Guy Dejouany (40) :

Dossier : ExpressionsMagazine N°671 Janvier 2012Par : Antoine FRÉROT (77) président-directeur général de Veolia Environnement

Guy DEJOUANYNé en 1922, reçu à l’École poly­tech­nique en 1940, Guy Dejoua­ny entra à la Com­pa­gnie géné­rale des eaux en 1950 et en fut l’emblématique pré­sident de 1976 à 1996. Sous sa direc­tion, cette mai­son cen­te­naire connut une expan­sion ful­gu­rante dans les métiers de l’environnement, les tra­vaux publics et la communication.

Il la trans­for­ma en lea­der mon­dial, mul­ti­pliant par sept son chiffre d’affaires, et lui don­na l’envergure cor­res­pon­dant au poten­tiel de ses métiers. Cette poli­tique se révé­la d’une fécon­di­té excep­tion­nelle, puisque la Com­pa­gnie géné­rale des eaux don­na nais­sance à plu­sieurs fleu­rons de l’économie fran­çaise : Veo­lia envi­ron­ne­ment, Viven­di, Vin­ci, Nexi­ty, Géné­rale de santé.

Un visionnaire

S’il fut un très grand pro­fes­sion­nel des métiers de ser­vice public, il fut en même temps recon­nu comme un vision­naire. Un éloge jus­ti­fié car il était, au fond, un explo­ra­teur des ser­vices du futur. Tout en étant P‑DG, il res­ta un ingé­nieur des Ponts et Chaus­sées pas­sion­né par les inno­va­tions tech­no­lo­giques et les grands ouvrages. L’inauguration d’une usine, d’un pont ou d’un édi­fice fai­sait sa fierté.

L’audace et l’imagination

Décé­dé en novembre der­nier, celui qui fut l’un des plus grands capi­taines d’industrie fran­çais nous lègue deux ensei­gne­ments majeurs.

Guy Dejoua­ny ne fut pas seule­ment l’homme des périodes fastes, il fut aus­si l’homme des temps dif­fi­ciles, notam­ment lorsque l’État ten­ta de s’approprier la Com­pa­gnie géné­rale des eaux et de la déna­tu­rer. Il la défen­dit avec éner­gie et lui per­mit de demeu­rer maî­tresse de son destin.

L’audace stra­té­gique, d’abord, car s’il culti­vait la dis­cré­tion, il culti­vait sur­tout l’audace. Secret mais entre­pre­nant, il n’hésita pas à prendre des risques dif­fi­ci­le­ment conce­vables aujourd’hui : la créa­tion de Canal +, alors que per­sonne ne croyait à l’avenir des médias payants ; le lan­ce­ment de SFR, pre­mier réseau de radio­té­lé­pho­nie pri­vée, n’hésitant pas à affron­ter la toute-puis­sance de France Télécom.

L’imagination per­ma­nente, ensuite : pour lui, le rôle de l’entrepreneur était avant tout de créer.

Sans cesse en éveil

Mais ce qui était le plus fas­ci­nant en lui, c’était l’homme. Guy Dejoua­ny, c’était avant tout une pré­sence, un regard sans cesse en éveil sur le monde d’aujourd’hui et celui de demain. Il sti­mu­lait les intel­li­gences, pas­sant avec une agi­li­té décon­cer­tante du détail à la vue d’ensemble, de la ques­tion à la réflexion, de la réflexion à la décision.

Le rôle de l’entrepreneur est avant tout de créer

Il ne détes­tait rien tant que le conten­te­ment de soi, la mai­greur de l’ambition, les ana­lyses étri­quées, le manque de vision. Doté d’une mémoire ency­clo­pé­dique, il se révé­lait un homme de grande culture : ama­teur de lit­té­ra­ture, pas­sion­né de musique, amou­reux du ciné­ma, éper­du de pein­ture, fana­tique de football.

Un personnage de l’histoire industrielle

Sous des dehors par­fois dérou­tants, impres­sion­nants ou durs, Guy Dejoua­ny était aus­si un huma­niste : il se mon­trait pro­fon­dé­ment atten­tif à ses col­la­bo­ra­teurs, les aidant à deve­nir davan­tage eux-mêmes. Le rôle d’un patron consiste avant tout à insuf­fler un élan, à inci­ter cha­cun à aller jusqu’au bout de soi et de sa mis­sion créa­trice dans l’entreprise. Guy Dejoua­ny sut être ce patron.

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