Portrait de Maxime ROUSSELLE (60)

Maxime Rousselle (60), la tête dans les nuages

Dossier : TrajectoiresMagazine N°702 Février 2015
Par Pierre LASZLO

Droit dans ses bottes. Le nez en l’air, Maxime Rous­selle en jauge les divers para­mètres, vitesse et direc­tion du vent sur­tout. Obser­va­teur tous azi­muts, des oiseaux, de nefs gothiques, de pay­sages, leur don­nant son admiration.

Maxime Rous­selle (60) s’exprime avec bon­heur, donc avec conci­sion, en un lexique riche, non recher­ché, direct.

À l’École, Maxime Rous­selle fut moyen­ne­ment stu­dieux, mais ne per­dit que 20 places en deux ans.

Il se rap­pelle Jean Favart en ana­lyse théo­ri­sant la science des trous, Louis Leprince- Rin­guet qui empor­tait la sym­pa­thie en phy­sique, avec quelques digres­sions sur le ten­nis des tour­nois pros, plus décon­trac­té que de nos jours, ou Charles Mora­zé dont un amphi de « fran­çais » avait été spon­ta­né­ment applau­di in fine par tous les élèves présents.

Nager dans le noir

Maxime Rous­selle fit par­tie du groupe nata­tion, sans en être un as. Il aimait bien aller le soir (il avait bri­co­lé une clé) à la pis­cine de l’École (Mon­tagne Sainte- Gene­viève) et nager dans le noir, ce qu’il a aus­si pra­ti­qué plus tard en mer, trou­vant cela féérique.

Entre ses deux années d’X, un petit stage de quinze jours dans un fort du sud de l’Algérie fut son seul « ser­vice mili­taire », pas pas­sion­nant vu le calme local et les pré­cau­tions prises par la gar­ni­son pour ne pas le mettre en danger.

« Les chasseurs intelligents »

Après l’X, il opta pour une car­rière de pilote dans l’armée de l’Air, le décret « Bour­gès » per­met­tant alors une inté­gra­tion directe.

Son avion de début fut un T6, mono­mo­teur de 900 CV, pas vrai­ment un avion d’aéroclub. Puis le réac­teur, Fou­ga, le Mys­tère IV avec affec­ta­tion dans la recon­nais­sance, à l’époque où les pilotes de cette spé­cia­li­té se bap­ti­saient « les Chas­seurs Intel­li­gents », sur RF84F puis Mirage III R de Stras­bourg, équi­pés d’appareils pho­tos performants.

Il n’existait pas alors de sys­tème de navi­ga­tion, les radars ne voyaient rien à basse alti­tude, les vols étaient donc tout à fait auto­nomes et indé­pen­dants, ce qui lui plai­sait bien.

Le premier vol en électrique

Après un pas­sage au Deuxième Bureau, il choi­sit l’école des Pilotes d’essais, puis mit en pra­tique cette exper­tise cinq ans au Centre d’essais en vol (CEV) d’Istres, avec quelques phases mar­quantes comme les recherches sur les extinc­tions en mono­mo­teur en Mirage F1 (« cou­per son unique réac­teur à 10 000 mètres crée un grand moment de silence, mais ce n’est pas le lieu de phi­lo­so­pher ») ou les vols sur un Mirage III B aux gou­vernes tron­çon­nées par le CEV pour avoir des com­mandes en place arrière nor­males mais en place avant « élec­triques » ou plus jus­te­ment « informatiques ».

Maxime Rous­selle réa­li­sa le pre­mier vol en France « en élec­trique » du décol­lage à l’atterrissage. Pen­dant toutes ces années, il ne mit pas vrai­ment en pra­tique (sauf un peu d’aérodynamique) les ensei­gne­ments théo­riques de l’X, mais plu­tôt une rigueur de logique et une faci­li­té de com­pré­hen­sion ensei­gnées par les mathématiques.

Maxime Rous­selle gra­vit les éche­lons, devint colo­nel. Il conti­nue de se pas­sion­ner aujourd’hui pour l’aviation, pour son his­toire, pour les aéro­nefs que construi­sirent et pilo­tèrent un San­tos-Dumont ou un Clé­ment Ader.

Il jouit d’être à la retraite, elle lui per­met une inlas­sable acti­vi­té. L’hiver, il répare et recons­ti­tue des hor­loges anciennes.

Colonel cerf-voliste

Les autres sai­sons le trouvent fai­sant voler des cerfs-volants, de sa concep­tion, mise au point et manie­ment, enfin. Ils atteignent de 100 à 200 mètres d’altitude.

Rous­selle se targue de ce qu’ils sont capables d’évoluer, de conti­nuer à pla­ner, dans des vents qui vont, en règle géné­rale, de force 1 à 7.

Il prend sou­vent pour modèles des oiseaux. Ses réa­li­sa­tions sont impres­sion­nantes par leur enver­gure, jusqu’à huit mètres. « J’ai décou­vert le cerf-volant par hasard : on m’a offert un pilo­table vrai­ment très mau­vais. J’ai essayé de l’améliorer, mais il s’est rapi­de­ment avé­ré plus facile d’en faire un nouveau.

“ Couper son unique réacteur à 10 000 mètres crée un grand moment de silence, mais ce n’est pas le lieu de philosopher ”

J’ai donc fait un del­ta pilo­table clas­sique, en cou­ver­ture de sur­vie scot­chée. Mais j’ai paral­lè­le­ment vou­lu créer quelque chose de plus élan­cé, et la forme des oiseaux s’imposait.

J’ai donc com­men­cé à conce­voir et réa­li­ser des oiseaux pilo­tables (deux lignes) comme Jona­than (1994), le King, la Mouette.

Cela n’a pas été simple, le bri­dage pour faire tour­ner étant basé sur la défor­ma­tion de la machine ! J’ai alors vou­lu faire plus grand (3 mètres d’envergure), mais la pilo­ta­bi­li­té deve­nait pra­ti­que­ment impos­sible, l’aile “gau­chie” recu­lant et arrê­tant le dépla­ce­ment, et le déra­page deve­nant plus impor­tant que la rotation.

J’ai alors trans­for­mé ce cerf-volant en mono­fil : l’Oiseau bleu. Mais ceci néces­si­ta un an de recherche et de modi­fi­ca­tions pour trou­ver le prin­cipe qui rende stable un engin sans queue, ultra-court (25 cm) et ultra-large (300 cm).

Ensuite j’ai conçu d’autres modèles dont l’Oiseau light pour la pétole, la chouette blanche Har­fang pour le vol de nuit.

Enfin, j’ai vou­lu faire plus grand, et j’ai extra­po­lé l’Oiseau bleu en le modi­fiant pour réa­li­ser l’Alba­tros de 6 mètres d’envergure. Celui-ci est une réus­site : bien stable, il vole de force 1 à force 7. Je suis même pas­sé plus tard à 8 mètres avec Megoel. »

Il faut beaucoup marcher

J’emprunte ce récit au site de Maxime Rous­selle sur la Toile, où l’on trou­ve­ra aus­si un his­to­rique du cerf-volant, dans ses diverses uti­li­sa­tions, y com­pris mili­taires et scien­ti­fiques ; ain­si que de pré­cieuses indi­ca­tions pra­tiques sur les plans et tech­niques de construc­tion, ain­si que sur le manie­ment de ces élé­gants aéronefs.

Le même site inclut aus­si le jour­nal de Maxime Rous­selle, où il narre ses par­ti­ci­pa­tions à des ren­contres de cerfs-volistes, dans tout l’Hexagone : les grands fes­ti­vals inter­na­tio­naux, Berck et Dieppe qui durent cha­cun une semaine avec la par­ti­ci­pa­tion des plus grands cerfs-volistes du monde entier, mais aus­si des fes­ti­vals de clubs tous les week-ends de mars à octobre, voire de petites ren­contres locales à trois ou quatre cerfs-volistes.

Et cela dans toute la France sur des plages en géné­ral très ven­tées ou dans les terres où il faut au contraire sou­vent des machines légères. Éga­le­ment quelques séances indoor l’hiver dans des gym­nases où il faut beau­coup mar­cher mais sur­tout avoir construit ultra-light.

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