Giat Industries : les clés du changement

Dossier : L'armement terrestreMagazine N°615 Mai 2006
Par Luc VIGNERON (73)

Créé en 1990 par apport des arse­naux d’ar­me­ment ter­restre de la Délé­ga­tion géné­rale pour l’ar­me­ment à une socié­té ano­nyme entiè­re­ment déte­nue par l’É­tat, Giat Indus­tries a dû affron­ter une baisse conti­nue et sévère de ses mar­chés, consé­cu­tive à la fin de l’af­fron­te­ment Est-Ouest et aux réduc­tions bud­gé­taires qui ont affec­té l’é­qui­pe­ment des forces ter­restres non seule­ment en France, mais aus­si dans de nom­breux pays étrangers.

L’am­pleur de l’a­dap­ta­tion à laquelle l’en­tre­prise a été contrainte de se plier se résume en quelques chiffres : l’ef­fec­tif de Giat Indus­tries à sa créa­tion repré­sen­tait envi­ron 15 000 per­sonnes, il est aujourd’­hui de 3 600 per­sonnes et des­cen­dra à 2 880 per­sonnes d’i­ci fin 2007.

Aucune entre­prise indus­trielle ne peut tra­ver­ser une telle muta­tion sans faire pro­fon­dé­ment évo­luer son orga­ni­sa­tion, ses pro­ces­sus de fonc­tion­ne­ment et son management.

L’é­quipe de direc­tion en a pris conscience à la fin des années quatre-vingt-dix, après avoir déjà réduit de 30 % la taille de l’en­tre­prise : la pour­suite de la réduc­tion n’é­tait plus com­pa­tible avec un sta­tu quo orga­ni­sa­tion­nel. Nous avons donc déci­dé d’ac­com­pa­gner les phases sui­vantes de réduc­tion d’ef­fec­tif par une action en pro­fon­deur visant à faire naître une nou­velle entre­prise, radi­ca­le­ment transformée.

Cette action s’est dérou­lée en deux pro­jets suc­ces­sifs : le pre­mier, appe­lé « Refon­da­tion », a cou­vert la période 1999–2002 et était asso­cié à un plan social qui rédui­sait de 40 % l’ef­fec­tif ; le second, appe­lé « Giat 2006 », a été lan­cé en 2004, paral­lè­le­ment à un der­nier plan social rédui­sant l’ef­fec­tif de 50 % ; il s’a­chè­ve­ra fin 2006.

Avant de ren­trer dans le détail de cette action de trans­for­ma­tion, je vou­drais d’a­bord sou­li­gner com­bien elle a joué un rôle majeur dans le main­tien du moral des équipes, tout par­ti­cu­liè­re­ment des cadres, mal­gré un contexte très difficile.

Le des­tin appa­rent de Giat Indus­tries, limi­té à l’é­poque à une série de plans sociaux suc­ces­sifs, n’é­tait évi­dem­ment pas favo­rable à un cli­mat interne posi­tif et dyna­mique. Il fal­lait com­battre l’é­pi­dé­mie de pes­si­misme qui gagnait le corps social de l’en­tre­prise, en pro­po­sant à tous ceux qui ne refu­saient pas le chan­ge­ment, de s’at­te­ler à la construc­tion d’un nou­veau Giat au milieu des décombres de l’ancien.

Les pro­jets, au-delà de leurs objec­tifs opé­ra­tion­nels et concrets, ont bien rem­pli ce rôle moteur. Et j’ai sou­vent été frap­pé, au cours de ces années sombres pour l’en­tre­prise, par la déter­mi­na­tion, par­fois même l’en­thou­siasme de nom­breux col­la­bo­ra­teurs pour la faire avan­cer vers de nou­veaux horizons.

Reve­nons main­te­nant vers les résul­tats concrets de ces pro­jets. Comme dans toute construc­tion, nous avons com­men­cé par les fon­da­tions, d’où le pro­jet « Refon­da­tion », en nous inter­ro­geant sur l’es­sence même de l’or­ga­ni­sa­tion de l’entreprise.

Il faut savoir que Giat Indus­tries était alors orga­ni­sé de façon très hié­rar­chique et cloi­son­née, et était mar­qué par une culture interne très orien­tée « pro­duc­tion », avec une prio­ri­té clai­re­ment don­née à la charge des usines. Sans doute un héri­tage de l’é­poque des arse­naux terrestres.

Le pre­mier réflexe a donc été de com­prendre com­ment fonc­tion­naient les concur­rents étran­gers les plus per­for­mants, ain­si que des entre­prises fran­çaises exer­çant des métiers simi­laires sur d’autres marchés.

Et la conclu­sion a été qu’il fal­lait chan­ger à 180° les fon­da­men­taux de l’or­ga­ni­sa­tion de Giat Industries :

a) pas­ser d’un fonc­tion­ne­ment ver­ti­cal basé sur les hié­rar­chies à un fonc­tion­ne­ment hori­zon­tal basé sur une orga­ni­sa­tion matri­cielle mobi­li­sant les acteurs de l’en­tre­prise sans sou­ci de hiérarchie,
b) réorien­ter la culture interne de la « satis­fac­tion des usines » à la « satis­fac­tion des clients »,
c) décloi­son­ner l’en­tre­prise en intro­dui­sant les méthodes modernes de l’in­gé­nie­rie simul­ta­née pour le déve­lop­pe­ment des nou­veaux produits.

Tels ont été les grands axes du pro­jet « Refon­da­tion », qui a per­mis, en trois ans, une trans­for­ma­tion com­plète des modes de fonc­tion­ne­ment du groupe Giat Indus­tries, cou­ron­née par l’ob­ten­tion de l’a­gré­ment ISO 9001 norme 2000 dès 2001.

Le pro­jet » Refon­da­tion » nous ayant per­mis, en quelque sorte, de rat­tra­per notre retard sur l’in­dus­trie envi­ron­nante, le pro­jet sui­vant, » Giat 2006 « , a eu pour objec­tif de nous pro­je­ter déli­bé­ré­ment vers l’avenir.

Nous avons donc réflé­chi à l’é­vo­lu­tion des mar­chés, des besoins des clients, sachant que Giat Indus­tries opère dans un domaine, la défense, où les évo­lu­tions peuvent être pres­sen­ties net­te­ment plus à l’a­vance que pour la plu­part des mar­chés civils.

Il en est res­sor­ti une vision stra­té­gique dans laquelle il deve­nait néces­saire de trans­for­mer Giat Indus­tries d’une entre­prise à domi­nante indus­trielle (en 2002, 50 % de l’ef­fec­tif était consa­cré à la pro­duc­tion), en une socié­té d’in­gé­nie­rie et de ser­vices, comp­tant seule­ment 30 % d’ef­fec­tif manu­fac­tu­rier. Cela pour pas­ser d’une époque où les séries pro­duites étaient impor­tantes à un futur où les nou­velles pro­duc­tions seront limi­tées et où il fau­dra moder­ni­ser régu­liè­re­ment des engins exis­tants. Cela aus­si pour accé­lé­rer la réac­ti­vi­té de l’en­tre­prise face aux rup­tures tech­no­lo­giques pré­vi­sibles (comme l’in­va­sion des tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion dans les véhi­cules blin­dés), et aug­men­ter ses capa­ci­tés d’in­no­va­tion. Cela enfin pour concen­trer Giat Indus­tries sur son cœur de métier com­pé­ti­tif face à la déré­gu­la­tion pro­gres­sive de son mar­ché national.

L’a­dap­ta­tion n’a, là encore, pas été facile car elle repré­sen­tait un deuxième séisme cultu­rel après la « Refon­da­tion », accom­pa­gné de restruc­tu­ra­tions par­ti­cu­liè­re­ment lourdes dans l’ou­til indus­triel, puisque plu­sieurs usines devaient fer­mer. Mais à nou­veau, l’éner­gie posi­tive de ceux qui ne baissent jamais les bras, et ils se sont révé­lés nom­breux à Giat Indus­tries, a per­mis de mener à bien le projet.

Quels ont été les moyens uti­li­sés pour encou­ra­ger cette éner­gie posi­tive ? Au fond, un cock­tail d’i­dées simples.

D’a­bord une volon­té de res­pon­sa­bi­li­sa­tion de tous les col­la­bo­ra­teurs de l’en­tre­prise. Depuis les cadres, qui ont tous aujourd’­hui une part de rému­né­ra­tion variable sur objec­tifs alors que ce n’é­tait pas le cas il y a quelques années, jus­qu’aux ouvriers dont l’au­to­no­mie et la poly­va­lence ont aug­men­té avec la mise en place « d’é­quipes opé­ra­tion­nelles de pro­duc­tion » dans les ate­liers. Une autre illus­tra­tion de cette res­pon­sa­bi­li­sa­tion est la réduc­tion des niveaux hié­rar­chiques dans l’en­tre­prise : cinq niveaux maxi­mums aujourd’­hui contre neuf niveaux en 1998.

Ensuite, par une atten­tion par­ti­cu­lière appor­tée aux cadres de l’en­tre­prise. Près de 900 d’entre eux ont reçu une for­ma­tion spé­ci­fique au mana­ge­ment, dis­pen­sée par un cabi­net spé­cia­li­sé. Une démarche spé­ci­fique a été lan­cée pour pré­pa­rer les mana­gers à haut poten­tiel à l’exer­cice de fonc­tions diri­geantes, et dans le même temps, l’im­por­tance de la filière com­plé­men­taire, celle des « experts », a été réaf­fir­mée. La mobi­li­té interne a été for­te­ment encou­ra­gée. Et au bilan, envi­ron 80 % des cadres situés au niveau n‑2 par rap­port à la direc­tion géné­rale ont été renou­ve­lés, sans recours impor­tant à l’embauche.

Et puis, fin 2005, la volon­té de relan­cer la dyna­mique interne par une vaste opé­ra­tion de moti­va­tion, appe­lée « Opé­ra­tion Chry­sa­lide », des­ti­née à expri­mer la méta­mor­phose de l’en­tre­prise et à accé­lé­rer son rebond. Le slo­gan de cette opé­ra­tion, « On a chan­gé, chan­geons d’a­ve­nir », sert actuel­le­ment de fil rouge à des groupes de réflexion char­gés de faire des pro­po­si­tions à la direc­tion géné­rale sur deux thèmes, le pre­mier orien­té vers l’in­terne « Vision par­ta­gée et même désir d’a­ve­nir », le second orien­té vers l’ex­terne « Rayon­ner en dehors de l’entreprise ».

C’est donc à tous points de vue un « nou­veau Giat » qui vient d’an­non­cer ses pre­miers béné­fices depuis quinze ans d’existence…

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pois­sonrépondre
10 juillet 2016 à 9 h 36 min

le Famas et son suc­ces­seur
Bonjour,étant le pre­mier des­si­na­teur du Famas a l’age de 6 ans et mon père le des­si­na­teur pro­je­teur indus­triel, je me per­met de vous faire part et obser­va­tion de la poli­tique de ce gou­ver­ne­ment d’un anti-mili­ta­risme Française,jusqu’où vont ils s’ar­rê­ter aprés les Famas se sera des nou­veaux sol­dats venus de der­rière les fron­tières qui rem­pla­ce­ront les Français.
Bref la France que cette gauche n’a jamais construit comme cer­tains à droite avec l’euphorie de la nou­velle Europe, les anti-confor­mistes au gou­ver­ne­ment prennent leur mal en patience a démon­ter le patrio­tisme et les couleurs,ils ne réus­si­ront pas partout,surtout pour le Rafale qui rem­plis les coffres de la République,je peux redes­si­ner un fusil sous contrat et avocat,il n’est pas nor­mal que pour le pas­sé de la France qu’une seul indus­trie soit en dan­ger c’est toute la France qui est en dan­ger et il est into­lé­rable que des mil­liers de per­sonnes soient envoyés aux chô­mage et que les médias nau­séa­bonde fassent une pro­pa­gande sur le Famas comme le fusil étant deve­nu le fusil islamiste,a l’age du des­sin Famas.
j’ai aus­si des­si­né des dizaines d’autre fusils donc ce sont aus­si des fusils islamiste…?
le Famas est une très bonne arme il a été conçu pour tirer avec une pré­ci­sion remar­quable et poly­va­lent et transformable,si ils y a des usa­gers qui en sont mécon­tent c’est qu’ils entre­tient mal leurs armes, ces attaques contre le FAMAS est d’un objec­tif mal ciblé par contre pas celui de mon­sieur le Ministre de la Défense.
En ces moments ou mon père est dans des ennuis de san­té grave au lieu de pro­fa­ner des insultes sur le tra­vail de mil­liers de per­sonnes sous nos cou­leurs ils feraient mieux de lui décer­ner la légion d’hon­neur pour toute les autres indus­tries qui font vivre des mil­lions de Français.
Cordialement 

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