Chargement d’un camion-citerne en GNL

Développer le gaz naturel carburant en France

Dossier : Gaz et transition énergétiqueMagazine N°725 Mai 2017
Par Pierre GERMAIN (89)

Le gaz natu­rel (com­pri­mé ou liqué­fié) est une solu­tion très com­pé­ti­tive, assu­rant des gains signi­fi­ca­tifs en émis­sions de pol­luants et basé sur une tech­no­lo­gie mature. Son déve­lop­pe­ment néces­site le déploie­ment d’un réseau de dis­tri­bu­tion qui n’est pas par­ti­cu­liè­re­ment encou­ra­gé par les pou­voirs publics.

La Com­mis­sion euro­péenne a adop­té en octobre 2014 la direc­tive sur le déploie­ment d’une infra­struc­ture pour car­bu­rants alternatifs. 

UN CARBURANT TRÈS COMPÉTITIF

Le prix d’importation du diesel (de 35 à 40 €/MWh avec raffinage) est aujourd’hui deux fois supérieur à celui du gaz naturel (de 15 à 20 €MWh) et cet écart devrait se maintenir à long terme.

Ce texte demande à chaque État membre de mettre en place un cadre d’action natio­nal pour le déve­lop­pe­ment du mar­ché de ces car­bu­rants et le déploie­ment des infra­struc­tures affé­rentes : points de recharge pour véhi­cules élec­triques, points de ravi­taille­ment en GNV (sous forme de gaz natu­rel com­pri­mé – GNC – et de gaz natu­rel liqué­fié – GNL) pour les trans­ports rou­tiers, mari­times et flu­viaux, et points de ravi­taille­ment en hydrogène. 

En réponse, le minis­tère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer a publié en novembre 2016 son pro­jet de Cadre d’action natio­nal pour le déve­lop­pe­ment des car­bu­rants alternatifs. 

Sou­mis à une consul­ta­tion publique jusqu’au 14 décembre der­nier, celui-ci pro­po­sait des objec­tifs bien en deçà des ambi­tions de la filière. 

REPÈRES

La directive AFI (Alternative Fuels Infrastructures) est l’aboutissement d’une démarche initiée par la publication en 2011 du Livre blanc Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources.
Ce texte appelait à réduire la dépendance des transports à l’égard du pétrole sans sacrifier l’efficacité, et fixait un objectif de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990.

DE NOMBREUX ATOUTS POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Tout d’abord, le GNC est basé sur une tech­no­lo­gie mature (celle des moteurs à essence), éprou­vée depuis plu­sieurs décen­nies et dans divers pays, et dont les per­for­mances (auto­no­mie, puis­sance, confort d’utilisation) sont équi­va­lentes aux moto­ri­sa­tions die­sel ou essence. 

“ Des objectifs officiels bien en deçà des ambitions de la filière ”

De plus, la com­bus­tion du gaz natu­rel ne pro­duit ni oxyde de soufre, ni plomb, ni pous­sières, ni fumées noires, ni odeurs. 

D’autre part, son uti­li­sa­tion per­met de réduire signi­fi­ca­ti­ve­ment les émis­sions de pol­luants (NOx, CO, par­ti­cules) par rap­port à un véhi­cule ther­mique clas­sique sans post-trai­te­ment. Du point de vue CO2, les modèles GNC actuels per­mettent déjà de réduire de 20 à 25 % les émis­sions par rap­port aux modèles essence et ont des per­for­mances équi­va­lentes aux meilleurs Die­sel. Par ailleurs, le GNC est un car­bu­rant plus « propre » que l’essence ou le die­sel sur le long terme. 

Enfin, au-delà des aspects sani­taires et envi­ron­ne­men­taux, le déve­lop­pe­ment mas­sif du gaz natu­rel comme car­bu­rant pré­sen­te­rait aus­si un avan­tage éco­no­mique pour la col­lec­ti­vi­té grâce à l’amélioration de la balance com­mer­ciale qu’il engen­dre­rait, l’augmentation du pou­voir d’achat qu’il pro­cu­re­rait aux uti­li­sa­teurs et l’essor d’une filière créa­trice d’emplois sur un mar­ché pro­met­teur, en France comme à l’export.

UNE RESSOURCE MARGINALE, À DÉVELOPPER

Le gaz natu­rel car­bu­rant reste encore aujourd’hui mar­gi­nal en France, se limi­tant prin­ci­pa­le­ment aux seg­ments poids lourds et flottes d’entreprises.

“ Le gaz pourrait prendre une part substantielle du mix national des transports ”

Avec un réseau d’accès public infé­rieur à une cin­quan­taine de sta­tions GNV, l’infrastructure fran­çaise d’avitaillement en gaz natu­rel n’a pas l’envergure suf­fi­sante pour envi­sa­ger une intro­duc­tion signi­fi­ca­tive du gaz dans le mix des trans­ports terrestres. 

Le gaz pour­rait prendre une part sub­stan­tielle du mix natio­nal des trans­ports : en 2020, la consom­ma­tion éner­gé­tique totale du parc de véhi­cules gaz pour­rait s’élever à plus de 3 TWh, ce qui repré­sen­te­rait 0,7 % du mix fran­çais des trans­ports par la route ; elle pour­rait atteindre 25 TWh en 2030, soit 6 % du mix éner­gé­tique des transports. 

La majo­ri­té de la demande sera tirée par le sec­teur du trans­port rou­tier de mar­chan­dises, et à moyen terme par le sec­teur du trans­port de voya­geurs, les usages dif­fus (mes­sa­ge­rie, coli­sage, flottes d’entreprises, arti­sans) et les flottes des collectivités. 

UNE POSITION OFFICIELLE A MINIMA ET INCOHÉRENTE

Dans son projet de réponse à la directive AFI, le gouvernement estime le nombre « approprié » de stations GNC à 80 d’ici à fin 2020 et 115 d’ici à fin 2025, dont environ 70 localisées le long des axes ou dans les aires urbaines du Réseau transeuropéen de transport. Côté GNL, le projet estime à seulement 25 le nombre de stations déployées à l’horizon 2025, soit 140 au total en incluant le GNC.
Cette position apparaît d’emblée incohérente par rapport à l’ambition affichée par les pouvoirs publics dans le cadre du nouvel exercice de Planification pluriannuelle de l’énergie (PPE), validée par décret en octobre dernier : un simple calcul montre que 140 stations seraient nécessaires dès 2018 pour atteindre ces objectifs.

La filière GNV estime qu’un tout pre­mier jalon de 150 sta­tions publiques en 2020 per­met­trait un réel démar­rage du GNC en France, vers à terme un réseau d’un mil­lier de sta­tions, cohé­rent avec ceux de mar­chés étran­gers plus matures (Alle­magne, Italie). 

Si l’on peut pen­ser que des acteurs pri­vés inves­ti­ront pour déve­lop­per cer­taines sta­tions bien posi­tion­nées, avec une fré­quen­ta­tion poids lourds assu­rée, il est en revanche impro­bable qu’ils prennent en charge un maillage com­plet du ter­ri­toire, même si la ren­ta­bi­li­té atten­due d’un tel pro­jet est raisonnable. 

En effet, le risque intrin­sèque à ce pro­jet est éle­vé car très lié à l’ampleur et à la vitesse de déve­lop­pe­ment des véhi­cules GNC. D’autre part, même dans le cas d’un déve­lop­pe­ment impor­tant du parc de véhi­cules, les temps de retour seront longs (> dix ans) car les inves­tis­se­ments à consen­tir sont importants. 

MOBILISER LES POUVOIRS PUBLICS

Les solu­tions passent par la mobi­li­sa­tion des pou­voirs publics pour faire pro­fi­ter la col­lec­ti­vi­té natio­nale du béné­fice éco­no­mique, sani­taire et envi­ron­ne­men­tale du déve­lop­pe­ment du GNC. 


Char­ge­ment d’un camion-citerne au ter­mi­nal métha­nier Elen­gy de Mon­toir-de-Bre­tagne. © ENGIE / NEUS / BRUNET ARNAUD

Une orga­ni­sa­tion spé­ci­fique s’appuyant sur un consor­tium d’industriels (construc­teurs de véhi­cules, four­nis­seurs d’énergie, dis­tri­bu­teurs de car­bu­rant) et dans lequel l’État serait repré­sen­té pour­rait être mise en place pour déve­lop­per le projet. 

Dans tous les cas, il sera néces­saire de pré­voir des efforts de pro­mo­tion impor­tants auprès des uti­li­sa­teurs, un accom­pa­gne­ment de la régle­men­ta­tion per­met­tant de sécu­ri­ser le plan­ning de déploie­ment des sta­tions, une visi­bi­li­té sur les évo­lu­tions de la fis­ca­li­té (écart entre GNV et die­sel) ou encore une syn­chro­ni­sa­tion des par­ties pre­nantes (construc­teurs de véhi­cules, dis­tri­bu­teurs de car­bu­rant, opé­ra­teurs des sta­tions GNC, etc.) au-delà du « simple » pro­jet de stations. 

Si les acteurs de la filière s’émeuvent du carac­tère contre­pro­duc­tif de la réponse a mini­ma de l’administration, ils sont désor­mais plei­ne­ment convain­cus que son décol­lage est iné­luc­table et s’engagent de façon volon­ta­riste dans son développement.

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