FONCTIONNAIRE OU TOURISTE ?

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°656 Juin/Juillet 2010Par : Michel Malherbe (50)Rédacteur : Jacques Bourdillon (45)

Michel Mal­herbe (50), ingé­nieur géné­ral des Ponts et Chaus­sées, a par­ta­gé sa vie entre la coopé­ra­tion et le tou­risme : coopé­ra­tion au BCEOM et à la Satec, tou­risme auprès de Mar­cel Anto­nioz, secré­taire d’État au Tourisme.

Couverture du livre : Fonctionnaire ou touriste ?Son der­nier livre Fonc­tion­naire ou tou­riste ? est un ouvrage foi­son­nant qui regroupe des obser­va­tions sur la poli­tique fran­çaise de coopé­ra­tion, le tou­risme, les lan­gages, les reli­gions, les cou­tumes, l’énergie et un cer­tain nombre de « petits métiers », tout cela à tra­vers 150 pays (80 visi­tés pour des rai­sons pro­fes­sion­nelles et les autres pour le plai­sir) : Amé­rique, Afrique, Asie, Moyen- Orient, Océa­nie. La curio­si­té de Michel Mal­herbe est infa­ti­gable. Plus qu’au deve­nir tech­nique et éco­no­mique des pays visi­tés, il s’intéresse à leur culture (lan­gages, reli­gions, archi­tec­ture) ain­si qu’aux paysages.

Son livre four­mille de réflexions amu­santes et de ren­contres pit­to­resques, et nous invite à un tou­risme plus intel­li­gent. Il égra­tigne par­fois ses col­lègues fonc­tion­naires, c’est mon devoir de le dire, je pense d’ailleurs qu’ils ne lui en tien­dront pas rigueur.

Natu­rel­le­ment il s’intéresse beau­coup aux ques­tions reli­gieuses (Séné­gal, Iran, Burun­di), et aborde aus­si les ques­tions du lan­gage : il s’agit de par­ler coréen, tsi­gane, mashi, man­jak, our­dou, bra­houi, tchét­chène, per­san, ouo­lof, japo­nais, mon­gol voire bre­ton. Une page spé­ciale, consa­crée à l’argot poly­tech­ni­cien, inté­res­se­ra évi­dem­ment les lec­teurs de La Jaune et la Rouge. Je retien­drai quelques remarques de l’auteur à pro­pos de pays que j’ai connus ou qui m’ont intéressé.

Le Séné­gal. Plu­tôt que de se concen­trer sur les infra­struc­tures rou­tières de ce pays, Michel Mal­herbe pré­fère évo­quer le bao­bab : on dit que Dieu après l’avoir créé deman­da à l’homme si cet arbre lui plai­sait, devant sa réponse peu enthou­siaste, Dieu, furieux, arra­cha l’arbre et le replan­ta à l’envers. Il s’intéresse ensuite à la réelle varié­té d’un pay­sage jugé par d’autres mono­tone : zones sablon­neuses, zones laté­ri­tiques, zones argi­leuses, rizières et marais de Casa­mance… Son grand regret : n’avoir pas eu le temps de visi­ter le parc de Nio­ko­lo Koba (réserve ani­ma­lière de l’extrême-est du pays).

Il nous fait part de ses sou­ve­nirs à pro­pos de la place des reli­gions au Séné­gal : Léo­pold Sédar Sen­ghor était sérère et catho­lique, à Dakar en 1962, il était pos­sible de fré­quen­ter la Vie Nou­velle (orien­tée à gauche), d’adhérer à Verbe (fran­che­ment à l’extrême-droite), d’être reçu par Mon­sei­gneur Lefebvre (c’était avant le schisme de Saint-Nico­las­du- Char­don­net) ou de visi­ter le beau couvent des béné­dic­tins de Keur Mous­sa (près de Thiès). Mais il était éga­le­ment pos­sible du côté musul­man de visi­ter la « Mecque de Tou­ba » (avec sa mos­quée et son mina­ret de 100 mètres de haut).

L’Iran. Mal­herbe constate un contraste sai­sis­sant entre l’austérité poi­gnante des pay­sages déser­tiques de la plus grande par­tie de l’Iran et le pay­sage des bords de la Cas­pienne (où vivaient récem­ment des tigres) avec ses rizières et ses extra­or­di­naires mai­sons cou­vertes de toits de chaume. […] Contraste avec le monde des Kurdes ou des Turcs d’Azerbaïdjan, pays de haute mon­tagne avec des vol­cans de plus de 4 000 mètres cou­verts de neiges éternelles.

Le Burun­di. Mal­herbe s’écrie : « Je faillis sor­tir de la messe à la cathé­drale de Bujum­bu­ra quand l’évêque tut­si du pays décla­ra à peu de chose près qu’une fois les Hutus mas­sa­crés on pour­rait leur par­don­ner. » Cela méri­tait d’être dit.

Le Cau­case. L’ancien pré­sident de l’Association « ARRI » que je suis remer­cie cha­leu­reu­se­ment Michel Mal­herbe de l’excellente pré­sen­ta­tion qu’il fit en 1999 du puzzle du Cau­case : il nous a ain­si inci­tés à orga­ni­ser deux voyages l’un en Armé­nie, Géor­gie, l’autre en Azer­baïd­jan. Il s’est pas­sé beau­coup de choses, depuis, dans cette région ! Ce livre devrait plaire aux poly­tech­ni­ciens, inté­res­ser tous ceux qui ont vécu la coopé­ra­tion, atti­rer ceux qui rêvent d’un tou­risme plus intelligent.

Diplo­mates, magis­trats, doua­niers, ensei­gnants, contrô­leurs des impôts… les fonc­tion­naires civils fran­çais sont près de cinq mil­lions, y com­pris plus de deux mil­lions d’employés des col­lec­ti­vi­tés locales, régions, dépar­te­ments, mai­ries. En bref, en y ajou­tant les mili­taires, c’est envi­ron un Fran­çais sur quatre qui est au ser­vice d’une admi­nis­tra­tion ou d’une autre, c’est-à-dire au ser­vice du public pour le meilleur et pour le pire. Cette mul­ti­pli­ci­té et cette diver­si­té décou­ragent toute des­crip­tion sys­té­ma­tique. D’ailleurs est-il vrai­ment inté­res­sant d’é­non­cer des idées géné­rales sur cette vaste popu­la­tion dis­pa­rate ou d’ac­cu­mu­ler des études mono­gra­phiques sur telle sous-espèce de fonctionnaires ?

Commentaire

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Pret fonc­tion­nairerépondre
13 août 2012 à 21 h 28 min

Re : fonc­tion­naire ou tou­riste ?
Très bon livre, qui béné­fi­cie mal­heu­reu­se­ment d’une faible pro­mo­tion mais Michel Mal­herbe est un bon auteur à décou­vrir ou re-découvrir.

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