Groupes et marques

Dossier : Automobile, les nouveaux horizonsMagazine N°663 Mars 2011
Par Claude SATINET (64)

REPÈRES
Si plus de 300 marques d’au­to­mo­biles ont vu le jour en Europe, on en compte aujourd’­hui moins d’une tren­taine signi­fi­ca­ti­ve­ment connue. Vingt-deux d’entre elles appar­tiennent à des groupes qui repré­sentent la qua­si-tota­li­té de la pro­duc­tion » euro­péenne « . Une concen­tra­tion qui s’ex­plique autant par des impé­ra­tifs indus­triels que des impé­ra­tifs com­mer­ciaux : com­mu­ni­quer sur la marque et offrir un réseau de dis­tri­bu­tion dense.

500 mil­lions de véhi­cules, c’est plus d’un mil­liard de per­sonnes en contact régu­lier avec l’automobile

La dimen­sion indus­trielle du sec­teur auto­mo­bile – nombre d’emplois et poids éco­no­mique – ne doit pas occul­ter l’im­por­tance des clients. Car 500 mil­lions de véhi­cules rou­lants, c’est plus d’un mil­liard de per­sonnes en contact régu­lier avec l’au­to­mo­bile, sans comp­ter ceux qui sou­hai­te­raient être ache­teur mais n’en ont pas (encore ?) la possibilité.

Leurs choix sont gui­dés par les élé­ments dont elles dis­posent : cer­tains sont maté­riels, d’autres le sont moins, cer­tains sont objec­tifs, d’autres sont plus subjectifs.

Parc roulant

Le pre­mier élé­ment maté­riel de contact d’un construc­teur avec l’en­semble du public est consti­tué par son parc rou­lant : à condi­tion de faci­le­ment asso­cier un véhi­cule à un construc­teur. On est aidé en cela par l’ha­bi­tude qu’ont, depuis long­temps, les construc­teurs d’in­di­quer sur leurs pro­duits un nom ou un logo ; mais l’at­tri­bu­tion est loin d’être par­faite notam­ment pour les logos.

Chaque construc­teur consi­dère que son nom et son logo sont bien connus de tous, cer­tains n’hé­sitent pas à en chan­ger sans se pré­oc­cu­per de la continuité.

Attributs clés

Approches oppo­sées
En matière de marques et logos, on peut obser­ver une grande dif­fé­rence entre Peu­geot qui fait évo­luer par étapes suc­ces­sives soi­gnées et pru­dentes le gra­phisme de son lion et Gene­ral Motors qui, bru­ta­le­ment, rem­place Dae­woo par Che­vro­let aban­don­nant le parc rou­lant Dae­woo comme support

À ce parc rou­lant cha­cun va attri­buer, plus ou moins consciem­ment, un cer­tain nombre de carac­té­ris­tiques. La pre­mière est la den­si­té rela­tive dans la région du monde concer­née qui sera pour beau­coup la seule indi­ca­tion sur la taille du construc­teur. L’ap­pré­cia­tion dépen­dra beau­coup de la zone concer­née. Ensuite, le nombre de modèles en cir­cu­la­tion reflé­te­ra la richesse de l’offre. Quant à la qua­li­té, le prin­ci­pal fac­teur d’ap­pré­cia­tion sera l’é­tat appa­rent de ces véhi­cules (et éven­tuel­le­ment le nombre de véhi­cules en panne) : il est sou­vent éloi­gné des indi­ca­teurs mesu­rés en sor­tie d’u­sine qui servent de guide à nombre de direc­tions Qualité.

La consti­tu­tion de ce parc est très variable : accu­mu­la­tion des ventes de véhi­cules neufs de moins de quatre ou cinq ans dans les zones les plus favo­ri­sées ; véhi­cules ayant jus­qu’à douze à quinze ans dans beau­coup d’en­droits ; et, des cas extrêmes, parc figé depuis plu­sieurs décen­nies suite à un chan­ge­ment poli­tique fort.

On com­prend aus­si pour­quoi il peut y avoir une très grande dif­fé­rence d’ap­pré­cia­tion, pour un construc­teur don­né, entre un obser­va­teur moyen sen­sible au parc rou­lant, un expert éco­no­mique bien infor­mé sen­sible à la pro­duc­tion réelle actuelle et un jour­na­liste spé­cia­li­sé sen­sible aux der­nières annonces de pro­duits futurs.

Réseaux de distribution

Taxis Mer­cedes
L’in­fluence du pro­prié­taire ou de l’u­ti­li­sa­teur est un élé­ment sub­jec­tif impor­tant dans l’ap­pré­cia­tion du parc rou­lant. Si on peut faci­le­ment asso­cier, à un endroit don­né, un construc­teur à une caté­go­rie socio­pro­fes­sion­nelle locale il y a auto­ma­ti­que­ment une modi­fi­ca­tion de l’ap­pré­cia­tion du construc­teur et de ses véhi­cules. Un exemple est la posi­tion forte de Mer­cedes dans les taxis qui lui donne une image de soli­di­té et d’endurance.

Pour un client, l’a­chat d’un véhi­cule est un achat impor­tant par son mon­tant et par son rôle dans la vie ; il sou­haite prendre contact avec l’ob­jet avant achat et il attend un mini­mum de for­ma­tion lors de la livrai­son. Il faut donc un réseau de points de vente avec du per­son­nel for­mé et des ins­tal­la­tions pour assu­rer la pré­sen­ta­tion et la dis­tri­bu­tion des produits.

De plus, il faut un réseau de points d’en­tre­tien avec du per­son­nel qua­li­fié et des moyens. L’i­mage de ces réseaux varie selon les zones où l’on se place mais elle consti­tue un élé­ment d’é­va­lua­tion du construc­teur concer­né, avec les mêmes pro­blèmes d’i­den­ti­fi­ca­tion à un construc­teur que pour les véhicules.

Information et communication

Inter­net change la donne
Il est tou­jours impor­tant pour un construc­teur de com­prendre com­ment se fabrique un consen­sus autour d’une image ; on a vu ces der­niers mois Toyo­ta, modèle de qua­li­té, pas­ser bru­ta­le­ment de posi­tif à néga­tif à cause d’une série d’in­ci­dents tech­niques sup­po­sés ; le pas­sage inverse de néga­tif à posi­tif est aus­si pos­sible mais dans ce cas il est tou­jours long. La mul­ti­pli­ca­tion des blogs et des forums sur Inter­net méritent un sui­vi tout particulier.

Il s’a­git de toute une série de flux d’in­for­ma­tions plus ou moins contrô­lés par le construc­teur. Les pos­ses­seurs de véhi­cules d’un construc­teur sont un vec­teur impor­tant de trans­mis­sion d’in­for­ma­tions ; ils ont géné­ra­le­ment une opi­nion plus favo­rable de leur véhi­cule que les non-pos­ses­seurs, ils sont prêts à la faire par­ta­ger et à défendre leur choix. C’est un sup­port très posi­tif pour peu qu’on lui donne des motifs de fierté.

La publi­ci­té est évi­dem­ment le sup­port le mieux contrô­lé par le construc­teur mais son effi­ca­ci­té et son conte­nu sont tou­jours discutés.

Les pos­ses­seurs de véhi­cules sont un vec­teur impor­tant de trans­mis­sion d’informations

La com­mu­ni­ca­tion (comptes ren­dus d’es­sais, articles com­pa­ra­tifs, etc.) dans les médias est aus­si un sup­port impor­tant, en prin­cipe non contrô­lé par le construc­teur, même si elle peut être sus­ci­tée par l’or­ga­ni­sa­tion d’o­pé­ra­tions de communication.

Le sport auto­mo­bile est aus­si un bon sup­port de com­mu­ni­ca­tion, à condi­tion de gagner bien sûr. Il s’a­dresse à un public spé­ci­fique, sou­vent jeune, et tou­jours consi­dé­ré par son entou­rage comme une source de conseils de bonne qualité.

Gammes de modèles

Âge des modèles
Un cri­tère d’ap­pré­cia­tion d’une gamme est l’âge des modèles pro­po­sés, sachant que, comme tout pro­duit, les auto­mo­biles ont des cycles de vie avec une période de crois­sance, puis une période d’ef­fi­ca­ci­té maxi­male et ensuite une période de déclin. Avoir une gamme de modèles plus jeune que celle d’un concur­rent est un avan­tage à cou­ver­ture iden­tique si les modèles sont bons puisque cela retarde les périodes de déclin et le risque lié au renou­vel­le­ment mais c’est un désastre si les modèles fonc­tionnent mal car il fau­dra attendre les renou­vel­le­ments pour retrou­ver un meilleur poten­tiel de vente.

La liste des modèles et ver­sions dis­po­nibles à la vente est un élé­ment clé. C’est celui sur lequel l’ac­tion est la plus facile et la plus rapide : c’est le résul­tat de déci­sions internes et sur une période de dix ans envi­ron elle est com­plè­te­ment renouvelée.

Le pre­mier cri­tère pour appré­cier la qua­li­té d’une gamme de modèles est la cou­ver­ture du mar­ché, qu’on peut défi­nir comme le pour­cen­tage du mar­ché consti­tué par les seg­ments où la gamme du construc­teur concer­né est pré­sente. Contrai­re­ment à l’ap­pa­rente pré­ci­sion c’est une notion assez sub­jec­tive, la cou­ver­ture de mar­ché étant fonc­tion de la seg­men­ta­tion rete­nue. Cette quan­ti­fi­ca­tion est aus­si fonc­tion du mar­ché géo­gra­phique consi­dé­ré. Mal­gré ce carac­tère sub­jec­tif, c’est le cri­tère qui défi­ni­ra le mieux le poten­tiel de vente d’une gamme. Cela est d’au­tant plus vrai qu’on est ame­né à uti­li­ser un décou­page mini­mum par sil­houettes, par type de moto­ri­sa­tion, etc.

Marques

His­to­ri­que­ment il n’y a pas de dif­fé­rence impor­tante entre construc­teur et marque

Au départ, l’offre s’est consti­tuée grâce à de petits construc­teurs qui ont com­men­cé par un modèle en petite quan­ti­té. Ceux qui ont réus­si ont pro­gres­si­ve­ment élar­gi leur offre avec plu­sieurs modèles ; ils ont créé des réseaux de conces­sion­naires et déve­lop­pé leur noto­rié­té par la publi­ci­té. C’est natu­rel­le­ment que sont appa­rus les élé­ments consti­tu­tifs d’une marque. His­to­ri­que­ment il n’y a pas de dif­fé­rence impor­tante entre construc­teur et marque, d’ailleurs on constate que la marque est sou­vent le nom du fondateur.

Mais les marques n’ont pas toutes eu la même évo­lu­tion (beau­coup ont dis­pa­ru) et même aujourd’­hui des dif­fé­rences demeurent.

Facteurs d’échec

Gom­mer une mau­vaise image
Sou­ve­nons-nous : la pre­mière vague de voi­tures japo­naises arri­vant en Europe à la fin des années soixante était d’une qua­li­té désas­treuse. Elles ont dû se reti­rer et attendre vingt ans pour reve­nir. Leur sur­vie pen­dant ces vingt ans résulte de la pro­tec­tion dont elles dis­po­saient sur leur mar­ché natio­nal. Bien sûr les meilleures n’ont pas mis vingt ans pour s’ins­tal­ler au bon niveau de qua­li­té mais il leur fal­lait lais­ser le temps gom­mer leur mau­vaise image.

Les pre­miers fac­teurs d’é­chec sont l’ab­sence de qua­li­té et les prix de revient trop éle­vés ; rien d’o­ri­gi­nal à cela mais les clients sup­portent de moins en moins les défauts et ne tolèrent plus les pannes. La ren­ta­bi­li­té insuf­fi­sante réduit la capa­ci­té d’in­ves­tis­se­ment et conduit soit à ralen­tir le renou­vel­le­ment de la gamme soit à rétré­cir cette gamme et donc tou­jours à la rendre moins sédui­sante. Comme les appré­cia­tions sont en niveau rela­tif on ne peut pas dire qu’il est impos­sible d’é­vi­ter ces causes d’é­chec, il suf­fit d’a­voir les com­pé­tences tech­niques per­met­tant de conce­voir et de pro­duire des véhi­cules com­pé­ti­tifs en qua­li­té et en coût.

On a volon­tai­re­ment grou­pé qua­li­té et prix de revient pour sou­li­gner que ce ne sont pas des objec­tifs obli­ga­toi­re­ment contra­dic­toires : une bonne maî­trise de la concep­tion au départ per­met à la fois une bonne qua­li­té et un prix de revient com­pé­ti­tif, par contre si on doit modi­fier la concep­tion ini­tiale pour atteindre les objec­tifs de qua­li­té on est cer­tain d’aug­men­ter le prix de revient.

Définir une gamme

Sui­veur agile
La défi­ni­tion d’une gamme peut être lar­ge­ment faci­li­tée si on a un concur­rent qui a bien réus­si cet éta­ge­ment (ne pas hési­ter à copier) ou si on per­çoit des résul­tats moins bons d’un autre concur­rent jus­ti­fiés par une mau­vaise répar­ti­tion (inutile de répé­ter les erreurs identifiées).

La défi­ni­tion d’une gamme est assez aisée, à condi­tion de bien poser les ques­tions de base : quels seg­ments du mar­ché veut-on cou­vrir ? Com­bien de modèles dif­fé­rents aura-t-on pour cela (capa­ci­té d’in­ves­tis­se­ment) ? Quelle est la situa­tion actuelle sur cette par­tie de mar­ché ? Quelle base de clien­tèle a‑t-on ? Quels sont les concur­rents à suc­cès ? Quelle part de mar­ché veut-on atteindre ? Il faut y répondre sans oublier qu’il s’é­coule quelques années entre la déci­sion de faire et la matu­ri­té com­mer­ciale d’un modèle, et le mar­ché change.

Ensuite, on cherche les meilleures réponses pos­sibles en don­nant un maxi­mum de cohé­rence aux réponses. Si on a, par exemple, plu­sieurs modèles de ber­lines il faut éta­ger leur taille pour cou­vrir la zone la plus large sans lais­ser de trop grands espaces entre les modèles.

Fidélisation et positionnement

Aston Mar­tin DB5.

Si on a une base de clien­tèle impor­tante il faut s’as­su­rer que l’on offre bien à chaque client une pos­si­bi­li­té de renou­vel­le­ment dans la gamme. Évi­dem­ment cela impose une cer­taine conti­nui­té dans l’offre et dans ses carac­té­ris­tiques : impos­sible de pas­ser bru­ta­le­ment d’une offre de ber­line clas­sique et spa­cieuse à une ber­line spor­tive et com­pacte sans dérou­ter sa base de clien­tèle et ris­quer de la perdre.

Et il est plus facile de perdre un client fidèle que de conqué­rir un client de la concur­rence. Si on iden­ti­fie un modèle concur­rent inté­res­sant et si on veut aller sur le même seg­ment il ne faut pas for­cé­ment prendre les options contraires des siennes : on va s’en démar­quer mais ce n’est pas une garan­tie de suc­cès. Par exemple pour les ber­lines de taille moyenne ou grande, les modèles alle­mands repré­sentent l’ar­ché­type : les ten­ta­tives d’al­ler ailleurs avec des ber­lines hautes ont été des échecs.

Les modèles d’une gamme doivent avoir un air de famille suf­fi­sant pour qu’on le per­çoive mais quand ils se res­semblent trop, comme s’ils étaient le résul­tat d’une homo­thé­tie, on a des dif­fi­cul­tés. L’a­che­teur doit être séduit par le modèle qu’il choi­sit et il veut pou­voir le recon­naître faci­le­ment par­mi les autres de la gamme.

Les Groupes

Limites com­mer­ciales
Une marque vou­lant répondre seule à l’en­semble des offres exis­tantes (en sup­po­sant qu’elle ait les moyens finan­ciers de le faire) bute­rait sur l’im­pos­si­bi­li­té d’a­voir des sho­wrooms pour expo­ser tous ses modèles ou d’a­voir les ven­deurs com­pé­tents pour pré­sen­ter cette offre. Chaque point de vente ferait un extrait de la gamme (le sien) avec ce qu’il vend le plus faci­le­ment et donc la marque ne pour­rait pas réel­le­ment tirer pro­fit de ses efforts.

Même si on a par­fai­te­ment réus­si à répondre à toutes les ques­tions logiques, à anti­ci­per les goûts futurs des clients, à avoir le meilleur réseau de dis­tri­bu­tion il y a une limite au poten­tiel d’une marque qui lui inter­dit d’a­voir 100% du marché.

En effet, comme dans d’autres sec­teurs, on voit s’en­ri­chir l’offre avec la mul­ti­pli­ca­tion des modèles, la mul­ti­pli­ca­tion des moteurs et des équi­pe­ments pour s’ap­pro­cher le plus pos­sible des sou­haits des clients, ce qui est trop pour une seule marque.

Se démar­quer d’un concur­rent n’est pas une garan­tie de succès

La solu­tion à ce besoin de crois­sance est la créa­tion d’une ou plu­sieurs autres marques à l’in­té­rieur d’un même groupe indus­triel et finan­cier. Mais quand on dit créer une marque nou­velle c’est bien la doter de tous ses attri­buts : un réseau, une gamme de modèles etc. On peut accé­lé­rer ce pro­ces­sus (ou l’i­ni­tier) si on a l’op­por­tu­ni­té de prendre le contrôle d’une marque existante.

La ques­tion se pose notam­ment pour la créa­tion d’un réseau qui est extrê­me­ment coû­teuse tant qu’on ne l’a pas doté d’une gamme com­plète. On peut citer comme exemple le rachat par Peu­geot de Chrys­ler Europe en 1978. Chrys­ler n’a­vait pas de pro­duits inté­res­sants, son outil indus­triel était dis­cu­table mais il avait un réseau beau­coup plus impor­tant que celui de Peu­geot et com­plé­men­taire, sauf en France.

Noms de voiture
Une gamme doit être faci­le­ment com­pré­hen­sible. Peu­geot a réus­si pen­dant soixante-dix ans à repé­rer ses modèles avec ses numé­ros à trois chiffres d’une manière remar­quable : tout le monde savait que 305 était une voi­ture située en taille entre 205 et 405, qu’elle rem­pla­çait 304 et qu’un jour elle serait rem­pla­cée par 306. Hélas, c’est plus dif­fi­cile de se retrou­ver dans ses numé­ros aujourd’­hui. L’i­den­ti­fi­ca­tion par des noms est certes plus poé­tique mais plus déli­cate car il n’y a pas de clas­se­ment natu­rel et seul le temps, la conti­nui­té des appel­la­tions et le volume ven­du (parc rou­lant) nous font rete­nir qu’une Mégane est plus grosse qu’une Clio et plus petite qu’une Lagu­na. La meilleure solu­tion aujourd’­hui est pro­ba­ble­ment celle de Audi qui donne des chiffres de 1 à 8 pour la taille et des lettres pour des familles homo­gènes : A ber­lines et déri­vés, R ver­sions spor­tives, Q pour les SUV, garan­tis­sant sa lisi­bi­li­té sans limi­ter sa créativité.

Composants communs

Échecs et marques
On a eu une illus­tra­tion de l’im­por­tance des marques. Ford Europe a ces­sé de com­mer­cia­li­ser ses plus grosses ber­lines après le rachat de Jaguar et Vol­vo esti­mant qu’un client Ford mon­tant en gamme allait évi­dem­ment les choi­sir pour res­ter dans le même groupe. Natu­rel­le­ment GM a agi de même avec Saab. L’é­chec a aus­si été par­ta­gé par les deux groupes et c’est encore presque ensemble, mais après plus de dix ans de pertes, qu’ils ont reven­du. Il est vrai que Ford et GM avaient une vision bizarre des marques quand ils consti­tuaient les gammes d’une marque en rebap­ti­sant les modèles d’une autre.

Le fait d’a­voir plu­sieurs marques dans un groupe est inté­res­sant si on orga­nise bien la mise en com­mun des com­po­sants, des sites indus­triels et de toutes les res­sources pos­sibles : c’est le moyen de béné­fi­cier des effets de volume.

La fameuse notion de volume mini­mum en réa­li­té doit s’ap­pli­quer sur les com­po­sants et les déve­lop­pe­ments, pas sur des nombres de véhi­cules. Il y a tou­te­fois un risque d’al­ler trop loin si on inter­dit toute dif­fé­ren­cia­tion, si on rap­proche trop les struc­tures de dis­tri­bu­tion des pro­duits même sans aller jus­qu’à par­ta­ger les réseaux.

La grande ten­ta­tion pour les diri­geants d’un groupe est de pen­ser que le public le per­çoit comme acteur et que ses marques sont trans­pa­rentes, c’est l’in­verse : le public per­çoit les marques et se sou­cie peu de leur appar­te­nance à un groupe.

Une seule marque dans un groupe limite la pos­si­bi­li­té d’ap­pro­cher des clients différents

Une illus­tra­tion posi­tive a été don­née par les diri­geants de Peu­geot lors du rachat de Citroën avec leur déci­sion de main­te­nir l’in­dé­pen­dance et la per­son­na­li­té des deux marques, déci­sion main­te­nue jus­qu’en 2007 mal­gré par­fois de fortes pres­sions contraires.

Comme exemple extrême, il faut saluer la vision stra­té­gique du groupe VAG qui au milieu des années quatre-vingt s’est retrou­vé avec un même réseau pour Volks­wa­gen et Audi et qui a déci­dé de le sépa­rer en deux mal­gré l’op­po­si­tion de ses conces­sion­naires. Il a pro­po­sé à cha­cun de dédou­bler ses ins­tal­la­tions (à volume constant) et en cas de refus il a nom­mé un autre opé­ra­teur. C’est évi­dem­ment le seul moyen de pré­sen­ter des gammes aus­si riches que les leurs et de pra­ti­quer des posi­tion­ne­ments de prix dif­fé­rents entre les deux marques.

Instruments de conquête

Cas d’é­cole
Il n’est pas éton­nant d’ap­prendre que, cette année en Europe, Hyun­dai a dou­blé Toyo­ta : on voit l’ef­fi­ca­ci­té des deux marques de Hyun­dai (avec Kia) contre la seule marque Toyo­ta ; Lexus est sur un ter­rain dif­fé­rent et n’est pas une alter­na­tive aux modèles de Toyota.

Les marques consti­tuent les moyens d’ac­tion des groupes et pour que le fonc­tion­ne­ment soit bon il faut que les ache­teurs puissent se recon­naître dans la marque qu’ils choi­sissent. C’est le seul moyen pour un groupe de conqué­rir des clients ayant des besoins dif­fé­rents, des modes de vie dif­fé­rents sans leur don­ner l’im­pres­sion de les trahir.

Une seule marque dans un groupe limite la pos­si­bi­li­té d’ap­pro­cher des clients dif­fé­rents, il faut donc accep­ter d’a­voir des marques qui sont concur­rentes entre elles parce qu’il faut offrir ces choix alter­na­tifs ; c’est une orga­ni­sa­tion qui choque beau­coup d’in­gé­nieurs parce qu’elle paraît créer des coûts sup­plé­men­taires. C’est vrai, mais il y a aus­si des ventes supplémentaires.

L’ef­fi­ca­ci­té tech­nique et indus­trielle doit por­ter sur la concep­tion des modèles, com­ment par­ta­ger le maxi­mum de com­po­sants en fai­sant des modèles dif­fé­rents, com­ment dif­fé­ren­cier l’as­pect à moindre coût, com­ment réduire les prix de revient et les coûts de conception ?

Qui va gagner ?

Dans un monde en évo­lu­tion rapide, il serait bien impru­dent de clas­ser les groupes exis­tants entre per­dants et gagnants avant tout parce que le résul­tat dépen­dra des stra­té­gies choi­sies et donc de déci­sions internes et pas du hasard. Bien sûr il y a pro­ba­ble­ment des cas déjà déses­pé­rés mais le pire n’est jamais cer­tain et Rover nous a mon­tré que la mort était lente.

Les groupes gagnants sau­ront gérer au mieux leurs marques en per­met­tant à cha­cune de se com­por­ter comme une marque à suc­cès et à forte per­son­na­li­té face à ses clients tout en obte­nant la meilleure effi­ca­ci­té tech­nique et indus­trielle par la com­pé­tence en concep­tion et en production.

Poster un commentaire