Trafic aérien en Europe

Évolution du contrôle du trafic aérien en Europe

Dossier : Trafic aérienMagazine N°535 Mai 1998
Par Xavier FRON (75)

Préambule

Préambule

Le trans­port aérien en Europe connaît une crois­sance durable depuis 1985. Dans ce contexte, main­te­nir voire ren­for­cer la sécu­ri­té des vols est une condi­tion essen­tielle pour assu­rer la confiance du public. La capa­ci­té du contrôle aérien doit aug­men­ter en pro­por­tion du tra­fic, sans quoi des attentes au sol doivent être impo­sées par l’or­ga­nisme de ges­tion des flux pour évi­ter une sur­charge des ser­vices de contrôle. De plus, l’es­pace aérien euro­péen, petit à l’é­chelle de l’a­vion, est par­ta­gé entre civils et mili­taires, et entre de nom­breux pays.

La ges­tion du tra­fic aérien (ATM)3, qui com­prend le contrôle du tra­fic aérien (ATC), la ges­tion des flux (ATFM) et la ges­tion de l’es­pace (ASM), et s’ap­puie sur des ser­vices de com­mu­ni­ca­tion, navi­ga­tion et sur­veillance (CNS) stan­dar­di­sés au plan mon­dial par l’Or­ga­ni­sa­tion de l’a­via­tion civile inter­na­tio­nale, doit évo­luer for­te­ment pour faire face aux défis qui lui sont posés.

Le coût du ser­vice ATM en Europe, soit la somme impo­sante de 18,5 GF en 1996, est entiè­re­ment sup­por­té au tra­vers de rede­vances de route par les usa­gers : trans­port aérien, avia­tion mili­taire et pri­vée. Les rede­vances en route repré­sentent envi­ron 4 % des coûts d’ex­ploi­ta­tion des grandes com­pa­gnies, et s’ap­prochent du coût du car­bu­rant (10 % des coûts d’ex­ploi­ta­tion). Quand on sait que les avion­neurs et les com­pa­gnies aériennes sont prêts à inves­tir lour­de­ment pour éco­no­mi­ser 1 % de car­bu­rant, on mesure la pres­sion pour réduire les coûts du ser­vice ATM.

Évolution de la demande

Alors que le tra­fic aérien civil contrô­lé en Europe était qua­si stag­nant de 1975 à 1985, il a enta­mé une pro­gres­sion sou­te­nue de 5 à 12 % par an à par­tir de 1985 (figure 1)4. Mal­gré la concur­rence de moyens de trans­port et de com­mu­ni­ca­tion alter­na­tifs, les experts s’ac­cordent pour pré­dire une expan­sion pro­lon­gée du tra­fic aérien en Europe, accom­pa­gnant l’ex­ten­sion de la construc­tion euro­péenne et de la mon­dia­li­sa­tion. Ain­si, plus de la moi­tié des 200 pre­mières liai­sons aériennes en Europe sont encore des liai­sons inté­rieures à un même pays, comme le montre la figure 2. Même aux États-Unis, où le mar­ché du trans­port aérien est plus mûr qu’en Europe, le tra­fic aérien conti­nue à croître.

Les défis du contrôle aérien

La sécurité

Assu­rer la sécu­ri­té des vols contrô­lés entre eux est la mis­sion pre­mière de l’ATM. Cette mis­sion a jus­qu’i­ci été rem­plie de manière satis­fai­sante, puisque les acci­dents de l’a­via­tion civile liés à des défi­ciences de l’ATM sont extrê­me­ment rares : il n’y en a heu­reu­se­ment eu aucun en Europe dans les vingt der­nières années, et une cause ATM est rele­vée dans 5 % des acci­dents aériens seule­ment dans le monde.

Tou­te­fois, il faut atta­cher une grande impor­tance au ren­for­ce­ment de la sécu­ri­té. En effet, si la fré­quence des acci­dents d’un avion croît linéai­re­ment avec le tra­fic, la fré­quence des acci­dents des avions entre eux, que l’ATM doit pré­ve­nir, croît natu­rel­le­ment comme le car­ré du tra­fic. Si le tra­fic est mul­ti­plié par deux dans les quinze ans à venir, il n’est pas accep­table que la fré­quence des acci­dents soit mul­ti­pliée par quatre. De plus, plu­sieurs inci­dents graves sont rele­vés chaque année, qui ne doivent une issue heu­reuse qu’à la très faible pro­ba­bi­li­té de la pré­sence de deux avions dans la même zone d’es­pace-temps, ou à une action d’é­vi­te­ment à vue de der­nière minute. Se fier à une approche pure­ment pro­ba­bi­liste est insuf­fi­sant, et il est clair que la » sécu­ri­té ajou­tée » par l’ATM est néces­saire6. Un sys­tème d’an­ti-col­li­sion embar­qué indé­pen­dant (TCAS), qui ren­force la sécu­ri­té four­nie par les ser­vices de contrôle au sol, équipe déjà un bon nombre d’a­vions de ligne, et sera obli­ga­toire en Europe à par­tir de l’an 2000. La sécu­ri­té est un élé­ment clé de la concep­tion des sys­tèmes et pro­cé­dures futurs évo­qués plus loin.

Liaisons aériennes en Europe

Enjeux économiques et financiers

Le tableau sui­vant résume les prin­ci­paux ordres de gran­deur des enjeux éco­no­miques et finan­ciers liés à l’ATM. Il appa­raît clai­re­ment qu’une réduc­tion des coûts ou péna­li­sa­tions appor­te­rait des béné­fices impor­tants aux usa­gers de l’es­pace. Ain­si, un gain de pro­duc­ti­vi­té des ser­vices ATM de 10 %, une réduc­tion de 80 % des retards, ou une réduc­tion de 50 % des allon­ge­ments de route (ce qui n’est pas impos­sible), résul­te­raient cha­cun en une éco­no­mie de l’ordre de 2 GF par an.

Tou­te­fois, la prin­ci­pale valeur ajou­tée par l’ATM pro­vient sans doute de l’op­por­tu­ni­té de crois­sance du trans­port aérien. Comme on l’a vu plus haut, celui-ci devrait croître for­te­ment dans les quinze ans à venir. Un dou­ble­ment du tra­fic entraî­ne­rait une aug­men­ta­tion du chiffre d’af­faires brut annuel des trans­por­teurs aériens en Europe de l’ordre de 300 GF par an, avec des béné­fices directs et indi­rects sur l’emploi et la crois­sance. Tou­te­fois, de nom­breux fac­teurs peuvent limi­ter cette crois­sance, notam­ment la capa­ci­té des aéro­ports prin­ci­paux, les nui­sances, et la capa­ci­té de l’ATM. La créa­tion de cette valeur néces­site de lever l’en­semble de ces limi­ta­tions. Nous allons voir les aspects liés à l’ATM plus en détail. L’ar­ticle de Péle­grin, Féron et Del­caire étu­die les ques­tions aéroportuaires.

Coût et financement de l’ATM

Trans­port aérien civil en Europe GF (1996)
Revenus Recettes d’exploitation7 350
Coûts directs liés à l’ATM Rede­vances de route8 18,5
Rede­vances aéro­por­tuaires9 (dont une frac­tion pour l’ATM) 25
Pénalisations Retards au sol cause ATM10 2,5
Retards en vol non disponible
Allon­ge­ments de route 4

Tra­di­tion­nel­le­ment, le finan­ce­ment du contrôle aérien, dont la res­pon­sa­bi­li­té incombe aux États d’a­près la Conven­tion de Chi­ca­go signée en 1944, était à la charge du bud­get de l’É­tat. C’est encore le cas aux États-Unis, où l’É­tat per­çoit une taxe sur les billets pour les vols com­mer­ciaux et sur le car­bu­rant pour les vols pri­vés. Tou­te­fois, lier aux méca­nismes bud­gé­taires le finan­ce­ment d’un ser­vice dont la qua­li­té dépend d’in­ves­tis­se­ments spé­ci­fiques et dont le coût est réper­cu­té à des entre­prises com­mer­ciales intro­duit des dys­fonc­tion­ne­ments. Pour résoudre ce pro­blème clas­sique, le Bud­get annexe de la navi­ga­tion aérienne (main­te­nant éten­du à l’a­via­tion civile) a été intro­duit en France en 1985. Aujourd’­hui, les usa­gers financent entiè­re­ment le ser­vice ATM en Europe au tra­vers de rede­vances. Les États-Unis per­çoivent déjà des rede­vances pour les sur­vols, y com­pris sur une immense zone du Paci­fique, et étu­dient sérieu­se­ment leur exten­sion à tous les vols commerciaux.

Le Ser­vice cen­tral des rede­vances de route d’Eu­ro­con­trol11 (SCRR) assure le recou­vre­ment des rede­vances pour le compte des États adhé­rents, soit 18,5 GF pour vingt États euro­péens en 1996, dont 4,5 GF pour la France. En Europe, les rede­vances en route sont pro­por­tion­nelles à la dis­tance par­cou­rue et à la racine car­rée de la masse. Cette for­mule d’é­qui­té per­met de répar­tir les coûts en fonc­tion des capa­ci­tés contri­bu­tives, sans trop péna­li­ser les avions les plus lourds. L’u­ni­té de ser­vice cor­res­pond au contrôle d’un avion de 50 tonnes sur 100 kilo­mètres. Depuis jan­vier 1998, le kilo­mé­trage est cal­cu­lé sur la base de la route deman­dée12, par oppo­si­tion à la route la plus cou­rante, et les rede­vances ver­sées à l’É­tat effec­ti­ve­ment sur­vo­lé, ce qui per­met de rap­pro­cher le prix et le ser­vice ren­du. Le choix de la route va désor­mais intro­duire un élé­ment de com­pé­ti­tion entre les four­nis­seurs de ser­vice ATM, par­ti­cu­liè­re­ment en Europe où les espaces aériens sont petits. C’est là un des aspects de l’é­vo­lu­tion ins­ti­tu­tion­nelle en cours visant à amé­lio­rer les per­for­mances du système.

Figure 3 – Taux moyen des redevances
de r​oute en Europe

La figure 3 donne l’é­vo­lu­tion des taux uni­taires moyens de rede­vance. La stag­na­tion du tra­fic au début de la décen­nie 198013 avait conduit à une forte réduc­tion des inves­tis­se­ments ATM14 ; la forte crois­sance du tra­fic à la fin de cette période a conduit à une forte aug­men­ta­tion des retards cau­sés par l’ATM, et fina­le­ment aux mesures des ministres des Trans­ports de la CEAC évo­quées plus loin. La situa­tion a été redres­sée dans la période 1990–1994 au prix d’une crois­sance des taux uni­taires, alors que l’en­semble des autres coûts du trans­port aérien dimi­nuait. Le taux uni­taire moyen a ensuite dimi­nué à par­tir de 1995 sous la pres­sion des usagers.

La figure ci-des­sus montre aus­si qu’il a été pos­sible jus­qu’i­ci d’aug­men­ter la capa­ci­té à coût uni­taire rela­ti­ve­ment constant à long terme. C’est en soi remar­quable, car la méthode tra­di­tion­nelle pour créer de la capa­ci­té consiste à divi­ser l’es­pace en sec­teurs de contrôle15 de plus en plus petits, un pro­ces­sus à ren­de­ment décrois­sant. Ain­si, aug­men­ter le nombre de sec­teurs de 40 % n’aug­mente la capa­ci­té que de 20 % envi­ron. Les gains de pro­duc­ti­vi­té ont donc his­to­ri­que­ment com­pen­sé la décrois­sance du ren­de­ment de la sub­di­vi­sion de l’espace.

Les usa­gers demandent main­te­nant, non seule­ment que la capa­ci­té soit aug­men­tée et les péna­li­sa­tions réduites, mais éga­le­ment que les coûts uni­taires dimi­nuent. Ceci donne une pre­mière idée du défi posé aux ser­vices ATM.

Pénalisations liées au contrôle aérien

L’ATM génère des coûts directs liés aux rede­vances de route et d’aé­ro­port, et des péna­li­sa­tions dues aux retards, aux allon­ge­ments de tra­jec­toire ou de temps de vol impo­sés et à l’u­ti­li­sa­tion non opti­male de l’a­vion dans le plan vertical.

Capacité ATM du point de vue des retards

Le sys­tème ATM actuel pré­sente un avan­tage prin­ci­pal : une sécu­ri­té éprou­vée. Il a cepen­dant plu­sieurs incon­vé­nients : il est lourd en charge de tra­vail, donc rela­ti­ve­ment cher, et la capa­ci­té sera limi­tée par un » mur de la capa­ci­té » peu après l’an 2000. En effet, en dehors des zones ter­mi­nales, sortes d’en­ton­noirs autour des aéro­ports, l’es­pace phy­sique n’est pas une contrainte, sauf dans le cas de zones réser­vées à des fins mili­taires, de zones mon­ta­gneuses et de fortes per­tur­ba­tions météo­ro­lo­giques. Les seuils de capa­ci­té « en route » pro­viennent essen­tiel­le­ment de la charge de tra­vail limi­tée que peuvent absor­ber les contrô­leurs de chaque « sec­teur » d’es­pace aérien. Or la limite utile de la sub­di­vi­sion de l’es­pace en sec­teurs de plus en plus petits sera atteinte vers 2003 dans les zones les plus denses. D’où cette notion de « mur de la capa­ci­té« 16. La capa­ci­té de por­tions de plus en plus grandes de l’es­pace aérien sera donc limi­tée par ce « mur de la capa­ci­té » si des méthodes ATM radi­ca­le­ment dif­fé­rentes ne sont pas intro­duites. L’in­tro­duc­tion de nou­velles tech­no­lo­gies de com­mu­ni­ca­tion, navi­ga­tion, sur­veillance (CNS), par exemple satel­li­taires, n’a d’in­té­rêt que si elles favo­risent l’u­ti­li­sa­tion de pro­cé­dures plus effi­caces ou dimi­nuent le coût de l’infrastructure.

Figure 4
Capa­ci­té ATM mesu­rée comme rela­tion entre demande et retards
Capacité ATM

Le sys­tème ATM peut être ana­ly­sé comme un réseau dont chaque nœud et chaque arc ont une capa­ci­té limi­tée. Quand la demande excède la capa­ci­té à cer­tains endroits, la solu­tion la plus immé­diate est de gérer des files d’at­tente au sol. Cela réduit le risque, le coût (l’at­tente en vol coûte envi­ron 3,5 fois plus cher qu’au sol), et la pol­lu­tion. Mais cela crée des retards d’o­ri­gine ATM, dont cha­cun d’entre nous a cer­tai­ne­ment souf­fert18. La ges­tion des flux est donc une des solu­tions qui ont été déve­lop­pées pour répondre à la crise de la fin des années 80.

Depuis 1996, la ges­tion des flux est trai­tée de manière cen­tra­li­sée par l’U­ni­té cen­trale de ges­tion des flux (CFMU) d’Eu­ro­con­trol pour le compte de l’en­semble des États par­ti­ci­pants18. Un « cré­neau de décol­lage » est attri­bué à chaque vol pas­sant dans une zone sur­char­gée selon une règle d’é­qui­té « pre­mier pla­ni­fié, pre­mier ser­vi ». L’ex­pé­rience a mon­tré qu’une ges­tion cen­tra­li­sée et indi­vi­duelle des attentes au sol était plus effi­cace qu’une ges­tion décen­tra­li­sée par flux ori­gine-des­ti­na­tion, comme c’é­tait le cas aupa­ra­vant. De plus, la bonne pro­tec­tion contre les pointes aléa­toires de tra­fic appor­tée par la ges­tion cen­tra­li­sée per­met dans cer­tains cas de rele­ver le seuil de tra­fic accep­table dans les centres de contrôle. Les délais au sol impo­sés par la CFMU pro­viennent du manque de capa­ci­té de cer­tains centres de contrôle et aéro­ports. En 1996, 15 % des centres de contrôle ont cau­sé 90 % des retards liés à l’ATM. De même, par­mi les 800 aéro­ports capables d’ac­cueillir du tra­fic com­mer­cial en Europe, une ving­taine (Hea­throw, Milan, Athènes en été…) cause la plus grande par­tie des retards impu­tables au manque de capa­ci­té aéroportuaire.

Comme pour beau­coup de sys­tèmes à files d’at­tente, les retards jour­na­liers cumu­lés sur l’en­semble des vols de la zone ont un com­por­te­ment explo­sif dès que le rap­port demande/ capa­ci­té approche l’u­ni­té. La capa­ci­té du réseau est dif­fi­cile à déter­mi­ner de manière uni­voque, car il existe des routes alter­na­tives et la struc­ture du tra­fic change, notam­ment entre jours de semaine et week-end. La capa­ci­té appa­raît donc comme une rela­tion entre demande et retards. On a mesu­ré une élas­ti­ci­té de l’ordre de 5 entre retards et » demande-capa­ci­té « , c’est-à-dire que 1 % de demande en plus entraîne 5 % de retards en plus à capa­ci­té constante, et qu’in­ver­se­ment, 1 % de capa­ci­té en plus réduit les retards d’en­vi­ron 5 % à demande constante. L’aug­men­ta­tion de capa­ci­té peut être mesu­rée comme l’aug­men­ta­tion de tra­fic réa­li­sable à retard constant (+ 6,2 % entre 1996 et 1997). Ceci est illus­tré par le gra­phique suivant.

Les retards cumu­lés liés à l’ATM dans la zone CFMU se sont éle­vés à 20,6 mil­lions de minutes en 1996, pour envi­ron 7 mil­lions de vols, soit trois minutes de retard ATM par vol en moyenne. Envi­ron 20 % des retards sont d’o­ri­gine ATM, et 7 % de ceux-ci dépassent quinze minutes. L’ar­ri­vée tar­dive des avions effec­tuant le seg­ment de vol pré­cé­dent, elle-même pour par­tie due à l’ATM, est la prin­ci­pale cause de retard (envi­ron 40 %). Le coût induit des attentes au sol pour les exploi­tants est esti­mé à 2,5 GF19 en 1996. Ce chiffre ne prend pas en compte les incon­vé­nients pour les passagers.

Les retards en vol sont beau­coup moins connus glo­ba­le­ment, mais par­ti­cipent éga­le­ment aux retards à l’ar­ri­vée et aux pénalisations.

Routes indirectes

Les sys­tèmes de navi­ga­tion de sur­face mul­ti-sen­seurs ou par satel­lite per­mettent main­te­nant de suivre une route opti­male entre deux points éloi­gnés et de s’af­fran­chir du sur­vol des radio­ba­lises. Tou­te­fois, les avions contrô­lés suivent encore sou­vent un réseau de routes publiées, ce qui faci­lite le contrôle (vitesses de rap­pro­che­ment faibles à une même alti­tude, nombre limi­té de points de croi­se­ment à sur­veiller). L’al­lon­ge­ment moyen est de 10 % envi­ron (45 % dans cer­tains cas). Il serait pos­sible de le réduire de moi­tié envi­ron par des routes directes, car les tra­jec­toires de départ et arri­vée autour des aéro­ports doivent res­ter très orga­ni­sées. Le béné­fice éco­no­mique serait de l’ordre de 2 GF par an, et la pol­lu­tion liée aux émis­sions serait réduite de 5 %.

Résumé

Voi­ci en résu­mé l’am­pleur de la tâche à accom­plir pour per­mettre à l’ATM de sup­por­ter le dou­ble­ment du tra­fic aérien dans les années à venir, ce dont on a vu l’ef­fet posi­tif pour l’emploi et la crois­sance en Europe :

  • le » mur de la capa­ci­té » doit être vain­cu, sinon les retards ATM vont explo­ser au point de mettre en cause le déve­lop­pe­ment de l’aviation,
  • les taux d’incidents/accidents par heure de vol doivent être divi­sés par quatre,
  • les coûts doivent être réduits.

Le tableau sui­vant donne quelques ordres de grandeur.

Il est ras­su­rant que les tra­vaux des dix der­nières années, notam­ment en Europe, per­mettent d’a­bor­der ces défis avec confiance, comme nous allons le voir. Tou­te­fois, les béné­fices ne se maté­ria­li­se­ront que si les autres fac­teurs limi­ta­tifs, notam­ment capa­ci­té des aéro­ports et nui­sances, sont trai­tés corrélativement.

Autres limitations à la croissance

Capacité aéroportuaire

Comme on l’a vu plus haut, une ving­taine d’aé­ro­ports sur un total de 800 génère la plus grande par­tie des retards aéro­por­tuaires. La capa­ci­té des aéro­ports où se concentre la demande sera un élé­ment déter­mi­nant pour la crois­sance du trans­port aérien en Europe dans les années à venir, comme c’est déjà le cas aux États-Unis. En effet, il est dif­fi­cile de construire d’autres pistes, et la fré­quence d’at­ter­ris­sage est limi­tée par des phé­no­mènes phy­siques (tur­bu­lence de sillage, temps de frei­nage et de déga­ge­ment de la piste).

Ten­dance naturelle
de 1995 à 2010–2015
Besoin Enjeux
Trafic​ x 2 id. 300 GF de recettes annuelles addi­tion­nelles pour le trans­port aérien euro­péen en 2010
Accidents/incidents x 4 x 1 Confiance du public
Retards aéroports/ATM x 10–20 x 0,5 Crois­sance du trans­port aérien Com­pé­ti­tion avec d’autres modes de trans­port ou de communication
Taux de redevances x 1 <1 Prix et part de mar­ché du trans­port aérien Varia­tion de 10 % = 2 GF en 1997

L’ar­ticle de Péle­grin, Féron et Del­caire étu­die les ques­tions aéro­por­tuaires en détail. Nous nous inté­res­sons ici à leurs consé­quences sur l’ATM.

De plus en plus de com­pa­gnies exploitent un hub, nœud de leur réseau où sont orga­ni­sées les cor­res­pon­dances. Un hub per­met d’of­frir n(n + 1) liai­sons avec seule­ment 2n routes, de maxi­mi­ser le rem­plis­sage des avions, et d’op­ti­mi­ser les temps de cor­res­pon­dance. Il en résulte une concen­tra­tion du tra­fic sur cer­tains aéro­ports à cer­taines heures, avec des vagues d’ar­ri­vées, puis de départs.

La demande sur les prin­ci­paux aéro­ports est limi­tée par des comi­tés des horaires, qui ne per­mettent pas de pla­ni­fier plus de vols régu­liers que de cré­neaux dis­po­nibles. Pour réduire les contraintes aéro­por­tuaires les affec­tant, des com­pa­gnies éta­blissent leur » hub » sur un aéro­port secon­daire, qui leur est pra­ti­que­ment réser­vé, comme Del­ta Air­lines à Cin­cin­na­ti ou Regio­nal Air­lines à Cler­mont-Fer­rand. Ces implan­ta­tions évo­luent en fonc­tion des oppor­tu­ni­tés du mar­ché, de manière dif­fi­ci­le­ment prévisible.

La struc­ture du tra­fic se modi­fie­ra donc néces­sai­re­ment, en fonc­tion de l’é­vo­lu­tion des réseaux des com­pa­gnies, de la concur­rence inter­mo­dale et de la vidéo­con­fé­rence, des pres­sions éco­lo­giques, etc. L’ATM devra être adap­table aux nou­veaux flux et modes d’o­pé­ra­tions aéroportuaires.

Environnement

La pré­ser­va­tion de l’en­vi­ron­ne­ment pour­rait consti­tuer une contrainte majeure pour le déve­lop­pe­ment du trans­port aérien, notam­ment le contrôle des nui­sances sonores. Cer­tains aéro­ports (Amster­dam, Orly par exemple) font déjà l’ob­jet de res­tric­tions signi­fi­ca­tives liées à l’en­vi­ron­ne­ment. L’ATM ne peut limi­ter l’im­pact de l’a­via­tion sur l’en­vi­ron­ne­ment que mar­gi­na­le­ment, grâce à la réduc­tion de la dis­tance de vol, soit envi­ron 5 % des émis­sions, ou à des pro­cé­dures de décol­lage et d’at­ter­ris­sage moins bruyantes. Les prin­ci­paux pro­grès doivent venir de l’a­mé­lio­ra­tion de moteurs et des règles visant à écar­ter les avions les plus bruyants.

Les réponses aux défis du contrôle aérien

Actions institutionnelles

La ges­tion de la cir­cu­la­tion aérienne est régie au niveau mon­dial par la Conven­tion de Chi­ca­go, qui en attri­bue la res­pon­sa­bi­li­té aux États. Les usa­gers demandent avec rai­son une amé­lio­ra­tion signi­fi­ca­tive des per­for­mances du sys­tème ATM. La forte inter­ac­tion des élé­ments liés à l’ATM – contrôle aérien, ges­tion de l’es­pace, ges­tion des flux, opé­ra­tions aériennes, équi­pe­ment des avions – demande des actions conjointes fortes et cohé­rentes de la part de tous les acteurs au niveau euro­péen, voire mon­dial. Les aspects ins­ti­tu­tion­nels ont donc néces­sai­re­ment une place impor­tante dans l’é­vo­lu­tion du contrôle aérien.

OACI

Grâce à l’Or­ga­ni­sa­tion de l’a­via­tion civile inter­na­tio­nale (OACI), les avions et équi­pages peuvent navi­guer et atter­rir en uti­li­sant les mêmes sys­tèmes et pro­cé­dures dans le monde entier. C’est un atout consi­dé­rable pour l’ef­fi­ca­ci­té du trans­port aérien, que d’autres modes de trans­port peuvent envier.

Il est aujourd’­hui néces­saire, comme nous l’a­vons vu, d’in­tro­duire de nou­veaux sys­tèmes et pro­cé­dures pour la navi­ga­tion aérienne : c’est l’ob­jet de la stra­té­gie dite CNS/ATM en cours de déve­lop­pe­ment à l’OA­CI. Un des élé­ments essen­tiels de cette stra­té­gie est que des solu­tions uni­ver­selles doivent être appli­quées dans chaque région du monde, en fonc­tion des contraintes locales. Nous nous inté­res­se­rons ici plus par­ti­cu­liè­re­ment au cas de l’Europe.

Eurocontrol

Euro­con­trol, l’Or­ga­ni­sa­tion euro­péenne pour la sécu­ri­té de la navi­ga­tion aérienne, a été fon­dée en 1960 sous l’im­pul­sion notam­ment de René Bulin (41), son pre­mier direc­teur géné­ral, au moment où l’a­vè­ne­ment des jets fai­sait de l’Eu­rope l’en­ti­té appro­priée pour trai­ter les ques­tions de contrôle aérien. L’i­dée ini­tiale, un orga­nisme unique de contrôle civil et mili­taire pour l’es­pace supé­rieur20 des six États fon­da­teurs21, s’est maté­ria­li­sée, par­tiel­le­ment seule­ment du fait d’im­pé­ra­tifs de défense dans cer­tains États, avec la créa­tion du centre de contrôle de Maas­tricht en 1972. L’Or­ga­ni­sa­tion a trou­vé un nou­vel élan à la fin des années 80 lors­qu’elle est deve­nue le point focal des stra­té­gies pour l’a­mé­lio­ra­tion de l’ATM déci­dées par les ministres des Trans­ports réunis au sein de la Confé­rence euro­péenne de l’a­via­tion civile (CEAC22, voir enca­dré). Elle comp­tait 27 États membres au 1.12.9723 et tous les États membres de la CEAC ont été invi­tés à deve­nir membres d’Eurocontrol.

L’A­gence Euro­con­trol, éche­lon per­ma­nent de l’Or­ga­ni­sa­tion, a été diri­gée notam­ment par Jean Lévêque (49). Son direc­teur géné­ral est aujourd’­hui Yves Lam­bert (56). Elle dis­pose d’un bud­get de 3 200 MF et emploie 2 150 agents. Elle a son siège à Bruxelles, un Ins­ti­tut de for­ma­tion à Luxem­bourg, un centre de contrôle à Maas­tricht et un centre expé­ri­men­tal à Bré­ti­gny-sur-Orge. Ses prin­ci­pales fonc­tions sont les suivantes :

– ges­tion du pro­gramme euro­péen d’har­mo­ni­sa­tion et d’in­té­gra­tion de l’ATC (EATCHIP) pour le compte des États membres de la CEAC, et mise en place d’une nou­velle stra­té­gie ATM (ATM 2000+),
– opé­ra­tion de l’U­ni­té cen­trale de ges­tion des flux (CFMU) pour le compte des États membres de la CEAC,
– recherche et déve­lop­pe­ment en vue d’a­mé­lio­rer le ser­vice ATM en Europe,
– opé­ra­tion de centres de contrôle pour le compte d’É­tats membres (ex. : centre de Maastricht),
– fac­tu­ra­tion et per­cep­tion cen­tra­li­sées des rede­vances de route au béné­fice des États signataires.

Centres communs

Le centre de Maas­tricht contrôle l’es­pace supé­rieur du Bene­lux et du nord de l’Al­le­magne depuis 1972. Un accord pré­voyant un centre com­mun géré par Euro­con­trol pour huit États de l’Eu­rope cen­trale vient d’être signé (CEATS : Autriche, Bos­nie-Her­zé­go­vine, Croa­tie, Hon­grie, Ita­lie, Répu­blique slo­vaque, Slo­vé­nie et Répu­blique tchèque). Des études sont en cours sur un espace cou­vrant les quatre États scan­di­naves (NHIP) et un centre fran­co-suisse (ZOE). Les centres com­muns per­mettent de ratio­na­li­ser le contrôle et les inves­tis­se­ments dans des espaces ini­tia­le­ment frag­men­tés, d’at­tri­buer plus faci­le­ment des routes directes sur de longues dis­tances, et de créer des centres de taille com­pa­rable à ceux des États-Unis, dont les ratios de pro­duc­ti­vi­té sont net­te­ment meilleurs qu’en Europe.

Les stratégies CEAC

L’am­pleur des pro­blèmes réels ou poten­tiels liés au contrôle aérien vus ci-des­sus a conduit les ministres des Trans­ports de la CEAC à prendre une série de mesures visant à amé­lio­rer la situa­tion, comme indi­qué dans l’en­ca­dré ci-après.

Privatisation des prestataires de service ATM

Chaque État décide sou­ve­rai­ne­ment de la manière dont il rem­plit son obli­ga­tion de four­nir le ser­vice ATM, pour lequel il reçoit des rede­vances. De plus en plus d’É­tats délèguent ce ser­vice à une com­pa­gnie pri­vée, dont les action­naires peuvent être pri­vés (Swiss­con­trol) ou, le plus sou­vent, publics. Ceci per­met une plus grande sou­plesse pour la ges­tion des res­sources humaines et finan­cières, et induit un com­por­te­ment d’en­tre­prise com­mer­ciale, recher­chant des oppor­tu­ni­tés de mar­ché et la satis­fac­tion de ses clients, radi­ca­le­ment dif­fé­rent de celui de struc­tures gou­ver­ne­men­tales tra­di­tion­nelles. Ceci appelle un méca­nisme de régu­la­tion et une sépa­ra­tion claire entre régu­la­teur et pres­ta­taire. Une orga­ni­sa­tion des pres­ta­taires de ser­vice ATM (CANSO) vient d’être créée.

Actions techniques et opérationnelles

Les stra­té­gies CEAC

  • 1988 Ges­tion cen­tra­li­sée des flux, CFMU
    Déci­sion de créer un orga­nisme cen­tra­li­sé de ges­tion des flux pour l’Eu­rope de l’Ouest. Cet orga­nisme (CFMU) est opé­ra­tion­nel depuis 1995 et géré par l’A­gence Euro­con­trol au béné­fice de 33 États euro­péens en 1997.
  • 1990 Stra­té­gie CEAC des années 1990, EATCHIP
    L’élé­ment essen­tiel de cette stra­té­gie est le pro­gramme d’har­mo­ni­sa­tion etd’in­té­gra­tion de l’ATC en Europe (EATCHIP) : l’A­gence Euro­con­trol est char­gée de coor­don­ner des plans de conver­gence et de mise en œuvre (CIP)24 avec les États membres (par exemple : géné­ra­li­sa­tion de la sur­veillance radar, des liai­sons télé­pho­niques et numé­riques inter-centres, etc.) et de conduire un pro­gramme de tra­vail cou­vrant tous les aspects tech­niques et opé­ra­tion­nels requis com­muns. À ce jour, EATCHIP a per­mis d’ab­sor­ber un tra­fic en crois­sance de 5 à 10 % selon les années, en gar­dant les retards uni­taires à peu près constants, alors que la ten­dance était à l’explosion.
  • 1992 Com­plé­ments à la stra­té­gie CEAC
    – Stra­té­gie pour les aéro­ports, où un manque de capa­ci­té a un effet limi­ta­tif pré­pon­dé­rant sur le trans­port aérien. Le pro­gramme cor­res­pon­dant APATSI a été géré par le secré­ta­riat de la CEAC jus­qu’en 1997, et repris désor­mais par Eurocontrol.
    – Lan­ce­ment des tra­vaux de défi­ni­tion du futur sys­tème ATM euro­péen (EATMS) capable d’ab­sor­ber la crois­sance du tra­fic dans la pre­mière par­tie du xxie siècle, et donc de repous­ser le » mur de la capacité « .
  • 1994 Lan­ce­ment des tra­vaux de la stra­té­gie institutionnelle
    Il était clair que la mul­ti­pli­ci­té et le manque d’au­to­ri­té des ins­tances déci­sion­nelles pour l’ATM en Europe, ain­si que l’aug­men­ta­tion du nombre d’É­tats membres d’Eu­ro­con­trol, appe­laient des ins­ti­tu­tions plus effi­caces. Se posait aus­si la ques­tion des rôles res­pec­tifs de l’U­nion euro­péenne et d’Eurocontrol.
  • 1997 Adop­tion de la stra­té­gie ins­ti­tu­tion­nelle de la CEAC
    Signa­ture de la Conven­tion révi­sée d’Eurocontrol

    La stra­té­gie ins­ti­tu­tion­nelle intro­duit des ins­tru­ments impor­tants pour
    la ges­tion de l’ATM en Europe, qui sont incor­po­rés dans la Conven­tion révi­sée d’Eu­ro­con­trol, signée lors d’une confé­rence diplo­ma­tique en juin 1997, et
    en cours de rati­fi­ca­tion dans cha­cun des 27 États membres d’Eurocontrol.
    En voi­ci les élé­ments principaux :
    • Ren­for­ce­ment des pro­ces­sus de décision
      – Struc­ture de déci­sion unique, diri­gée par une » Assem­blée » géné­rale com­po­sée des ministres des Trans­ports et de la Défense, et un Conseil au niveau des
      direc­teurs géné­raux de l’A­via­tion civile,
      – Déci­sions à la majo­ri­té pon­dé­rée de 75 % au sein d’Eurocontrol
       contrai­gnantes pour les par­ties ; il est pré­vu que l’U­nion euro­péenne devienne membre sui gene­ris d’Eurocontrol,
      – Direc­tion unique de l’A­gence Euro­con­trol par son direc­teur géné­ral et aban­don du méca­nisme de codé­ci­sion (États-direc­teur général),
    • Enga­ge­ment mutuel des États à four­nir le ser­vice de contrôle au niveau
      de per­for­mance requis. Il y a des objec­tifs de résul­tats, par oppo­si­tion à un enga­ge­ment non contrai­gnant sur les moyens dans le cadre de la stra­té­gie pour les années 1990. Une Com­mis­sion indé­pen­dante d’Exa­men des Per­for­mances (PRC)25 sera créée en 1998, dont le rôle est de fixer les objec­tifs de
      per­for­mance, de déter­mi­ner et mesu­rer les indi­ca­teurs asso­ciés, et enfin
      de pro­po­ser des règles de régu­la­tion éco­no­mique à appli­quer dans chaque État et au sein de l’A­gence Eurocontrol
    • Com­mis­sion indé­pen­dante de Régle­men­ta­tion de la Sécu­ri­té (SRC)26
    • Ren­for­ce­ment d’ac­tions com­munes ou concer­tées dans les domaines
      de l’es­pace aérien, de la recherche-déve­lop­pe­ment et des sys­tèmes communs
    • Approche glo­bale de l’ATM com­pre­nant la cir­cu­la­tion aéroportuaire
    • Consul­ta­tion et par­ti­ci­pa­tion plus forte des usa­gers aux débats.
       
  • 1999 Adop­tion pré­vue de la stra­té­gie ATM pour les années 2000+ (ATM 2000+)
    Cette stra­té­gie devrait fixer des objec­tifs ambi­tieux et défi­nir les moyens pour y parvenir.
  • 1998 à 2002 Adhé­sion de l’U­nion euro­péenne à Eurocontrol
    Rati­fi­ca­tion de la Conven­tion révi­sée d’Eurocontrol

L’é­vo­lu­tion du cadre ins­ti­tu­tion­nel est un élé­ment néces­saire, mais non suf­fi­sant pour assu­rer l’é­vo­lu­tion du contrôle aérien en Europe, dans le contexte plus géné­ral du pro­gramme CNS/ATM de l’OA­CI. Nous allons voir ici cer­taines des solu­tions opé­ra­tion­nelles et tech­niques qui devraient per­mettre de répondre aux défis posés à l’ATM par la crois­sance du tra­fic en Europe, dans l’ordre chro­no­lo­gique de leur application.

Contrôle des flux

La pre­mière action face à la crois­sance sou­daine du tra­fic à par­tir de 1985 fut et reste de limi­ter le tra­fic en vol par un méca­nisme d’at­tente au sol. C’est une solu­tion pré­ser­vant la sécu­ri­té au prix de retards dans l’exé­cu­tion des vols. La ges­tion de flux cen­tra­li­sée en Europe par la CFMU a per­mis d’op­ti­mi­ser les retards et de mieux pro­té­ger les centres contre les pointes de tra­fic, d’où une aug­men­ta­tion de la capa­ci­té accep­table d’en­vi­ron 10 %. Les amé­lio­ra­tions à venir concernent prin­ci­pa­le­ment le rerou­tage, aujourd’­hui employé de manière ad hoc, pour employer au mieux les capa­ci­tés dis­po­nibles. Il devrait être pos­sible à terme d’of­frir un choix de routes pour chaque vol à l’ex­ploi­tant, qui choi­si­rait en fonc­tion des retards accep­tables à l’ar­ri­vée, des temps de vol et consom­ma­tion pré­vus, des condi­tions météo­ro­lo­giques et des redevances.

Améliorations du système existant

Dans cer­tains cas, les centres ne sont pas équi­pés ou exploi­tés au mieux de l’é­tat de l’art. Il est sou­vent pos­sible par des actions rela­ti­ve­ment simples, d’ordre tech­nique (liai­sons entre centres), opé­ra­tion­nelles (opti­mi­sa­tion du réseau de routes) ou orga­ni­sa­tion­nelles (opti­mi­sa­tion de l’ou­ver­ture des sec­teurs), d’a­mé­lio­rer signi­fi­ca­ti­ve­ment le ser­vice four­ni par un centre de contrôle. Tou­te­fois, une action ponc­tuelle peut être sans effet, le réseau ne valant que ce que vaut son plus faible maillon. Euro­con­trol coor­donne un plan de conver­gence et de mise en œuvre (CIP) depuis 1992, visant à la cohé­rence des actions dans les 65 centres en route, et dif­fuse les meilleures pra­tiques entre ses États membres. La Com­mis­sion d’exa­men des per­for­mances, qui sera créée en 1998 (voir plus haut), éta­bli­ra des indi­ca­teurs et des objec­tifs de per­for­mance pour chaque élé­ment du réseau ATM. Cela per­met­tra de mieux détec­ter les points faibles et de fixer des objec­tifs équi­tables pour cha­cun des pres­ta­taires de service.

Premières évolutions de fond

Au-delà des amé­lio­ra­tions du sys­tème actuel, on peut voir se des­si­ner les pre­miers élé­ments de solu­tions futures qui per­met­tront de sup­por­ter la crois­sance de tra­fic pen­dant quelques années, juste assez pour déve­lop­per et mettre en œuvre des solu­tions plus avancées.

L’a­jout de huit niveaux de vols aux alti­tudes les plus deman­dées, par réduc­tion de la sépa­ra­tion ver­ti­cale à 1 000 pieds (300 m) entre les niveaux 290 et 410, doit aug­men­ter la capa­ci­té aux alti­tudes de croi­sière d’en­vi­ron 30 %, soit l’é­qui­valent de cinq ans de crois­sance de tra­fic dans cette par­tie de l’espace.
La libé­ra­tion de zones mili­taires péna­li­sant le tra­fic civil au moment des pointes per­met de réduire les retards de manière signi­fi­ca­tive27. En Hon­grie par exemple, les exer­cices mili­taires sont sys­té­ma­ti­que­ment pla­ni­fiés en dehors des pointes de tra­fic civil.

L’in­tro­duc­tion de routes directes en espace supé­rieur, dans la mesure où les zones mili­taires réser­vées le per­mettent, est une piste pro­met­teuse, qui per­met­trait de réduire les péna­li­sa­tions en temps et dis­tance de vol, de dimi­nuer le nombre de conflits et de réduire la pol­lu­tion. Des méthodes et sys­tèmes de contrôle adap­tés à de nou­velles struc­tures de tra­fic plus aléa­toires devront être mis en œuvre. Des solu­tions expé­ri­men­tales existent (voir plus loin). Mais leur implan­ta­tion coor­don­née dans un nombre suf­fi­sant de centres est déli­cate. L’in­tro­duc­tion de grandes zones homo­gènes en espace supé­rieur en faci­li­te­rait la mise en œuvre (voir para­graphe » Centres communs »).

Programmes de recherche européens

Dans une étape ulté­rieure, les pro­cé­dures et sys­tèmes ATM devront connaître une évo­lu­tion impor­tante par rap­port à aujourd’­hui. Des pro­grammes de recherche menés depuis une dizaine d’an­nées en par­ti­cu­lier dans le cadre d’Eu­ro­con­trol et de l’U­nion euro­péenne tracent des voies pro­met­teuses. Ain­si les troi­sième et qua­trième pro­grammes cadres de la Com­mis­sion euro­péenne (EURET, FANSTIC, ECARDA, etc.) et le pro­gramme coopé­ra­tif PHARE ont contri­bué aux recherches ATM. Envi­ron 800 MF, soit 5 % des rede­vances de route, ont été consa­crés à la recherche sur CNS/ATM en 1995, dont la plus grande part dans des pro­grammes nationaux.

PHARE

PHARE est un pro­gramme coopé­ra­tif euro­péen qui devrait mar­quer l’his­toire de l’ATM. Il s’é­tend sur dix ans (1989−1998) et aura coû­té 600 MF, soit 0,4 % des rede­vances de route pen­dant cette période.

L’une des voies de recherche est l’in­té­gra­tion air-sol, tirant par­ti de liai­sons numé­riques air-sol. En effet, toute liai­son entre les cal­cu­la­teurs sophis­ti­qués uti­li­sés à bord et au sol pour l’ATM passe actuel­le­ment par une com­mu­ni­ca­tion orale impli­quant le contrô­leur et le pilote. Le pro­gramme PHARE est cer­tai­ne­ment l’un des plus avan­cés dans ce domaine. Il est conduit en coopé­ra­tion par les prin­ci­paux éta­blis­se­ments de recherche aéro­nau­tique et ATM en Europe28, conjoin­te­ment avec les auto­ri­tés ATM natio­nales. PHARE est cofi­nan­cé par Euro­con­trol et ses participants.

PHARE donne aux hommes, contrô­leurs et pilotes, un rôle cen­tral dans la détec­tion et la réso­lu­tion des conflits. Des outils puis­sants pour la pla­ni­fi­ca­tion en routes directes et la négo­cia­tion de tra­jec­toire air-sol, reliés aux sys­tèmes de ges­tion de vol 4D29, ont été déve­lop­pés à leur inten­tion. PHARE s’ap­puie sur une liai­son de don­nées numé­rique mobile air-sol, dont les tech­no­lo­gies sont dis­po­nibles aujourd’hui.

La pre­mière démons­tra­tion PHARE, conduite en Grande-Bre­tagne en décembre 1995, a mon­tré la fai­sa­bi­li­té de la négo­cia­tion de tra­jec­toires entre le bord et le sol assis­tée par liai­son de don­nées pour le contrôle en route. La deuxième démons­tra­tion PHARE en février 1997 au DLR en Alle­magne a démon­tré la valeur du séquen­ce­ment 4D en zone ter­mi­nale. Fina­le­ment, une grande démons­tra­tion pré­vue en 1998 (PD 3) inté­gre­ra tous les com­po­sants PHARE et l’ex­pé­rience des tra­vaux anté­rieurs. Elle devra démon­trer le concept aux pilotes et contrô­leurs en condi­tions expé­ri­men­tales, et mesu­rer les per­for­mances obtenues.

Vers une gestion coopérative du trafic aérien

a) Coopération Air-sol

Jus­qu’i­ci, le contrô­leur radar dis­po­sait d’une bonne image de la situa­tion pré­sente sur son écran radar. Par contre, l’as­sis­tance à la pla­ni­fi­ca­tion était pri­mi­tive et se limi­tait à des esti­mées de pas­sage sur quelques balises. Ain­si aucune assis­tance à la pla­ni­fi­ca­tion des routes directes n’é­tait four­nie. Un contrô­leur devait acqué­rir une longue expé­rience, près d’un an, avant de maî­tri­ser une zone par­ti­cu­lière. Le concept explo­ré dans PHARE ajoute au contrôle radar tac­tique plu­sieurs étapes de planification :

  • éga­li­sa­tion des flux et des charges, per­met­tant de détec­ter et trai­ter les accu­mu­la­tions de conflits avec un pré­avis de 40 minutes ;
  • pla­ni­fi­ca­tion mul­ti-sec­teur pré­or­ga­ni­sant le tra­fic 15–20 minutes en avance à l’aide de l’ou­til HIPS, les conflits rési­duels étant gérés par le contrôle tactique ;
  • contrôle tac­tique assis­té grâce aux » outils coopé­ra­tifs « , qui pré­sentent auto­ma­ti­que­ment le sous-ensemble des avions inter­agis­sant dans un conflit et four­nissent un » agen­da » d’ac­tions à prendre.

On intro­duit ain­si un autre élé­ment d’un nou­veau concept ATM : la coopé­ra­tion air-air. À la coopé­ra­tion air-sol et air-air peut s’ajouter une coopé­ra­tion sol-sol.
Ces outils avan­cés s’ap­puient eux-mêmes sur d’autres outils, tel le pré­dic­teur de trajectoires.

Fina­le­ment, le sys­tème anti-col­li­sion embar­qué TCAS four­nit un secours de der­nière minute.

Il aura ain­si fal­lu plus de trente ans pour mettre en appli­ca­tion la » Méthode des filtres » publiée par J. Vil­liers (45) en 196830, selon laquelle un flux natu­rel de conflits est pro­gres­si­ve­ment réduit à un niveau accep­table par une série de » filtres » à échéances de plus en plus courtes. Il doit ain­si être pos­sible de repous­ser le » mur de la capa­ci­té » en décou­pant la charge de tra­vail non plus seule­ment dans l’es­pace, mais aus­si dans le temps, et en four­nis­sant des outils adap­tés à des hommes et femmes qui res­tent les décideurs.

Outre une capa­ci­té accrue, dont on a vu la néces­si­té pour absor­ber le tra­fic et réduire les retards, ces nou­veaux concepts devraient offrir plu­sieurs avan­tages : for­ma­tion allé­gée pour un sec­teur spé­ci­fique, meilleure anti­ci­pa­tion des contraintes et opti­mi­sa­tion du vol par les pilotes, réduc­tion de la charge de tra­vail des contrô­leurs, donc meilleure pro­duc­ti­vi­té, réduc­tion des péna­li­sa­tions grâce à une pla­ni­fi­ca­tion effi­cace en routes directes, enfin, sécu­ri­té amé­lio­rée grâce aux véri­fi­ca­tions auto­ma­tiques de cohé­rence entre les infor­ma­tions de pla­ni­fi­ca­tion au sol et à bord.

Une meilleure coopé­ra­tion air-sol semble donc un élé­ment impor­tant d’un nou­veau concept ATM.

PHARE

PHARE s’ap­puie sur des sys­tèmes de ges­tion de vol 4D capables de dia­lo­guer avec le sol par liai­son numé­rique et sur des outils avan­cés pour le contrô­leur. On peut citer les outils coopé­ra­tifs, déve­lop­pés par le CENA, et le résol­veur (HIPS) *, outil d’as­sis­tance au planning.

Le prin­cipe du résol­veur est le sui­vant ** : un pro­ces­sus pré­vi­sible assez pré­ci­sé­ment dans le temps et l’es­pace peut être repré­sen­té comme un pro­blème qua­si sta­tique dans un espace à quatre dimen­sions (4D). Chaque tra­jec­toire d’a­vion y est repré­sen­tée par une courbe 4D à laquelle un volume de pro­tec­tion 4D peut être asso­cié. Cette courbe ne bouge – fai­ble­ment – que si la pré­dic­tion est modifiée.

De même, des volumes 4D peuvent être asso­ciés aux autres objets à évi­ter : relief, per­tur­ba­tions météo­ro­lo­giques, zones mili­taires. Pour pla­ni­fier la tra­jec­toire d’un avion, il suf­fit que le volume asso­cié n’in­ter­pé­nètre pas les autres volumes de protection.

Principe de l'interface homme-machine HIPS du programme PHARE Rap­pe­lons main­te­nant qu’il s’a­git d’as­sis­ter un contrô­leur. Or la géo­mé­trie 4D n’est pas intui­tive pour les humains. Par contre, il est facile de cal­cu­ler des pro­jec­tions 2D de ce pro­blème 4D. Une pro­jec­tion est mathé­ma­ti­que­ment simple et exacte. Trois pro­jec­tions 2D per­mettent de don­ner une carte intui­tive des contraintes sur cha­cun des trois degrés de liber­té utiles pour un avion, c’est-à-dire hori­zon­tal, lon­gi­tu­di­nal et ver­ti­cal. HIPS asso­cie le cal­cul rapide des » zones inter­dites « , et une inter­face homme/machine très inter­ac­tive per­met­tant à l’o­pé­ra­teur de déter­mi­ner et tes­ter dif­fé­rentes solu­tions qua­si ins­tan­ta­né­ment. Le résol­veur de PHARE com­bine donc la puis­sance des cal­cu­la­teurs pour le cal­cul algo­rith­mique et la puis­sance du cer­veau humain pour ana­ly­ser une carte des contraintes et prendre des ini­tia­tives en tenant compte de fac­teurs variés, dans une approche véri­ta­ble­ment cen­trée sur l’homme.

La réso­lu­tion d’un conflit par manœuvre hori­zon­tale se fait en tirant comme sur un élas­tique sur la tra­jec­toire ini­tia­le­ment en conflit repré­sen­tée par le trait rouge jus­qu’à ce qu’elle soit en dehors de toute zone de conflit. La solu­tion par une route directe est repré­sen­tée par un trait vert dans la figure ci-contre. Cette inter­ac­tion très intui­tive, bien que mathé­ma­ti­que­ment com­plexe, est assi­mi­lée rapi­de­ment par les contrô­leurs. Elle leur per­met de res­ter com­plè­te­ment dans la boucle de décision.

De manière simi­laire, les contraintes en vitesse et en alti­tude sont mon­trées sur deux autres pro­jec­tions. L’axe ver­ti­cal de la pro­jec­tion en vitesse cor­res­pond à une arri­vée en avance ou en retard ; un seg­ment hori­zon­tal repré­sente la vitesse nomi­nale, un seg­ment mon­tant montre une vitesse accrue et les tri­angles clairs donnent les marges de manœuvre en vitesse. Noter que cette pro­jec­tion en vitesse per­met au contrô­leur de déci­der ins­tan­ta­né­ment s’il existe une solu­tion en vitesse et quelle est la meilleure – un outil tout à fait nou­veau. Dans la pro­jec­tion ver­ti­cale, plus clas­sique, le niveau de vol appa­raît en ordon­née et le temps en abs­cisse. Les zones de conflits réels ou poten­tiels sont mon­trées, ce qui évite les tâton­ne­ments d’une méthode par essais-erreurs uti­li­sant seule­ment un détec­teur de conflits. Il faut noter que toute com­bi­nai­son de chan­ge­ment de cap, de vitesse et d’al­ti­tude pour tous les avions peut être conçue et véri­fiée très rapi­de­ment par le contrô­leur avec ce sys­tème. Une pre­mière appli­ca­tion opé­ra­tion­nelle de HIPS sur l’At­lan­tique Nord est en cours.

______________________________
* High­ly Inter­ac­tive Pro­blem Sol­ver, déve­lop­pé par le Centre expé­ri­men­tal Eurocontrol.
** Les prin­cipes de HIPS ont été intro­duits notam­ment par B. Mau­dry (77), C. Meckiff et l’auteur.

b) Coopération Air-air

Sup­po­sons main­te­nant que des outils de pla­ni­fi­ca­tion (inter­ac­tifs comme HIPS, ou auto­ma­tiques) et cohé­rents avec ceux du sol soient dis­po­nibles à bord. Cela four­ni­rait un sup­port puis­sant pour la coopé­ra­tion air-sol dans les zones denses et éten­drait le champ des croi­se­ments à vue déjà cou­ram­ment pra­ti­qués. Par exemple, le sui­vi tac­tique d’un conflit réso­lu par pla­ni­fi­ca­tion pour­rait être assu­ré à bord, déchar­geant le contrô­leur radar d’une grande par­tie de sa charge de tra­vail. Ce concept doit être explo­ré par le pro­jet FREER 2 du Centre expé­ri­men­tal Euro­con­trol (CEE).

Dans cer­taines zones océa­niques ou déser­tiques, où la sécu­ri­té laisse par­fois à dési­rer, et où la charge de tra­vail à bord est faible, la délé­ga­tion pour­rait être per­ma­nente, et la sépa­ra­tion assu­rée par les équi­pages eux-mêmes. Ceci néces­si­te­rait de défi­nir des règles de prio­ri­té uni­ver­selles pour tous types de conflits entre deux ou plu­sieurs avions. En effet, les règles de vol à vue actuelles (VFR) ne traitent que du cas de deux avions en palier en condi­tions de bonne visi­bi­li­té. Plu­sieurs pro­jets expé­ri­men­taux sont menés notam­ment par NASA/NLR, par le CENA en France et par le CEE (FREER 1)31.

Ces pro­jets pour­raient avoir une inci­dence majeure sur l’ATM dans les zones peu denses (peut-être 10 % du tra­fic et 80 % de la sur­face du globe), en rédui­sant consi­dé­ra­ble­ment le besoin de contrôle au sol dans ces espaces. Il res­te­rait tou­te­fois un rôle de sur­veillance de la régu­la­ri­té des opé­ra­tions et de secours en cas d’accident.

c) Coopération Sol-sol

On intro­duit ain­si un autre élé­ment d’un nou­veau concept ATM : la coopé­ra­tion air-air. À la coopé­ra­tion air-sol et air-air peut s’ajouter une coopé­ra­tion sol-sol.

Les besoins opé­ra­tion­nels des exploi­tants sont dif­fé­rents pour chaque vol. Arri­ver à l’heure sera prio­ri­taire pour un vol assu­rant des cor­res­pon­dances dans un hub, quitte à allon­ger la route pour évi­ter des retards ATM. Par contre, mini­mi­ser les coûts d’ex­ploi­ta­tion sera essen­tiel pour un long cour­rier. Au dépôt d’un plan de vol, l’ATM pour­rait pro­po­ser plu­sieurs routes et don­ner l’en­semble des contraintes affec­tant le vol (espace aérien, météo, retard et rede­vances de route pour chaque alter­na­tive). L’ex­ploi­tant pour­rait choi­sir sa route en fonc­tion de ces élé­ments. Il serait éga­le­ment pos­sible, comme aux États-Unis, d’at­tri­buer à chaque com­pa­gnie un ensemble de cré­neaux d’at­ter­ris­sage, en coopé­ra­tion avec les aéro­ports, à charge pour elle d’é­ta­blir et de com­mu­ni­quer les prio­ri­tés entre ses vols. Ces dis­po­si­tions peuvent géné­rer des éco­no­mies d’ex­ploi­ta­tion impor­tantes, sans créer de charge de tra­vail inac­cep­table pour l’ATM.

d) Diffusion de la position et des intentions

Enfin, chaque avion pour­rait trans­mettre obli­ga­toi­re­ment sa posi­tion et ses inten­tions, par exemple par ADS/B32. Cela per­met­trait d’a­mé­lio­rer la pré­dic­tion de trajectoire.

Or ces scé­na­rios s’ap­puient sur une pré­vi­sion de tra­jec­toire fiable à la fois au sol et à bord. Ceci est atteint dans PHARE grâce aux FMS 4D (qui arrivent par construc­tion à l’heure fixée) et à la liai­son de don­nées pour assu­rer une cohé­rence air-sol. Une meilleure pré­dic­tion de tra­jec­toire basée sur des infor­ma­tions dis­po­nibles au sol ou à bord et dif­fu­sées à toutes les par­ties concer­nées per­met­trait sans doute d’at­té­nuer l’exi­gence coû­teuse d’é­qui­per la plu­part des avions de FMS 4D. En effet, de nom­breuses com­pa­gnies dis­posent d’in­for­ma­tions très pré­cises sur les condi­tions d’ex­ploi­ta­tion de chaque vol (masse, pro­fils de montée/descente, etc.). Les vents et tem­pé­ra­tures mesu­rés auto­ma­ti­que­ment à bord pour­raient aus­si être trans­mis par liai­son de don­nées et inté­grés dans les modèles météo, rem­pla­çant pour par­tie les radio­sondes. Les études météo de PHARE ont mon­tré qu’il était pos­sible de réduire l’in­cer­ti­tude sur la vitesse du vent, prin­ci­pal fac­teur d’er­reur de pré­dic­tion, d’en­vi­ron 60 %. Enfin, l’in­ter­po­la­tion sur la base d’in­ten­tions est néces­sai­re­ment plus pré­cise que l’ex­tra­po­la­tion sur la base des infor­ma­tions rudi­men­taires conte­nues dans le plan de vol.

On voit ain­si se des­si­ner la ges­tion coopé­ra­tive du contrôle aérien (coopé­ra­tion air-sol, air-air et sol-sol, dif­fu­sion des posi­tions et inten­tions), où ATM, exploi­tants, équi­pages et aéro­ports seraient par­ties pre­nantes, comme élé­ment de réponse aux défis décrits plus haut.

Que serait-il néces­saire pour cela ?

  • Des sys­tèmes et méthodes de ges­tion d’in­for­ma­tions cohé­rentes entre com­pa­gnies aériennes (AOC), avions, aéro­ports et ATM (centres de contrôle, CFMU, ges­tion de l’es­pace), per­met­tant à toutes les par­ties concer­nées de connaître les contraintes les affec­tant (tra­fic, météo, relief, cré­neaux à l’ar­ri­vée, espaces réservés…).
  • Des avions, non néces­sai­re­ment équi­pés de FMS 4‑D, capables de com­mu­ni­quer leurs posi­tions et inten­tions.
  • Des hommes et des femmes for­més (ce qui peut poser un pro­blème de flux de formation).
  • Des finan­ce­ments (ce qui ne sera pas un pro­blème si un bon retour sur inves­tis­se­ment est démontré).
  • Des liai­sons de don­nées air-sol et air-air (les tech­no­lo­gies sont disponibles).
  • Et sur­tout, la volon­té d’aboutir !

L’ex­pé­rience de mise en place du GSM33, avec enga­ge­ment des dif­fé­rentes par­ties sur des plans de mise en œuvre coor­don­nés est sans doute à méditer.

Que pour­rait-on attendre d’un tel modèle ?

  • Il devrait être capable de répondre aux défis posés à l’ATM pour les dix-vingt ans à venir. Les résul­tats des tra­vaux en cours, notam­ment PHARE, devraient per­mettre de com­men­cer à le démontrer.
  • Il pour­rait com­por­ter un spectre com­plet de concepts opé­ra­tion­nels, depuis le contrôle clas­sique jus­qu’à l’a­vion auto­nome, basés sur un para­digme unique : la connais­sance par­ta­gée des contraintes et des intentions.
  • Il per­met de s’ap­pro­cher à terme de l’ob­jec­tif du Free Flight, ardem­ment défen­du aux USA.

Le concept EATMS, déve­lop­pé sous la conduite de Ber­nard Miaillier (73), main­te­nant offi­ciel­le­ment accep­té par l’or­ga­ni­sa­tion Euro­con­trol et ses usa­gers comme cible de la stra­té­gie de mise en œuvre com­mune pour les années 2000+, incor­pore ces élé­ments et d’autres encore34.

Aspects économiques et réglementaires

Les aspects ins­ti­tu­tion­nels, opé­ra­tion­nels et tech­niques évo­qués jus­qu’i­ci seraient impuis­sants sans finan­ce­ment appro­prié. Nous avons vu que les rede­vances de route sont cal­cu­lées depuis le 1er jan­vier 1998 sur la base de la route deman­dée, ce qui intro­duit un cer­tain degré de com­pé­ti­tion entre four­nis­seurs ATM, car les exploi­tants pour­ront désor­mais choi­sir une route alter­na­tive où la rede­vance est moins chère. La res­pon­sa­bi­li­té du contrôle d’un espace aérien don­né est attri­buée à un État par­ti­cu­lier, en situa­tion de mono­pole. Il arrive tou­te­fois qu’un État, tel le Royaume-Uni, ouvre à la concur­rence la pres­ta­tion de ser­vice ATM pour une zone et une période don­née. Le mode de finan­ce­ment est aujourd’­hui infla­tion­niste, car les rede­vances recouvrent par défi­ni­tion les coûts encou­rus. Enfin, les uti­li­sa­teurs et payeurs de l’ATM n’ont pas d’au­to­ri­té directe sur la fixa­tion des tarifs.

Dans ce contexte, il faut assu­rer que la sécu­ri­té est gérée selon des règles éta­blies, assu­rer un contre­poids aux situa­tions de mono­pole, et éven­tuel­le­ment régu­ler la concur­rence. De plus, cer­tains ser­vices tels les com­mu­ni­ca­tions sol-sol ou air-sol, la sur­veillance et les aides à la navi­ga­tion, ne seront plus néces­sai­re­ment four­nis par les pres­ta­taires de ser­vice ATM eux-mêmes, mais par des opé­ra­teurs glo­baux. La sépa­ra­tion entre régu­la­teur et opé­ra­teurs, et la régu­la­tion du ser­vice ATM devront donc se déve­lop­per, à l’ins­tar de ce qui passe dans les Télé­com­mu­ni­ca­tions35 ou les trans­ports fer­ro­viaires. Un des rôles de la Com­mis­sion d’exa­men des per­for­mances (PRC) nou­vel­le­ment créée sera de pro­po­ser au Conseil les lignes direc­trices de la régu­la­tion à appli­quer par chaque État.

Conclusions

Les ini­tia­tives et tra­vaux en cours, notam­ment dans le cadre de la Conven­tion révi­sée d’Eurocontrol, per­mettent de pen­ser que des solu­tions sont et seront appor­tées pour que le contrôle du tra­fic aérien en Europe satis­fasse les besoins des uti­li­sa­teurs en quan­ti­té et en qua­li­té dans les décen­nies qui viennent. Nul doute que les usa­gers de l’espace, qui payent entiè­re­ment le ser­vice ATM en fin de compte, feront pres­sion pour que les pro­messes se réalisent

Le trans­port aérien est por­teur d’un fort poten­tiel de crois­sance et d’emplois de haut niveau dans un contexte de construc­tion euro­péenne et de mon­dia­li­sa­tion. Tou­te­fois, les béné­fices asso­ciés ne se maté­ria­li­se­ront que si les fac­teurs limi­ta­tifs, notam­ment capa­ci­té des aéro­ports et nui­sances, sont trai­tés avec la vigueur qui convient.

Pour ce qui concerne la ges­tion du tra­fic aérien, une forte évo­lu­tion des sys­tèmes et méthodes pour le contrôle des flux, la ges­tion de l’es­pace et la sépa­ra­tion des avions seront néces­saires pour vaincre le » mur de la capa­ci­té » pré­vu vers 2003 dans les zones les plus denses. La stra­té­gie ins­ti­tu­tion­nelle adop­tée par les ministres des Trans­ports en février 1997 four­nit des ins­tru­ments pour y par­ve­nir. Entre les deux options extrêmes, frac­tion­ne­ment dans chaque État et orga­nisme euro­péen unique de ges­tion du tra­fic aérien, les ministres des Trans­ports se sont enga­gés à four­nir de manière dis­tri­buée un ser­vice à un niveau de per­for­mance déci­dé et véri­fié en com­mun, ce qui néces­site un méca­nisme de régu­la­tion économique.

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1.
Le Centre expé­ri­men­tal Euro­con­trol est diri­gé par J.-M. Garot (67). Adresse : B.P. 15, 91222 Bré­ti­gny-sur-Orge Cedex. http:// www.eurocontrol.fr
2. 92 % du tra­fic aérien euro­péen est interne à la région, alors que seule­ment 30 % du tra­fic évo­luant dans le ciel fran­çais reste à l’in­té­rieur de notre pays.
3. ATM : Air Traf­fic Mana­ge­ment = ATC + ATFM + ASM.
ATC : Air Traf­fic Control ; ATFM : Air Traf­fic Flow Mana­ge­ment ; ASM : Airs­pace Mana­ge­ment. Pour une vue d’en­semble sur la ges­tion du tra­fic aérien, voir Le Contrôle de la cir­cu­la­tion aérienne, Que sais-je ? n° 2572, par Georges Mai­gnan (52).
4. Notez que cette date coïn­cide avec la signa­ture de l’Acte unique, qui devait intro­duire un Mar­ché unique en 1993, et dont les usa­gers ont pu anti­ci­per l’effet.
5. Source : Eurocontrol/Statfor. La zone » Euro 88 » com­prend 11 États de l’Eu­rope de l’Ouest, soit envi­ron 75 % du tra­fic de la zone CEAC (la plu­part des États euro­péens à l’ouest de la CEI).
6. Voir à ce sujet le » Que sais-je ? » de G. Maignan.
7. Source CEAC : » Stra­té­gie ins­ti­tu­tion­nel pour l’ATM en Europe ”.
8. Source Eurocontrol/SCRR (20 États).
9. Estimation.
10. Source Eurocontrol/CFMU ; ce chiffre com­prend toutes les res­tric­tions gérées par la CFMU, y com­pris les limi­ta­tions dues aux capa­ci­tés de piste et à la météo.
11. Voir plus bas le para­graphe consa­cré à Eurocontrol.
12. Méthode de cal­cul dite “RSO”.
13. Voir figure 1.
14. Bud­get d’investissement de la Direc­tion de la navi­ga­tion aérienne divi­sé par deux en termes réels de 1972 à 1984.
15. C’est l’unité géo­gra­phique d’organisation des tâches de contrôle, sous la res­pon­sa­bi­li­té d’un ou deux contrôleurs.
16. Voir articles de J. VILLIERS (45) dans les maga­zines de l’Institut du Trans­port Aérien n° 59 et 60.
17. Noter qu’il y a de nom­breuses autres sources de retards : char­ge­ment des pas­sa­gers ou des bagages, pro­blèmes tech­niques de l’avion, capa­ci­té insuf­fi­sante de la piste, météo­ro­lo­gie défavorable…
18. 33 États en 1997.
19. Coût moyen d’une minute d’attente au sol : 120 F (source IATA).
20. Au-des­sus de 7 500 m d’altitude.
21. Alle­magne de l’Ouest, Bene­lux, Grande- Bre­tagne, France.
22. La CEAC com­pre­nait 37 États euro­péens au 1.1.98, soit la qua­si-tota­li­té des États à l’ouest de la CEI.
23. Alle­magne, Bel­gique, France, Luxem­bourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Por­tu­gal, Grèce, Tur­quie, Malte, Chypre, Hon­grie, Suisse, Autriche, Nor­vège, Dane­mark, Slo­vé­nie, Suède, Répu­blique tchèque, Ita­lie, Rou­ma­nie, Répu­blique slo­vaque, Espagne, Bul­ga­rie, Croa­tie, Monaco.
24. CIP : Conver­gence and Imple­men­ta­tion Plan.
25. PRC : Per­for­mance Review Commission.
26. SRC : Safe­ty Regu­la­tion Commission.
27. Si le gain de capa­ci­té est de 10 %, les délais induits peuvent être réduits d’environ 50 % (voir l’élasticité capacité/retards au cha­pitre “ Capa­ci­tés ATM du point de vue des retards ”).
28. Membres prin­ci­paux : Centre d’études de la navi­ga­tion aérienne (CENA/DGAC France), NLR (NL), DLR (Alle­magne), Natio­nal Air Traf­fic Ser­vices (GB), Agence Eurocontrol.
29. Les cal­cu­la­teurs sophis­ti­qués ins­tal­lés à bord des avions les plus modernes (Flight Mana­ge­ment Sys­tem 4D, ou FMS 4D) assurent la ges­tion des tra­jec­toires des avions dans l’espace et le temps.
30. “ La méthode des filtres ”, J. VILLIERS, Revue Navi­ga­tion n° 61, 3e tri­mestre 1968.
31. Voir http://www.eurocontrol.fr/projects/ freer
32. Auto­ma­tic Dependent Surveillance/Broadcast, par lequel l’avion trans­met omni­di­rec­tion­nel­le­ment sa posi­tion, son iden­ti­té et ses intentions.
33. Sys­tème de com­mu­ni­ca­tions avec les mobiles.
34. Réf. : EATMS Ope­ra­tio­nal Concept docu­ment (OCD), EUROCONTROL, EATCHIP Doc : FCO.ET1. ST07.DEL01 – Issue 1.0 – 1 March 1997, http:www.eurocontrol.be
35. Voir l’article de J.-M. CHADUC (62) “ La régu­la­tion des Télé­com­mu­ni­ca­tions ” dans La Jaune et la Rouge n° 514.

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