La R & D : dépenses incontrôlées pour résultats hasardeux ?

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°628 Octobre 2007
Par Antoine DUBEDOUT (74)

La R & D, source de dépenses

La R & D est effec­ti­ve­ment une source de dépenses. N’a-t-on pas cou­tume de deman­der « Com­bien dépen­sez-vous en R & D ? » Sur un plan comp­table, la R & D n’ap­pa­raît-elle pas en charges, jamais en pro­duits ? (Recon­nais­sons qu’il est par­fois pos­sible d’in­ves­tir des dépenses de R & D.)

Mais ces dépenses sont de deux ordres. D’a­bord les dépenses engen­drées par l’exis­tence même d’é­quipes de R & D : il faut payer les per­sonnes. Il faut construire des pro­to­types pour les essayer, et cela coûte. Il faut dis­po­ser de moyens d’es­sai, de cal­cul et de simu­la­tion, qui ont un coût (sans omettre le coût récur­rent des experts néces­saires pour mettre en œuvre ces moyens). Il faut payer pour dépo­ser et entre­te­nir des bre­vets. Il faut payer les études et tra­vaux confiés à l’ex­té­rieur. Tout cela ne consti­tue que les dépenses « cou­rantes », celles indé­pen­dantes des résul­tats de la R & D. Si d’a­ven­ture de nou­veaux pro­duits sor­taient des labo­ra­toires ou bureaux d’é­tudes, il fau­drait remettre la main au por­te­feuille : dépenses d’in­dus­tria­li­sa­tion, achat de nou­veaux outillages et moyens indus­triels, dépenses de lan­ce­ment com­mer­cial. Bref, quand la R & D ne fait rien, elle coûte de l’argent ; quand elle fait son tra­vail (trou­ver de nou­veaux pro­duits, pro­cé­dés ou tech­no­lo­gies), c’est encore pire.

Si on n’ac­corde pas une trop grande atten­tion aux chiffres, on peut consi­dé­rer que :

  • avoir une idée coûte 1,
  • la pro­té­ger (bre­vet) coûte 10,
  • en véri­fier la fai­sa­bi­li­té coûte 100,
  • mettre au point le pro­duit coûte 1 000,
  • indus­tria­li­ser le pro­duit coûte 10 000,
  • le lan­ce­ment com­mer­cial coûte lui aus­si 10 000,
  • et un échec com­mer­cial ruine une réputation…
     

La ten­ta­tion peut être grande de sous-trai­ter ses acti­vi­tés de R & D. On évite alors d’in­ves­tir dans des moyens lourds qu’on n’est pas cer­tain de ren­ta­bi­li­ser sur les pro­grammes en cours. On fait tra­vailler des SRC, ce qui évite les pertes de com­pé­tences. Cela peut réduire cer­tains coûts récur­rents, notam­ment sur des pro­grammes de courte durée, cela ne crée­ra pas de valeur au sein de l’en­tre­prise (il y a moyen de l’é­vi­ter, nous en dis­cu­te­rons) et cela ne rédui­ra pas les coûts d’in­dus­tria­li­sa­tion ni de lan­ce­ment com­mer­cial. On peut alors envi­sa­ger d’ex­ter­na­li­ser la par­tie indus­trielle (les socié­tés sans usine), puis la par­tie com­mer­ciale, mais nous sor­tons du cadre de cet article.

La valorisation des activités de R & D

De façon tra­di­tion­nelle, on mesure la valeur de la R & D au flux de nou­veaux pro­duits qu’elle per­met à l’en­tre­prise de mettre sur le mar­ché, amé­lio­rant ain­si ses posi­tions com­mer­ciales. Car il est, paraît-il, bien connu que l’in­no­va­tion est le moteur du déve­lop­pe­ment des entre­prises (nous ne nous satis­fai­sons pas de ce lieu com­mun, comme nous le ver­rons plus loin). Le chef d’en­tre­prise sera satis­fait de sa R & D si et seule­ment s’il met régu­liè­re­ment de nou­veaux pro­duits sur le marché.

En res­ter à cette seule métrique est très dan­ge­reux, pour deux rai­sons. La pre­mière est qu’il s’é­coule un cer­tain temps entre les tra­vaux de R & D et les gains réa­li­sés par l’en­tre­prise. On voit donc de grands cabi­nets de conseil pro­po­ser de « ratio­na­li­ser » les équipes de R & D, c’est-à-dire en réduire le coût ; que la ratio­na­li­sa­tion en ques­tion se tra­duise par un gain ou une perte d’ef­fi­ca­ci­té, cela ne se ver­ra que bien plus tard, quand le cabi­net aura ter­mi­né sa mis­sion, aura été payé et que son don­neur d’ordre aura chan­gé de poste (il aura pu être pro­mu du fait des éco­no­mies sub­stan­tielles qu’il aura fait réa­li­ser). Autre­ment dit, cette métrique est inuti­li­sable pour pilo­ter à court terme et ratio­na­li­ser la fonc­tion R & D. Seconde rai­son, il n’y a pas de rela­tion simple et directe entre les acti­vi­tés de R & D et la san­té de l’en­tre­prise. Une étude récente de Booz-Allen-Hamil­ton2 met ain­si en évi­dence des socié­tés flo­ris­santes (sur une période signi­fi­ca­tive) dont les dépenses de R & D sont bien infé­rieures à la moyenne de leur sec­teur. On sait d’ailleurs qu’il ne suf­fit pas de pro­po­ser de nou­veaux pro­duits pour pros­pé­rer, nous en avons tous les jours des exemples.

Bref, sans for­cé­ment la renier, nous ne nous conten­te­rons pas de l’ex­cuse que les dépenses de R & D sont indis­pen­sables pour l’a­ve­nir de l’entreprise.

Dans le pro­ces­sus d’in­no­va­tion, qui part d’une idée, d’un concept, d’un simple besoin plus ou moins expri­mé, pour abou­tir à un pro­duit (ou une tech­no­lo­gie ou un ser­vice) nou­veau, com­plè­te­ment défi­ni et vali­dé, il y a réduc­tion pro­gres­sive de l’in­con­nu. Petit à petit le pro­jet mûrit et se construit. Et, on le sent bien, c’est au tra­vers de ce mûris­se­ment que se crée la véri­table valeur. En termes pédants, la créa­tion de valeur n’est pas une fonc­tion de Hea­vy­side, mais une fonc­tion conti­nû­ment crois­sante. La dif­fi­cul­té vient qu’en termes finan­ciers, on ne sait expri­mer cette valeur qu’à la conclu­sion du pro­jet. Et pour­tant, lors­qu’un pro­jet échoue, n’a-t-on pas néan­moins créé de la valeur, uti­li­sable dans les autres pro­jets, là où les comp­tables n’ont enre­gis­tré que des dépenses ? On a en fait accu­mu­lé des savoirs au cours du pro­jet, ceux qui ont trans­for­mé une idée en pro­to­type, puis en pro­duit (ou tech­no­lo­gie ou ser­vice). Ce sont ces savoirs qu’il s’a­git de valoriser.

Nous avons ain­si connu une socié­té où chaque pro­jet rece­vait des « points » selon le nombre de pro­to­types réa­li­sés, selon leur degré de repré­sen­ta­ti­vi­té, selon le nombre d’es­sais qui avaient pu être effec­tués, etc. ; tout cela pour mettre en valeur les connais­sances accu­mu­lées, celles qui assoient la cré­di­bi­li­té du projet.

Car, au-delà de la seule réus­site des pro­jets, ce qu’une entre­prise attend de sa R & D, ce sont bien les connais­sances et les com­pé­tences qui lui per­mettent de dérou­ler sa stra­té­gie pro­duit. Comme Arnaud Sirau­din l’a­vait mon­tré dans La Jaune et La Rouge d’oc­tobre 2006, la fonc­tion R & D ne détient pas la stra­té­gie pro­duit, elle n’en est qu’un outil. Dans toute évo­lu­tion d’une orga­ni­sa­tion R & D, il convient donc de se poser les ques­tions : quelles sont les connais­sances et com­pé­tences dis­po­nibles ? Com­ment les faire évo­luer ? Me per­mettent-elles de mettre en œuvre mon Plan produit ?

Nous évo­quions pré­cé­dem­ment la pos­si­bi­li­té de sous-trai­ter une par­tie de l’ac­ti­vi­té de R & D. Cela peut être néces­saire quand les res­sources internes ne peuvent faire face, ou que l’on sou­haite pro­gres­ser sur un sujet avant de se don­ner les moyens humains et maté­riels de pour­suivre. Les condi­tions contrac­tuelles devront être judi­cieu­se­ment fixées pour conser­ver dans l’en­tre­prise les acquis intel­lec­tuels, et donc créer de la valeur chez le don­neur d’ordre. Les contrats sti­pulent clas­si­que­ment que celui-ci reste pro­prié­taire des résul­tats obte­nus. Soit. Mais le don­neur d’ordre devra suivre l’ac­ti­vi­té de son sous-trai­tant de façon à s’ap­pro­prier, non pas les kilos de rap­ports (qui n’ont pas de valeur en eux-mêmes), mais les connais­sances acquises pen­dant le pro­jet. Au risque sinon de réus­sir un pre­mier déve­lop­pe­ment, mais de ne pou­voir se lan­cer dans ceux qui devront suivre sans être pieds et poings liés avec son sous-traitant.

Bref, si à long terme on valo­rise la R & D au chiffre d’af­faires engen­dré par des pro­duits nou­veaux, à court terme, il s’a­git plu­tôt de mesu­rer des connais­sances et des com­pé­tences. Ce n’est pas incom­pa­tible avec une démarche de rationalisation.

Les conditions de la réussite

Le chef d’en­tre­prise est habi­tué à jon­gler entre dépenses immé­diates et reve­nus futurs. Il inves­tit dans de nou­veaux moyens indus­triels pour accroître ses volumes de pro­duc­tion (ou pour pro­duire, plus tard, à moindre coût). Mais il cherche à réduire les risques : il fait vali­der les cal­culs de ren­ta­bi­li­té (et leurs hypo­thèses) ; il n’en­gage les dépenses qu’a­vec de bonnes chances de suc­cès, il veille à ce qu’elles res­tent bien dans l’en­ve­loppe allouée ; il sur­veille de près l’a­van­ce­ment des tra­vaux pour garan­tir que les retours se pro­dui­ront au moment prévu.

Pour­quoi n’en serait-il pas ain­si pour les inves­tis­se­ments en R & D ? Doit-on se rési­gner à ce que les dépenses, et les résul­tats, res­tent enta­chés d’in­cer­ti­tude ? Y aurait-il une fata­li­té à ce que les dépenses de R & D soient mal contrô­lées et que les résul­tats dérivent dans le temps ?

Au contraire, nous pen­sons que l’ac­ti­vi­té R & D peut être maî­tri­sée au même titre que celle des autres fonc­tions de l’entreprise.

Il s’a­git d’a­bord d’a­dap­ter les dépenses aux résul­tats atten­dus et aux res­sources dis­po­nibles. L’a­dé­qua­tion entre dépenses et gains espé­rés passe par une col­la­bo­ra­tion étroite entre R & D et Mar­ke­ting. Cette col­la­bo­ra­tion doit être main­te­nue tout au long des déve­lop­pe­ments pour veiller à ce que le pro­duit final cor­res­ponde bien aux attentes du marché.

Il s’a­git ensuite de n’en­ga­ger les grosses dépenses (typi­que­ment les inves­tis­se­ments dans les outillages) que lorsque le niveau de risque aura été rame­né au niveau requis.

Il s’a­git aus­si de maî­tri­ser le flux des dépenses. Très clas­si­que­ment, l’aug­men­ta­tion des dépenses au cours d’un pro­jet a deux sources : un niveau d’in­cer­ti­tude mal maî­tri­sé et un allon­ge­ment des délais. Cette der­nière est par­fois une consé­quence indi­recte de la pre­mière, mais plus sou­vent l’ef­fet d’une absence de mana­ge­ment sérieux du pro­jet. Pour maî­tri­ser le flux de dépenses, on veille­ra donc d’une part à ce que le plan­ning annon­cé soit res­pec­té, d’autre part à ce que l’in­cer­ti­tude, que nous ne nions pas, soit gérée. Nous revien­drons sur ce point.

Il s’a­git enfin de faire que les résul­tats de la R & D ne soient pas de simples suc­cès de labo­ra­toire, mais se trans­forment en pro­duits (ou en ser­vices, ou en tech­no­lo­gies) dis­po­nibles sur le mar­ché. Et on n’y arri­ve­ra pas sans faire sor­tir la fonc­tion R & D de la tour d’i­voire où on la can­tonne sou­vent (par sou­ci de faci­li­té ?). L’é­tude de Booz-Allen-Hamil­ton citée plus haut le montre bien : ceux qui réus­sissent ne sont pas ceux qui ont les meilleurs cher­cheurs, mais ceux qui savent créer la meilleure dynamique.

Nous avons connu une socié­té (fabri­quant des pro­duits très tech­niques) où la R & D était effec­ti­ve­ment une cita­delle dans l’en­tre­prise : des bureaux au der­nier étage, cli­ma­ti­sés (les seuls à l’être…), pro­té­gés par contrôles d’ac­cès. Un sen­ti­ment de supé­rio­ri­té, de dis­po­ser du savoir, de n’a­voir de compte à rendre à per­sonne. Et pour­tant nous en avons fait une machine à inno­ver, en créant cette dyna­mique com­mune, en rame­nant la R & D sur terre, au ser­vice des autres fonctions.

Manager l’incertitude

Si l’in­cer­ti­tude fait les joies de la méca­nique quan­tique, elle peut tout aus­si bien rui­ner la R & D.

L’in­cer­ti­tude est inhé­rente aux acti­vi­tés de R & D. L’in­no­va­tion n’est pas acquise. Quel explo­ra­teur sait d’a­vance ce qu’il va découvrir ?

Mais cette incer­ti­tude est sou­vent gal­vau­dée par ceux-là mêmes qui en vivent. Qui n’a jamais enten­du de cher­cheur ou d’in­gé­nieur se réfu­gier der­rière la com­plexi­té d’un sujet pour jus­ti­fier un retard, pour récla­mer un bud­get (et un délai) sup­plé­men­taire, pour enro­ber un calen­drier d’un nuage de pré­cau­tions ? Au point de faire pas­ser les per­son­nels de R & D pour des gens non fiables, inca­pables de tenir leurs enga­ge­ments ; au point de jus­ti­fier les pro­pos d’Au­guste Detoeuf.

C’est d’ailleurs là une des dif­fi­cul­tés du mana­ge­ment des équipes de R & D : com­ment les entraî­ner dans une dyna­mique d’en­tre­prise si au moindre obs­tacle elles s’a­britent der­rière l’ex­cuse de la dif­fi­cul­té, si elles se retranchent der­rière l’in­cer­ti­tude pour mieux s’i­so­ler ? Com­ment créer la dyna­mique gagnante que nous évo­quions si on com­mence par se réfu­gier der­rière un nuage de fumée ?

L’in­cer­ti­tude existe, mais il faut vivre avec, il faut la dompter.

Tout d’a­bord nous avons vu qu’un pro­jet s’ac­com­pagne d’une pro­gres­sion des connais­sances. L’in­cer­ti­tude, éle­vée au début, se réduit petit à petit. L’ex­cuse facile ne doit donc plus avoir cours pas­sé une cer­taine étape. Tout le monde en est-il convain­cu ? C’est l’une des rai­sons d’être des diverses métho­do­lo­gies de pro­jet que de défi­nir des étapes où tel ou tel résul­tat devra avoir été obte­nu. De bali­ser la réduc­tion d’in­cer­ti­tudes (par­don : la pro­gres­sion des connaissances).

L’as­pect bureau­cra­tique de ces métho­do­lo­gies est sou­vent rébar­ba­tif pour des ingé­nieurs. Nous croyons que le direc­teur recherche & déve­lop­pe­ment doit insis­ter non pas sur les étapes, mais sur la pro­gres­sion qui per­met de pas­ser de l’une à l’autre. Il doit trans­for­mer une vision sta­tique (une suc­ces­sion de points d’ar­rêt) en une vision dyna­mique. Un peu comme lors du Tour de France cycliste, où cer­tains parlent de l’é­tape pour dési­gner le point d’ar­ri­vée alors que d’autres y voient tous les efforts à faire pour y parvenir.

Le chef d’en­tre­prise doit de son côté être conscient de cette évo­lu­tion pro­gres­sive des connais­sances. Il se pose natu­rel­le­ment beau­coup de ques­tions : quand cela sera-t-il prêt ? Quelles déci­sions puis-je prendre pour faci­li­ter le pro­jet ? etc. Il est impor­tant de maî­tri­ser à tout moment le niveau de connais­sances pour ne poser que les ques­tions aux­quelles on sau­ra répondre. En par­ti­cu­lier, il est dan­ge­reux d’en­ga­ger des inves­tis­se­ments tant que les acquis ne sont pas suf­fi­sants ; à défaut, on risque de ne pou­voir les ren­ta­bi­li­ser dans les temps, et même pire, on risque d’o­rien­ter les tra­vaux dans de mau­vaises direc­tions, sous la pres­sion des inves­tis­se­ments, et se retrou­ver dans une impasse totale.

Une bonne méthode de rendre compte du niveau d’in­cer­ti­tude est de tenir à jour un état des risques pro­jet. L’ex­pé­rience montre que, dès le départ de toute nou­velle inno­va­tion, on peut iden­ti­fier les prin­ci­pales dif­fi­cul­tés aux­quelles on sera confronté.

L’ob­jec­tif est-il ambi­tieux ? Oui, il y a un risque de ne pas l’at­teindre : com­ment faire pour réduire ce risque, quelle solu­tion de repli peut-on pré­pa­rer au cas où ?

Cer­taines de ces dif­fi­cul­tés se pré­ci­se­ront au fur et à mesure des tra­vaux, d’autres au contraire dis­pa­raî­tront, soit du fait des connais­sances acquises, soit de celui des mesures de réduc­tion de risque qui auront été prises. La pré­sen­ta­tion des risques iden­ti­fiés doit per­mettre d’une part de situer le niveau d’in­cer­ti­tude rési­duelle, d’autre part de don­ner confiance dans l’ex­haus­ti­vi­té de ces risques.

À tout stade de l’in­no­va­tion, il est impor­tant de gar­der une vision de l’ob­jec­tif recher­ché. On ne fait pas de la recherche pour le plai­sir de cher­cher, mais pour celui de trou­ver. Ce que Bur­ton et Speke vou­laient, c’é­tait trou­ver les sources du Nil, ce que Magel­lan vou­lait, c’é­tait trou­ver un pas­sage au sud du conti­nent amé­ri­cain. Bec­que­rel n’a pas décou­vert la radio­ac­ti­vi­té par hasard, il a réus­si à expli­quer l’im­pres­sion de ses plaques pho­to­gra­phiques. À un niveau plus modeste, on ne pour­ra lever l’in­cer­ti­tude dans nos pro­jets que si on sait quelle route suivre. À défaut, on se lais­se­ra arrê­ter par la pre­mière difficulté.

Nous avons connu une socié­té où le mot « sur­prise » était ban­ni du voca­bu­laire de R & D. Il ne pou­vait y avoir de bonne sur­prise, car les phé­no­mènes et com­por­te­ments obser­vés devaient rece­voir une expli­ca­tion. Et il ne pou­vait y avoir de mau­vaise sur­prise si on avait fait une bonne éva­lua­tion des risques projet.

Maîtriser l’efficacité de sa R & D

Fina­le­ment nous voyons qu’il ne suf­fit pas de dépen­ser en R & D un pour­cen­tage don­né de son chiffre d’af­faires pour assu­rer la pros­pé­ri­té de l’entreprise.

La R & D n’é­tant qu’un outil pour déployer la stra­té­gie pro­duits, la pre­mière chose est donc de construire cette stra­té­gie, natu­rel­le­ment en fonc­tion des moyens (internes ou externes) que l’on peut y consa­crer. Cette stra­té­gie pour­ra uti­le­ment se décli­ner en plu­sieurs pro­grammes qui per­met­tront de lis­ser les res­sources à leur consacrer.

Une fois cadrées les res­sources à employer, il convien­dra de les écou­ler en rap­port avec le niveau d’in­cer­ti­tude. Ce n’est pas le calen­drier qui dira quand enga­ger les dépenses mais les résul­tats obte­nus. Il convien­dra néan­moins de détec­ter toute dérive pour évi­ter des pro­jets qui tournent en rond. La pro­gres­sion des connais­sances devra être jalon­née. Un « bench­mark » peut s’a­vé­rer très utile.

Les savoirs devront être for­ma­li­sés (capi­ta­li­sés serait plus à la mode) pour trois rai­sons : construire la cré­di­bi­li­té du pro­jet, pré­pa­rer le ter­rain pour la géné­ra­tion sui­vante et mettre en valeur les personnes.

On flui­di­fie­ra le dérou­le­ment du pro­jet en inté­grant la fonc­tion R & D dans l’en­tre­prise, en déve­lop­pant les rela­tions avec les achats, le mar­ke­ting, la pro­duc­tion et autres fonc­tions pour créer une dyna­mique com­mune, où cha­cun épaule l’autre. Une socié­té où la R & D est une caste iso­lée n’a aucune chance d’innover.

Enfin on tien­dra les équipes R & D pour ce qu’elles sont : des per­sonnes avec leurs qua­li­tés et leurs défauts, ayant comme tout le monde besoin d’être mana­gées. À défaut, on don­ne­ra rai­son à Auguste Detoeuf.

1. Les deux autres étant les femmes, le plus agréable, et le jeu, le plus coûteux.
2. Smart Spen­ders : The Glo­bal Inno­va­tion 1 000 par Bar­ry Jaru­zels­ki, Kevin Dehoff et Rakesh Bor­dia, Stategy+Business issue 45, hiver 2006.

Poster un commentaire