Louis Pouzin reçoit le Prix de la reine Elizabeth pour l’ingénierie.

Internet : le libéralisme au service de l’impérialisme

Dossier : ExpressionsMagazine N°712 Février 2016
Par Louis POUZIN (50)

Louis Pou­zin, à l’o­ri­gine de ce qui devien­dra le pro­to­cole TCP-IP, décrit l’his­toire de la nais­sance et du déve­lop­pe­ment d’In­ter­net et s’in­digne de la prise de contrôle du sys­tème par les auto­ri­tés amé­ri­caines. Les euro­péens n’ont fait aucun effort pour par­ti­ci­per, la France a pré­fé­ré se tour­ner vers le Mini­tel. Seule la Chine a déve­lop­pé une stra­té­gie concur­rente, for­te­ment cen­tra­li­sée et poli­cée, qui n’est pas exportable.

En 1968, l’ARPA (Advan­ced Research Pro­jects Agen­cy), qui gère les pro­jets finan­cés par le DoD (Depart­ment of Defense) amé­ri­cain, lance le pro­jet « Arpa­net » de réseau d’ordinateurs hété­ro­gènes, c’est-à-dire de construc­teurs différents.

En 1970, la délé­ga­tion à l’informatique du gou­ver­ne­ment Pom­pi­dou prend conscience de l’importance à venir des réseaux d’ordinateurs. Après une mis­sion d’information aux États-Unis, elle lance en 1971 un pro­jet simi­laire, le réseau « Cyclades », dont l’auteur de cet article est le direc­teur et concepteur.

“ Les principes de fonctionnement d’Internet sont calqués sur Cyclades ”

Une démons­tra­tion d’Arpanet a lieu en 1972 : une dizaine d’ordinateurs situés dans des uni­ver­si­tés et centres de recherche acces­sibles via une ving­taine de terminaux.

En 1973, une démons­tra­tion de Cyclades est faite : des tra­vaux sou­mis loca­le­ment à un ordi­na­teur CII reçoivent leurs résul­tats d’un ordi­na­teur IBM de l’université de Grenoble.

Naissance d’internet

L’architecture de Cyclades fait appa­raître les limites d’Arpanet dans le milieu de la recherche amé­ri­caine, avec pres­sion sur l’ARPA pour se mettre au goût du jour.

LA COMMUTATION DE PAQUETS

Les besoins en transmission de données diffèrent de ceux de la téléphonie. Le moyen choisi par Arpanet et Cyclades est un réseau de mini-ordinateurs dédié au transport de fragments de données limités à quelques milliers de bits : les paquets.
Arpanet est censé transmettre sans erreur, et il est conçu pour être unique au monde, donc sous contrôle américain. Cyclades est radicalement différent : c’est un réseau de réseaux autonomes, susceptibles de faire des erreurs.
Les appareils utilisant Cyclades disposent d’une logique (protocole) qui corrige les erreurs de transmission. Cette technique de contrôle de bout en bout est plus fiable et économique que les réseaux prétendument sûrs.
Le réseau s’efforce ensuite de livrer les paquets à une adresse de destination par le meilleur chemin (routage), dont les critères sont définis par l’opérateur du réseau.

D’où la pro­po­si­tion en 1974 d’un pro­to­cole nom­mé TCP-IP. Les prin­cipes de fonc­tion­ne­ment sont cal­qués sur Cyclades, avec quelques dif­fé­rences n’apportant pas d’avantage notoire.

L’année 1974 est aus­si, en France, celle du décès de Georges Pom­pi­dou – rem­pla­cé par Valé­ry Gis­card d’Estaing –, et d’une mise à la casse de la poli­tique infor­ma­tique : sup­pres­sion de la délé­ga­tion à l’informatique, fusion de CII et Honey­well-Bull, déman­tè­le­ment du consor­tium Uni­da­ta (CII, Phi­lips et Sie­mens), inter­rup­tion du finan­ce­ment de Cyclades. Le pou­voir est à la CGE (Com­pa­gnie géné­rale d’électricité), qui n’a pas de pas­sé informatique.

À par­tir de 1980, la star est le Mini­tel, pro­mu par France Télé­com. Outil simple et robuste pour le grand public, dopé par les mes­sa­ge­ries roses, il sera exploi­té jusqu’en 2013. Quelques ten­ta­tives d’exportation n’ont pas réussi.

C’est une bonne période pour les socié­tés de ser­vices dont les ingé­nieurs ont été for­més grâce à des contrats de Cyclades. Au lieu de sous-trai­ter à des socié­tés amé­ri­caines, ce sont les socié­tés fran­çaises qui réa­lisent les réseaux de la SNCF, du Cré­dit Agri­cole, Trans­pac, entre autres, et tra­vaillent aus­si à l’exportation.

Aux États-Unis, la migra­tion du pro­to­cole NCP d’Arpanet vers TCP-IP se révèle labo­rieuse, et c’est seule­ment en 1983 qu’est intro­ni­sé Inter­net, per­çu à l’époque comme un outil pour cher­cheurs ou pro­gram­meurs : pas d’ergonomie, rien pour atti­rer le public.

Le Web, La Toile

Appa­ru vers 1990, le Web est très vite un engoue­ment, une révo­lu­tion, un super-Mini­tel. La pos­si­bi­li­té de visua­li­ser par un simple clic une page située n’importe où dans l’Internet est bien une inven­tion disruptive.

Elle est née au CERN, près de Genève. Un lan­gage stan­dard de des­crip­tion de page éli­mine pra­ti­que­ment les dif­fé­rences de pré­sen­ta­tion entre logi­ciels de navi­ga­tion : sans cela, la Toile ne serait qu’une col­lec­tion de fichiers disparates.

Marchandisation néolibérale

Dès l’apparition du Web, les milieux mar­chands amé­ri­cains reniflent une odeur de dol­lar. Avec réac­ti­vi­té, leur machine de pro­pa­gande se met en marche, et en moins de deux ans le Web devient l’Internet.

UN PROJET MILITAIRE

Dans les années 1990, le financement d’Internet est assuré par des crédits militaires dont la finalité est de créer à terme des technologies utilisables par les armées.
Les projets de recherche sont gérés par des scientifiques, et ce sont surtout les publications qui permettent d’évaluer les résultats.
Le grand public et le milieu des affaires ne sont même pas au courant.

Mais à ce stade ini­tial les outils de déve­lop­pe­ment de sites Web et l’expérience de pré­sen­ta­tion visuelle sont peu évo­lués. Mal­gré leurs limites tech­niques les sites Mini­tel des jour­naux fran­çais et du Club Med ont dix ans d’avance et sont bien mieux conçus et plus attrayants.

L’administration Clin­ton néo­li­bé­rale met la pres­sion diplo­ma­tique pour convaincre les Euro­péens de mar­chan­di­ser l’Internet, le libé­rer du car­can éta­tique, confier la com­mer­cia­li­sa­tion aux socié­tés pri­vées, c’est-à-dire pré­pa­rer le mar­ché à la main­mise des socié­tés américaines.

Mais, pour les milieux poli­tiques euro­péens, l’Internet est une anti­ci­pa­tion loin­taine. Ils écoutent poli­ment, sans plus.

En 1998 est créé l’ICANN (Inter­net Consor­tium for the Assi­gn­ment of Names and Num­bers), socié­té pri­vée cali­for­nienne sans but lucra­tif liée par contrat au DoC (Depart­ment of Commerce).

Elle hérite des fonc­tions de coor­di­na­tion tech­nique assu­rées jusqu’alors par un seul cher­cheur. Le mes­sage est clair : l’Internet est désor­mais une affaire de com­merce, sous l’autorité du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain, mais, pour des rai­sons d’efficacité et sur­tout pour ne pas pro­vo­quer de réac­tions néga­tives de l’étranger, la gou­ver­nance de l’Internet est confiée à une socié­té privée.

On le sau­ra plus tard, l’usage de l’Internet comme outil d’espionnage mon­dial est déjà en cours de mise en place. Hold-up réus­si, à la barbe de tous, notam­ment des citoyens américains.

Le sommet mondial sur la société de l’information

Ce som­met onu­sien est le pre­mier du genre. Pro­po­sé par la Tuni­sie et l’UIT (Union inter­na­tio­nale des télé­com­mu­ni­ca­tions), avec l’objectif de réduire la frac­ture numé­rique, il pro­voque une prise de conscience des États sur les muta­tions de la socié­té induites par les usages de l’Internet. Le som­met est orga­ni­sé en deux phases, d’abord à Genève en 2003, puis à Tunis en 2005.

“ L’usage de l’Internet comme outil d’espionnage mondial est en cours de mise en place ”

Dès les pre­mières réunions de pré­pa­ra­tion en 2001 les cli­vages se des­sinent : États-Unis et sui­veurs (Royaume-Uni, Cana­da, Aus­tra­lie, Nou­velle-Zélande, Japon et Israël), Union euro­péenne (para­ly­sée par les diver­gences entre ses membres), et autres gou­ver­ne­ments oppo­sés aux États-Unis.

La cause majeure de dis­sen­sion est l’unilatéralisme amé­ri­cain dans la poli­tique de gou­ver­nance de l’Internet. Dans son rôle de man­da­taire amé­ri­cain, l’ICANN est la cible pré­fé­rée des cri­tiques, par exemple pour la cen­tra­li­sa­tion de l’allocation des adresses IP et de la ges­tion du DNS (Domain Name Sys­tem, c’est-à-dire l’annuaire).

Les États-Unis sont oppo­sés à toute forme de par­tage de gou­ver­nance. Pour évi­ter l’échec, il est déci­dé a mini­ma de confier aux États la ges­tion de leurs noms de domaine.

Tou­te­fois, l’ICANN conserve le mono­pole de la ges­tion des noms de pre­mier niveau (ou exten­sions), dont l’ensemble consti­tue la racine du DNS.

Fractures politiques

Au cours des deux années sui­vantes (2004- 2005) les frac­tures poli­tiques se ren­forcent. Des délé­gués (Ara­bie Saou­dite, Chine, Iran, Syrie) s’informent sur les pos­si­bi­li­tés de construire un Inter­net natio­nal dans leur langue. Un jour, le direc­teur géné­ral de l’ICANN déclare dans une réunion à Genève que la déci­sion de se sépa­rer des États-Unis va être officialisée.

25 juin 2013, Louis Pou­zin, pion­nier de l’Internet, reçoit le Prix de la reine Eli­za­beth pour l’ingénierie.

Créé pour trou­ver un ter­rain d’entente entre oppo­sants, le Wor­king Group on Inter­net Gover­nance (WGIG) pro­pose trois scé­na­rios de gou­ver­nance. Son mérite est de cla­ri­fier les com­po­santes et les diver­gences au sein des États sur leur concep­tion de la gouvernance.

Quelques mois avant la clô­ture des débats, les États-Unis font savoir qu’aucun chan­ge­ment ne serait accep­té dans la gou­ver­nance de l’Internet par l’ICANN. Pour évi­ter l’échec du som­met suite à ce dik­tat, l’idée est lan­cée de pour­suivre le som­met sous un autre nom, le Forum de la gou­ver­nance Inter­net (FGI). Créé par l’ONU pour cinq ans, ce der­nier est char­gé de faire conver­ger et de coor­don­ner les actions de tous les orga­nismes impli­qués dans la gou­ver­nance de l’Internet.

La rédac­tion des conclu­sions de cette phase du SMSI est dif­fi­cile. Une média­tion suisse per­met de trou­ver les termes accep­tables par les États-Unis et les prin­ci­paux oppo­sants. Ce docu­ment, dit Agen­da de Tunis, est tou­jours d’actualité dix ans plus tard.

Dix ans de FGI

La pre­mière réunion du FGI, en 2006, à Athènes, ne pré­voit plus de sièges ou ses­sions réser­vés aux gou­ver­ne­ments et autres digni­taires. Les délé­gués de mul­tiples pays font connais­sance. Plé­nières et ate­liers apportent une diver­si­té conve­nable pour les par­ti­ci­pants de culture assez géné­ra­liste. Glo­ba­le­ment, ils sont satis­faits : « Ren­dez-vous l’an pro­chain à Rio. »

“ L’organisation du FGI est devenue dépendante des activistes alliés du gouvernement américain ”

Le bloc amé­ri­cain des oppo­sants au FGI effec­tue alors un virage spec­ta­cu­laire pour en van­ter les mérites et pro­cla­mer son sou­tien pour la suite. Il est pré­vu une réunion annuelle, avec des réunions pré­pa­ra­toires à Genève.

Les thèmes abor­dés, ouver­ture, sécu­ri­té, diver­si­té et accès, sont fixés par le secré­ta­riat géné­ral de l’ONU, qui assure la pré­si­dence. Un secré­taire exé­cu­tif est prê­té par la Suisse.

UN SALON OÙ L’ON CAUSE

La création du FGI est plébiscitée par tous, sauf par les États-Unis et leurs lobbies, qui n’y voient qu’une duplication de fonctions déjà en place, un gâchis de ressources, etc.
Mais des pressions politiques efficaces les amènent à signer l’accord, moyennant de sévères restrictions : pas de budget onusien, ni groupes de travail, ni décisions, ni propositions, bref, un salon où l’on cause.

Les thèmes s’élargissent : res­sources cri­tiques (adresses IP, DNS), et nou­velles tech­no­lo­gies. Des coa­li­tions dyna­miques se créent (pour ne pas dire groupes de tra­vail). Des mes­sages sont émis (et non des recommandations).

Des FGI régio­naux et natio­naux décantent les sujets avant le FGI annuel. L’assistance aug­mente, ain­si que les offres de ses­sions. Des jour­nées pré et post-FGI sont orga­ni­sées hors ONU. La pré­sence des délé­gués gou­ver­ne­men­taux se réduit.

En l’absence de bud­get onu­sien, les coûts de fonc­tion­ne­ment du FGI sont en par­tie cou­verts par des États et sur­tout par des dona­teurs finan­cés par des sources américaines.

Ain­si, l’organisation est deve­nue dépen­dante des acti­vistes alliés du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain, dont l’objectif est le sta­tu quo. Néan­moins, le FGI est recon­duit par l’ONU pour dix ans.

Le poids de la Chine

Au début du SMSI, les délé­gués chi­nois sont per­plexes : selon les pro­fes­sion­nels for­més aux dogmes de l’ICANN, il faut tenir les gou­ver­ne­ments à l’écart de la gou­ver­nance, car ils n’y com­prennent rien et ne cherchent qu’à contrô­ler et taxer les uti­li­sa­teurs ; il faut suivre le modèle appli­qué aux États-Unis.

Les échanges avec les like min­ded coun­tries, aux­quels nous sommes conviés, per­mettent de démys­ti­fier l’Internet qui pré­tend libé­rer les uti­li­sa­teurs mon­diaux en les contrô­lant depuis les États-Unis.

Le gou­ver­ne­ment chi­nois n’apprécie pas les contrôles d’origine étran­gère. Il suf­fit alors de com­prendre que la cen­tra­li­sa­tion dans un seul pays n’a pas de jus­ti­fi­ca­tion tech­nique, et que l’Internet peut très bien fonc­tion­ner par inter­con­nexion de réseaux dis­tincts. Enfin, la Chine annonce, après la clô­ture du SMSI, le déve­lop­pe­ment d’un Inter­net en chi­nois, qui est ouvert en 2006.

En 2015, le nombre d’utilisateurs dépasse les 700 mil­lions. Les échanges avec le réseau de l’ICANN uti­lisent un DNS spé­ci­fique assu­rant com­pa­ti­bi­li­té et sur­veillance du trafic.

On peut noter que le gou­ver­ne­ment chi­nois a éva­lué bien avant les autres les enjeux de deve­nir une colo­nie numé­rique des États-Unis, et a aus­si­tôt déve­lop­pé une stra­té­gie concurrente.

Indépendance pour tous

“ L’ICANN : un monopole de fait, qui est de plus un racket financier ”

Le modèle chi­nois de la gou­ver­nance d’Internet, for­te­ment cen­tra­li­sé et poli­cé, n’est pas adap­té à l’Europe, qui pré­fère une har­mo­ni­sa­tion de ser­vices. Si les pro­to­coles de com­mu­ni­ca­tion deve­nus nor­ma­li­sés sont bien accep­tés, les noms de domaine sont gérés de manière chao­tique par l’ICANN.

Les règles d’enregistrement sont instables ou inco­hé­rentes. La sécu­ri­té n’est pas garan­tie. Le DNS ne fait que tra­duire une chaîne de carac­tères en numé­ros IP, il n’y a pas de rai­son d’en cen­tra­li­ser le contrôle.

L’ICANN n’a aucune légi­ti­mi­té inter­na­tio­nale pour exer­cer un mono­pole de fait, qui est de plus un racket financier.

Concurrence déloyale

Créer des DNS régio­naux ou natio­naux ne pré­sente pas de dif­fi­cul­té tech­nique. Comme dans tous les sys­tèmes mutua­li­sés, l’effort est de trou­ver assez de clients pour amor­tir l’investissement.

RACINES OUVERTES

Des DNS libres sont apparus aux États-Unis avant l’ICANN et offrent des services personnalisés.
Google a un DNS en propre dont la racine est identique à celle de l’ICANN, ce qui permet de tracer toutes les pages visitées par les utilisateurs.
La société française Open-Root vend (au lieu de louer) des extensions choisies par les clients. Sa racine contient celle de ses clients, celle de l’ICANN, une racine arabe, la racine chinoise, et quelques autres.
Ces racines sont qualifiées de « racines ouvertes » à la différence de la racine ICANN, qui est fermée aux autres.

Dans cette optique, obser­vons ce modèle éco­no­mique curieux : les uti­li­sa­teurs paient un accès à Inter­net via four­nis­seur d’accès, opé­ra­teurs, regis­treurs, registres, nom de domaine, et fina­le­ment ICANN, qui col­lecte au sommet.

En revanche, l’ICANN ne paie rien pour béné­fi­cier du réseau de DNS dont se servent les uti­li­sa­teurs. Presque tous les opé­ra­teurs de DNS sont des uni­ver­si­tés, labo­ra­toires, centres de recherche, qui four­nissent le ser­vice sur leurs frais généraux.

Ce sont donc les contri­buables qui paient à nou­veau pour finan­cer les DNS. Une socié­té offrant un ser­vice de DNS pri­vé subit alors la concur­rence déloyale de l’ICANN qui uti­lise un ser­vice public gra­tuit à son seul pro­fit sans même payer d’impôt sur ses revenus.

L’effet Snowden

Une diver­si­té de racines intro­duit une concur­rence, avec une meilleure adé­qua­tion aux besoins et aux res­sources des uti­li­sa­teurs. L’objectif majeur de la racine ICANN serait-il de main­te­nir ses capa­ci­tés d’espionnage mon­dial au pro­fit du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain et de ses industriels ?

Rap­pe­lons ici l’affaire Edward Snow­den et, aupa­ra­vant, l’histoire mécon­nue de Mark Klein, ingé­nieur chez ATT, qui avait décou­vert en 2002 qu’une artère majeure de com­mu­ni­ca­tion était copiée vers la NSA.

Ayant quit­té ATT, il a ten­té pen­dant des mois de convaincre des jour­naux de révé­ler cette illé­ga­li­té. Le New York Times a fina­le­ment accep­té après être conve­nu avec le FBI de retar­der d’un an la publi­ca­tion, en 2005. Aucune réac­tion média­tique n’a suivi.

Remous dans l’internet

Aujourd’hui, le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain a d’autres sou­cis, inter­na­tio­naux et natio­naux (dont une élec­tion pré­si­den­tielle en novembre). Aus­si le proche futur pour l’Internet est-il le sta­tu quo.

Le direc­teur géné­ral de l’ICANN a pour­tant réus­si en 2014 à enga­ger le Bré­sil dans un brillant pas­tiche de confé­rence (Net Mun­dial), en pré­lude à une sup­po­sée glo­ba­li­sa­tion de l’ICANN dans le giron du World Eco­no­mic Forum (Davos).

Il céde­ra son siège avant terme en mars, pour un rôle de vice-pré­sident d’une World Inter­net Confe­rence à Wuz­hen, en Chine.

Le réseau Cyclades en 1975

Commentaire

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Jean-Louis Full­sackrépondre
26 février 2016 à 13 h 52 min

Aspects com­plé­men­taires à l’ar­ticle de Louis Pou­zin
Tout d’abord, un grand mer­ci à Louis Pou­zin pour son enga­ge­ment et son sens du par­tage qui sont par­ti­cu­liè­re­ment appré­ciés par la socié­té civile pré­sente au SMSI et qui encou­ragent une bonne par­tie d’entre elle. Pour ma part, trois aspects me semblent inté­res­sants voire utiles pour com­plé­ter ses propos :
– L’avènement de la déré­gle­men­ta­tion du sec­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions à par­tir de 1986 suite au déman­tè­le­ment d’AT&T sous Ronald Rea­gan, repris par Mar­ga­ret That­cher au Royaume-Uni puis impo­sé par l’Union euro­péenne, et pro­mu avec un zèle tout par­ti­cu­lier par l’UIT auprès de tous ses pays membres y com­pris les PeD.
– L’espionnage mas­sif par les Etats-unis et leurs alliés anglo-saxons via le réseau Eche­lon qui a fait l’objet de débats puis d’un Rap­port détaillé du Par­le­ment euro­péen (1997). Il s’appuie sur le « syphon­nage » des réseaux de télé­com­mu­ni­ca­tions, ter­restres et satellitaires.
– La struc­ture du FGI ‑dont la voca­tion sou­li­gnée par Louis Pou­zin est d’émettre des pro­po­si­tions de proposition(s) à l’attention de l’ICANN et des ins­ti­tu­tions mul­ti­la­té­rales concer­nées- est « mul­ti-par­te­na­riale » par déci­sion onu­sienne et résul­tat du com­pro­mis de Tunis (SMSI, 2005). Cette qua­li­fi­ca­tion sti­pule que quatre par­te­naires (sta­ke­hol­der en anglais, un terme rap­pe­lant non sans arrière-pen­sée le sha­re­hol­der ou action­naire) com­posent le FGI. Ce sont, res­pec­ti­ve­ment et selon l’ordre offi­ciel des Nations unies, les orga­ni­sa­tions mul­ti­la­té­rales et régio­nales, les Etats, le Sec­teur pri­vé et la Socié­té civile. Ces « par­te­naires-sha­re­hol­ders » sont cen­sés exer­cer leur fonc­tion de pro­po­si­tion de manière éga­li­taire, en anglais « on equal foo­ting ». Cette illu­sion divise, voire oppose, for­te­ment la socié­té civile en adeptes plus ou moins incon­di­tion­nels du « mul­tis­ta­ke­hol­der­ship » (MSH) d’une part, et scep­tiques ou oppo­sés d’autre part.
26 février 2016
Jean-Louis Fullsack
Direc­teur adjoint hono­raire de France Télécom
Pré­sident de l’ONG CESIR
Accré­di­té au SMSI

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