CHRONIQUE DES CAVAIGNAC

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°667 Septembre 2011Par : Pierre Givaudon (50)Rédacteur : Christian Marbach (56)

Pierre Givau­don est décé­dé il y a quelques mois. Il venait d’achever un tra­vail consi­dé­rable sur la famille Cavai­gnac, à laquelle appar­tient son épouse, en clas­sant et exploi­tant un impo­sant ensemble d’archives dont elle était dépo­si­taire. Aus­si, avant de nous quit­ter, a‑t-il pu tenir entre ses mains les trois tomes de la Chro­nique dont il est le conteur.

C’est aux édi­tions du Cherche-Lune que sont parus les trois tomes de la Chro­nique des Cavai­gnac.

L’ouvrage y a été pré­pa­ré avec un grand soin : for­mat car­ré plai­sant, mise en pages réus­sie, illus­tra­tions bien choi­sies, annexes et réfé­rences pré­cises. Et avant tout, un conte­nu excep­tion­nel : la pré­sen­ta­tion de l’histoire d’une inté­res­sante famille, réa­li­sée essen­tiel­le­ment à par­tir de cen­taines de lettres espa­cées sur plus d’un siècle : 1789–1914.

Dans son avant-pro­pos Pierre Givau­don explique avec trop de modes­tie qu’il s’est conten­té de trans­crire avec fidé­li­té tout ce maté­riau, le reclas­ser, en expli­ci­ter cer­tains conte­nus, en véri­fier les dates et les circonstances.

Il fit bien plus, uti­li­sant cha­cune de ces lettres comme la pierre d’un véri­table monu­ment. Aus­si cette Chro­nique met-elle en scène, jour après jour, des indi­vi­dus qui figurent dans les livres d’histoire, avec leurs par­cours, leurs ambi­tions, leurs pro­fes­sions de foi poli­tiques comme leurs manoeuvres par­fois subal­ternes, leurs éton­ne­ments devant les évé­ne­ments ou les pays et leurs déci­sions par­fois contes­tables. Mais l’auteur se garde bien de juger les abus de la Révo­lu­tion ou de la Res­tau­ra­tion, les causes ou les consé­quences de la conquête de l’Algérie, les ratés de la Seconde Répu­blique, com­men­cée dans l’utopie, les rai­sons du coup d’État de Napo­léon III, le drame de l’armée confron­tée à l’affaire Drey­fus ; il se contente de nous don­ner les clés pour com­prendre com­ment réagirent ses personnages.

Nous fai­sons donc suc­ces­si­ve­ment connais­sance avec Jean-Bap­tiste, conven­tion­nel régi­cide à la car­rière erra­tique ; son épouse Juliette, femme forte et culti­vée, qui se révèle peu à peu comme la figure cen­trale de cette his­toire si roman­tique qu’elle se lit comme un roman his­to­rique ; leur fils Gode­froy, car­bo­na­ro enflam­mé ; leur autre fils Eugène, offi­cier poly­tech­ni­cien qui se dis­tin­gua par ses faits d’armes en Algé­rie avant d’arriver au pou­voir en 1848 et de se trou­ver face à une situa­tion explo­sive qui le condui­sit à prendre ses res­pon­sa­bi­li­tés avec déter­mi­na­tion et bru­ta­li­té ; enfin le fils d’Eugène, Gode­froy, poly­tech­ni­cien comme son père, éga­le­ment ten­té par la poli­tique, bien­tôt ministre, et alors confron­té à une affaire Drey­fus qu’il contri­bua à éclair­cir sans en tirer les consé­quences qui s’imposaient.

Les trois tomes de l’ouvrage mêlent avec une véri­té alerte évé­ne­ments his­to­riques, péri­pé­ties fami­liales, mariages d’amour, dis­putes patri­mo­niales ; ils nous pré­sentent des per­son­nages célèbres à redé­cou­vrir, et des seconds rôles plai­sants ; ils éclai­re­ront éga­le­ment avec une pré­ci­sion par­fois amu­sante des pages de l’histoire de l’École poly­tech­nique, ses concours, son ensei­gne­ment, le type de car­rières qu’elle pro­cu­rait au XIXe siècle.

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