Dans l’ombre de la décadence

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°679 Novembre 2012Par : Gilles COSSON (57)Rédacteur : Christian MARBACH (56)

Gilles Cos­son (57) a su, sou­vent, nous emme­ner par des romans his­to­riques bien venus dans les Orients com­pli­qués, mais aus­si abor­der avec acui­té dans des essais très per­son­nels des pro­blèmes de socié­té actuels.

Couverture du livre : Dans l'ombre de la décadence de Gilles COSSON (57)Avec son nou­veau livre, Dans l’ombre de la déca­dence, il réunit ces deux centres d’intérêt, grâce à une construc­tion qui, pour être géo­mé­trique et linéaire, n’en est pas moins originale.

Dans presque tous les cha­pitres pairs, nous lisons des écrits, sou­vent extraits des Mémoires de l’empereur Julien, concer­nant essen­tiel­le­ment le dérou­le­ment de sa der­nière année, celle de sa cam­pagne contre les Perses où il mour­ra en 363.

Et, dans les cha­pitres impairs, nous béné­fi­cions des com­men­taires que fait de ces textes anciens un pro­fes­seur amé­ri­cain. Sa lec­ture est moins por­tée sur la stricte exé­gèse his­to­rique que sur les leçons contem­po­raines qu’il peut en tirer. Cet uni­ver­si­taire, auquel Cos­son donne une ascen­dance et un nom fran­çais (Mar­chand) pour bien avouer qu’il lui prête nombre de ses propres inter­ro­ga­tions tout en pro­fi­tant d’une oppor­tune dis­tance, en vient donc à émettre avec saga­ci­té son opi­nion sur de nom­breux sujets.

La per­son­na­li­té de Julien, et les contra­dic­tions entre ses pen­sées et ses déci­sions. Les pro­blèmes que posent le pou­voir et la gou­ver­nance des empires. Les dérives de la socié­té dans cette Rome déjà déca­dente, et notam­ment de ses élites. Les reli­gions, leur uti­li­té ou leur uti­li­sa­tion. Les femmes. La guerre.

Chaque fois que Julien porte son propre juge­ment sur son monde et ce qu’il y entre­prend, Mar­chand y ajoute le sien sur les cam­pagnes ou les « croi­sades » de Julien comme sur celles, qu’il voit paral­lèles, de Bush ou Oba­ma, mais fina­le­ment c’est bien Cos­son, qui, dans l’ensemble de l’ouvrage, nous livre ses craintes devant les périls qui lui semblent mena­cer aujourd’hui l’empire amé­ri­cain mais aus­si notre pays. À force d’habileté, une telle struc­ture d’ouvrage peut par­fois conduire Mar­chand, ou Cos­son, à trai­ter à diverses reprises des sujets mis ou remis sur la table par Julien comme autant de pièces d’un puzzle.

Para­doxa­le­ment, elle conduit par­fois aus­si à éloi­gner le lec­teur de la figure tout à fait excep­tion­nelle de l’empereur Julien, au des­tin per­son­nel conti­nuel­le­ment immer­gé dans le tragique.

Mais Julien lui-même ne dit-il pas, sou­vent, qu’il aurait pré­fé­ré conti­nuer pen­dant sa vie à dis­cu­ter avec ses amis phi­lo­sophes plu­tôt qu’à ten­ter de gou­ver­ner son empire avec l’aide, trop sou­vent inutile, des ensei­gne­ments de la raison ?

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