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Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°631 Janvier 2008Rédacteur : Jean SALMONA (56)
Par Jean SALMONA (56)

La célé­bra­tion du tren­tième anni­ver­saire de la mort de Maria Cal­las a pu las­ser par ses excès. Il n’en reste pas moins que la diva est incon­tour­nable, et il faut au moins citer une antho­lo­gie par­ti­cu­liè­re­ment bien faite, repré­sen­ta­tive de son talent éclec­tique : Puc­ci­ni, Gior­da­no (André Ché­nier), Ver­di, Doni­zet­ti, Ros­si­ni, Bel­li­ni, et aus­si Bizet, Gou­nod, Mas­se­net, Char­pen­tier, Saint-Saëns, Cilea, Cata­la­ni (La Wal­ly), avec en prime un DVD de témoi­gnages et d’extraits de concerts1. Quand une inter­prète atteint à la légende, le com­men­taire est superflu.

C’est d’un tout autre genre qu’il s’agit, avec Puer­ta de Velun­tad, Litur­gie et mys­tique dans la musique judéo-espa­gnole, par le groupe Alia Musi­ca diri­gé par Miguel San­chez. Ce sont pour la plu­part des poèmes du XIe siècle, avec des mélo­dies soit notées et sta­bi­li­sées au XVIe siècle, soit impro­vi­sées, dans le sys­tème musi­cal otto­man. Des chants sacrés non sans paren­té avec le chant gré­go­rien, témoi­gnage rare de ce légen­daire Âge d’or judéo-chré­tien-musul­man où Cor­doue était le centre cultu­rel et scien­ti­fique de l’Europe.

Erman­no Wolf-Fer­ra­ri (1876−1948), com­po­si­teur ita­lo-alle­mand, a fait par­tie, comme Richard Strauss, de ces clas­siques attar­dés qui ont igno­ré Stra­vins­ki, l’École de Vienne, et même Pro­ko­fiev et Chos­ta­ko­vitch. Un enre­gis­tre­ment avec l’Orchestre de Padoue et de la Véné­tie pré­sente le Idillio-Concer­ti­no pour haut­bois, la Suite-Concer­ti­no pour bas­son, le Concer­ti­no pour cor anglais, deux cors et orchestre à cordes2. C’est une musique toute de sim­pli­ci­té, sans inno­va­tion, qui fera hur­ler les dis­ciples de Bou­lez, et qui n’a d’autre pré­ten­tion que d’être bien écrite et agréable à écou­ter, comme le sont les musiques de Joseph Can­te­loube ou Déodat de Séverac.

On (re) découvre aujourd’hui les Sym­pho­nies de Sibe­lius, dont l’intégrale vient d’être publiée, diri­gée par Simon Rat­tle et le City of Bir­min­gham Sym­pho­ny Orches­tra3. Il n’était pas facile de venir après Tchaï­kovs­ki et sur­tout Mah­ler ; et pour­tant Sibe­lius a écrit ses sept Sym­pho­nies entre 1899 et 1924 sans aucune inno­va­tion for­melle. Qu’est-ce qui fait alors que ces œuvres, contem­po­raines de Schoen­berg et Stra­vins­ki, et pour­tant écrites dans le même lan­gage que Brahms et Bee­tho­ven, passent la rampe aujourd’hui ? C’est que Sibe­lius était un artiste majeur, consa­crant sa puis­sance créa­trice non à la recherche de formes nou­velles mais aux thèmes et à leur déve­lop­pe­ment, à l’orchestration – magni­fique – et à la concep­tion archi­tec­tu­rale. Et c’est là une leçon que pour­raient médi­ter tous les artistes contem­po­rains, musi­ciens, plas­ti­ciens, archi­tectes, dont la plu­part s’épuisent à ten­ter d’innover dans la forme : en art, comme dans la science, il ne se fait rien de grand sans capi­ta­li­ser sur les pré­dé­ces­seurs, comme l’a fait Bach. Entrez dans les Sym­pho­nies de Sibe­lius comme dans l’œuvre de Wag­ner, et vous en reti­re­rez une joie pro­fonde, qui dépasse la satis­fac­tion de la simple décou­verte. Dans le même cof­fret, d’autres pièces de Sibe­lius, et sur­tout le Concer­to de vio­lon – pour nous le som­met de l’œuvre de Sibe­lius – avec Nigel Ken­ne­dy dont le jeu exa­cer­bé est bien en situa­tion dans cette œuvre tourmentée.

Sam­son Fran­çois, toujours
On ne sau­rait trop vous recom­man­der, si vous par­ve­nez à vous la pro­cu­rer, une ver­sion inédite de la 1re Bal­lade de Cho­pin par Sam­son Fran­çois enre­gis­trée en 1945 (in Inter­views et enre­gis­tre­ments inédits4, en prin­cipe hors com­merce), tota­le­ment dif­fé­rente de celle de 1957 que l’on connaît, fra­gile, hal­lu­ci­née, véri­ta­ble­ment bou­le­ver­sante. Et – le cama­rade Dar­mon ne nous en vou­dra pas d’empiéter excep­tion­nel­le­ment sur son domaine – le DVD5 où Sam­son Fran­çois joue le 1er Concer­to de Cho­pin, le Concer­to en sol de Ravel (avec déme­sure), de Debus­sy, la Toc­ca­ta, l’Isle joyeuse, et enfin, excep­tion­nelle, La plus que lente, fabu­leuse leçon d’interprétation, abso­lu nirvana.

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1. 2 CD + 1 DVD EMI 504250.
2. 1 CD CPO 777 157–2.
3. 5 CD EMI 5 00753 2.
4. 1 CD EMI SPCD 1861.
5. 1 DVD EMI Clas­sic Archive 54.

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