Courrier des lecteurs

Dossier : ExpressionsMagazine N°600 Décembre 2004Par : Pascale RIPOLL (fille de RIPOLL 55) et Bertrand CARDINNE (88)

À propos du thème “ Entreprise et management ”, n° 598, octobre 2004

J’ai été éton­née que ce numé­ro spé­cial “Entre­prise et mana­ge­ment” fasse une part aus­si belle au conseil, sans repo­ser les ques­tions fon­da­men­tales des rôles et com­pé­tences clefs des mana­gers. Le pos­tu­lat du mana­ger par défi­ni­tion com­pé­tent en mana­ge­ment est bien sou­vent erro­né dans la pra­tique… Voi­ci un article qui étaye ce point de vue.

>Vers un management humain ?

Force est de consta­ter que les mana­gers sont nom­més parce qu’ils sont per­for­mants ou experts dans leur domaine. C’est deman­der à quelqu’un de deve­nir sau­ve­teur côtier juste en sachant qu’il connaît l’eau… et on ver­ra bien s’il est capable de reve­nir au rivage. On voit d’ici les risques tant pour les nageurs que pour le sauveteur !

Mal­gré une bonne volon­té tou­jours affi­chée par quelqu’un qui a été pro­mu, c’est un chan­ge­ment de métier pro­fond qui, sans appren­tis­sage, amène la per­sonne vers une zone d’inconfort. Afin de réta­blir son équi­libre, le pre­mier réflexe sera de se rac­cro­cher à son savoir-faire de base : le chef des ventes sera super­ven­deur, le chef de pro­jet sera super­in­gé­nieur, le chef de ser­vice sera super­tech­ni­cien… Le mana­ger se sent ain­si plus sécu­ri­sé, mais il risque d’échouer sur deux aspects et ne jamais rega­gner le rivage.

D’une part, il n’aura plus le temps néces­saire pour se consa­crer à ses mis­sions de pilo­tage et de rap­ports d’activité, de cohé­sion, de moti­va­tion et de mon­tée en com­pé­tence de son équipe, de com­mu­ni­ca­tion interne. La culture fran­çaise admet “ par défi­ni­tion ” que les cadres tra­vaillent en horaires éten­dus sans contre­par­tie. Si les rôles et res­pon­sa­bi­li­tés ont été cor­rec­te­ment défi­nis en amont, pour­quoi serait-ce le cas ? Parce que nous sommes trop habi­tués à voir les mana­gers gérer leur ancien métier en pal­lia­tif de leur équipe.

D’autre part, cette réa­li­sa­tion pal­lia­tive du métier de base entraîne fata­le­ment le mana­ger vers une non-accep­ta­tion de sa posi­tion, de son rôle, voire de son indi­vi­du. Qui a envie de res­sen­tir en per­ma­nence le “ je sais faire mieux que toi, je vais te le démon­trer ” ? Cela ne peut que géné­rer une cer­taine démo­ti­va­tion, une fai­néan­tise, voire une frus­tra­tion des per­sonnes qui forment son équipe. Le déve­lop­pe­ment per­son­nel des autres s’en trouve frei­né. Vous connais­sez l’anecdote du tou­riste qui pos­sède une com­pa­gnie de pêche et qui ren­contre un jeune pêcheur à Cuba ? En lui don­nant du pois­son, il lui pro­cure ain­si qu’à sa famille un bon repas. En lui appre­nant à pêcher, il lui donne la pos­si­bi­li­té d’assumer sa vie.

Qui a pen­sé à mon­ter le mana­ger en com­pé­tences sur ce métier si par­ti­cu­lier, qui demande de l’abnégation et du courage ?

Abné­ga­tion parce qu’il est indis­pen­sable de recon­naître et d’accepter les dif­fé­rences de com­por­te­ments liées aux indi­vi­dus, et de savoir s’y adap­ter, sans pour autant se renier. Tout n’est qu’histoire de contrôle de sa com­mu­ni­ca­tion. Pour cela, il faut se connaître soi-même, avec ses fai­blesses sur les­quelles il est pos­sible de pro­gres­ser, et ses limites. Il faut se sou­ve­nir que son juge­ment est influen­cé par une notion d’appartenance à un groupe de com­por­te­ments, et que 85 % du stress est lié à des sou­cis de com­mu­ni­ca­tion, tota­le­ment indé­pen­dants du contexte de l’entreprise ou des résultats.

Le cou­rage est celui de prendre des déci­sions déci­sives pour l’avenir tout en sachant qu’on ne pos­sède jamais toutes les clefs. C’est ouvrir une porte dans l’incertitude de ce qui se cache der­rière. Un grand moment de soli­tude ? Pas si le mana­ger sait com­mu­ni­quer sa déci­sion dans ses aspects posi­tifs et fédé­ra­teurs. Ne soyez plus tailleurs de pierres, vous êtes construc­teurs de cathédrales !

Nous en reve­nons sys­té­ma­ti­que­ment à des notions de com­mu­ni­ca­tion. Or l’éducation fran­çaise nous a tous appris la notion de cri­tique néga­tive, la recherche de la réso­lu­tion de pro­blèmes, à l’inverse de la culture anglo-saxonne fon­dée sur l’exacerbation des aspects posi­tifs. Nous avons tous enten­du “ tu n’as pas été bon, mais je suis sûr que tu peux faire mieux ”.

Qu’en serait-il aujourd’hui si nous n’avions enten­du que des phrases du type : “ tu as déjà réus­si ceci, et cela c’était très bien et je suis cer­tain que tu peux réus­sir dans cette nou­velle démarche ”. Évi­tons donc de tom­ber sys­té­ma­ti­que­ment dans la com­mu­ni­ca­tion néga­tive et affec­tive. Le mana­ger doit savoir déve­lop­per sa com­mu­ni­ca­tion de recon­nais­sance posi­tive et faire la part entre l’affect et le factuel.

Il ne pour­ra être – et pro­je­ter son équipe – dans ce cercle ver­tueux de pro­grès qu’avec la conscience claire de son rôle. L’HUMAIN a une telle force !

Pascale RIPOLL (fille de RIPOLL 55)


À propos du Forum social d’octobre 2004

Je me per­mets de réagir à un para­graphe de l’article du “Forum social ” d’octobre 2004 de La Jaune et la Rouge (p. 63).

Bien que ce para­graphe ne traite pas du sujet prin­ci­pal de l’article, il me paraît assez signi­fi­ca­tif. L’auteur écrit : “ La pros­pé­ri­té de l’Occident n’a‑t-elle pas été en par­tie bâtie sur le pillage des richesses natu­relles des pays du Sud et sur l’exploitation de leurs popu­la­tions… ? ” Il s’agit évi­dem­ment de l’idée “poli­ti­que­ment cor­recte” de la colo­ni­sa­tion, qui est mal­heu­reu­se­ment démen­tie par les faits historiques.

Bien sûr, il y a l’or d’Amérique, les dia­mants d’Afrique… mais il s’agit d’une goutte d’eau dans la “pros­pé­ri­té de l’Occident”. En réa­li­té, si l’on ne prend que l’exemple de la France colo­niale, comme le montre Jacques Mar­seille (Empire colo­nial et capi­ta­lisme fran­çais, 1984), la colo­ni­sa­tion a bien plus appau­vri la France qu’elle ne l’a enri­chie. Pour diverses rai­sons, dont le pro­tec­tion­nisme de l’Empire, les mar­chan­dises en pro­ve­nance des colo­nies étaient plus oné­reuses ; et les infra­struc­tures, elles, sont demeu­rées tout aus­si coû­teuses à entre­te­nir. Ain­si, c’est lorsque la France a aban­don­né ses colo­nies que les inves­tis­se­ments publics ont pu se tour­ner vers les “ grands tra­vaux ” métro­po­li­tains : auto­routes, nucléaire… Si l’entreprise colo­niale s’est main­te­nue mal­gré les dépenses exces­sives, ce n’est pas par esprit mer­can­tile ; c’est bien plu­tôt (et il suf­fit de lire quelques dis­cours de l’époque) au nom de la mis­sion civi­li­sa­trice sacrée du pays des Droits de l’homme.

L’Occident n’a pas à se frap­per la poi­trine sur son pas­sé colo­nial, davan­tage gui­dé par la géné­ro­si­té que par la cupi­di­té. n

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