de l’Équipement et des Transports.
VIÊT-NAM :
• Minis­tère du Plan et de l’Investissement (ISD),
• Minis­tère de la Construc­tion (INPUR),
• Minis­tère des Sciences, de la Tech­no­lo­gie et de l’Environnement.
ISD : Ins­ti­tut de Stra­té­gie du Développement
INPUR : Ins­ti­tut natio­nal de Pla­ni­fi­ca­tion urbaine et rurale

En sep­tembre 1994, la DATAR signait un accord de coopé­ra­tion avec l’Ins­ti­tut de Stra­té­gie du Déve­lop­pe­ment du Viêt-nam après une année de contacts à Hanoi, fai­sant suite à la visite de Fran­çois Mit­ter­rand début 1993. Quelles étaient les moti­va­tions de part et d’autre ?

Du côté viet­na­mien la poli­tique de renou­veau (dôi moi), avec la tran­si­tion vers l’é­co­no­mie de mar­ché, obli­geait à revoir le conte­nu de la pla­ni­fi­ca­tion, avec la volon­té d’ac­cé­lé­rer le déve­lop­pe­ment en ouvrant le pays aux inves­tis­seurs étran­gers, en l’ar­ri­mant à la crois­sance rapide des pays de l’A­SEAN, mais en veillant aus­si à limi­ter l’ag­gra­va­tion des dis­pa­ri­tés régio­nales, de l’é­cart villes-cam­pagnes et d’une manière géné­rale des inéga­li­tés résul­tant inévi­ta­ble­ment du jeu du marché.

Les cadres viet­na­miens du Plan, aux niveaux cen­tral et pro­vin­cial, avaient été for­més aux méthodes sovié­tiques désor­mais péri­mées, et le Viêt-nam ne sou­hai­tant pas jeter le bébé avec l’eau du bain, l’ex­pé­rience fran­çaise du Plan et de l’A­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire lui parais­sait assez adap­tée pour for­ger une métho­do­lo­gie de l’a­mé­na­ge­ment régio­nal et recy­cler ses cadres.

Par chance, cet inté­rêt pour l’ex­pé­rience fran­çaise allait trou­ver un écho ines­pé­ré lors du grand débat sur l’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire lan­cé par Charles Pas­qua fin 1993 : le délé­gué à l’A­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire, Pierre-Hen­ri Paillet, me don­nait alors carte blanche pour faire pro­fi­ter le Viêt-nam du bouillon­ne­ment d’i­dées et des exer­cices de pros­pec­tive qui avaient lieu en France. On peut dire que les diri­geants viet­na­miens ont assis­té en direct à la genèse de la Loi d’o­rien­ta­tion pour l’a­mé­na­ge­ment et le déve­lop­pe­ment du ter­ri­toire, que P.-H. Paillet venait expo­ser lui-même à Hanoi en avril 1995.

« Une concep­tion com­mune de l’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire » entre la France et le Viêt-nam ? Ce com­men­taire du pré­sident viet­na­mien de la Com­mis­sion mixte, M. Lê Quy An, lors de la signa­ture de l’ac­cord, s’ex­plique, au-delà des dif­fé­rences, par des pré­oc­cu­pa­tions fon­da­men­tales très voisines :

  • plus de la moi­tié des inves­tis­se­ments étran­gers est concen­trée dans la métro­pole de Sai­gon et les pro­vinces adja­centes : cela rap­pelle l’a­larme de « Paris et le désert fran­çais » qui moti­va la créa­tion de la DATAR ;
  • évi­ter à tout prix la frac­ture du ter­ri­toire entre le Nord et le Sud, entre les villes et la cam­pagne, les plaines et la mon­tagne : même sou­ci de l’u­ni­té natio­nale comme fina­li­té de l’a­mé­na­ge­ment du territoire.

L’enjeu stratégique du Centre-Viêt-nam pour l’unité nationale

Pour com­prendre quel enjeu cela repré­sente pour le Viêt-nam, il faut avoir pré­sentes à l’es­prit les déchi­rures de l’his­toire du pays : non seule­ment la sépa­ra­tion entre le Nord et le Sud depuis les accords de Genève jus­qu’à la chute de Sai­gon et la réuni­fi­ca­tion, mais les luttes du XVIIe siècle entre les sei­gneurs Trinh et Nguyên qui ne devaient s’a­che­ver qu’a­vec la brève uni­fi­ca­tion par les frères Tây-Son (1788), puis la recon­quête du trône par Gia-Long (1802), fon­da­teur de la der­nière dynas­tie des Nguyên.

Mais cette dynas­tie ouvrait aus­si la voie à la péné­tra­tion fran­çaise et à un autre dépe­çage du ter­ri­toire natio­nal, entre les 3 Ky (Ton­kin, Annam, Cochin­chine), les deux riches del­tas du Nord et du Sud deve­nant des colo­nies admi­nis­trées par la France et l’empereur n’ayant plus qu’un sem­blant de pou­voir sur la par­tie cen­trale, rebap­ti­sée du nom péjo­ra­tif d’Annam. Le nom géné­rique figu­rant dans le Dai-Viêt des Lê depuis la fin du Xe siècle ou le Viêt-nam de Gia-Long dis­pa­rais­sait, rem­pla­cé par le nom du pro­tec­to­rat chi­nois d’an­tan (« le Sud paci­fié »), jus­qu’à la pro­cla­ma­tion de la Répu­blique par Hô Chi Minh en 1945.

Une image clas­sique com­pare la phy­sio­no­mie du Viêt-nam au fléau que portent les pay­sannes sur l’é­paule, avec leurs deux paniers lour­de­ment char­gés : ces paniers figurent les del­tas, gre­niers à riz du pays dis­tants de 1 000 km, et le fléau la longue bande côtière qui, à la hau­teur de Huê, n’a pas plus de 60 km de large. C’est là que les Nguyên éta­blissent leur capi­tale, à la fois par défiance à l’é­gard d’Ha­noi, fidèle aux dynas­ties pré­cé­dentes, par pré­cau­tion à l’é­gard des incur­sions chi­noises dans le Nord qui ont jalon­né l’his­toire du Viêt-nam, et par sou­ci de mar­quer l’u­ni­té retrou­vée entre le Nord et le Sud.

C’est ce même sou­ci de l’u­ni­té natio­nale qui amène aujourd’­hui le gou­ver­ne­ment viet­na­mien à por­ter une atten­tion par­ti­cu­lière au cor­ri­dor cen­tral du Viêt-nam, en réunis­sant dans une même démarche de « cor­ri­dor stra­té­gique » nous dirions d’aire métro­po­li­taine, les deux villes de Huê et Da Nang, dis­tantes de 100 km, mais sépa­rées par le col des Nuages, rup­ture cli­ma­tique, his­to­rique et psychologique.

C’est ain­si que la pro­vince de Huê (Thua Thiên-Huê) a été choi­sie par les Viet­na­miens comme étude de cas pour la DATAR. Au cœur du cor­ri­dor cen­tral, elle en est pour­tant le parent pauvre, fière de sa cita­delle et de ses tom­beaux royaux clas­sés au patri­moine mon­dial par l’U­NES­CO, mais un peu figée sur ses tra­di­tions man­da­ri­nales, com­pa­rée au port ani­mé de Da Nang qui a tou­jours su tirer par­ti de la conces­sion fran­çaise puis de la base amé­ri­caine, pour le meilleur comme pour le pire.

Le choix de Huê est émi­nem­ment sym­bo­lique : ancienne capi­tale, ce fut aus­si le lieu de la for­ma­tion des élites, y com­pris Hô Chi Minh. Pour la même rai­son, c’est un lieu de tra­di­tion édu­ca­tive et cultu­relle où la langue fran­çaise a tou­jours eu un rôle impor­tant, au point qu’on a conti­nué à y ensei­gner la méde­cine en fran­çais mal­gré toutes les vicis­si­tudes de la guerre. C’est res­té une des villes les plus fran­co­phones du Viêt-nam et une des des­ti­na­tions favo­rites des tou­ristes fran­çais, nos orga­ni­sa­tions cari­ta­tives et de soli­da­ri­té y sont par­ti­cu­liè­re­ment actives. 

Huê-Da Nang : stratégies pour une aire métropolitaine

Cette cir­cons­tance favo­rable a per­mis d’é­pau­ler la mis­sion de la DATAR par la « coopé­ra­tion décen­tra­li­sée » entre col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, qui apporte une dimen­sion humaine et concrète. En effet dès jan­vier 1994 le Conseil régio­nal du Nord-Pas-de-Calais signait un accord avec les deux pro­vinces et les deux villes de Huê et Da Nang : c’est une coopé­ra­tion tour­née vers les pro­blèmes d’en­vi­ron­ne­ment, avec déjà des réa­li­sa­tions signi­fi­ca­tives dans les deux villes, comme un broyeur d’or­dures à Huê, un trai­te­ment des eaux par lagu­nage à Da Nang.

Grâce à l’aide de cette région, le labo­ra­toire « envi­ron­ne­ment et amé­na­ge­ment régio­nal » de l’u­ni­ver­si­té de Lille 1 diri­gé par le pro­fes­seur Gache­lin a pu par­ti­ci­per à nos études et sémi­naires, a envoyé des étu­diants et a étu­dié de façon appro­fon­die avec les uni­ver­si­taires de Huê cer­tains milieux fra­giles, comme la grande lagune qui s’é­tend sur 80 km de part et d’autre de l’embouchure de la rivière des Par­fums. L’in­te­rac­tion entre la lagune et cette rivière est très com­plexe, et les pro­blèmes qui se posent tant en crue qu’à l’é­tiage ne peuvent pas être réso­lus sépa­ré­ment : la DATAR a mobi­li­sé à cet effet la Com­pa­gnie Natio­nale du Rhône qui pro­pose un réseau hydro­gra­phique per­met­tant de modé­li­ser le bassin.

Pla­cé dans un ter­ri­toire exi­gu et ingrat, expo­sé aux typhons, rava­gé par les guerres, le Centre n’a pas les atouts des deux « tri­angles de crois­sance » autour d’Ha­noi et Sai­gon. Mais l’ou­ver­ture du Viêt-nam, son inté­gra­tion à l’A­SEAN, la crois­sance rapide de tous les pays de la région changent les don­nées du pro­blème. Pour tout l’est de la Thaï­lande et pour le Laos, c’est la côte viet­na­mienne qui offre l’ac­cès le plus proche à la mer.

Après une étude de la Banque Asia­tique et le choix de la RN 9 (Savan­na­khet-Dong Ha) comme liai­son prio­ri­taire dans le cor­ri­dor est-ouest reliant les trois pays, c’est main­te­nant dans les choix por­tuaires que se joue le sché­ma d’a­mé­na­ge­ment du cor­ri­dor cen­tral, porte vers les pays du Mekong et non plus seule­ment trait d’u­nion nord-sud du ter­ri­toire viet­na­mien. Trois sites sont en com­pé­ti­tion : la magni­fique baie de Da Nang, la mieux pro­té­gée mais qui pose des pro­blèmes urbains, d’ac­cès et d’en­vi­ron­ne­ment ; la baie de Dung Quat à la limite de la pro­vince de Quang Ngai, où le gou­ver­ne­ment a déci­dé d’ins­tal­ler la pre­mière raf­fi­ne­rie ; et la baie de Canh Duong sous le cap Chân Mây, qui a l’a­van­tage d’être au nord du col des Nuages, donc la mieux pla­cée pour un écla­te­ment du tra­fic par conte­neurs vers la Thaïlande.

C’est ce pro­jet de port en eau pro­fonde de Chân Mây que nous avons étu­dié plus en détail avec Bouygues-Off­shore et Total, avec une atten­tion par­ti­cu­lière au site qui pos­sède aus­si une des plus belles plages du Viêt-nam, au centre d’une zone de patri­moine natu­rel et de poten­tiel tou­ris­tique à ne pas détruire (tri­angle du parc natio­nal de Bach Ma, de la lagune de Câu Hai et de celle de Lang Co). 

L’aide française et l’aide japonaise : perspectives de co-investissements ?

Nous ne sommes pas seuls à étu­dier cette zone : si notre assis­tance est res­tée déli­bé­ré­ment métho­do­lo­gique, avec des sémi­naires aidant à poser les pro­blèmes et à confron­ter nos expé­riences, les Viet­na­miens ont éga­le­ment reçu une aide japo­naise de la JICA pour réa­li­ser cette année un plan inté­gré de déve­lop­pe­ment régio­nal du cor­ri­dor stra­té­gique des 4 pro­vinces du Centre-Viêt-nam (Quang Tri, Thua Thiên-Huê, Quang Nam-Da Nang, Quang Ngai).

Ce que les Viet­na­miens attendent de cette aide, ce n’est pas seule­ment une étude, c’est l’as­su­rance que l’i­den­ti­fi­ca­tion des pro­jets de déve­lop­pe­ment per­met­tra au MITI de déci­der les inves­tis­seurs indus­triels japo­nais à s’im­plan­ter dans cette zone. Cette démarche est aus­si la nôtre, avec la dif­fé­rence que les pro­jets pou­vant inté­res­ser des inves­tis­seurs fran­çais sont for­cé­ment plus limi­tés. Les Japo­nais peuvent par­tir des besoins de déve­lop­pe­ment de la région pour posi­tion­ner leurs inves­tis­seurs, nous devons par­tir des pos­si­bi­li­tés des entre­prises fran­çaises pour voir com­ment leurs stra­té­gies peuvent s’ap­pli­quer dans la région.

Les res­pon­sables du pro­jet à l’Ins­ti­tut de Stra­té­gie du Déve­lop­pe­ment nous ont asso­ciés aux prin­ci­pales étapes du tra­vail des Japo­nais et il ne serait pas impos­sible de trou­ver un ter­rain d’en­tente. À la véri­té c’est pour nos entre­prises la pos­si­bi­li­té d’une stra­té­gie s’ap­puyant sur des finan­ce­ments japo­nais, le Japon étant de loin en Asie le pre­mier dona­teur d’aide publique au déve­lop­pe­ment (APD), même s’il est encore dis­tan­cé au Viêt-nam en inves­tis­se­ments directs (IDE) par les Chi­nois de Tai­wan, Hong-Kong ou Sin­ga­pour et main­te­nant par la Corée du Sud.

C’est pré­ci­sé­ment ce thème des co-inves­tis­se­ments fran­co-asia­tiques en Indo­chine que j’a­vais étu­dié en 1993, lorsque basé à Tokyo comme res­pon­sable de l’A­gence de la DATAR pour l’A­sie, j’a­vais fait une mis­sion au Viêt-nam et dans les pays inves­tis­seurs proches. Le résul­tat avait été un accueil très posi­tif par les milieux d’af­faires fran­çais connais­sant bien la région, notam­ment par les banques fran­çaises bien implan­tées en Asie, et par les Chambres de com­merce fran­çaises dans la région.

En effet, il est désor­mais vital pour des entre­prises fran­çaises d’être pré­sentes en Asie. Pas seule­ment expor­ter en Asie, ce qui est dif­fi­cile avec des coûts euro­péens, mais inves­tir pour pro­fi­ter de l’ex­tra­or­di­naire dyna­misme de cette région du monde. Le Viêt-nam n’est pas encore, avec un PIB moyen par habi­tant de 220 $ (plu­tôt 500 $ en reve­nus réels cor­ri­gés des prix du mar­ché), un débou­ché aus­si inté­res­sant que les pays riches comme le Japon ou Tai­wan, ou que la Chine avec sa crois­sance rapide et son énorme poten­tiel, ou même que ses voi­sins de l’A­SEAN. Mais jus­te­ment tous ces pays inves­tissent au Viêt-nam pour pro­fi­ter de ses avan­tages com­pa­ra­tifs, de ses fortes pers­pec­tives de crois­sance et de sa situa­tion géo­gra­phique qui lui per­met d’être tiré par le dyna­misme de la région tout autour.

Si une entre­prise ne vise pas seule­ment le Viêt-nam mais pense en stra­té­gie pour l’A­sie, elle a de nom­breux avan­tages à s’as­so­cier avec des Asia­tiques pour inves­tir au Viêt-nam : en effet ces par­te­naires délo­ca­lisent sou­vent au Viêt-nam pour pro­fi­ter de coûts de pro­duc­tion plus bas, et réex­portent tout ou par­tie. Si l’en­tre­prise fran­çaise adopte une stra­té­gie sem­blable, alors non seule­ment elle a inté­rêt à trou­ver des capi­taux sup­plé­men­taires en Asie, où ils sont moins fri­leux qu’en Europe, mais encore elle peut tirer avan­tage de son par­te­naire japo­nais ou chi­nois pour péné­trer les pays qu’ils connaissent bien, et qui sont répu­tés dif­fi­ciles si on n’est pas asia­tique, avec les réseaux nécessaires. 

L’accueil des investissements étrangers et la réforme administrative : régionalisation du Viêt-nam ?

Cette stra­té­gie vaut sur­tout pour les inves­tis­se­ments manu­fac­tu­riers, pour les­quels les Viet­na­miens ont d’ailleurs pré­vu des sites d’ac­cueil avec des faci­li­tés spé­ciales, les « export pro­ces­sing zones ». Mais ils ont réa­li­sé que les inves­tis­seurs misaient à la fois sur le mar­ché inté­rieur et sur l’ex­por­ta­tion en Asie, si bien que les EPZ au régime trop contrai­gnant sont en train d’être trans­for­mées en Zones indus­trielles, plus souples et mieux adap­tées aux stra­té­gies d’entreprises.

La loi sur les inves­tis­se­ments étran­gers vient d’être encore amen­dée pour rendre le pays plus attrayant. Le gou­ver­ne­ment viet­na­mien est conscient qu’il reste au pays d’é­normes pro­grès à faire, non seule­ment en réseaux d’in­fra­struc­tures à moder­ni­ser, mais en réformes de l’en­vi­ron­ne­ment admi­nis­tra­tif, juri­dique et finan­cier des investissements.

La réforme admi­nis­tra­tive est ain­si deve­nue la prio­ri­té, en même temps que la créa­tion d’un sys­tème ban­caire fiable capable de mobi­li­ser l’é­pargne. La France y contri­bue de mul­tiples façons, soit indi­rec­te­ment par le biais du PNUD auprès du Pre­mier ministre et du comi­té gou­ver­ne­men­tal d’or­ga­ni­sa­tion, soit direc­te­ment par une mis­sion auprès du minis­tère des Finances, une Mai­son du Droit, un Centre fran­co-viet­na­mien de for­ma­tion à la gestion.

En amé­na­ge­ment du ter­ri­toire, la ques­tion d’ac­tua­li­té qui rejoint la réforme admi­nis­tra­tive est la régio­na­li­sa­tion. Avec ses 53 pro­vinces de la taille de nos dépar­te­ments, der­niè­re­ment redé­cou­pées en 61, le Viêt-nam est dans la situa­tion de la France avant la réforme régio­nale. Comme en France, il ne s’a­gi­ra sans doute pas de créer d’emblée un éche­lon régio­nal sem­blable aux pro­vinces, aux dis­tricts et aux com­munes, les 3 niveaux figu­rant dans la Constitution.

Les étapes de la régio­na­li­sa­tion devraient être en effet très pro­gres­sives, comme chez nous ; plus que de décen­tra­li­sa­tion, le pays a d’a­bord besoin d’une plus forte pré­sence de l’É­tat sur le ter­rain, capable d’ar­bi­trer entre les baron­nies locales. On s’o­rien­te­rait donc plu­tôt vers un éche­lon d’é­tude et de pla­ni­fi­ca­tion, au niveau de 8 ou 9 grandes régions, afin de créer pro­gres­si­ve­ment des habi­tudes de coopé­ra­tion entre pro­vinces et d’é­clai­rer les indis­pen­sables arbi­trages par le pou­voir cen­tral (loca­li­sa­tion de ports, d’aé­ro­ports, d’a­mé­na­ge­ments tou­ris­tiques). Les Japo­nais ont éga­le­ment pro­po­sé cette approche très prag­ma­tique pour la mise en œuvre des plans du cor­ri­dor cen­tral. La France ne manque pas d’exemples, des mis­sions d’a­mé­na­ge­ment de la DATAR aux OREAM, qui ont pro­gres­si­ve­ment fait avan­cer l’i­dée régionale.

Tou­te­fois nous ne serons cré­dibles que si des inves­tis­seurs fran­çais viennent concré­ti­ser des pro­jets d’a­mé­na­ge­ment : c’est cela que les Viet­na­miens attendent de nos études comme de celles des Japo­nais. C’est aus­si l’in­té­rêt de nos entre­prises : des pistes sérieuses sont déjà étu­diées dans les domaines de l’hô­tel­le­rie, de l’in­dus­trie du bâti­ment, de l’ha­bille­ment, de la trans­for­ma­tion des pro­duits de l’a­gri­cul­ture, de l’é­le­vage et de la pêche. Les pro­jets por­tuaires, le tun­nel sous le col des Nuages, l’a­gran­dis­se­ment de l’aé­ro­port de Huê devraient en ame­ner d’autres. Huê a une longue tra­di­tion de coopé­ra­tion avec la France et c’est la ville la plus fran­co­phone du Viêt-nam : elle mérite qu’on s’in­té­resse à elle. ___________________________________________________________
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Illus­tra­tion :
AXES DE COMMUNICATION : com­pa­rai­son des 3 sites por­tuaires du cor­ri­dor cen­tral du Viêt-nam
Port
axes Est-Ouest à aménager
axes Nord-Sud à moderniser
© MISSION DATAR-INSTITUT DE STRATÉGIE ET DÉVELOPPEMENT
 

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