La paix calomniée ou les conséquences économiques de M. Keynes

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°579 Novembre 2002Par : Étienne MANTOUXRédacteur : M. D. INDJOUDJIAN (41)

Ce livre est la très oppor­tune réédi­tion d’un ouvrage écrit en dix-huit mois à Prin­ce­ton, modi­fié en Angle­terre (que l’auteur avait gagnée en 1943), ouvrage publié seule­ment en 1946 après sa mort sur­ve­nue sur une route de Bavière en 1945, c’est-à-dire quelques jours avant la capi­tu­la­tion du IIIe Reich.

Étienne Man­toux, comme le rap­pellent la note de son père en tête de la pre­mière édi­tion et l’avant-propos “Un his­to­rien contre les tyran­nies”, contri­bu­tion de Vincent Duclert à cette réédi­tion, s’est illus­tré par de hauts faits mili­taires pen­dant la Seconde Guerre. S’il s’est, pen­dant une telle période, livré néan­moins à ce long et pro­fond tra­vail de réflexion sur la paix de Ver­sailles au len­de­main de la Pre­mière Guerre – et s’il l’appelle “ La paix calom­niée ” –, c’est parce que sa pas­sion patrio­tique, loin de l’aveugler, le per­sua­dait que seul un regard atten­tif por­té sur le pas­sé pou­vait gui­der les hommes de bonne volon­té vers une concep­tion dura­ble­ment paci­fique de l’Europe et du monde.

Je ne peux per­son­nel­le­ment m’empêcher de croire qu’Étienne, dans cette démarche, a subi l’influence béné­fique de son père, Paul, qui, il faut le rap­pe­ler, a été, pen­dant l’élaboration de la paix de Ver­sailles, l’officier inter­prète du Conseil des Quatre (Wil­son, Cle­men­ceau, Lloyd George, Orlan­do) – dont les notes Les déli­bé­ra­tions du Conseil des Quatre (CNRS, 2 vol., 1955) res­tent un docu­ment his­to­rique irremplaçable.

On sait que bien des opi­nions ont été expri­mées sur cette paix de Ver­sailles. Les plus extrêmes l’ont été par May­nard Keynes, Les consé­quences éco­no­miques de la paix d’une part, et par Jacques Bain­ville, Les consé­quences poli­tiques de la paix, d’autre part – livres dont la réédi­tion en un seul volume vient d’ailleurs d’être faite par Gal­li­mard (col­lec­tion Tel).

Le livre très riche d’Étienne Man­toux mérite mieux qu’un résu­mé – que je ne ten­te­rai pas de faire – ; il mérite d’être lu avec le recul de plus d’un demi-siècle et la séré­ni­té voulue.

Il ne s’agit pas, au terme de la lec­ture, de tran­cher entre les ana­lyses de Keynes et de Bain­ville. Certes Keynes avait rai­son de déplo­rer le manque de réa­lisme éco­no­mique des négo­cia­teurs du trai­té. Certes la vision poli­tique d’un Bain­ville était la plus ample et la plus péné­trante : sa luci­di­té était à plus long terme. Tou­te­fois, sou­pe­ser aujourd’hui les avan­tages et incon­vé­nients res­pec­tifs des mesures qu’auraient sou­hai­tées tel ou tel auteur n’est pas pertinent.

L’essentiel c’est de trou­ver dans le livre d’Étienne Man­toux un moyen d’enrichir la réflexion sur l’état actuel du monde et sin­gu­liè­re­ment sur l’importance vitale d’une vision à long terme pour peser sur l’évolution pro­chaine de l’Union européenne

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