Créer un cadre d’indemnisation pour les accidents corporels

Dossier : L'assurance face aux risques nouveauxMagazine N°665 Mai 2011
Par Guillaume ROSENWALD (85)

REPÈRES

REPÈRES
C’est en matière d’ac­ci­dents rou­tiers que le dis­po­si­tif d’in­dem­ni­sa­tion est le plus exem­plaire : les vic­times autres que les conduc­teurs béné­fi­cient, depuis la loi du 5 juillet 1985 dite » loi Badin­ter « , d’une répa­ra­tion rapide et com­plète, dont l’ef­fec­ti­vi­té est garan­tie par deux méca­nismes : l’as­su­rance auto­mo­bile obli­ga­toire – la répa­ra­tion pesant sur l’as­su­reur du véhi­cule impli­qué dans l’ac­ci­dent – et le Fonds de garan­tie auto­mo­bile (à pré­sent le Fonds de garan­tie des assu­rances obli­ga­toires de dom­mages) inter­ve­nant lorsque l’au­to­mo­bi­liste impli­qué est non assu­ré ou inconnu.

Une situation contrastée

La prise en charge des acci­dents cor­po­rels est mar­quée par une très grande hétérogénéité

La France a été l’un des pays pré­cur­seurs pour la prise en charge des frais de soins et d’hos­pi­ta­li­sa­tion. Si le dis­po­si­tif d’as­su­rance sociale natio­nal mis en place en 1945 semble actuel­le­ment dans une phase de désen­ga­ge­ment, il reste, pour autant, l’un des plus com­plets au monde. En revanche, la prise en charge des consé­quences durables des acci­dents cor­po­rels est mar­quée par une très grande hété­ro­gé­néi­té. L’ac­cès au droit à répa­ra­tion, son éten­due et les moda­li­tés de la répa­ra­tion dépendent en effet de la nature de l’ac­ci­dent en cause.

Pour les acci­dents du tra­vail, les acci­dents de la cir­cu­la­tion, les atten­tats ou infrac­tions, les acci­dents et aléas médi­caux, les vic­times sont indem­ni­sées grâce à des dis­po­si­tifs assu­ran­tiels pri­vés ou publics ou à des fonds. En revanche les vic­times d’autres types d’ac­ci­dents ne sont indem­ni­sées qu’a­près iden­ti­fi­ca­tion d’un éven­tuel res­pon­sable et, le plus sou­vent, déci­sion d’un tri­bu­nal consa­crant leurs droits à indemnisation.

Contrats individuels

Acci­dents de la vie
L’As­so­cia­tion fran­çaise de l’as­su­rance (AFA) estime à fin 2009 que 39,8 mil­lions de per­sonnes sont cou­vertes par des contrats indi­vi­duels à fin 2009, soit 60 % de la popu­la­tion. La qua­li­té de ces cou­ver­tures s’est très sen­si­ble­ment accrue depuis une quin­zaine d’an­nées avec la pro­po­si­tion de nou­veaux contrats baré­mi­sés par les mutuelles d’as­su­rances et le lan­ce­ment de la « Garan­tie des acci­dents de la vie « .

Par ailleurs les assu­reurs pro­posent depuis une soixan­taine d’an­nées des contrats indi­vi­duels ou fami­liaux cou­vrant les dom­mages cor­po­rels indé­pen­dam­ment des ques­tions de res­pon­sa­bi­li­té. Ces cou­ver­tures ne per­mettent cepen­dant pas une indem­ni­sa­tion inté­grale de l’en­semble de la popu­la­tion en cas d’ac­ci­dent corporel.

Un grand nombre d’ac­ci­den­tés, faute de res­pon­sable iden­ti­fié et de cou­ver­ture contrac­tuelle suf­fi­sante, sont pris en charge dans leur vie quo­ti­dienne au titre de l’aide sociale par les col­lec­ti­vi­tés locales sous la coor­di­na­tion des mai­sons dépar­te­men­tales pour le han­di­cap mises en place par la loi du 11 février 2005.

Les coûts de prise en charge de ces vic­times sont alors » dilués » entre dif­fé­rents bud­gets publics et déga­gés au fil des ans.

Des progrès possibles

Un dis­po­si­tif généreux
Le dis­po­si­tif de la loi Badin­ter, très pro­tec­teur, n’ex­clue une vic­time d’ac­ci­dent de la cir­cu­la­tion de l’in­dem­ni­sa­tion qu’en cas de « faute inex­cu­sable » de la vic­time. Cette notion a été pré­ci­sée de manière extrê­me­ment res­tric­tive par la juris­pru­dence qui abou­tit qua­si­ment à n’ex­clure que les vic­times ayant volon­tai­re­ment pro­vo­qué l’ac­ci­dent. Ce dis­po­si­tif très géné­reux pour les vic­times s’est avé­ré effi­cace, fiable et sup­por­table éco­no­mi­que­ment par les assu­rés et leurs assu­reurs de res­pon­sa­bi­li­té grâce aux pro­grès de la sécu­ri­té rou­tière et à la mutua­li­sa­tion du risque.

Le pre­mier axe de pro­grès passe par l’aug­men­ta­tion du champ d’une bonne indem­ni­sa­tion pécu­niaire se basant sur la res­pon­sa­bi­li­té civile. L’i­dée est d’é­tendre ce sys­tème très pro­tec­teur pré­vu par la loi Badin­ter. Elle est bien enten­du sédui­sante, c’est une orien­ta­tion forte du rap­port rédi­gé en 2005 sous la direc­tion de M. Pierre Catala.

Un tel dis­po­si­tif ne peut cepen­dant s’ap­pli­quer que lorsque la sol­va­bi­li­té des res­pon­sables est garan­tie par une assu­rance de res­pon­sa­bi­li­té obli­ga­toire et un fonds de garantie.

Cette assu­rance obli­ga­toire doit être appli­cable et contrô­lable sur l’en­semble du ter­ri­toire et pour l’en­semble des acteurs même non-rési­dents : la loi Badin­ter est ain­si appli­cable en France pour l’en­semble des acci­dents impli­quant un véhi­cule ter­restre à moteur car elle pro­fite du sys­tème inter­na­tio­nal de la » carte verte » et d’une assu­rance obli­ga­toire au niveau européen.

Transports terrestres

Impos­si­bi­li­té pratique
Une exten­sion de la loi Badin­ter à d’autres types d’ac­ci­dents impli­quant, par exemple, un bateau à moteur s’a­vé­re­rait impos­sible sans un dis­po­si­tif équi­valent à la » carte verte « , sauf à contrô­ler tout bateau à moteur entrant dans les eaux ter­ri­to­riales françaises.

Ain­si l’ex­ten­sion de la loi Badin­ter aux tram­ways et che­mins de fer serait logique et favo­ri­se­rait une éga­li­té de trai­te­ment entre les usa­gers des voies publiques, l’i­dée a d’ailleurs été reprise par Mon­sieur le dépu­té Lefrand dans la pro­po­si­tion de loi actuel­le­ment en dis­cus­sion au Parlement.

Si cette pro­po­si­tion de loi était adop­tée, l’in­dem­ni­sa­tion plus sys­té­ma­tique des vic­times pro­vo­que­rait cor­ré­la­ti­ve­ment un ren­ché­ris­se­ment de la charge de res­pon­sa­bi­li­té civile cor­po­relle pour ces trans­por­teurs même si d’ores et déjà la juris­pru­dence a consi­dé­ra­ble­ment alour­di leur res­pon­sa­bi­li­té à l’é­gard de leurs pas­sa­gers victimes.

Ce sur­coût serait natu­rel­le­ment fina­le­ment payé par l’en­semble des usagers.

Aller plus loin ?

Un grand nombre d’ac­ci­den­tés sont pris en charge par les col­lec­ti­vi­tés locales

Peut-on ima­gi­ner de construire d’autres dis­po­si­tifs de type Badin­ter pour des acci­dents autres que ceux liés aux trans­ports ? La notion » d’im­pli­ca­tion » du véhi­cule dans l’ac­ci­dent qui, dans la loi Badin­ter déclenche l’o­bli­ga­tion d’in­dem­ni­sa­tion à l’é­gard de la vic­time et qui, appré­ciée très lar­ge­ment par les tri­bu­naux, étend de fait la res­pon­sa­bi­li­té du conduc­teur ou du gar­dien du véhi­cule, est dif­fi­ci­le­ment envi­sa­geable pour des biens autres que des moyens de transport.

Patch­work
L’ex­ten­sion à d’autres domaines des prin­cipes de la loi Badin­ter ne ferait qu’aug­men­ter le patch­work actuel de cou­ver­tures liées à divers objets. Mais celui-ci com­por­te­rait tou­jours d’in­nom­brables trous. Ce n’est vrai­sem­bla­ble­ment pas la bonne voie de pro­grès au-delà des acci­dents de transport.

Ima­gi­nons, par exemple, un tel dis­po­si­tif concer­nant les biens immo­bi­liers : l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’in­cen­die pre­nant nais­sance dans le bien serait alors faci­li­tée, accé­lé­rée, systématisée.

Mais le recours à la notion exten­sive » d’im­pli­ca­tion » per­met­trait de prendre en charge toutes sortes d’ac­ci­dents même ceux dont l’o­ri­gine serait étran­gère au fait de la chose (par exemple, la per­sonne qui en cou­rant dans le cou­loir d’un immeuble tombe sur le sol par­fai­te­ment entre­te­nu et exempt de vice). La prise en charge de ces acci­dents par le pro­prié­taire ou le gar­dien du bien immo­bi­lier qui ne pour­raient se déga­ger de leur res­pon­sa­bi­li­té qu’en appor­tant la preuve qua­si impos­sible d’une » faute inex­cu­sable » serait alors injus­ti­fiée et consti­tue­rait de fait une atteinte à leur patrimoine.

Généraliser les garanties

Doit-on orga­ni­ser la cou­ver­ture des 40 % de foyers non encore assu­rés par un contrat acci­dents cor­po­rels ? Une telle géné­ra­li­sa­tion n’a de sens que si elle repo­si­tionne clai­re­ment la prise en charge des consé­quences durables des acci­dents de la vie cou­rante sur ces garan­ties. La branche san­té de l’as­su­rance-mala­die ferait alors l’é­co­no­mie des frais de soins consé­cu­tifs à un acci­dent de la vie cou­rante. Les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales feraient l’é­co­no­mie de la prise en charge des han­di­caps consé­cu­tifs aux acci­dents de la vie courante.

Cou­ver­ture acci­dent universelle
Une « Cou­ver­ture acci­dent uni­ver­selle » construite et finan­cée sur le modèle de la Cou­ver­ture mala­die uni­ver­selle pour­rait per­mettre de cou­vrir les quelque quatre mil­lions de béné­fi­ciaires de la CMU. La dif­fi­cul­té prin­ci­pale d’une telle démarche est qu’elle ren­drait visible dans le bud­get de tous les ménages des coûts aujourd’­hui dilués entre de mul­tiples orga­nismes et ser­vices publics.

Accompagner les victimes

Le défaut prin­ci­pal des sys­tèmes d’in­dem­ni­sa­tion des vic­times en France est de ne pas encou­ra­ger l’a­mé­lio­ra­tion de l’é­tat de la vic­time. D’un point de vue pure­ment finan­cier, la vic­time ou sa famille a aujourd’­hui inté­rêt à faire consta­ter le pire état phy­sique et psy­chique pour obte­nir la plus forte indemnisation.

Les sys­tèmes d’in­dem­ni­sa­tion n’en­cou­ragent pas l’a­mé­lio­ra­tion de l’é­tat de la victime

À l’é­tran­ger et par­ti­cu­liè­re­ment dans les pays anglo-saxons, on prend en revanche sou­vent en compte les efforts de la vic­time pour gagner en auto­no­mie et recons­truire sa vie. Pour­tant, à mon avis, l’in­té­rêt des vic­times, en termes de qua­li­té de vie, est de recon­qué­rir autant que pos­sible une indé­pen­dance suf­fi­sante leur per­met­tant d’ac­com­plir elles-mêmes des tâches maté­rielles, intel­lec­tuelles voire de retra­vailler plu­tôt que de demeu­rer à plein-temps dans la dépen­dance de tierces personnes.

Motivations

Dans les ins­ti­tu­tions de réédu­ca­tion, les efforts de réadap­ta­tion sont aujourd’­hui sou­vent plus impor­tants et donnent de bien meilleurs résul­tats lorsque la vic­time ne béné­fi­cie pas du sou­tien finan­cier d’un res­pon­sable sol­vable ou d’un assu­reur capable de payer une assis­tance humaine importante.

Évo­lu­tions juridiques
Le rap­port Cata­la a iden­ti­fié les fai­blesses du sys­tème fran­çais d’in­dem­ni­sa­tion et appelle à une évo­lu­tion de notre dis­po­si­tif juri­dique pour encou­ra­ger le « dyna­misme » des vic­times. La pro­po­si­tion de loi Béteille reprend ces prin­cipes, mais uni­que­ment pour les dom­mages maté­riels sans encore « oser » les avan­cer pour les dom­mages à la personne.

Sans ren­trer dans les détails d’ordre médi­co-légal ou juri­dique, le mon­tant de l’in­dem­ni­sa­tion à ver­ser à la vic­time est aujourd’­hui appré­cié et déter­mi­né à un seul moment, celui de la » conso­li­da­tion « , c’est-à-dire lorsque l’é­tat médi­cal de la vic­time est consi­dé­ré comme stable et non sus­cep­tible d’évolution.

En revanche après « conso­li­da­tion » de l’é­tat de la vic­time et fixa­tion du niveau de l’in­dem­ni­sa­tion encore exclu­si­ve­ment pécu­niaire, en capi­tal ou en rente, la pro­po­si­tion de l’as­su­reur du res­pon­sable de répa­rer autre­ment, par la mise à dis­po­si­tion de ser­vices des­ti­nés à amé­lio­rer la situa­tion de la vic­time, à la réin­sé­rer socia­le­ment et si pos­sible pro­fes­sion­nel­le­ment, bref à l’ai­der à l’é­la­bo­ra­tion de son pro­jet de vie et faci­li­ter sa mise en oeuvre, est encore consi­dé­rée comme une ingé­rence, alors même que ce type de pres­ta­tions en nature a été confor­té par la loi sur le han­di­cap du 11 février 2005.

Égalité de traitement et sécurité juridique

Recons­truc­tion
L’as­su­reur du res­pon­sable qui, aujourd’­hui, aide la vic­time dès après l’ac­ci­dent, le fait en dehors de tout cadre régle­men­taire. Plu­sieurs com­pa­gnies d’as­su­rances fran­çaises et en par­ti­cu­lier les grandes mutuelles d’as­su­rances telles que la MACIF prennent cepen­dant l’i­ni­tia­tive d’ac­com­pa­gner les vic­times dans leur démarche de « recons­truc­tion » en s’ap­puyant sur des asso­cia­tions et des réseaux d’é­ta­blis­se­ments de réadap­ta­tion. Cette pra­tique extrê­me­ment béné­fique aux vic­times est enfin tolé­rée depuis quelques années.

Pour les vic­times d’ac­ci­dents de la cir­cu­la­tion, on constate sur une longue période une auto­ré­gu­la­tion de la charge éco­no­mique glo­bale. L’ef­fort accom­pli dans le domaine de la sécu­ri­té rou­tière (divi­sion par 5 du nombre de décès en qua­rante ans) a per­mis une amé­lio­ra­tion consé­quente de l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times pour un coût glo­bal constant en termes d’ef­fort pour les ménages.

Mais cette évo­lu­tion est irré­gu­lière dans le temps et varie selon les tri­bu­naux. Les dif­fé­rences de niveau d’in­dem­ni­sa­tion entre les juri­dic­tions créent un impor­tant pro­blème d’é­qui­té entre vic­times, cer­tains pré­ju­dices per­son­nels étant indem­ni­sés deux fois plus géné­reu­se­ment dans cer­taines régions. L’é­vo­lu­tion erra­tique dans le temps crée de plus une incer­ti­tude forte pour les assu­reurs et sur­tout pour les réas­su­reurs direc­te­ment concer­nés par les vic­times les plus gra­ve­ment atteintes.

Cette incer­ti­tude a un coût fina­le­ment payé par l’en­semble des assurés.

Référentiels d’indemnisation

Primes majo­rées
L’in­dem­ni­sa­tion d’une vic­time lour­de­ment bles­sée se fai­sant au rythme des évo­lu­tions de son état médi­cal et éven­tuel­le­ment des déci­sions de jus­tice s’é­tale cou­ram­ment sur cinq à sept ans. La dif­fi­cile pré­dic­ti­bi­li­té des condi­tions d’in­dem­ni­sa­tion amène les réas­su­reurs à appli­quer une prime de risque très impor­tante sur la cou­ver­ture des acci­dents cor­po­rels. Para­doxa­le­ment, en matière d’ac­ci­dents graves de la cir­cu­la­tion, ce n’est pas à l’é­chelle macroé­co­no­mique l’é­vé­ne­ment lui-même qui est incer­tain mais sa prise en compte par les tri­bu­naux. L’in­cer­ti­tude prin­ci­pale pour les assu­reurs et réas­su­reurs est juridique.

Le rap­port Cata­la de 2005 comme le Livre blanc de l’A­FA sur l’in­dem­ni­sa­tion des dom­mages cor­po­rels appellent à l’ins­tau­ra­tion de réfé­ren­tiels d’in­dem­ni­sa­tion qui per­met­traient, sans figer défi­ni­ti­ve­ment les postes de pré­ju­dice, d’ins­tau­rer une meilleure équi­té comme une meilleure pré­dic­ti­bi­li­té des indemnisations.

Un article de la pro­po­si­tion de loi Lefrand, dans sa ver­sion ini­tia­le­ment pro­po­sée, pré­voyait d’ins­tau­rer un tel réfé­ren­tiel, il a été reje­té en pre­mière lec­ture par l’As­sem­blée natio­nale, appa­rem­ment suite à l’in­ter­ven­tion d’as­so­cia­tions de vic­times crai­gnant de figer le droit à indem­ni­sa­tion ou peut-être d’a­vo­cats spé­cia­li­sés pour qui la non-éga­li­té de trai­te­ment entre vic­times est une condi­tion fort logique de valo­ri­sa­tion de leur intervention.

Une nécessaire gouvernance

Le coût des acci­dents de cir­cu­la­tion est sui­vi et ana­ly­sé par la Délé­ga­tion à la sécu­ri­té et à la cir­cu­la­tion rou­tières et par les assu­reurs. Il fait l’ob­jet de nom­breuses études fran­çaises et inter­na­tio­nales, en par­ti­cu­lier de nom­breuses études com­pa­ra­tives des sys­tèmes d’in­dem­ni­sa­tion. Ces nom­breux tra­vaux ne servent cepen­dant que peu à éclai­rer les déci­sions d’en­ri­chis­se­ment de l’in­dem­ni­sa­tion qui pour la plu­part ne sont, de fait, pas prises par le légis­la­teur mais par les tri­bu­naux par le moyen de créa­tions de nou­veaux pré­ju­dices ou de déci­sions plus géné­reuses en valeur.

Absence de vision

20 à 30 mil­liards d’euros
L’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’ac­ci­dents cor­po­rels coûte à la socié­té envi­ron 5 mil­liards d’eu­ros par an pour les acci­dents de cir­cu­la­tion, 7 mil­liards d’eu­ros par an pour les acci­dents du tra­vail et une somme incon­nue pour les acci­dents de la vie cou­rante (4 fois plus nom­breux que les acci­dents de la cir­cu­la­tion). Au total un ordre de gran­deur de 20 à 30 mil­liards d’eu­ros par an est vraisemblable.

Sur l’en­semble du champ des dom­mages cor­po­rels, aucune ins­ti­tu­tion ne suit éco­no­mi­que­ment la bonne prise en charge des coûts, ni n’a­na­lyse l’op­por­tu­ni­té d’une évo­lu­tion des indem­ni­sa­tions. L’a­mé­lio­ra­tion de l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’ac­ci­dents cor­po­rels néces­site la défi­ni­tion d’une véri­table stra­té­gie éco­no­mique et juridique.

La stra­té­gie juri­dique existe : la dyna­mique lan­cée par Robert Badin­ter en 1985 a créé une véri­table école juri­dique fran­çaise de l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times. Le Rap­port Cata­la de 2005 (ouvrage col­lec­tif) pro­pose clai­re­ment des voies d’amélioration.

Il n’existe en revanche pas de démarche éco­no­mique glo­bale sur le sujet.

Chaque acteur éco­no­mique ne consi­dère que les coûts qu’il a direc­te­ment en charge.

Il n’est pas cer­tain que l’a­li­gne­ment de l’en­semble des indem­ni­sa­tions des acci­dents de tra­vail sur l’in­dem­ni­sa­tion de droit com­mun consti­tue­rait un sur­coût glo­bal, mais les études réa­li­sées par la Sécu­ri­té sociale ne s’in­té­ressent qu’aux coûts directs du régime des acci­dents du travail.

Opportunisme

Faute de vision éco­no­mique glo­bale, il existe encore moins de tac­tique de déploie­ment des amé­lio­ra­tions pro­po­sées par les juristes. Ceux-ci, seuls spé­cia­listes en pointe sur le sujet et pour beau­coup d’entre eux véri­ta­ble­ment moti­vés par l’in­té­rêt des vic­times, voire par l’in­té­rêt géné­ral, ne peuvent que sai­sir les oppor­tu­ni­tés d’a­mé­lio­ra­tion lors­qu’elles se pré­sentent. Ces oppor­tu­ni­tés sont d’a­bord juris­pru­den­tielles, un nou­veau poste de pré­ju­dice est inven­té par un tri­bu­nal ou une notion comme la faute inex­cu­sable de l’employeur ou la faute du méde­cin est éten­due. Si ces » inno­va­tions » ne sont pas remises en cause, elles s’ins­tallent rapidement.

Cer­tains pré­ju­dices sont indem­ni­sés deux fois plus géné­reu­se­ment dans cer­taines régions

Si elles pro­voquent un désordre éco­no­mique, alors les pou­voirs publics inter­viennent dans l’ur­gence, soit en réta­blis­sant par la loi la situa­tion anté­rieure, soit en inven­tant une nou­velle source d’in­dem­ni­sa­tion, en géné­ral par la créa­tion d’un fonds para­pu­blic sup­plé­men­taire ou par l’é­lar­gis­se­ment du champ d’in­ter­ven­tion d’un fonds exis­tant. Les oppor­tu­ni­tés sont éga­le­ment légis­la­tives : des par­le­men­taires ont régu­liè­re­ment la volon­té d’a­mé­lio­rer l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’ac­ci­dents cor­po­rels, mais faute de stra­té­gie publique glo­bale, ils sont condam­nés à agir par microé­vo­lu­tions successives.

Livre blanc

Fausses éco­no­mies
La branche acci­dents du tra­vail de la Sécu­ri­té sociale consi­dère les inter­ven­tions d’as­su­reurs de res­pon­sa­bi­li­té civile des entre­prises dans le cadre de « fautes inex­cu­sables de l’employeur » comme une éco­no­mie, alors même que la charge, plus impor­tante, revient fina­le­ment aux mêmes entre­prises cotisantes.

L’in­dem­ni­sa­tion des vic­times implique de nom­breux minis­tères : Jus­tice, Affaires sociales, San­té, Éco­no­mie, Trans­ports, Inté­rieur. Cer­tains de ces minis­tères sont de plus auto­ri­té de tutelle d’in­ter­ve­nants tels que la Sécu­ri­té sociale, les assu­reurs ou les col­lec­ti­vi­tés locales mis en posi­tions anta­go­nistes plus que complémentaires.

Il est néces­saire d’en­ga­ger un débat glo­bal avec l’en­semble des acteurs concernés

Jus­qu’à aujourd’­hui, per­sonne n’a repris d’un point de vue éco­no­mique les pro­po­si­tions du Rap­port Cata­la afin de faire des pro­po­si­tions opé­ra­tion­nelles pour uni­for­mi­ser les niveaux d’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’ac­ci­dents, quelle que soit la cause de l’ac­ci­dent ; défi­nir les modes de cou­ver­ture les plus effi­caces, indi­vi­duels ou col­lec­tifs ; et, enfin, pré­ci­ser les res­pon­sa­bi­li­tés des dif­fé­rents acteurs publics et privés.

Les assu­reurs ont fait des pro­po­si­tions fortes d’é­vo­lu­tions pra­tiques et juri­diques dans le Livre blanc de l’As­so­cia­tion fran­çaise de l’as­su­rance sur l’in­dem­ni­sa­tion du dom­mage cor­po­rel (avril 2008). Ces pro­po­si­tions n’ont pour le moment pro­vo­qué que des réac­tions d’adhé­sion ou de rejet par­tielles de la part des autres acteurs, mais le débat glo­bal néces­saire n’a pas encore eu lieu. Il est néces­saire de l’en­ga­ger avec l’en­semble des acteurs concer­nés. La pro­po­si­tion de loi Lefrand pré­voit la mise en place d’une com­mis­sion ras­sem­blant ces acteurs, nous pou­vons espé­rer qu’elle sera fac­teur de progrès.

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Ano­nymerépondre
3 juillet 2013 à 17 h 24 min

acci­dents et fonds de garantie

Expé­rience vécue en 2012 Per­sonne gra­ve­ment bles­sée sur une piste de ski par un impru­dent (col­li­sion sévère) Ce der­nier décline ver­ba­le­ment une fausse iden­ti­té ‚adresse , n° de télé­phone aux pis­teurs secou­ristes qui ne lui demandent aucun preuve (CI , pas­se­port..) le maire de la com­mune déclare (sic) que cette pro­cé­dure est nor­male ; ce qui est faux puisque le res­pon­sable n” a pas été cor­rec­te­ment iden­ti­fié cf légis­la­tion les diverses assu­rances de la per­sonne bles­sée cou­vri­ront par la suite les frais médicaux.


Quant au pré­ju­dice lié à la frac­ture, il fau­dra que la per­sonne bles­sée demande elle-même l’in­ter­ven­tion du FG pour être indem­ni­sée Ce cas n’est pas excep­tion­nel car à notre connais­sance les maires des sta­tions de mon­tagne en France ne se sentent pas obli­gés de faire iden­ti­fier les res­pon­sables d’ac­ci­dents cor­po­rels dans leurs com­munes.…. Cette situa­tion scan­da­leuse perdure

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