ÉCLATS DE VIE

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°651 Janvier 2010Par : Gilles Cosson (57), préface de Bernard FeilletRédacteur : Olivier Dupont de Dinechin (56)

Comme reçu chez un ancien cama­rade qui ferait part des expé­riences jalon­nant son exis­tence, images et charme du conteur à l’appui, le lec­teur de ces Éclats de vie aura plai­sir à entrer dans l’univers de Gilles Cos­son. Le vaste monde au coin du feu.

Couverture du livre : Éclats de vieEn effet, la pre­mière par­tie de l’ouvrage est com­po­sée d’une tren­taine de brèves nou­velles, qu’a rap­por­tées le voya­geur, reve­nu avec bon­heur dans son « Petit Liré ». Tan­tôt l’immensité des pay­sages, tan­tôt l’étrangeté des per­son­nages, par­fois le drame ren­con­tré ou ima­gi­né. L’art de la mise en scène et celui d’une écri­ture balan­cée sont ici au ser­vice d’un goût pour les splen­deurs de notre pla­nète, d’une atten­tion aux humains dans leur varié­té, d’une obser­va­tion affi­née des situa­tions fami­lières ou étranges.

Au cours de cette lec­ture se dégage un fil direc­teur, celui d’une sagesse en quête de ce qui dans l’homme dépasse l’homme, de ce qui dans son expé­rience l’attire comme vers un au-delà de lui-même, et que Gilles Cos­son, dans un pré­cé­dent ouvrage, appe­lait « spi­ri­tua­li­té »1.

Les Méditations

Habi­tés par ce cli­mat, nous voi­ci intro­duits aux Médi­ta­tions que pro­pose main­te­nant le nar­ra­teur : les deux autres par­ties de l’ouvrage, au ton fort dif­fé­rent l’une de l’autre. La pre­mière, qu’il qua­li­fie de « dérai­son­nable », est un rap­pel tout à fait per­son­nel des sou­ve­nirs des temps de sa vie – enfance, jeu­nesse, matu­ri­té, âge. Il se laisse ici volon­tai­re­ment gui­der par l’émotion inté­rieure : celle de la beau­té, de la sym­pa­thie humaine, de joies éprou­vées dans des moments intenses, de dou­leurs et peines évo­quées avec pudeur. C’est sur­tout la joie qui semble pré­va­loir, même dans la gra­vi­té : n’indiquerait-elle pas la direc­tion d’un « Dieu » auquel, mal­gré l’insaisissable, s’ouvre le désir de « rendre grâces » ? Gilles Cos­son n’hésite pas à don­ner à ses pro­pos, comme un Augus­tin ou un Rous­seau, la forme et le titre de « confessions ».

Le chemin de la sagesse

Ne retrouve-t-il pas alors spon­ta­né­ment, dans la joie vitale et jusque dans les moments où se des­sine l’horizon de la mort, le che­min de sagesse de tant d’expériences, médi­tées au long des siècles ou dans d’autres cultures, dont des témoins ont lais­sé la trace : les Grecs pré­cur­seurs de la Phi­lo­so­phie, la sagesse biblique, l’interrogation des Lumières.

Sur ces che­mins, cepen­dant, l’interrogation sur la spi­ri­tua­li­té reste mar­quée par des pré­ven­tions que notre moder­ni­té occi­den­tale mani­feste depuis deux siècles à l’égard des « reli­gions » orga­ni­sées et de leurs « pro­phètes ». Objec­tions cou­rantes : l’enfermement de l’expérience per­son­nelle dans des dogmes, la pré­ten­tion à une véri­té uni­ver­selle mais exclu­sive, le léga­lisme et son juge­ment, qui fina­le­ment sont dans l’Histoire la source de haines, de vio­lences, de ruines.

Donc, méfiance à l’égard de toute autre connais­sance de « Dieu » que celle, inté­rieure et imma­nente, qu’un indi­vi­du peut décou­vrir : pas de révé­la­tion pro­phé­tique, d’accord pour un « Dieu » qui est, pas pour un Dieu qui « vient » ou qui « parle ». Spi­no­za fait réfé­rence. Avec sur­tout le désir qu’au-delà des bar­rières his­to­riques, cultu­relles et reli­gieuses l’avenir s’ouvre d’une nou­velle et néces­saire compréhension.

Le chemin de l’émotion

Mais les che­mins « dérai­son­nables » de l’émotion ont aus­si à être mis à l’épreuve de la ratio­na­li­té telle que l’entend la science moderne. Cette ana­lyse cri­tique, elle aus­si clas­sique et tou­jours actuelle, est reprise dans la der­nière par­tie. Impli­cite influence de Des­cartes ? À la recherche de « Dieu comme hypo­thèse rai­son­nable », le fil direc­teur est ici la « pen­sée » dans son rap­port à la « matière », en une dua­li­té maté­rielle et spirituelle.

L’univers pen­sant qui est le nôtre ne serait-il pas pen­sé ? La dis­ci­pline scien­ti­fique de réfé­rence semble plu­tôt l’astrophysique – celle qui, entre ondes et cor­pus­cules, s’interroge sur le com­men­ce­ment du monde et l’énergie noire, cette der­nière aujourd’hui objet de tant de contro­verses. Cepen­dant, il se laisse suivre avec inté­rêt dans ses hypo­thèses. D’ailleurs, les pages sur « l’univers pen­sant » ne sont pas sans rap­pe­ler la « noo­sphère » du paléon­to­logue Teil­hard de Chardin.

Fal­lait-il ras­sem­bler la leçon d’une telle aven­ture du corps, du coeur et de l’esprit ? Et com­ment, sinon sous la forme d’un poème ? Une vision, une pro­phé­tie ? Tout en situant ces paroles finales en annexe, Gilles Cos­son ose devant nous ce risque.

1. Vers une nou­velle spi­ri­tua­li­té, Édi­tions de Paris – Max Cha­leil, 2002.

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