De la soumission au marché au pilotage des prix

Dossier : Entreprise et management : rigueur et compétitivtéMagazine N°648 Octobre 2009
Par Jean BOSCHAT (86)
Par Nicolas SULTAN
Par Jérôme SOUIED

REPÈRES

REPÈRES
Le prin­cipe théo­rique de for­ma­tion des prix trouve plu­sieurs limites. Il fait l’hypothèse que les mar­chés sont ration­nels et que l’information est par­fai­te­ment trans­pa­rente : notam­ment que les ache­teurs connaissent les dif­fé­rents four­nis­seurs et les prix pro­po­sés. Il sup­pose aus­si que l’on parle de pro­duits par­fai­te­ment com­pa­rables et sub­sti­tuables, ce qui est évi­dem­ment rare­ment le cas, le jeu des fabri­cants étant de ten­ter de se dif­fé­ren­cier, que cette dif­fé­ren­cia­tion soit réelle ou sim­ple­ment per­çue. Enfin, il ne s’applique que dans un mar­ché où la concur­rence est libre et effec­tive, ce qui exclut toute situa­tion de mono­pole, entente entre pro­duc­teurs ou régu­la­tion des prix par la réglementation. 

En matière de for­ma­tion des prix, les théo­ries éco­no­miques sont simples. Le prix d’é­qui­libre d’un pro­duit est le résul­tat de deux méca­nismes : plus le prix est éle­vé, plus les pro­duc­teurs ont ten­dance à aug­men­ter les quan­ti­tés mises sur le mar­ché (et donc les capa­ci­tés de pro­duc­tion) ; plus le prix est faible, plus les quan­ti­tés deman­dées par les ache­teurs sont importantes.

Les résul­tats obte­nus sont en géné­ral très satisfaisants

La théo­rie fait l’hy­po­thèse qu’il existe une quan­ti­té, et donc un prix pour lequel les deux courbes se croisent, qui cor­res­pond donc au prix de mar­ché. Pas­ser de la théo­rie à la pra­tique paraît a prio­ri dif­fi­cile. Cepen­dant, il existe de nom­breux sec­teurs, en par­ti­cu­lier dans les indus­tries de pro­cess (papier, sidé­rur­gie, alu­mi­nium, verre, chi­mie, etc.), où l’a­na­lyse de ces méca­nismes au tra­vers de » courbes d’offre » per­met non seule­ment d’ex­pli­quer les prix de mar­ché mais aus­si de les anti­ci­per, voire de les piloter.

De la théo­rie à la pratique
Bien maî­tri­sée, la méthode des courbes d’offre per­met de recons­ti­tuer effec­ti­ve­ment des prix de mar­ché réa­listes. À titre d’exemple, nous avons appli­qué cette métho­do­lo­gie en 2005 dans l’in­dus­trie du papier et esti­mé à l’é­poque les pro­jec­tions des prix 2008. La com­pa­rai­son entre les prix de mar­ché issus des courbes d’offre et les prix réel­le­ment obser­vés est surprenante :
– le cal­cul fait en 2005 par la méthode des courbes d’offre per­met­tait de retrou­ver le niveau de prix réel de 2005 ;
– le cal­cul des prix 2003 fait a pos­te­rio­ri en 2005 (compte tenu de la demande et des capa­ci­tés pré­sentes sur le mar­ché en 2003) retom­bait sur le prix réel 2003 ;
– les simu­la­tions faites en 2005 pour 2008 pré­voyaient une remon­tée des prix impor­tante que la réa­li­té a bien vali­dée a posteriori ;
– enfin, de nou­veaux tra­vaux réa­li­sés en 2009 ont per­mis de retrou­ver le niveau de prix 2009 (qui s’est effon­dré suite à un accrois­se­ment de l’offre conju­gué à une baisse de la demande dans le contexte de crise actuelle) et de réa­li­ser de nou­velles pro­jec­tions pour le futur.

Courbes d’offre : principes fondamentaux et points de vigilance


FIGURE 1 – Prin­cipe de l’é­qui­libre offre-demande et méthode des courbes d’offre


La métho­do­lo­gie dite » des courbes d’offre » est assez simple sur le prin­cipe : elle consiste à éva­luer le prix de mar­ché d’un pro­duit en se basant sur une appré­cia­tion fac­tuelle de l’offre et de la demande. Sa mise en oeuvre implique tout d’a­bord de posi­tion­ner dans l’ordre des coûts crois­sants sur un graphe les capa­ci­tés dis­po­nibles pour ali­men­ter le mar­ché libre et, pour chaque machine-usine, le coût de pro­duc­tion cor­res­pon­dant (coût total mais aus­si coût cash comme nous le ver­rons plus loin) ; puis de posi­tion­ner sur le même graphe le niveau de demande du mar­ché (Q1) ; et enfin d’en déduire le » prix d’é­qui­libre » ou » prix de mar­ché » cor­res­pon­dant (P1).

La métho­do­lo­gie des courbes doit être maniée avec précaution

Si les résul­tats obte­nus sont en géné­ral très satis­fai­sants, la mise en oeuvre de cette métho­do­lo­gie pré­sente cepen­dant de nom­breuses dif­fi­cul­tés qu’il convient d’a­bor­der avec dis­cer­ne­ment. La construc­tion des courbes d’offre implique de connaître la posi­tion de coût de l’en­semble des capa­ci­tés des acteurs du mar­ché, don­nées qui ne sont pas bien évi­dem­ment publiques. Cela néces­site une iden­ti­fi­ca­tion rigou­reuse des prin­ci­paux induc­teurs de coûts de l’in­dus­trie, un tra­vail pré­cis de car­to­gra­phie sui­vant ces induc­teurs des capa­ci­tés consti­tuant l’offre et la construc­tion d’une modé­li­sa­tion per­met­tant de simu­ler les posi­tions de coûts struc­tu­relles avec une bonne représentativité.


FIGURE 2 – Appli­ca­tion pra­tique de la métho­do­lo­gie et confron­ta­tion aux prix de mar­ché réels

Une porosité entre les marchés

Bien défi­nir le marché
Lors­qu’on tra­vaille sur l’a­na­lyse des prix de mar­ché d’un pro­duit don­né, il faut gar­der à l’es­prit que les capa­ci­tés mises en oeuvre peuvent par­fois ser­vir à fabri­quer d’autres pro­duits connexes. Par exemple, dans le domaine du papier, on a en pra­tique sur le seg­ment qui nous inté­resse deux grands mar­chés : celui du papier stan­dard et celui du papier léger (en fonc­tion du gram­mage). Si cer­taines machines à papier ne peuvent fabri­quer qu’un seul des deux pro­duits de manière opti­male, d’autres peuvent fabri­quer les deux selon le choix du pro­duc­teur. Si le prix du papier léger aug­mente consi­dé­ra­ble­ment par rap­port à celui du papier stan­dard, le pro­duc­teur fera le choix de dédier plus de capa­ci­tés au léger. Ce fai­sant, il contri­bue­ra à aug­men­ter l’offre sur le léger, fai­sant méca­ni­que­ment bais­ser les prix tout en fai­sant mon­ter le prix du stan­dard par réduc­tion de l’offre. Il y a donc là aus­si une cer­taine poro­si­té entre seg­ments pro­duits qu’il convient de mani­pu­ler avec précaution.

Il est aus­si essen­tiel de bien défi­nir quelles sont les capa­ci­tés de pro­duc­tion qui inter­viennent sur le mar­ché (défi­ni­tion du mar­ché géo­gra­phique per­ti­nent). Si l’on étu­die le mar­ché fran­çais par exemple, il faut bien enten­du tenir compte des pos­si­bi­li­tés d’im­por­ta­tion (depuis l’Al­le­magne ou l’Eu­rope cen­trale en inté­grant les sur­coûts liés au trans­port). L’a­na­lyse se com­plique dans la mesure où le com­por­te­ment d’un acteur dépend à la fois des condi­tions de mar­ché locales mais aus­si de celles obser­vées en France ou dans d’autres pays euro­péens : si le prix de mar­ché est plus éle­vé en France, cet acteur sera inci­té à expor­ter une part de sa pro­duc­tion sur ce mar­ché (le sur­coût du trans­port étant com­pen­sé par l’é­cart de prix). En revanche, cet acteur peut avoir inté­rêt à se concen­trer sur son mar­ché local si c’est là qu’il peut le mieux opti­mi­ser sa marge. Il y a donc une cer­taine poro­si­té entre les dif­fé­rents mar­chés géo­gra­phiques et les fron­tières de ces mar­chés sont mou­vantes avec les dif­fé­rentes condi­tions de mar­ché. La métho­do­lo­gie des courbes doit donc être maniée avec pré­cau­tion, sa mise en oeuvre étant com­plexe et les para­mètres à prendre en consi­dé­ra­tion nombreux.

Un changement de paradigme pour les managers

In fine, l’ap­pli­ca­tion de cette métho­do­lo­gie, bien que déli­cate, four­nit un outil extrê­me­ment puis­sant aux mana­gers dans les indus­tries de capa­ci­tés. Son appli­ca­tion per­met notam­ment de qua­li­fier avec pré­ci­sion la com­pé­ti­ti­vi­té d’un outil indus­triel et sa péren­ni­té dans un envi­ron­ne­ment concur­ren­tiel et de mar­ché don­nés ; d’an­ti­ci­per avec une bonne fia­bi­li­té les évo­lu­tions plau­sibles de prix de mar­ché ain­si que l’am­pli­tude des cycles de prix ; et de » pilo­ter « , au niveau d’une indus­trie don­née, le niveau de prix en agis­sant sur l’offre. En effet, cette approche per­met à un acteur de qua­li­fier pré­ci­sé­ment la posi­tion de coût de son outil indus­triel par rap­port à celle de ses concur­rents. Pour être tout à fait per­ti­nente, l’a­na­lyse doit se faire non seule­ment en coût total mais aus­si en » coût cash » (c’est-à-dire, pour sim­pli­fier, hors dépré­cia­tion). L’im­por­tant pour un indus­triel est bien enten­du de savoir si ses usines sont ren­tables au sens du compte de résul­tat, mais aus­si (voire sur­tout lors­qu’on se situe en bas de cycle comme actuel­le­ment en rai­son de la crise éco­no­mique mon­diale) si les­dites usines consomment du cash ou en génèrent, en par­ti­cu­lier sur un cycle de prix complet.

Anticiper les évolutions de l’offre

Un exemple pratique
Pour res­ter dans le domaine de l’in­dus­trie pape­tière, pre­nons l’exemple cari­ca­tu­ral de deux machines à papier : la pre­mière, de faible capa­ci­té et tota­le­ment amor­tie, qui per­met de fabri­quer du papier à 80 € la tonne (coût cash consti­tué de main-d’oeuvre, matières pre­mières, pro­duits chi­miques, etc.) ; la seconde, de forte capa­ci­té et de tech­no­lo­gie récente, qui per­met de fabri­quer du papier avec un coût total d’en­vi­ron 100 € la tonne, dont 40 € de dépré­cia­tion (cor­res­pon­dant à l’in­ves­tis­se­ment éle­vé dans une machine récente) et 60 € de coût cash.
On peut pen­ser a prio­ri que la seconde machine sera éco­no­mi­que­ment moins robuste à une baisse des prix que la seconde, puisque, si le prix de mar­ché s’é­ta­blit à 70 € la tonne, la machine vétuste » perd » 10 € par tonne ven­due alors que la machine récente » perd » 30 € (au sens du compte de résul­tat). En pra­tique, la vision cash conduit à une appré­cia­tion tota­le­ment dif­fé­rente : dans ces condi­tions de mar­ché, la machine vétuste » consomme » 10 € de cash (70 € – 80 €) à chaque tonne ven­due, alors que la machine récente » gagne » 10 € (70 € – 60 €). Si les condi­tions de mar­ché per­durent, c’est donc l’an­cienne usine qui se trou­ve­ra à cours de liqui­di­té et ver­ra donc sa sur­vie éco­no­mique mise en ques­tion. La machine récente ne cou­vri­ra pas ses inves­tis­se­ments à la vitesse espé­rée ini­tia­le­ment mais conti­nue­ra à géné­rer du cash.


Autre apport de cette métho­do­lo­gie : pré­voir les évo­lu­tions futures des prix. Cela sup­pose d’une part d’an­ti­ci­per les évo­lu­tions de la demande, mais aus­si et sur­tout les évo­lu­tions de l’offre. Il est donc néces­saire de rai­son­ner sur la base de scé­na­rios plau­sibles en termes de fer­me­tures de capa­ci­tés anciennes et d’ou­ver­tures de capa­ci­tés plus per­for­mantes par les acteurs en concur­rence sur un mar­ché don­né. Là encore, sous réserve de l’hy­po­thèse (très struc­tu­rante et à consi­dé­rer avec pru­dence) que les acteurs sont ration­nels, on peut anti­ci­per quelles capa­ci­tés vont consom­mer du cash de manière struc­tu­relle sur un cycle, et ana­ly­ser par­mi les pro­jets d’ou­ver­ture en cours les­quels ont le plus de chance de se réaliser.

L’analyse doit se faire non seule­ment en coût total mais aus­si en « coût cash »

On peut, par exemple, consi­dé­rer que la pro­ba­bi­li­té que trois acteurs ouvrent simul­ta­né­ment des capa­ci­tés, dont l’ef­fet serait de désta­bi­li­ser com­plè­te­ment le mar­ché en fai­sant s’ef­fon­drer dura­ble­ment les prix, est rela­ti­ve­ment faible : si cha­cun des concur­rents voit plu­tôt d’un bon oeil une baisse des prix lors­qu’elle rend éco­no­mi­que­ment obso­lètes les usines des concur­rents, il évite en géné­ral de lan­cer des inves­tis­se­ments qui se tra­dui­raient par des restruc­tu­ra­tions pro­fondes (fer­me­tures de machines ou d’u­sines) de ses propres capa­ci­tés. Pour en reve­nir au point pré­cé­dent sur la com­pé­ti­ti­vi­té des outils indus­triels, cette anti­ci­pa­tion des cycles de prix per­met de savoir si une machine ancienne sera dura­ble­ment consom­ma­trice de cash ou s’il ne s’a­git que d’une phase tran­si­toire du cycle avant un retour à une meilleure fortune.

Usines condam­nées
L’ap­proche décrite ici met géné­ra­le­ment en évi­dence une réa­li­té sou­vent dif­fi­cile : cer­taines usines anciennes, sous-cri­tiques en termes de capa­ci­té et sous-per­for­mantes en termes de tech­no­lo­gie, finissent par être condam­nées par les écarts de com­pé­ti­ti­vi­té struc­tu­rels avec des capa­ci­tés plus récentes.
Ces usines peuvent géné­ra­le­ment retar­der l’ins­tant fati­dique par des efforts de pro­duc­ti­vi­té, peuvent éven­tuel­le­ment béné­fi­cier de contrats d’ap­pro­vi­sion­ne­ment en éner­gie par­ti­cu­liè­re­ment favo­rables (dans le domaine de l’a­lu­mi­nium par exemple, mais ces contrats ont une durée de vie limi­tée), mais elles souffrent d’un han­di­cap struc­tu­rel qui ne peut être résor­bé et les condamne à la fer­me­ture à terme, quelle que soit la qua­li­té de leur mana­ge­ment et de leur per­son­nel. Cer­tains groupes indus­triels, redou­tant l’im­pact social d’une fer­me­ture de site, pra­tiquent un cer­tain » achar­ne­ment thé­ra­peu­tique » pour main­te­nir leurs capa­ci­tés tech­no­lo­gi­que­ment obso­lètes : on réa­lise de coû­teux inves­tis­se­ments de pro­duc­ti­vi­té qui mal­heu­reu­se­ment ne com­ble­ront qu’une par­tie de l’é­cart de com­pé­ti­ti­vi­té et ne feront que retar­der l’ins­tant fati­dique. Cette obs­ti­na­tion peut lais­ser les groupes exsangues et inca­pables de finan­cer l’in­ves­tis­se­ment dans une nou­velle usine dotée d’une tech­no­lo­gie récente. La période actuelle est à cet égard révélatrice.

De la discipline à l’entente

La métho­do­lo­gie des courbes d’offre devrait enfin per­mettre d’é­vi­ter que cer­tains acteurs n’ouvrent des capa­ci­tés en excès au point de désta­bi­li­ser le mar­ché et devrait donc conduire à lis­ser les cycles de prix d’une indus­trie don­née (hors cas d’ef­fon­dre­ment de la demande impré­vi­sible tel que nous le vivons en 2009). Cela se heurte tou­te­fois à plu­sieurs limites. La pre­mière, évi­dente, est qu’une » dis­ci­pline » trop pous­sée et trop fla­grante sur l’offre devient vite une » entente « , voire un oli­go­pole éclai­ré, ce qui est bien sûr for­mel­le­ment interdit.

La mise en œuvre est extrê­me­ment déli­cate mais four­nit aux mana­gers un outil d’une rare puissance

L’a­na­lyse a pos­te­rio­ri des amendes infli­gées par la Com­mis­sion de Bruxelles à cer­tains indus­triels est à cet égard fort ins­truc­tive, la métho­do­lo­gie des courbes d’offre consti­tuant d’ailleurs un outil puis­sant pour appré­cier le risque d’en­tente sur un mar­ché don­né. La seconde est que, dès que le nombre d’ac­teurs en concur­rence est signi­fi­ca­tif, la notion de dis­ci­pline est toute rela­tive. Repre­nons l’exemple cari­ca­tu­ral de tout à l’heure : l’ac­teur qui pos­sède la machine per­for­mante qui pro­duit à un coût total de 100 € mais seule­ment 60 € de coût cash sait per­ti­nem­ment que son concur­rent pro­duit à 80 € de coût cash. Il pour­ra donc être ten­té de main­te­nir les prix au niveau de 70 € par tonne : il accule ain­si son concur­rent à la fer­me­ture d’un site, ce qui rédui­ra l’offre, fera remon­ter les prix et lui per­met­tra de géné­rer suf­fi­sam­ment de cash pour réin­ves­tir dans une nou­velle usine performante.

Un jeu des acteurs

Restruc­tu­rer quand tout va bien
On arrive sou­vent à ce constat contre-intui­tif mais ration­nel : c’est en période de haut de cycle que les indus­triels devraient pro­cé­der aux restruc­tu­ra­tions de leurs capa­ci­tés les moins com­pé­ti­tives : cela per­met d’une part d’ef­fec­tuer ces restruc­tu­ra­tions dans des condi­tions éco­no­miques et de reclas­se­ment plus favo­rables aux sala­riés, d’autre part d’être en capa­ci­té de réin­ves­tir dans des outils per­for­mants et de ren­for­cer sa posi­tion concur­ren­tielle. Bien évi­dem­ment, un tel mes­sage, aus­si ration­nel soit-il, est très dif­fi­ci­le­ment audible par les sala­riés et l’o­pi­nion publique, voire par les mana­gers des entre­prises concer­nées. C’est para­doxa­le­ment en haut de cycle, lorsque la situa­tion d’un groupe en termes de tré­so­re­rie est bonne, qu’il fau­drait pro­cé­der aux restruc­tu­ra­tions de capa­ci­tés deve­nues non compétitives.

Toute la com­plexi­té de la maî­trise des prix est là : si ration­nel­le­ment une indus­trie d’un sec­teur don­né a inté­rêt col­lec­ti­ve­ment à se dis­ci­pli­ner pour main­te­nir des prix per­met­tant à tous les acteurs de » gagner leur vie « , chaque acteur pris indi­vi­duel­le­ment a inté­rêt à ce que ses concur­rents soient » accu­lés » à la restruc­tu­ra­tion (avec l’im­pact social, éco­no­mique et média­tique que cela entraîne) pour pou­voir ensuite faire par­tie des acteurs res­tants qui ont encore suf­fi­sam­ment de cash pour réin­ves­tir et ren­for­cer encore leur posi­tion concur­ren­tielle. La métho­do­lo­gie des courbes d’offre per­met d’a­na­ly­ser avec une base fac­tuelle ce » jeu des acteurs » qui s’ap­pa­rente par­fois à un » poker men­teur » : annonces d’ou­ver­tures de capa­ci­tés moult fois repor­tées (cela per­met de dis­sua­der un concur­rent d’in­ves­tir puis­qu’il pense que vous allez le faire et qu’une ouver­ture trop mas­sive de capa­ci­tés condui­rait à un effon­dre­ment du mar­ché), rumeurs de fer­me­tures soi­gneu­se­ment entre­te­nues mais pas tou­jours réa­li­sées, etc.

Une acuité unique

À tra­vers ce pano­ra­ma rapide, on voit donc que la loi de l’offre et de la demande n’est pas juste une belle théo­rie éco­no­mique, mais qu’elle trouve son appli­ca­tion concrète au tra­vers de la métho­do­lo­gie des courbes d’offre. Cette métho­do­lo­gie est un outil de pilo­tage extrê­me­ment puis­sant qui s’ap­plique à de nom­breux sec­teurs aus­si variés que l’a­lu­mi­nium, la sidé­rur­gie, l’éner­gie, l’hô­tel­le­rie, le verre, le papier, les semi-conduc­teurs, le fret mari­time et bien d’autres sec­teurs encore.

Si les prin­cipes res­tent simples, la mise en oeuvre est extrê­me­ment déli­cate. Munis de cet outil ana­ly­tique, les indus­triels qui l’u­ti­lisent sau­ront appré­hen­der l’é­vo­lu­tion de leur indus­trie et de leur posi­tion concur­ren­tielle avec une acui­té unique, leur per­met­tant de pas­ser du stade où ils subissent les évo­lu­tions de mar­ché au fil de l’eau à celui où ils les anti­cipent, voire les pilotent.

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