La préhistoire

Dossier : La Tradition et les Traditions de l'X des origines à nos joursMagazine N°331 Juin 1978Par : Joseph DUBOIS-AYMÉ* (1796) et Jean- Pierre CALLOT (31)
N° 331 Juin 1978
L’É­cole Cen­trale des Tra­vaux Publics, qui devait deve­nir, un an après sa fon­da­tion, l’É­cole Poly­tech­nique, inau­gu­ra son ensei­gne­ment le 1er nivôse an III (10 décembre 1794), dans le palais ci-devant Bour­bon, ou plus exac­te­ment dans ses dépen­dances : les écu­ries, les remises, l’o­ran­ge­rie et la salle de spec­tacle, ain­si que l’hô­tel conti­gu de Las­say dans lequel on avait amé­na­gé un amphi­théâtre de quatre cents places. Tous ces bâti­ments ont aujourd’­hui dis­pa­ru et ont fait place aux construc­tions du Minis­tère des Affaires Étrangères.

De la fondation de l’École à son transfert sur la Montagne Sainte-Geneviève – 1794–1805

L’É­cole Cen­trale des Tra­vaux Publics, qui devait deve­nir, un an après sa fon­da­tion, l’É­cole Poly­tech­nique, inau­gu­ra son ensei­gne­ment le 1er nivôse an III (10 décembre 1794), dans le palais ci-devant Bour­bon, ou plus exac­te­ment dans ses dépen­dances : les écu­ries, les remises, l’o­ran­ge­rie et la salle de spec­tacle, ain­si que l’hô­tel conti­gu de Las­say dans lequel on avait amé­na­gé un amphi­théâtre de quatre cents places. Tous ces bâti­ments ont aujourd’­hui dis­pa­ru et ont fait place aux construc­tions du Minis­tère des Affaires Étrangères.

Les nou­veaux étu­diants, au nombre de quatre cents, se mon­trèrent tout de suite extrê­me­ment turbulents.

Nous pos­sé­dons, à ce sujet, quelques docu­ments que je cite­rai à la fin de ce cha­pitre. Mais cette agi­ta­tion avait lieu à l’ex­té­rieur de l’É­cole – les élèves étaient externes – alors que j’au­rais vou­lu connaître leurs mœurs inté­rieures, puisque c’est au sein des pro­mo­tions ras­sem­blées que sont écloses les pre­mières traditions.

Dans ce domaine, je n’a­vais rien trou­vé, sinon quelques ques­tions que les anciens posaient à leurs conscrits dans un exa­men baroque qui pré­fi­gu­rait l’i­ni­tia­tion, lors des toutes pre­mières années de l’École.
Par exemple :

  • démon­trer que le car­ré d’une vache est un cheval ;
  • une raie à la craie étant tra­cée sur un mur, quel est le nom du phy­si­cien représenté ;
  • com­ment feriez-vous pour man­ger dans une île déserte, n’ayant qu’une canne de jonc ?

La solu­tion du pre­mier théo­rème est per­due. A la seconde ques­tion il fal­lait répondre : Réau­mur ; et à la troi­sième : je décri­rais une cir­con­fé­rence avec la canne pour rayon, j’au­rais ain­si deux pigeons (2 π jonc).

Les élèves de l’É­cole Polytechnique
sur la tombe de Monge (20 juillet 1818).

Gas­pard Monge fut inhu­mé le 18 juillet 1818, au cime­tière du Père Lachaise. Pen­dant de longues années, une délé­ga­tion d’é­lèves alla fleu­rir cette tombe vénérée.

Ces élé­ments d’in­for­ma­tion montrent le haut niveau de culture scien­ti­fique qu’a­vaient déjà atteint nos Antiques, mais ils ren­seignent peu sur leur vie de pro­mo­tion, et j’al­lais renon­cer à écrire cette pré­his­toire, lorsque j’eus la chance de rece­voir un manus­crit de Jean-Marie Joseph du Boi­say­mé, de la pro­mo­tion 1796, dont une des­cen­dante m’au­to­rise à repro­duire les pas­sages qui ont trait à mon sujet.

Voi­ci donc un témoi­gnage, le seul qui sub­siste, pro­ba­ble­ment, des com­por­te­ments des Poly­tech­ni­ciens dans leur pre­mière école :

« Et d’a­bord, l’on n’é­tait pas caser­né ; l’é­cole était au palais Bour­bon ; on s’y ren­dait le matin à huit heures, on en sor­tait à deux pour y reve­nir à cinq et y res­ter jus­qu’à huit. Des appels consta­taient l’exac­ti­tude des élèves ; des pro­blèmes de mathé­ma­tiques, des opé­ra­tions chi­miques, pro­po­sés chaque mois sans qu’il y eût obli­ga­tion pour les élèves de s’en occu­per, met­taient en évi­dence les plus intel­li­gents : leurs noms étaient affi­chés dans l’école.

Enfin, des exa­mens géné­raux, à la fin de l’an­née, fai­saient connaître l’ins­truc­tion de tous, et l’on ren­voyait alors ceux qui, n’ayant fait aucun pro­grès, avaient, de plus, man­qué fré­quem­ment aux appels. On pou­vait au bout de deux ans se faire exa­mi­ner pour le corps que l’on choi­sis­sait d’a­près ses goûts et le sen­ti­ment du degré d’ins­truc­tion qu’on avait acquis ; car il était des corps dans les­quels il était beau­coup plus facile d’en­trer que dans d’autres.

On pou­vait res­ter une troi­sième année à l’é­cole, et même une qua­trième, quand on· avait constam­ment fait preuve d’as­si­dui­té et de bonne conduite. Les jeunes gens sans for­tune pou­vaient à cette époque entrer à l’é­cole ; ils avaient une paie et la ration ; aujourd’­hui il faut être riche, il faut payer pension.

On se livrait aux études qu’on pré­fé­rait : il faut main­te­nant suivre tous les cours ; plus de savants sor­taient de l’é­cole, plus d’i­gno­rants aus­si : l’ins­truc­tion main­te­nant y est à peu près égale chez tous.

Je n’en­tends point pré­fé­rer un mode à l’autre ; je dis ce qui était. Il résul­tait de l’an­cien ordre de choses deux classes d’é­lèves bien dis­tinctes : les stu­dieux et les dis­si­pés. Un bien petit nombre appar­te­nait à toutes deux. Le nom de Paul (c’est le pré­nom que s’at­tri­bue l’au­teur) figu­rait presque tous les mois sur la liste des élèves qui avaient réso­lu les pro­blèmes pro­po­sés, mais aus­si il n’y avait pas de jeux, pas de par­ties de plai­sir dont il ne fût, et ces jeux étaient tels que le palais Bour­bon res­sem­blait par­fois à une ville prise d’assaut.

Chaque bri­gade occu­pait une grande salle, où elle tra­vaillait hors des heures des leçons ; là, cha­cune, consti­tuée en petite répu­blique, se don­nait un gou­ver­ne­ment à son choix.

Ain­si la troi­sième bri­gade, par exemple, s’é­tait sou­mise, pour sa police inté­rieure, aux déci­sions de trois élèves élus à la plu­ra­li­té des voix, et tou­jours choi­sis par­mi les plus rai­son­nables ; c’é­tait son sénat. Ce sénat, mal­gré son pen­chant pour l’é­tude et la tran­quilli­té, était de temps à autre obli­gé de céder au vœu des citoyens, et, une fois la guerre décla­rée, le géné­ral élu deve­nait l’homme important.

Des ambas­sades étaient envoyées aux autres bri­gades pour for­mer des ligues, et la gra­vi­té des dis­cours, le céré­mo­nial des récep­tions, étaient fort amu­sants. Les expé­di­tions mili­taires consis­taient ordi­nai­re­ment à faire des pri­son­niers ; conduits dans la salle des vain­queurs, ils y rece­vaient la bas­cule sur un tabou­ret avec tous les acces­soires accou­tu­més, et étaient remis en liberté.

Un jour la troi­sième bri­gade, à la suite d’une grande bataille, échan­gea de vive force tous ses vieux tabou­rets contre les meilleurs de la seconde, et le sou­ve­nir de cette jour­née s’est conser­vé long­temps à l’é­cole sous le nom bur­lesque de la jour­née des tabourets.

Quand une bri­gade abu­sait de la vic­toire ou trou­blait un peu trop l’é­cole, ses alliés l’a­ban­don­naient, de nou­velles ligues se for­maient, et des défaites mul­ti­pliées la for­çaient à deman­der la paix.

Enfin, les bri­gades avaient, comme au temps de la féo­da­li­té, leur trêve de Dieu, pen­dant laquelle l’é­cole res­pi­rait en paix. J’ou­bliais de dire que quel­que­fois des cham­pions, à l’i­mi­ta­tion des Horaces et des Curiaces, déci­dèrent de la pré­émi­nence d’une bri­gade sur l’autre.

Le premier uniforme des polytechniciens
Le pre­mier uniforme :
Canon­nier de la garde natio­nale
.

Un de ces com­bats se fit à che­val ; les che­vaux avaient été choi­sis par­mi les élèves les plus robustes. Le plus vigou­reux che­val de bataille de la troi­sième bri­gade se nom­mait Don­nat ; il avait près de six pieds de haut. Les che­vaux devaient cher­cher à se ren­ver­ser en se heur­tant ; les cava­liers seuls se ser­vaient de leurs bras, se col­le­taient, se pre­naient à bras-le-corps ; celui qui était arra­ché de son che­val ou ren­ver­sé avec lui, était vaincu.

Don­nat, peu de jours encore avant l’af­faire où, aide-de-champ du roi de Hol­lande, grand conné­table de l’empire, il eut la tête empor­tée d’un bou­let, se res­sou­ve­nait avec plai­sir de ces tour­nois de sa jeu­nesse, et fai­sait dire à Paul mille choses ami­cales de la part de son ancien che­val de bataille. Paul et tous ses cama­rades le regret­tèrent vivement. »

J’ai par­lé du com­por­te­ment tur­bu­lent des pre­miers Poly­tech­ni­ciens à l’ex­té­rieur de l’É­cole. Il nous inté­resse ici parce qu’il contient en germe deux des com­po­santes essen­tielles de nos tra­di­tions : le libé­ra­lisme et la solidarité.

C’est le théâtre qui était le lieu pri­vi­lé­gié de cette agi­ta­tion. Au théâtre de la Répu­blique, au mois de flo­réal an IV, les élèves firent scan­dale en tour­nant en déri­sion les chants révo­lu­tion­naires. L’af­faire la plus grave eut lieu peu après, au théâtre des jeunes artistes, où les élèves pro­vo­quèrent de vio­lentes bagarres et où plu­sieurs furent arrêtés.

Mais, bien plus, les Poly­tech­ni­ciens se joi­gnaient aux émeu­tiers qui bri­saient le buste de Marat et, au Palais-Royal, foyer de toutes les oppo­si­tions, ils enton­naient le chant le plus sédi­tieux de l’é­poque, le « Réveil du Peuple ».

Ils prirent part à l’af­faire du 13 ven­dé­miaire et huit d’entre eux furent convain­cus d’a­voir par­ti­ci­pé à l’in­sur­rec­tion. Leur expul­sion, leur arres­ta­tion parais­saient inévi­tables mais Monge, enra­gé dès qu’on tou­chait à son École, fit tête avec sa hargne de vieux lion. Il les sauva.

Lors­qu’ap­pa­rurent les signes avant-cou­reurs du com­plot du 18 fruc­ti­dor, dans lequel allait som­brer la liber­té un moment retrou­vée, l’a­gi­ta­tion s’in­ten­si­fia. Joseph Boi­say­mé nous conte quelques-unes de ses péripéties :

« Le direc­toire exé­cu­tif pré­lu­dait à la jour­née du 18 fruc­ti­dor. Exci­tées par ses agents, les troupes cam­pées au Champ-de-Mars ou caser­nées dans Paris par­cou­raient les rues, insul­taient les jeunes gens qui por­taient un col­let noir, et le cou­pèrent à plu­sieurs avec leurs sabres. On leur avait fait croire que c’é­tait le signe de ral­lie­ment des roya­listes, alors que ce n’é­tait qu’un des nom­breux caprices de la mode.

Beau­coup d’é­lèves de l’é­cole Poly­tech­nique, ne voyant dans les attaques des sol­dats qu’un abus de la force, avaient pris le col­let noir (Ils ne por­taient plus d’u­ni­forme depuis quelque temps.); et certes ils ne conspi­raient pas, ils s’é­taient seule­ment ran­gés autour du dra­peau du plus faible.

Une après-midi que tous les élèves étaient réunis dans les vastes salles du des­sin, on vint leur dire que les sol­dats par­cou­raient les Tui­le­ries, en chas­saient les jeunes gens, les pous­saient dans les bas­sins, leur cou­paient leurs col­lets et leurs cade­nettes, etc., etc.

Les élèves se levèrent aus­si­tôt en masse et cou­rurent aux Tui­le­ries. Ils firent à leur tour éva­cuer les allées aux sol­dats, en pous­sèrent dans les bas­sins ; la garde arri­va et les dis­per­sa ; ils par­cou­rurent les bou­le­vards quelques ins­tants, et puis se reti­rèrent chez eux.

Paul, qui avait été légè­re­ment bles­sé d’un coup d’é­pée, se ren­dit le len­de­main chez sa mère, logée rue Hil­le­rin­ber­tin. Il ren­con­tra dans la rue de Gre­nelle trois ou quatre sol­dats qui, en voyant son bras en écharpe, s’é­crièrent : « Sacré mus­ca­din, on t’a cas­sé un membre ; apporte-nous ton col­let, mon mignon, ou nous te cas­sons l’autre bras. » Le jeune homme se retour­na, mar­cha à eux un pis­to­let à la main, et eux de recu­ler en lui disant : « Ce n’est pas à toi que nous par­lons ; tu es un brave gar­çon, toi, etc. »

Quelques jours après, des sol­dats assom­maient à coups de pierres, près des Inva­lides, un autre jeune homme qui avait un col­let noir à son habit. Plu­sieurs élèves de l’é­cole poly­tech­nique, qui venaient de s’exer­cer au pis­to­let de ce côté, pas­sèrent heu­reu­se­ment en ce moment, et la menace qu’ils firent de se ser­vir de leurs armes fit reti­rer les agres­seurs. Des gens bien­fai­sants du voi­si­nage reçurent le mou­rant et en prirent soin.

Toutes les feuilles publiques rap­por­tèrent, avec plus ou moins d’exac­ti­tude, cet évé­ne­ment, et il en fut ques­tion au corps légis­la­tif. Les jour­na­listes jaco­bins le racon­tèrent à leur manière, et en conclurent que l’é­cole poly­tech­nique était un repaire d’a­ris­to­cra­tie ; que la répu­blique nour­ris­sait là des ser­pents qui n’at­ten­daient que le moment de déchi­rer son sein. Ce sont là les propres expres­sions de l’un d’eux.

Les élèves, indi­gnés, char­gèrent trois ou quatre de leurs cama­rades de se rendre chez lui et de lui deman­der, au nom de l’é­cole entière, une prompte rétrac­ta­tion. Les com­mis­saires ne lui eurent pas plus tôt fait connaître l’ob­jet de leur visite, qu’ils furent entou­rés par une ving­taine de gar­çons de l’imprimerie.

La fer­me­té des élèves, et peut-être la crainte de s’at­ti­rer la ven­geance de toute l’é­cole, déter­mi­na le jour­na­liste à faire ce qu’ils dési­raient : sa rétrac­ta­tion parut le len­de­main, mais il avait déna­tu­ré les expres­sions des élèves et don­né leurs noms.

Ceux-ci allaient récla­mer de nou­veau quand écla­ta la funeste jour­née du 18 fructidor.

Pen­dant la nuit, l’ar­mée aux ordres d’Au­ge­reau s’é­tait empa­rée de tous les postes impor­tants, avait pla­cé du canon sur les ponts et cer­né les Tui­le­ries où sié­geait le conseil des Cinq-Cents. Deux membres du direc­toire, une foule de dépu­tés, de jour­na­listes, étaient arrê­tés au même moment ; et les Pari­siens, en se réveillant, trou­vèrent la révo­lu­tion ter­mi­née ; la ville res­ta morne et silencieuse.

Si les douze cents gre­na­diers qui for­maient la garde du corps légis­la­tif eussent fait quelque résis­tance, nul doute que la garde natio­nale ne se fût jointe à eux.

Depuis quelques jours les élèves de l’é­cole poly­tech­nique, non pas les plus ardents seule­ment, mais les plus sages aus­si, et je cite­rai par­mi eux cet Edouard dont j’ai par­lé, avaient mis leurs fusils en état, fait des balles et ache­té de la poudre, déter­mi­nés qu’ils étaient à défendre le corps légis­la­tif, si la lutte enga­gée depuis quelque temps entre les dépu­tés et le direc­toire ame­nait quel­qu’acte de violence.

On a dit depuis que des dépu­tés conspi­raient contre la répu­blique ; je n’en sais rien : ce que je puis assu­rer c’est que per­sonne n’a­vait enga­gé les élèves de l’é­cole à embras­ser leur parti. »

Cette atti­tude des Poly­tech­ni­ciens fut évo­quée quelques mois plus tard devant le Conseil des Cinq Cents. Mais il ne se trou­va que trois dépu­tés pour condam­ner l’École.

- On y enseigne, dit le pre­mier, les matières les plus insen­sées : en par­ti­cu­lier un cer­tain cal­cul « dif­fé­ren­tiel et inté­gral ». De plus, les pro­fes­seurs poussent la per­ver­si­té jus­qu’à sub­sti­tuer à nos lettres répu­bli­caines, dans leurs démons­tra­tions, les lettres grecques !

- Pour­quoi, disait le second, pri­ver un bon père du droit et du plai­sir d’en­sei­gner son fils ? Je pro­pose que Poly­tech­nique soit trans­for­mée en École de bien­fai­sance nationale.

Quant au troi­sième, il fus­ti­geait le non-confor­misme poli­tique des élèves en un dis­cours dont la péro­rai­son mérite d’être pré­ser­vée de l’oubli :

« Sans le répu­bli­ca­nisme, les talents ne sont pour moi qu’une faible gaze qui ne sau­rait me déro­ber le poi­gnard qu’on veut plon­ger, par force ou par adresse, dans le sein de la patrie ».

On pour­ra conclure des lignes qui pré­cèdent que l’en­ga­ge­ment poli­tique, la « contes­ta­tion » des pre­miers Poly­tech­ni­ciens, les entraî­nèrent par­fois fort loin.

Était-il oppor­tun de le rap­pe­ler ? diront cer­tains. Pour­quoi pas, répon­drai-je, puisque ces tumultes et par­fois ces vio­lences n’é­taient ins­pi­rés que par la géné­ro­si­té et l’a­mour de la liber­té ; puisque ces jeunes hommes n’ac­cep­taient la tutelle d’au­cun par­ti, l’in­toxi­ca­tion d’au­cune idéo­lo­gie ; puisque leur contes­ta­tion ne fut jamais celle des médiocres qui demandent à 1’anarchie les avan­tages qu’ils ne peuvent acqué­rir par le talent.

De ces pro­mo­tions tur­bu­lentes sor­tirent Biot, Malus, Pois­son, Dupin, Ara­go, Fres­nel, Gay-Lus­sac, qui com­ptèrent par­mi les plus grands savants de leur génération.

Et lorsque la France se fut jetée dans des guerres insen­sées, ces contes­ta­taires firent admi­rer leur héroïsme sur tous les champs de bataille de l’Europe.

Lettre du ministre de la Police, Cochon de Lapparent, au directeur de l'Ecole polytechnique(2 ventôse, an V).
Lettre du Ministre de l’In­té­rieur du 4 ger­mi­nal an IV (24 mars 1796) au direc­teur de l’É­cole Poly­tech­nique, dans laquelle il se plaint de l’é­tat d’es­prit des polytechniciens.

« Je suis infor­mé qu’au moment où les membres de l’ad­mi­nis­tra­tion muni­ci­pale du Xe arron­dis­se­ment pro­cla­maient la prise de Man­toue, plu­sieurs jeunes gens de l’É­cole Poly­tech­nique, qui en sor­taient, se sont per­mis d’in­sul­ter les magis­trats et qu’ils les ont pour­sui­vis, depuis le Palais de la Révo­lu­tion jus­qu’à la porte de la muni­ci­pa­li­té, en tenant des pro­pos ironiques. »
(extrait d’une lettre du ministre de la Police, Cochon de Lap­pa­rent, au direc­teur de l’É­cole (2 ven­tôse, an V).

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