Grands vins de Pomerol

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°550 Décembre 1999Rédacteur : Laurens DELPECH

Avec 730 hec­tares, Pome­rol est la plus petite des grandes régions viti­coles du Bor­de­lais et n’a jamais connu de clas­se­ment, ce dont les prin­ci­paux pro­duc­teurs s’accommodent d’ailleurs fort bien, car il existe une clas­si­fi­ca­tion offi­cieuse fon­dée sur la qua­li­té, les réus­sites pas­sées et les prix, en géné­ral éle­vés, en rai­son de la rare­té et d’une forte demande. Comme Saint-Émi­lion, Pome­rol fut en effet super­be­ment igno­ré par les cour­tiers de Bor­deaux qui réa­li­sèrent le clas­se­ment de 1855, dont on sait qu’il ne concerne pour les vins rouges que le seul Médoc, avec l’unique et pres­ti­gieuse excep­tion de Haut-Brion.

En fait, les vins de Pome­rol n’ont vrai­ment com­men­cé à connaître le suc­cès et la renom­mée qu’après la Deuxième Guerre mon­diale. Cette obs­cu­ri­té his­to­rique s’explique par les faibles dimen­sions de la région et par son rela­tif iso­le­ment. Les prin­ci­pales pro­prié­tés ne comptent en géné­ral que quelques hec­tares, avec une faible pro­duc­tion de bou­teilles en com­pa­rai­son avec le Médoc ou même les Graves. La séduc­tion exer­cée par les vins de Pome­rol tient à leur carac­tère aimable, sen­suel, souple et frui­té, lar­ge­ment dû au cépage qui repré­sente au moins 75% de leur pro­duc­tion, le mer­lot, lequel donne des vins très char­meurs, onc­tueux, au bou­quet intense de fruits rouges, de truffe et de moka ; des vins qui sont agréables jeunes mais se boni­fient en vieillissant.

Pome­rol, c’est vrai­ment la ren­contre d’un cépage et d’un ter­roir, car nulle part au monde le mer­lot n’exprime aus­si bien son poten­tiel que sur ce petit ter­roir de 4 kilo­mètres de long et de 3 kilo­mètres de large qui consti­tue un ensemble géo­lo­gique unique. C’est en effet la com­bi­nai­son d’un micro­cli­mat excep­tion­nel avec des graves de sur­face et un sous-sol d’argile inté­grant des oxydes de fer qui en fait un ter­roir excep­tion­nel, le lieu pri­vi­lé­gié d’expression du cépage mer­lot. À Pome­rol, le roi mer­lot est sur ses terres. Les plus grands châ­teaux de l’appellation ont une pro­duc­tion qui est une remar­quable illus­tra­tion de l’éclat et de la vita­li­té de ces très grands vins de merlot.

Châ­teau Petrus est un des plus célèbres vins de Bor­deaux et sans conteste le plus célèbre des Pome­rol dont il repré­sente bien l’archétype : c’est un vin séveux, rond et velou­té avec des arômes de cas­sis, de vio­lette et de truffe. Petrus, c’est l’histoire d’une pas­sion ou plu­tôt de deux pas­sions, celle de Mme Lou­bat d’abord, “ La grande dame de Pome­rol ” qui fut pro­prié­taire du châ­teau jusqu’à sa mort en 1961 et qui “ inven­ta ” Petrus. Celle de Jean-Pierre Moueix ensuite, qui rache­ta en 1965 les parts d’un héri­tier de Mme Lou­bat et sut main­te­nir et déve­lop­per la répu­ta­tion du domaine. Petrus est actuel­le­ment diri­gé par Chris­tian Moueix, le fils de Jean-Pierre Moueix et vini­fié par Jean-Claude Berrouet.

Les rai­sons de la qua­li­té excep­tion­nelle de Petrus sont au nombre de quatre : c’est le seul vignoble de Pome­rol entiè­re­ment consti­tué d’argile, y com­pris dans ses couches supé­rieures. Sa situa­tion sur le som­met du pla­teau de Pome­rol lui per­met de rece­voir les rayons du soleil pen­dant toute la jour­née. L’âge moyen des vignes est supé­rieur à 35 ans. L’encépagement est consti­tué à 95% de mer­lot et 5% de caber­net franc et il arrive très sou­vent qu’on n’utilise que le mer­lot pour faire Petrus. Petrus n’a qu’un défaut : la super­fi­cie limi­tée de la pro­prié­té (11,42 ha), l’âge éle­vé des vignes ne per­met de faire que 40 000 bou­teilles par an de ce vin que le monde entier s’arrache…

Comme son nom l’indique, Châ­teau Lafleur-Petrus se situe entre Lafleur et Petrus. Comme ses deux pres­ti­gieux voi­sins, il compte par­mi les meilleurs crus de Pome­rol. C’est un vin qui a beau­coup de classe et de finesse mais moins de puis­sance que Petrus car il n’est pas situé sur un ter­roir de marnes argi­leuses mais sur un ter­roir de graves. L’encépagement n’est pas non plus iden­tique : on compte 80 % de mer­lot et 20 % de caber­net franc. À la barre de cette belle pro­prié­té de 13 hec­tares (pro­duc­tion annuelle 50 000 bou­teilles), ache­tée en 1952 par Jean-Pierre Moueix, on retrouve l’équipe de Petrus : Chris­tian Moueix et Jean-Claude Ber­rouet. Lafleur- Petrus est un vin déli­cat sen­suel et flat­teur, un vin de plaisir…

L’origine du Châ­teau Gazin remonte au XVe siècle. La pro­prié­té aurait appar­te­nu aux Che­va­liers de Malte avant de pas­ser dans la famille de Baillien­court, qui en est tou­jours pro­prié­taire. Des­cen­dants des sei­gneurs de Lan­das, les Baillien­court sont issus d’une très vieille famille d’Artois et portent le sur­nom “Cour­col ” don­né par Phi­lippe- Auguste en 1214 à leur aïeul, qui avait accom­pli des pro­diges lors de la bataille de Bou­vines. Le vignoble de Gazin se trouve au nord-est de l’appellation Pome­rol ; c’est un vignoble d’un seul tenant, d’une super­fi­cie de 23 hec­tares. Il jouxte Petrus, L’Évangile et Lafleur, trois pres­ti­gieux voisinages.

Au demeu­rant les Baillien­court ont ven­du en 1969 cinq hec­tares de Gazin à Petrus. Depuis plus de vingt-cinq ans ces cinq hec­tares font un excellent Petrus, ce qui en dit long sur la qua­li­té du ter­roir de Gazin. L’encépagement compte 80 % de mer­lot, 15% de caber­net franc et 5 % de caber­net sau­vi­gnon. La pro­prié­té pro­duit chaque année 120 000 bou­teilles de Châ­teau Gazin et d’un excellent second vin, L’Hospitalet de Gazin.

Le Châ­teau La Conseillante est une belle pro­prié­té de 12 hec­tares, qui a comme voi­sins Che­val Blanc, L’Évangile, Petrus, Vieux-Châ­teau Cer­tan et Petit Vil­lage. L’encépagement compte 65% de mer­lot, 30% de caber­net franc et 5% de mal­bec. Le ter­roir est superbe : les pièces de vigne com­plan­tées en mer­lot sont situées près des vignes de Petrus et celles com­plan­tées en caber­net franc sont situées près de celles de Che­val Blanc.

L’origine du nom “La Conseillante ” vient de la pre­mière pro­prié­taire connue Cathe­rine Conseillant, qui lorsqu’elle légua la pro­prié­té à ses neveux mit comme condi­tion à la vente qu’on donne à la pro­prié­té le nom de “Conseillante ” pour que l’on conserve son sou­ve­nir. La devise du domaine est “ faire peu, mais faire bon”, et il faut recon­naître que les vins de La Conseillante comptent par­mi les meilleurs pomerol.

Un cran en des­sous des quatre pres­ti­gieux crus que nous venons de citer, mais aus­si beau­coup moins cher, le Châ­teau Bour­gneuf-Vay­ron pro­duit d’excellents vins, puis­sants et concen­trés qui vieillissent bien, un pome­rol cor­pu­lent et colo­ré, avec des arômes de prune et de chêne vanillé, un bon vin de gas­tro­no­mie à un prix qui reste abordable.

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