Innover en réponse aux changements des marchés

Dossier : Automobile, les nouveaux horizonsMagazine N°663 Mars 2011
Par Patrick PÉLATA (74)

REPÈRES

REPÈRES
C’est un lieu com­mun de dire qu’une entre­prise doit inno­ver. Mais elle ne doit pas inno­ver pour le plai­sir de ses ingé­nieurs. Elle ne doit pas déve­lop­per des tech­no­lo­gies pour le plai­sir de les conce­voir, mais pour les vendre. L’in­no­va­tion, c’est d’a­bord être en phase avec les attentes de ses clients. L’in­no­va­tion n’est pas sim­ple­ment tech­no­lo­gique. Elle consiste à être à l’é­coute des mar­chés, être réac­tif, savoir iden­ti­fier les besoins, les ten­dances émer­gentes et mettre les forces d’in­no­va­tion, tech­no­lo­giques ou autres, pour ser­vir ces clients et appor­ter ain­si des réponses nouvelles.

La part des dépenses des ménages consa­crée à l’a­chat d’au­to­mo­biles a bais­sé d’un quart

Des marchés qui changent

Dépenses en recul
Dans les cinq grands pays euro­péens (Alle­magne, France, Royaume-Uni, Ita­lie, Espagne), la part des dépenses des ménages consa­crée à l’a­chat d’au­to­mo­biles a bais­sé d’un quart, pas­sant de 5,2 % à 3,8% entre 1999 et 2008. En clair, non seule­ment les foyers euro­péens achètent moins de voi­tures neuves, mais en plus ils se tournent vers des modèles plus accessibles.

Le mar­ché mon­dial de l’au­to­mo­bile connaît actuel­le­ment une évo­lu­tion hété­ro­gène. 2010, avec près de 70 mil­lions de véhi­cules ven­dus, sera une année record pour notre indus­trie – alors même que les volumes en Europe devraient bais­ser de plus de 5 %. À cette stag­na­tion des volumes dans les mar­chés matures s’a­joute la moindre place accor­dée à l’au­to­mo­bile dans le bud­get des ménages.

Ce phé­no­mène est accé­lé­ré du fait des mesures prises par les pou­voirs publics visant à faire bais­ser le niveau de CO2 émis par les auto­mo­biles. Les sys­tèmes de bonus-malus mis en place dans la plu­part des pays d’Eu­rope ont pour consé­quence de rendre plus coû­teuses les grandes voi­tures, et donc de défor­mer le mar­ché vers les seg­ments d’en­trée de gamme. Ain­si, en dix ans, le poids des seg­ments M2 et S, c’est-à-dire des voi­tures moyennes, hautes et haut de gamme, est pas­sé de 30 % du mar­ché euro­péen à moins de 20%, toutes marques confondues.

Évo­lu­tion des seg­ments en Europe

Un rapport nouveau à l’automobile

Néo­fru­ga­li­té
Dans un contexte éco­no­mique morose, et face à un ave­nir incer­tain, on voit émer­ger ce qu’Ed­gar Morin1 appelle la néo­fru­ga­li­té. Cette atti­tude de rejet de la socié­té d’hy­per­con­som­ma­tion se dif­fuse dans l’en­semble des classes sociales. Tout en haut de l’é­chelle, le luxe n’est plus osten­ta­toire, il tend vers l’é­pure zen. Auprès des classes moins aisées, il s’a­git de don­ner davan­tage de sens à son achat. Renault a mené en 2008 une étude socioeth­no­lo­gique auprès des pro­prié­taires de Logan MCV en Alle­magne. Un ver­ba­tim résume très bien ce rejet de l’hy­per­con­som­ma­tion : « Une des choses que je ne peux plus sup­por­ter, c’est tous les jouets que l’on retrouve dans les pou­belles après Noël. »

Le ralen­tis­se­ment du mar­ché auto­mo­bile en Europe n’est pas uni­que­ment dû à la crise éco­no­mique, il tra­duit une évo­lu­tion plus ten­dan­cielle du rap­port que le consom­ma­teur et le citoyen entre­tiennent avec l’au­to­mo­bile. En effet, l’i­mage de l’au­to­mo­bile est en train de chan­ger dans les pays matures, sous l’in­fluence de pres­sions mul­tiples de plus en plus fortes.

La valeur sociale de l’ob­jet auto­mo­bile est davan­tage mise en cause. Ain­si l’au­to­mo­bile est moins per­çue que par le pas­sé comme un sym­bole de moder­ni­té (« la voi­ture ne figure plus qu’au 17e rang des centres d’in­té­rêt de ces jeunes adultes, loin der­rière l’in­for­ma­tique, les télé­phones por­tables, les jeux vidéo ou la mode » d’a­près un son­dage de l’As­so­cia­tion des construc­teurs japo­nais réa­li­sé en 2009).

L’in­fluence de l’au­to­mo­bile sur le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et l’é­pui­se­ment des réserves natu­relles est davan­tage prise en compte par le client. L’au­to­mo­bile est éga­le­ment sou­mise à des pres­sions qui rendent son uti­li­sa­tion plus contrai­gnante : embou­teillages, radars, prix de l’es­sence. Ain­si en France, 31 % des per­sonnes consi­dèrent désor­mais qu’une voi­ture pré­sente plus d’in­con­vé­nients que d’a­van­tages et ce chiffre a dou­blé entre 2003 et 2007. Il atteint même 43 % pour les 25–34 ans.

Downsizing

Le down­si­zing, c’est le pas­sage, plus ou moins conscient, à « moins de voiture »

Pour une grande majo­ri­té des Euro­péens, l’au­to­mo­bile reste la seule solu­tion de dépla­ce­ment auto­nome envi­sa­geable. Le phé­no­mène de néo­fru­ga­li­té se tra­duit de dif­fé­rentes façons dans le mode de consom­ma­tion auto­mo­bile. Renault a mené une enquête socio­lo­gique en 2009 qui per­met de déga­ger quatre types de comportements.

Pre­mière réac­tion, le déni. Je passe tota­le­ment à côté de cette pres­sion « auto­mo­bile « , voire même, par pro­vo­ca­tion, j’en prends le contre-pied. Il s’a­git là bien sûr d’une réac­tion très minoritaire.

Les trois autres com­por­te­ments peuvent s’ap­pa­ren­ter à ce que l’on nomme le down­si­zing, c’est-à-dire le pas­sage, plus ou moins conscient, à » moins de voi­ture » : des autos plus petites, ou moins équi­pées, ou moins chères.

Nouvelles attitudes

Stop à l’inflation
En lan­çant son nou­veau Sce­nic en 2009, Renault est sor­ti de la boucle infla­tion­niste qui pré­va­lait sur le mar­ché au moment du renou­vel­le­ment d’un modèle : la nou­velle géné­ra­tion a été com­mer­cia­li­sée au même prix que la précédente.

Ain­si, la deuxième réac­tion, c’est l’adap­ta­tion. J’a­chète une voi­ture plus petite, mais j’in­ves­tis davan­tage sur son confort, ses équi­pe­ments. On n’est pas dans le renon­ce­ment mais dans la recherche d’un béné­fice différent.

Ce pas­sage au seg­ment infé­rieur est d’au­tant plus facile que les auto­mo­biles ont signi­fi­ca­ti­ve­ment gran­di ces der­nières années : une Clio actuelle fait presque la taille d’une Mégane du début des années 2000 (et une Polo actuelle fait presque la taille d’une Golf de 1998).

Troi­sième type de réac­tion, la modé­ra­tion. Je vais cher­cher une voi­ture plus petite et plus conforme à mes usages réels. Je passe ain­si d’un code social (ce que ma voi­ture pro­jette en termes d’i­mage) à un code per­son­nel (ce que sont mes valeurs propres, mon besoin réel). Enfin, der­nière réac­tion, l’alter­con­som­ma­tion, c’est-à-dire la sor­tie de l’u­ni­vers auto­mo­bile qui est une atti­tude très mino­ri­taire – seuls les habi­tants des grandes villes pou­vant se per­mettre de renon­cer à l’au­to­mo­bile comme moyen de transport.

Face au down­si­zing, Renault est assez à l’aise. En effet, le Groupe est tra­di­tion­nel­le­ment fort sur les voi­tures petites et moyennes (Twin­go, Clio, Mégane). Sur­tout, notre stra­té­gie de construc­teur inno­vant et popu­laire fait que nous ne conce­vons pas la tech­no­lo­gie comme une fin en soi. Nous ne déve­lop­pons pas des tech­no­lo­gies qui coûtent cher et que per­sonne n’a­chète. C’est le sens de notre signa­ture Eco 2 lan­cée en 2007. En créant des voi­tures éco­lo­giques et éco­no­miques, Renault sou­haite offrir à tous la pos­si­bi­li­té d’être éco­res­pon­sable, sans que cela ne soit un luxe.

Voi­tures plus petites
Envi­ron 20% des achats de véhi­cules neufs en Europe se font sur un seg­ment plus petit que la voi­ture rem­pla­cée. Ce chiffre est d’au­tant plus impor­tant que le mou­ve­ment natu­rel reste d’ac­com­pa­gner sa pro­gres­sion pro­fes­sion­nelle, fami­liale et sociale par l’a­chat de véhi­cules de plus en plus gros.
Ache­ter moins cher
Au glo­bal, nos études montrent que 54% des auto­mo­bi­listes sont prêts à down­si­zer d’une façon ou d’une autre leur futur achat auto­mo­bile : 13% à pas­ser à un seg­ment infé­rieur, 34% à res­ter sur le même seg­ment mais à payer moins cher pour une pres­ta­tion iden­tique, 7% à aller vers un véhi­cule d’occasion.

Une alternative : Dacia

Le suc­cès de Dacia est l’un des révé­la­teurs de cette nou­velle façon de consom­mer l’au­to­mo­bile – où les besoins réels prennent le pas sur la pro­jec­tion du sta­tut social.

La voi­ture doit être plus simple, plus pra­tique, fiable, moins chère à l’a­chat et à l’u­sage. Apple a déve­lop­pé avec Xerox le WYSIWYG (What you see is what you get) pour les ordi­na­teurs per­son­nels. Par ana­lo­gie, on pour­rait dire que Dacia a créé le WYGIWYN (What you get is what you need). Rien de plus. Pas de fan­fre­luches, pas d’é­qui­pe­ment dont on ne se ser­vi­ra pas. La moder­ni­té de Dacia, c’est d’a­voir su sor­tir de la course au sur­équi­pe­ment, d’a­voir eu l’in­tel­li­gence de faire simple.

Refuser le low-cost

Si rou­ler en Dacia, c’est refu­ser l’i­mage de l’au­to­mo­bile sta­tu­taire, ce n’est pas pour autant renon­cer à don­ner un sens à son achat. On constate même une cer­taine forme de fier­té à rou­ler en Dacia – une façon de mon­trer qu’on refuse l’hy­per­con­som­ma­tion et le gas­pillage, que l’on fait des achats malins. C’est ce qui explique le suc­cès des ras­sem­ble­ments Dacia, comme ces pique-niques orga­ni­sés en France qui attirent plus de 7 500 personnes.

La moder­ni­té de Dacia, c’est d’a­voir eu l’in­tel­li­gence de faire simple

Car Dacia, ce n’est pas du low-cost. Il ne s’a­git ni de dégra­der les pres­ta­tions de la voi­ture, ni de rogner sur sa qua­li­té, ni de mettre sur la route des voi­tures pol­luantes. Au contraire : il s’a­git de par­tir du besoin du client et de ne mettre dans la voi­ture que les pres­ta­tions qu’il valo­rise. La sim­pli­ci­té des Dacia rend ces voi­tures robustes et fiables : la marque Dacia se situe à la troi­sième place des véhi­cules les plus fiables2.

Stra­té­gie payante
À tra­vers les chiffres de vente, on constate que cette stra­té­gie est payante et répond à une attente des auto­mo­bi­listes. En France, sur le canal des par­ti­cu­liers – qui repré­sente 95% des ventes de Dacia – San­de­ro était la voi­ture la plus ven­due au pre­mier semestre 2010. Au glo­bal, Dacia est, sur ce canal, la 4e marque en France (der­rière les trois fran­çaises : Renault, Peu­geot et Citroën) et repré­sente près de 10% du mar­ché. Depuis 2004 et le lan­ce­ment de la Logan, 1,2 mil­lion de voi­tures Dacia ont été ven­dues en Europe et dans le pour­tour méditerranéen.
Paral­lèle
Le suc­cès de Dacia n’est pas sans rap­pe­ler celui des super­mar­chés Aldi en Alle­magne. Aldi a su atti­rer toutes les caté­go­ries de la socié­té alle­mande, qui appré­cient le déca­lage avec le monde de l’hy­per­con­som­ma­tion et sont fières de faire des achats « malins ». Aldi a été pen­dant de nom­breuses années la marque pré­fé­rée des Allemands.

Bilan carbone positif

Dacia se situe à la troi­sième place des véhi­cules les plus fiables

Enfin, être une marque abor­dable ne signi­fie pas être une marque pol­luante. Au pre­mier semestre 2010, Dacia arrive ain­si en tête du clas­se­ment des marques émet­tant moins de 140 g de CO2 par kilo­mètre avec 83 % des ventes en des­sous de ce seuil. Ce bilan car­bone est encore plus posi­tif si l’on consi­dère que Dacia per­met à des auto­mo­bi­listes, qui jus­qu’a­lors rou­laient dans des véhi­cules d’oc­ca­sion sou­vent anciens, d’ac­cé­der à un véhi­cule neuf, beau­coup moins polluant.

95 % des ache­teurs de San­de­ro étaient aupa­ra­vant des ache­teurs de véhi­cules d’oc­ca­sion, 60 % des véhi­cules repris par les conces­sion­naires lors de l’a­chat d’un Dus­ter avaient plus de dix ans d’âge.

Part des ventes par marque en des­sous de 140 g de CO
(pre­mier semestre 2010)

Faire simple

Savoir-faire his­to­rique
Com­ment fait-on pour com­mer­cia­li­ser des voi­tures bon mar­ché qui donnent pleine satis­fac­tion à leurs clients ? Comme nous l’a­vons vu, les voi­tures de notre gamme Entry sont pen­sées pour trans­mettre au client la valeur qu’il est prêt à payer pour sa voi­ture, au prix qu’il estime juste. Ce savoir faire de Dacia repose sur le know-how his­to­rique de Renault : la Renault 4 dans les années soixante décoif­fait déjà par rap­port à la concur­rence et le prin­cipe de l’in­no­va­tion utile et acces­sible à tous est ancrée dans l’his­toire des pro­duits Renault. Ce sont les gènes de Renault qui s’ex­priment dans le savoir-faire de Dacia.

En par­tant du besoin du client, nous iden­ti­fions les pres­ta­tions qu’il attend et celles qu’il n’est pas prêt à payer. Fabri­quer à moindre coût c’est, par exemple, ne pas hési­ter à faire du car­ry over, c’est-à-dire à réuti­li­ser des pièces déjà exis­tantes plu­tôt que d’en déve­lop­per de spécifiques.

Grâce à l’al­liance avec Nis­san, Dus­ter béné­fi­cie du savoir-faire de Nis­san en termes de 4 x 4 : la com­mande rota­tive est celle de Qash­qai, le cou­pleur et le pont arrière pro­viennent du Mura­no. Dus­ter par­tage éga­le­ment 50 % des pièces avec San­de­ro (70% en valeur).

Mais ce car­ry over se fait avec dis­cer­ne­ment : l’argent est dépen­sé sur les élé­ments vrai­ment valo­ri­sés par le client – notam­ment le desi­gn, la pra­ti­ci­té et les pres­ta­tions 4 x 4. Et, en défi­ni­tive, on ne peut pas dire que Dus­ter res­semble à Sandero.

Coûts salariaux

Frais com­mer­ciaux réduits
Pour Dacia, les moyens com­mer­ciaux sont limi­tés au juste néces­saire : le prix très bas de nos pro­duits est une publi­ci­té en soi. Les dépenses publi­ci­taires sont donc lar­ge­ment réduites : le coût uni­taire publi­ci­taire sur Dus­ter est divi­sé par deux par rap­port à Sko­da Yeti ou Hyun­dai iX35 dans les prin­ci­paux mar­chés euro­péens. Le prix ultra­com­pé­ti­tif per­met éga­le­ment de sup­pri­mer les remises. Les prix sont « nets », c’est-à-dire qu’il n’y a pas de rabais – des­truc­teurs de marges et d’i­mage de marque.

Bien sûr, il serait impos­sible de vendre à ce prix les Dacia si elles étaient pro­duites dans des pays à hauts coûts de main-d’oeuvre. Les véhi­cules de notre gamme Entry sont fabri­qués dans des pays à bas coûts : Rou­ma­nie, Maroc, Rus­sie, Bré­sil, Colom­bie, Iran. Avec des achats lar­ge­ment » sour­cés » loca­le­ment (82 % de loca­li­sa­tion en Rou­ma­nie, par exemple).

Au-delà des coûts sala­riaux, Dacia béné­fi­cie du savoir-faire de Renault, avec le Renault Pro­duc­tion Way. Cela per­met à l’u­sine de Pites­ti d’être par­mi les meilleures du Groupe en termes de qua­li­té et de flexi­bi­li­té : six caisses dif­fé­rentes sont pro­duites dans cette même usine. L’u­sine étant en tirage, les coûts fixes uni­taires sont éga­le­ment réduits.

Pays émergents

Dans les pays en déve­lop­pe­ment, la dyna­mique est tota­le­ment dif­fé­rente. Le besoin de mobi­li­té est énorme, y com­pris pour de courtes dis­tances, l’in­fra­struc­ture de trans­ports en com­mun est très pauvre, hor­mis les taxis col­lec­tifs, et le résul­tat est une crois­sance extrê­me­ment rapide du mar­ché dès que le prix et le pou­voir d’a­chat des ménages deviennent compatibles.

Quant à ceux qui ne peuvent accé­der à la voi­ture, ils uti­lisent mas­si­ve­ment les taxis (50% du tra­fic en zone cen­trale de Shan­ghai et un peu moins à Pékin) ou des deux-roues moto­ri­sés. Cela montre l’at­trait pour des solu­tions de mobi­li­té à bas coût et le déve­lop­pe­ment mas­sif d’une demande de dépla­ce­ment non satis­faite par les trans­ports publics ni par l’au­to­mo­bile » clas­sique » inabor­dable pour ces caté­go­ries de population.

Véhicules abordables

Une crois­sance extrê­me­ment rapide du mar­ché dès que le prix et le pou­voir d’a­chat deviennent compatibles

La crois­sance du mar­ché auto­mo­bile dans les pays émer­gents porte sur l’en­semble des seg­ments – y com­pris pour les voi­tures de moyenne gamme et les véhi­cules de luxe. Mais la prin­ci­pale source de crois­sance va pro­ve­nir des véhi­cules abor­dables, le plus sou­vent pro­duits loca­le­ment. Dans cette caté­go­rie, il existe deux ten­dances distinctes.

La pre­mière concerne des voi­tures modernes, sûres, fiables et à un prix acces­sible pour les classes moyennes locales. C’est le posi­tion­ne­ment de la gamme Entry de Renault dans ces pays, qui est dif­fé­rent de celui que nous venons de décrire pour l’Eu­rope. Il existe bien sou­vent des véhi­cules moins chers sur ces mar­chés, issus de véhi­cules très anciens et lar­ge­ment amor­tis (des voi­tures dites long-life). Si en Europe San­de­ro est une alter­na­tive au mar­ché du véhi­cule d’oc­ca­sion, au Bré­sil, en Rus­sie ou en Afrique du Sud, San­de­ro est une alter­na­tive aux véhi­cules long-life, et per­met à l’au­to­mo­bi­liste de conduire une voi­ture robuste et moderne, avec une moto­ri­sa­tion sobre et des fini­tions de qualité.


Pique-nique DACIA ©B.Bade Novabox

La seconde ten­dance répond au besoin de dépla­ce­ment véri­ta­ble­ment low-cost, qui offre les basiques de la mobi­li­té auto­mo­bile. Les clients poten­tiels sont alors les conduc­teurs de deux ou trois-roues. Notre pro­jet de voi­ture ultra low-cost avec l’in­dien Bajaj – pro­duc­teur de motos et de tri­por­teurs – vise pré­ci­sé­ment à répondre à ce besoin.

Rompre avec les habitudes

Même si Renault démontre régu­liè­re­ment qu’il sait inno­ver par la tech­no­lo­gie (tur­bo, ouver­ture à dis­tance, com­mande de radio au volant, carte mains libres), Renault sait aus­si iden­ti­fier les ten­dances lourdes des mar­chés et y répondre de manière ori­gi­nale et per­ti­nente – per­ti­nente car profitable.

Cette forme d’in­no­va­tion n’est pos­sible que grâce à des rup­tures dans les habi­tudes et les pro­ces­sus de l’en­tre­prise. Incon­tes­ta­ble­ment, il faut des mana­gers » hors normes » capables d’en­traî­ner les équipes dans des che­mins de tra­verse, sans jamais renon­cer aux fon­de­ments de ces inno­va­tions. Téna­ci­té, obs­ti­na­tion des mana­gers, mais aus­si des stra­tèges vision­naires qui savent prendre des déci­sions à contre-cou­rant. Dans le cas de Renault, Louis Schweit­zer a su prendre la déci­sion de la com­mer­cia­li­sa­tion de Dacia en Europe de l’Ouest. Renault lui en sait gré aujourd’hui.

Par­ti­ci­per à de telles aven­tures est un défi pas­sion­nant pour les équipes. J’en ai fait l’ex­pé­rience avec le pro­jet Twin­go qui était une inno­va­tion de rup­ture. Ce fut un des moments forts de ma car­rière. L’a­ven­ture dans laquelle Renault s’est lan­cé en 2006–2007, en se posi­tion­nant en pion­nier du véhi­cule élec­trique de grande série, en est assu­ré­ment un autre.

Deux mil­liards de véhi­cules en 2025
Si, en 1990, 82% des voi­tures neuves se ven­daient aux USA, en Europe ou au Japon, elles n’é­taient plus que 62 % en 2007, avant la crise, et 51 % en 2009. En paral­lèle, les ventes au Bré­sil, en Rus­sie, en Inde et en Chine (les BRIC) ont été mul­ti­pliées par 4 ces dix der­nières années, et repré­sentent désor­mais un tiers des ventes de voi­tures dans le monde. De fait, la crois­sance du mar­ché auto­mo­bile se fait pour l’es­sen­tiel, depuis déjà vingt ans, hors des mar­chés matures. Le résul­tat de ces dyna­miques est clair : il y a plus d’un mil­liard de voi­tures sur la pla­nète3 aujourd’­hui, et nous sommes sur un rythme qui conduit à un parc mon­dial de plus de deux mil­liards en 2025 avec un parc chi­nois qui serait, alors, équi­valent au parc américain.

1. Pour une poli­tique de civi­li­sa­tion, Paris, Arléa (2002).

2. Selon une enquête euro­péenne indé­pen­dante menée en 2009 auprès de 26 000 clients en Europe médi­ter­ra­néenne (France, Ita­lie, Espagne, Por­tu­gal), parue dans Que Choi­sir en jan­vier 2010.

3. Esti­ma­tion COE-Rexe­code de juin 2009.

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