Création de l’Académie des technologies

Dossier : ExpressionsMagazine N°563 Mars 2001
Par Pierre CASTILLON (57)

Paul Allard :

Paul Allard :

La créa­tion de l’A­ca­dé­mie des Tech­no­lo­gies est offi­cielle depuis le 12 décembre 2000. Mer­ci, Mon­sieur le Pré­sident, de nous rece­voir et de nous accor­der quelques moments pour en par­ler. Vous vous dou­tez que cette créa­tion inté­resse au pre­mier chef le monde des ingé­nieurs et le Conseil natio­nal des ingé­nieurs et des scien­ti­fiques de France qui le repré­sente. Vous avez été un des acteurs prin­ci­paux qui a pris en charge ce dos­sier depuis votre arri­vée à la tête du CADAS. Pou­vez-vous nous en rap­pe­ler les prin­ci­pales étapes ?

Pierre Castillon :

Il faut remon­ter à 1982, année où l’A­ca­dé­mie des sciences a créé le Conseil pour les Appli­ca­tions de l’A­ca­dé­mie des sciences (CADAS) dans l’i­dée de rap­pro­cher les scien­ti­fiques des appli­ca­tions de leurs tra­vaux. Hubert Curien a été le pre­mier pré­sident du CADAS avec une petite équipe infé­rieure à 20 per­sonnes. En 2000, le CADAS com­por­tait 170 membres et asso­ciés. Trois pré­si­dents ont suc­cé­dé à Hubert Curien le fon­da­teur, Alexis Dejou, qui fut direc­teur à l’EDF, Jean Kraut­ter et Michel Lava­lou. Je ne suis en place que depuis un an avec pour mis­sion la trans­for­ma­tion du CADAS en Aca­dé­mie des technologies.

Il faut rap­pe­ler que l’A­ca­dé­mie des sciences est très pré­sente au sein de l’Ins­ti­tut de France, comp­tant en effet plus de 120 membres ; la créa­tion du CADAS avait déjà entraî­né quelques remous et la sagesse a pré­va­lu lors­qu’il a fal­lu déci­der d’une suite au CADAS en créant une enti­té à l’ex­té­rieur de l’Institut.

Ce fut au pré­sident Jacques-Louis Lions en 1997, alors pré­sident de l’A­ca­dé­mie des sciences, de don­ner le coup d’en­voi pour créer une Aca­dé­mie des tech­no­lo­gies indé­pen­dante mais conser­vant une filia­tion forte avec l’A­ca­dé­mie des sciences.

Les prin­cipes rete­nus pour la créa­tion de cette Aca­dé­mie furent les suivants :

  • créer une aca­dé­mie moderne, mobile, à murs variables, capable de se réunir en divers lieux sym­bo­liques de la tech­no­lo­gie tels le CNAM, la Cité des Sciences et de l’In­dus­trie, le Palais de la Découverte,
  • en faire une aca­dé­mie plus réso­lu­ment régio­nale, capable de s’in­ves­tir en région près des sites de technologie,
  • avoir néan­moins un siège pari­sien et un lieu de réunion convi­vial, qui favo­rise les échanges entre confrères et qui donne une bonne image de la technologie,
  • recher­cher des membres indus­triels lea­ders dans leurs domaines (par exemple Mon­sieur Pneus X, Mon­sieur Vari­lux, Mon­sieur Pont de Nor­man­die, Mon­sieur Rafale, etc.) et qui ont été des créateurs.

Paul Allard :

Com­ment se place l’A­ca­dé­mie des tech­no­lo­gies par rap­port aux autres académies ?

Pierre Castillon :

Il n’y a pas de hié­rar­chie par­mi les aca­dé­mies. Cha­cune a sa valeur propre, sa noto­rié­té et son image. Ce serait une erreur d’é­ta­blir un clas­se­ment. L’A­ca­dé­mie des tech­no­lo­gies se doit d’être au som­met dans ses domaines. Il faut cepen­dant ajou­ter que des liens très forts existent avec l’A­ca­dé­mie des sciences, sans échelle de valeurs. Ain­si, 71 membres de l’A­ca­dé­mie des sciences sont membres de l’A­ca­dé­mie des tech­no­lo­gies. J’a­joute que nous ne sommes pas seule­ment une aca­dé­mie des ingé­nieurs et de l’in­dus­trie ; dès la créa­tion du CADAS, nous avons sou­hai­té élar­gir son recru­te­ment aux éco­no­mistes, socio­logues, éco­lo­gistes, juristes ou com­mu­ni­cants car nous devons trai­ter des sujets de socié­té, inter­dis­ci­pli­naires et horizontaux.

Paul Allard :

Quelles sont les res­sources de cette Académie ?

Pierre Castillon :

Nous nous sommes fixé comme objec­tif d’a­voir un bud­get ali­men­té par trois enti­tés : l’É­tat pour un tiers, les régions pour un tiers et le monde éco­no­mique pour le der­nier tiers. Nous démar­rons pour le moment avec le seul concours de l’É­tat. La seconde étape sera celle des régions et nous pour­sui­vrons avec les indus­triels. Il nous est appa­ru, qu’a­vant d’al­ler voir ces der­niers, il fal­lait exis­ter. Au départ, le minis­tère de la Recherche nous apporte un sou­tien poli­tique, moral et finan­cier. D’autre part, nous avons enta­mé des dis­cus­sions avec les régions qui pour beau­coup d’entre elles se déclarent prêtes à nous aider. Le sou­tien indus­triel doit être pla­fon­né car nous ne vou­lons pas appa­raître comme étant un outil orien­té par tel ou tel groupe.

Paul Allard :

Par quoi va se tra­duire concrè­te­ment cette création ?

Pierre Castillon :

Le 12 décembre est l’acte de nais­sance de la nou­velle Aca­dé­mie avec l’é­lec­tion du Pré­sident et du Bureau. Nous démar­rons avec 110 membres plus 56 émé­rites, notre objec­tif étant d’at­teindre 200 membres. Nous aurons donc dès les pre­mières années une poli­tique de recru­te­ment et de renou­vel­le­ment, l’âge de l’é­mé­ri­tat étant fixé à 70 ans. Pour dési­gner les nou­veaux aca­dé­mi­ciens, nous appli­quons la pro­cé­dure en vigueur à l’A­ca­dé­mie des sciences : il n’y a pas de can­di­da­ture spon­ta­née mais des élec­tions par duels entre des per­son­na­li­tés sélec­tion­nées par le Comi­té de renou­vel­le­ment. Nous tenons à res­pec­ter la légi­ti­mi­té acquise par filia­tion de l’A­ca­dé­mie des sciences.

L’an­née 2000 a été essen­tiel­le­ment occu­pée à consti­tuer la nou­velle Aca­dé­mie. À par­tir du 12 décembre, les tra­vaux deviennent notre prio­ri­té : nous avons comme objec­tif de sor­tir nos pre­miers rap­ports le pre­mier semestre 2001. Nous com­men­ce­rons par ache­ver les rap­ports com­men­cés par le CADAS et nous pour­sui­vrons dans divers domaines de la tech­no­lo­gie, soit en com­mun avec l’A­ca­dé­mie des sciences, soit seuls. Nous envi­sa­geons éga­le­ment d’or­ga­ni­ser des col­loques. Notre pro­gramme est ambi­tieux mais nous savons que pour exis­ter et appa­raître comme une réa­li­té concrète et non vir­tuelle, nous devons nous mani­fes­ter rapidement.

J’a­joute que les 200 membres de l’A­ca­dé­mie auront besoin d’un réseau de cor­res­pon­dants recon­nus et com­pé­tents car nous réa­li­sons que nous ne pou­vons pré­tendre maî­tri­ser toutes les tech­no­lo­gies. Il revien­dra aux membres de l’A­ca­dé­mie de s’en­tou­rer de ces cor­res­pon­dants afin d’al­ler le plus loin pos­sible dans les domaines rete­nus. Le CNISF sera bien sûr par­mi les orga­ni­sa­tions sol­li­ci­tées pour four­nir ces correspondants.

Paul Allard :

Com­ment va être consti­tuée l’é­quipe diri­geante de l’Académie ?

Pierre Castillon :

Notre pro­cé­dure est cal­quée sur celle qui est en vigueur à l’A­ca­dé­mie des sciences. Le Pré­sident est élu pour deux ans non renou­ve­lables : cer­tains peuvent pen­ser que c’est un peu court mais avec les deux ans de vice-pré­si­dence et les deux ans de » Past-Pre­sident « , si la limite d’âge de l’é­mé­ri­tat n’est pas atteinte, cela fait six ans. Pour gui­der le Bureau, nous avons un Conseil de vingt membres se réunis­sant tous les mois.

Paul Allard :

Que peut vous appor­ter le CNISF ?

Pierre Castillon :

L’A­ca­dé­mie des tech­no­lo­gies est évi­dem­ment très ouverte aux col­la­bo­ra­tions. Cepen­dant, l’A­ca­dé­mie couvre un domaine plus large que celui des ingé­nieurs. Je par­lais tout à l’heure des cor­res­pon­dants qui vien­dront assis­ter les membres de l’A­ca­dé­mie ; il me paraît évident que dans la mesure où les com­pé­tences que nous recher­chons existent au CNISF, elles pour­ront être asso­ciées à nos tra­vaux. C’est la mise au point de cette col­la­bo­ra­tion que nous devrons faire dans les pro­chaines semaines.

Paul Allard :

Le pré­sident de la CTI (Com­mis­sion des titres d’in­gé­nieurs) nous disait récem­ment qu’il fal­lait que la tech­no­lo­gie acquière ses lettres de noblesse et qu’il comp­tait sur la nou­velle Aca­dé­mie pour atteindre ce but, est-ce un de vos objectifs ?

Pierre Castillon :

Bien évi­dem­ment, il faut se battre pour faire valoir la tech­no­lo­gie car nous savons tous que le mes­sage passe mal. La tech­no­lo­gie est char­gée de plu­sieurs maux peut-être parce que l’in­dus­trie n’a pas très bien com­mu­ni­qué sur ce pro­blème dans le pas­sé. Et ces maux font peur à la jeu­nesse, alors que la tech­no­lo­gie est plu­tôt du côté des solu­tions que de celui des problèmes.

Il y a une image à recons­truire, c’est la rai­son pour laquelle nous tenons à ce que les membres de l’A­ca­dé­mie ne soient pas uni­que­ment des ingé­nieurs, même s’ils y occupent une place pré­pon­dé­rante. Nous devons nous situer réso­lu­ment comme une aca­dé­mie du xxie siècle.

N. B. : le rap­port Une Aca­dé­mie des tech­no­lo­gies pour la France publié en sep­tembre 2000 par le CADAS est dis­po­nible sur demande au secré­ta­riat de :Aca­dé­mie des tech­no­lo­gies, 16, rue Maza­rine, 75006 Paris.

Télé­phone : 01.44.41.44.00.
Fax : 01.44.41.44.04.

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