La transparence : un atout pour l’industrie nucléaire

Dossier : Le dossier nucléaireMagazine N°569 Novembre 2001
Par Michel-H JAMARD

Le poids de l’histoire

Le poids de l’histoire

Outre qu’il est savam­ment entre­te­nu par cer­tains oppo­sants pour les­quels le dogme prime sur les faits, le défi­cit de trans­pa­rence dont souffre l’in­dus­trie nucléaire aux yeux du public a des sources his­to­riques. De fait, le lan­ce­ment du pro­gramme nucléaire civil fran­çais n’a pas don­né lieu à un débat public. On peut, aujourd’­hui, le regret­ter mais, autres temps autres mœurs, l’exi­gence citoyenne était alors d’une nature dif­fé­rente et les mili­tants anti­nu­cléaires sur­tout pré­oc­cu­pés par l’u­ti­li­sa­tion mili­taire de l’a­tome. Les chocs pétro­liers suc­ces­sifs, la néces­si­té de pré­ser­ver l’in­dé­pen­dance éner­gé­tique natio­nale, mais aus­si un sen­ti­ment de fier­té à l’é­gard des grandes tech­no­lo­gies fran­çaises de l’é­poque ont conduit à une accep­ta­tion tacite des choix éner­gé­tiques du gouvernement.

Plus tard, dans un cli­mat bien moins consen­suel, l’ac­ci­dent de Tcher­no­byl est venu semer un trouble aus­si pro­fond que durable dans les opi­nions publiques. Tout évé­ne­ment pro­vo­quant mort d’hommes est une catas­trophe. Celui-ci ne fait pas excep­tion. Il faut pour­tant recon­naître que l’é­moi natu­rel qu’il a sus­ci­té s’est trou­vé aggra­vé par la ges­tion média­tique de la crise et son exploi­ta­tion sans rete­nue par les groupes de pres­sion anti­nu­cléaires. Les houillères, la chi­mie, l’aé­ro­nau­tique comme la plu­part des sec­teurs indus­triels ont connu, récem­ment encore, des drames aux consé­quences humaines plus ter­ribles, sans que soit remise en cause leur exis­tence. Quinze ans après Tcher­no­byl, l’in­dus­trie nucléaire doit, quant à elle, encore tra­vailler à la res­tau­ra­tion de son capi­tal confiance.

Face à un tel ostra­cisme, les indus­triels du nucléaire ne doivent pas céder à la ten­ta­tion du mépris ou de l’en­fer­me­ment dans la même atti­tude dog­ma­tique que leurs détrac­teurs. Il leur faut au contraire adop­ter la posi­tion d’ou­ver­ture qu’at­tendent les socié­tés modernes. Don­ner les moyens de com­prendre plu­tôt que de vou­loir convaincre, éclai­rer plu­tôt que de pro­fes­ser. Une nou­velle péda­go­gie est à mettre en œuvre, non pas » dis­pen­sée » comme par le pas­sé, mais » pro­po­sée « , mise à dis­po­si­tion du citoyen dési­reux de for­mer sa propre opinion.

Le débat actuel sur poli­tique éner­gé­tique et effet de serre doit être abor­dé de cette façon. Régu­liè­re­ment entre­te­nue sur le sujet par les médias, l’o­pi­nion publique pressent bien que cette ques­tion est trop sérieuse pour être réduite à la pro­pa­gande d’un côté, à l’a­na­thème de l’autre. Ne croyant plus aux solu­tions miracles, elle attend des don­nées claires, cré­dibles, véri­fiables qui lui per­met­tront d’é­va­luer avan­tages et incon­vé­nients des dif­fé­rentes sources d’éner­gie en pre­nant en compte les fac­teurs envi­ron­ne­men­taux, éco­no­miques et sociaux. C’est à ce prix que pour­ra être éla­bo­ré un mix éner­gé­tique cohé­rent et accep­té où le nucléaire, l’éo­lien, le gaz et les autres sources d’éner­gie auront la place qui leur revient.

Une industrie étroitement contrôlée

L’in­dus­trie nucléaire a d’au­tant plus inté­rêt à jouer la trans­pa­rence qu’elle a de nom­breux argu­ments à faire valoir. Peut-être s’est-elle à une époque conten­tée de les assé­ner plu­tôt que de les démon­trer. Pour­tant, qui peut nier que cette indus­trie est la plus contrô­lée qui soit ? Quels autres indus­triels sont sou­mis à l’o­bli­ga­tion de décla­rer le moindre inci­dent de fonc­tion­ne­ment aux auto­ri­tés de sûre­té ? Sans par­ler des décrets, règle­ments et pro­cé­dures d’au­to­ri­sa­tions mul­tiples qui régissent tous les stades de cette acti­vi­té. Cette rigueur, cette obses­sion de la sécu­ri­té font par­tie inté­grante de la culture nucléaire et dans ce contexte, la trans­pa­rence consti­tue un moyen de mieux faire connaître et recon­naître ces pratiques.

L’é­chelle inter­na­tio­nale INES, spé­cia­le­ment créée pour per­mettre au public d’ap­pré­hen­der avec pré­ci­sion le degré de gra­vi­té d’un inci­dent ou d’un acci­dent nucléaire pro­cède de la même volon­té d’in­for­ma­tion. Elle est uti­li­sée en France par l’Au­to­ri­té de sûre­té nucléaire qui rend régu­liè­re­ment compte aux citoyens de l’é­tat des ins­tal­la­tions nucléaires et de leur fonc­tion­ne­ment par le biais de nom­breux sup­ports (rap­ports annuels, revues, site Inter­net…). Pla­cée sous la double tutelle du minis­tère de l’É­co­no­mie, des Finances et de l’In­dus­trie et du minis­tère de l’A­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire et de l’En­vi­ron­ne­ment, cette auto­ri­té indé­pen­dante par­ti­cipe, elle aus­si, à la trans­pa­rence de ce sec­teur d’activité.

Les nouvelles technologies au service de la transparence

Les entre­prises du sec­teur nucléaire font sou­vent figure de pion­nières en matière d’ou­ver­ture et d’in­for­ma­tion du public. En par­ti­cu­lier dans l’u­ti­li­sa­tion des nou­velles tech­no­lo­gies de l’information.

Conscient de l’é­vo­lu­tion de la socié­té, de la légi­time pré­oc­cu­pa­tion du public vis-à-vis de son envi­ron­ne­ment au sens le plus large du terme, le Groupe Coge­ma pour­suit ain­si depuis plus de deux ans, à l’ins­ti­ga­tion de sa pré­si­dente, Anne Lau­ver­geon, une poli­tique de com­mu­ni­ca­tion fon­dée sur la trans­pa­rence et le dia­logue. Elle s’est notam­ment tra­duite par une pre­mière mon­diale : l’ou­ver­ture d’un site Inter­net (www.cogemalahague.fr) per­met­tant de visua­li­ser à l’aide de web­cams fonc­tion­nant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 l’ac­ti­vi­té d’ins­tal­la­tions indus­trielles. En l’es­pèce, l’u­sine de La Hague, tenue par cer­tains pour l’une des plus secrètes de France ! Le site Inter­net donne éga­le­ment accès aux ana­lyses d’im­pact des ins­tal­la­tions sur l’en­vi­ron­ne­ment et ouvre aux inter­nautes la pos­si­bi­li­té de poser leurs ques­tions sur l’en­tre­prise et ses acti­vi­tés. L’i­ni­tia­tive a fait école depuis, y com­pris à l’ex­té­rieur de nos frontières.

Ce suc­cès a conduit Coge­ma à déve­lop­per ce mode de com­mu­ni­ca­tion. À la fois didac­tiques, inter­ac­tifs, les sites Inter­net du Groupe s’at­tachent à offrir une infor­ma­tion claire, com­plète n’é­lu­dant pas les sujets polé­miques. Des dos­siers d’in­for­ma­tion sont mis régu­liè­re­ment en ligne. Des don­nées très pré­cises telles que le volume des com­bus­tibles usés entre­po­sés à l’u­sine de La Hague, le calen­drier pré­vi­sion­nel de trai­te­ment des com­bus­tibles étran­gers, ain­si que le calen­drier et le nombre de trans­ports pré­vus vers les pays d’o­ri­gine de ces com­bus­tibles à l’ho­ri­zon 2008 sont éga­le­ment accessibles.

Favoriser le travail de la presse

Si Inter­net s’a­vère un outil per­met­tant d’at­teindre poten­tiel­le­ment un très large audi­toire, dans la réa­li­té une par­tie impor­tante de la popu­la­tion demeure encore à l’é­cart de ce moyen de com­mu­ni­ca­tion. D’où la néces­si­té de favo­ri­ser le tra­vail de la presse en entre­te­nant avec ses repré­sen­tants des rela­tions ouvertes, sereines, fon­dées sur le pro­fes­sion­na­lisme et le res­pect mutuel. En moyenne, chaque année, plus de 500 contacts sol­li­ci­tés ou spon­ta­nés sont ain­si éta­blis entre Coge­ma et des jour­na­listes. Dans ce cadre, nombre d’entre eux sont accueillis dans les ins­tal­la­tions indus­trielles du Groupe.

La même volon­té d’ou­ver­ture et de dia­logue se mani­feste à l’é­gard des élus tant à l’é­che­lon natio­nal que local. L’ou­ver­ture des sites indus­triels au public per­met par ailleurs l’é­ta­blis­se­ment de rela­tions plus directes avec les citoyens. Ain­si, plus de 25 000 visi­teurs sont accueillis chaque année dans les usines du Groupe Cogema.

Avant de se tra­duire en actions, la trans­pa­rence est un état d’es­prit. Il s’im­pose au sein de l’in­dus­trie nucléaire fran­çaise dont les prin­ci­paux acteurs se sont déli­bé­ré­ment enga­gés dans cette voie. Enfer­més dans un dis­cours immuable depuis des décen­nies, les oppo­sants les plus extrêmes l’i­gnorent ou feignent de l’i­gno­rer. Gageons que leur atti­tude trou­ve­ra de moins en moins d’é­cho au fur et à mesure que le débat sur les choix éner­gé­tiques et leurs consé­quences sur le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et sur les prix à la consom­ma­tion pren­dra une tour­nure plus concrète. Dans cette pers­pec­tive, la trans­pa­rence s’im­pose non seule­ment comme une obli­ga­tion morale, mais aus­si comme un atout industriel. 

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