Capteur infrarouge SOFRADIR

La sécurisation des vols, enjeu majeur pour la filière

Dossier : Les dronesMagazine N°718 Octobre 2016
Par Henry de PLINVAL (01)

Ici sont énon­cés les déve­lop­pe­ments tech­niques néces­saires pour garan­tir la sécu­ri­té dans un contexte de den­si­fi­ca­tion des vols dans l’es­pace aérien glo­bal ouvert. Fia­bi­li­ser le maté­riel, assu­rer des liai­sons sûres, créer des sys­tèmes intel­li­gents, mais aus­si tenir compte des fac­teurs humains ou se pro­te­ger des intrusions. 

À la croi­sée des uni­vers aéro­nau­tique et logi­ciel, les drones attirent autant pour leurs capa­ci­tés appli­ca­tives mul­tiples que pour leur facul­té à faire rêver. 

“ L’ONERA et la Nasa développent un logiciel commun ”

La minia­tu­ri­sa­tion des capa­ci­tés de cal­culs et la sophis­ti­ca­tion des algo­rithmes de pilo­tage et de déci­sion, ser­vies par une ima­gi­na­tion sans limites, ont de fait per­mis la mul­ti­pli­ca­tion des poten­tia­li­tés de ces machines, se dépla­çant dans le ciel sans pilote à bord. 

Les mis­sions qu’ils rem­plissent sont ain­si de plus en plus nom­breuses, qu’il s’agisse d’agriculture, de ciné­ma, de tra­vaux publics, de sur­veillance, d’exploration.

Rendre ces objets sûrs implique de cou­vrir de nom­breux sujets. 

REPÈRES

L’ONERA emploie environ 2 000 personnes. Placé sous la tutelle du ministère de la Défense, il dispose d’un budget de 230 millions d’euros dont plus de la moitié provient de contrats commerciaux.
Expert étatique, l’ONERA prépare la défense de demain, répond aux enjeux aéronautiques et spatiaux du futur, et contribue à la compétitivité de l’industrie aérospatiale. Il maîtrise toutes les disciplines et technologies du domaine.
Tous les grands programmes aérospatiaux civils et militaires en France Lidar Riegl capable de reconstruire et en Europe portent une part de l’ADN de l’ONERA.

DES SYSTÈMES EMBARQUÉS À FIABILISER


Nou­velle géné­ra­tion de cap­teurs infra­rouges inté­grés. © ONERA / SOFRADIR

Le pre­mier sujet concerne la sécu­ri­sa­tion du sys­tème embar­qué : si des pro­grès sont effec­tués constam­ment dans ce domaine, la récente incur­sion d’un drone belge sur le ter­ri­toire fran­çais (le 29 février 2016, le vol s’est ter­mi­né par un crash dans l’Aisne), ou les pannes sur­ve­nant à bord des drones opé­rés démontrent que tout n’est pas réso­lu dans ce domaine. 

Ain­si, des équipes de l’ONERA tra­vaillent dans le pro­jet FORC3ES (FOR­mal engi­nee­ring for Cri­ti­cal Control-Com­mand Embed­ded Sys­tems) à faire le lien entre la théo­rie de l’automatique et sa mise en œuvre concrète dans les logi­ciels embar­qués des drones. 

L’objectif est d’apporter une démarche plus com­plète depuis la concep­tion jusqu’à l’implémentation, et ain­si de démon­trer des pro­prié­tés fines sur le code embarqué. 

Signe de l’importance stra­té­gique du sujet, ce tra­vail don­ne­ra lieu à un déve­lop­pe­ment de logi­ciel com­mun avec la Nasa. 

DES LIAISONS SÛRES ET ADAPTÉES AUX DISTANCES

Les liai­sons de com­mu­ni­ca­tions relèvent aus­si d’un besoin vital : il faut en amé­lio­rer les per­for­mances pour garan­tir un lien sûr entre la machine et son ou ses opé­ra­teurs, quelles que soient les condi­tions météo­ro­lo­giques ou encore les acci­dents de terrain. 

Si aujourd’hui l’on peut dire que l’opération de drones à courte dis­tance et sans obs­tacle ne pose pas de pro­blèmes dans ce domaine, la pré­sence de bâti­ments, de relief, ou le contexte d’une opé­ra­tion à grande dis­tance font appa­raître les limites des tech­no­lo­gies actuelles : il s’agit même d’un des enjeux majeurs pour déve­lop­per la sur­veillance des grands réseaux linéaires (lignes à haute ten­sion, voies fer­rées, etc.). 

Lidar Riegl
Lidar Rie­gl capable de recons­truire l’environnement tri­di­men­sion­nel du drone. © ONERA

DES CAPTEURS PERFORMANTS

Autre sujet fon­da­men­tal, celui des cap­teurs per­met­tant la mesure de l’environnement du drone pour sa mis­sion, mais aus­si la détec­tion d’obstacles, fixes ou mobiles, sur sa route : accroître la per­for­mance de ces cap­teurs, tout en rédui­sant leur prix et en main­te­nant leur encom­bre­ment et leur consom­ma­tion dans des limites rai­son­nables par rap­port à la gamme de drones consi­dé­rée est éga­le­ment un enjeu essentiel. 

Cer­taines appli­ca­tions comme la sur­veillance d’infrastructures réclament de fait des pré­ci­sions dif­fi­ciles à atteindre, avec une com­pa­ci­té impo­sée par la dimen­sion des machines. 

DES SYSTÈMES INTELLIGENTS AU SERVICE DE LA CHAÎNE DE COMMANDE

L’information extraite des sor­ties de ces cap­teurs est essen­tielle, mais réclame d’être trai­tée et uti­li­sée dans une chaîne de com­mande et de déci­sion, dont la per­for­mance et la fia­bi­li­té sont cru­ciales pour garan­tir un com­por­te­ment sain et sûr du drone. 

La com­mande dite « réfé­ren­cée cap­teurs », par laquelle le lien entre la mesure de l’environnement et le mou­ve­ment com­man­dé au drone est réa­li­sé de manière par­ti­cu­liè­re­ment fine, a sus­ci­té un inté­rêt croissant. 

Les tra­vaux rela­tifs à l’amélioration de l’automatisation et à l’intelligence arti­fi­cielle embar­quée sont aus­si capi­taux. Un chal­lenge euro­péen, Euroc, s’intéresse ain­si à cette ques­tion dans le domaine plus glo­bal de la robotique. 

Une équipe ras­sem­blant les com­pé­tences de l’ISIR (Ins­ti­tut des sys­tèmes intel­li­gents et robo­tique) et de l’ONERA tra­vaille sur cette thé­ma­tique pour les drones dans un contexte très pré­cis défi­ni par RTE – ins­pec­tion de dom­mages dans un trans­for­ma­teur élec­trique, en met­tant en œuvre un vaste éven­tail de com­pé­tences et de déve­lop­pe­ments tech­no­lo­giques autour de ces besoins. 

Drone Vario Turbo de l’ONERA.
Drone Vario Tur­bo de l’ONERA. © ONERA

PRENDRE EN COMPTE LES CRITÈRES ÉTHIQUES

L’éthique ne peut être écartée. En premier lieu, dans un contexte militaire, où la logique de déclenchement d’un armement doit pouvoir reposer sur une responsabilité humaine engagée sur la base d’une connaissance et d’une compréhension du contexte et des enjeux.
Également dans un cadre civil, où le degré d’automatisation des machines cité plus haut et la distance potentiellement importante entre l’opérateur et l’aéronef suscitent des scénarios complexes qui doivent être pensés en amont pour permettre une prise de décision satisfaisante.

DES FACTEURS HUMAINS À INTÉGRER

La prise en compte des capa­ci­tés des opé­ra­teurs humains lors de la concep­tion de sys­tèmes de drones est aus­si un enjeu majeur. 

“ Un même opérateur ne peut superviser un nombre trop important de drones ”

Il repose sur une com­pré­hen­sion fine des phé­no­mènes cog­ni­tifs à l’origine, par exemple, de la perte du sen­ti­ment de contrôle du sys­tème due aux capa­ci­tés d’autonomie de la machine et de sa super­vi­sion à distance. 

Dans le domaine mili­taire, on peut citer le phé­no­mène bien connu de dis­tan­cia­tion par rap­port au contexte opé­ra­tion­nel lorsque le télé­pi­lote contrôle sa machine depuis des mil­liers de kilo­mètres du théâtre d’opérations et rentre chez lui chaque soir. 

Des études ont éga­le­ment mon­tré que, dans l’état actuel des choses, un même opé­ra­teur ne peut super­vi­ser les mis­sions d’un nombre trop impor­tant de drones – envi­ron 5–6 par exemple pour des drones mili­taires de taille conséquente. 

DÉFINIR LA PLACE DES DRONES DANS L’ESPACE AÉRIEN

La ques­tion de l’insertion des drones dans un espace aérien déjà for­te­ment encom­bré est un sujet majeur qui réclame le déve­lop­pe­ment de concepts opé­ra­tion­nels sus­cep­tibles d’assurer le mieux pos­sible la sécu­ri­té des aéro­nefs, et d’outils per­met­tant leur éva­lua­tion rigou­reuse et quantitative. 

Cela per­met­tra par exemple de trai­ter les demandes crois­santes de trans­ports de colis par drones, venues de dif­fé­rents acteurs (Google, Ama­zon, etc.), en allouant les dif­fé­rentes tranches de hau­teur sol à dif­fé­rents véhi­cules aériens, selon le concept UTM (pour Unman­ned Air­craft Sys­tems Traf­fic Mana­ge­ment) pen­sé par la Nasa. 

GÉRER DES FLOTTES D’APPAREILS AGISSANT DE CONCERT

Cer­taines appli­ca­tions réclament même la mise en œuvre d’équipes de drones coopé­rant pour accom­plir un objec­tif complexe. 

“ Permettre à des engins de se reconfigurer face à des aléas ”

Ce fut ain­si le cas pour le pro­gramme d’études amont Action, finan­cé par la Délé­ga­tion géné­rale de l’armement à l’ONERA et au LAAS (Labo­ra­toire d’analyse et d’architecture des systèmes). 

Ce pro­jet a vu, fin 2015, le déploie­ment d’une flotte d’une dizaine de robots aériens et ter­restres pour explo­rer une zone urbaine incon­nue, tout en réagis­sant à la perte de cer­taines des machines. 

Les élé­ments cités pré­cé­dem­ment nour­rissent aus­si la réflexion pour per­mettre à ces engins de se recon­fi­gu­rer face à des aléas (perte des liai­sons de com­mu­ni­ca­tions, pannes sur le drone, tur­bu­lence, etc.) : ce sont toutes ces pro­blé­ma­tiques que l’ONERA étu­die dans le cadre du pro­jet DROPTER (Drone à rési­lience opti­mi­sée pour trai­ter les évé­ne­ments redoutés). 

Drone Yamaha Rmax de l’ONERA. © ONERA
Drone Yama­ha Rmax de l’ONERA. © ONERA

UN CONSEIL POUR LES DRONES CIVILS

Le Conseil pour les drones civils est issu des plans de la Nouvelle France industrielle. Il réunit régulièrement tous les acteurs de la filière – étatiques, institutions, industriels, laboratoires – pour identifier et contribuer à lever les verrous techniques, réglementaires et autres empêchant l’émergence d’une vraie filière.
Piloté par un comité exécutif, il s’appuie sur trois comités dédiés : opérations, réglementations et usages ; technologies et sécurité ; soutien et promotion de la filière.

SE PROTÉGER DES DRONES MALVEILLANTS

Un autre contexte rela­tif à la sécu­ri­sa­tion des drones concerne la lutte contre les drones mal­veillants, ou péné­trant dans une zone interdite. 

“ L’ONERA est au cœur de l’écosystème drone ”

Sur ce plan éga­le­ment, de nom­breux pro­grès ont été accom­plis, en par­ti­cu­lier depuis que le SGDSN (Secré­ta­riat géné­ral de la défense et de la sécu­ri­té natio­nale) s’est empa­ré de la ques­tion début 2015, en deman­dant à l’ANR (Agence natio­nale de la recherche) de faire un appel à pro­jets spé­ci­fique sur cette thématique. 

Par­mi les pro­jets sélec­tion­nés, le consor­tium ANGELAS (ANa­lyse Glo­bale et Éva­lua­tion des tech­no­lo­gies et méthodes pour la Lutte Anti- UAS), pilo­té par l’ONERA, exper­tise des tech­no­lo­gies de natures com­plé­men­taires et de matu­ri­tés dif­fé­rentes (optro­nique, radar, acous­tique, etc.). 

L’objectif visé est de déve­lop­per et éva­luer ces tech­no­lo­gies, mais aus­si de les com­bi­ner de façon fine et per­ti­nente par rap­port à un scé­na­rio don­né (pro­tec­tion d’un stade, d’une cen­trale nucléaire, etc.). 

DÉVELOPPER LA COOPÉRATION ENTRE ACTEURS DE LA FILIÈRE

Reconstruction tridimensionnelle à partir d’un lidar
Recons­truc­tion tri­di­men­sion­nelle à par­tir d’un lidar embar­qué sur drone (ONERA). © ONERA

L’univers des drones se déve­loppe à une vitesse impres­sion­nante, avec un inté­rêt appli­ca­tif évident dans des domaines très variés. Paral­lè­le­ment, de nom­breux déve­lop­pe­ments per­mettent l’accroissement de la sécu­ri­té asso­ciée à ces utilisations. 

Ces déve­lop­pe­ments per­mettent en retour des appli­ca­tions tou­jours plus nom­breuses et per­ti­nentes. L’ONERA, de par sa mul­ti­dis­ci­pli­na­ri­té et sa mis­sion d’innovation vers l’industrie, est au cœur de ces pro­blé­ma­tiques et de l’écosystème drone. 

Ain­si, il tra­vaille de manière très étroite avec l’ensemble de ces acteurs, dro­nistes, labo­ra­toires, indus­triels fabri­cants, grands utilisateurs. 

Par­mi ces der­niers, on peut citer le par­te­na­riat de recherche signé avec la SNCF pour per­mettre le déve­lop­pe­ment de tech­no­lo­gies drones utiles au monde ferroviaire. 

S’APPUYER SUR LE DYNAMISME DU SECTEUR

Tous les déve­lop­pe­ments dédiés à la sécu­ri­sa­tion du vol des drones per­met­tront de main­te­nir, avec un juste équi­libre entre la vita­li­té des nom­breuses PME récem­ment créées sur ce cré­neau et la néces­si­té de conso­li­der les nou­velles capa­ci­tés par une sécu­ri­sa­tion crois­sante, la place de la France dans ce monde où elle est loin d’être absente, voire plu­tôt en avance. 

Des décla­ra­tions récentes ont même indi­qué au grand public que la « France des drones civils » – ins­ti­tu­tion­nels, indus­triels fabri­cants et opé­ra­teurs de drones, indus­triels « clients » des drones, regrou­pés au sein du Conseil pour les drones civils – s’est struc­tu­rée pour répondre au défi majeur que consti­tue le déve­lop­pe­ment d’une capa­ci­té accrue pour des drones répon­dant davan­tage aux besoins de ces don­neurs d’ordre.

Rele­ver tous les enjeux tech­no­lo­giques et scien­ti­fiques qui s’offrent sera la clé de la conso­li­da­tion d’une filière au dyna­misme remarquable. 

Simulation de concepts opérationnels d’insertion dans l’espace aérien
Simu­la­tion de concepts opé­ra­tion­nels d’insertion dans l’espace aérien (ONERA). © ONERA

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