Chinon, le vin de Rabelais

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°611 Janvier 2006Rédacteur : Laurens DELPECH

Lec­teurs de Gar­gan­tua ou non, per­sonne n’ignore que Chi­non est le pays de Rabe­lais. En digne fils de cette région, le méde­cin deve­nu homme de lettres s’est fait l’apôtre du “ gai savoir ”. Il a signé une phrase célèbre qui pour­rait aujourd’hui ser­vir de slo­gan à tous ceux qui prônent une consom­ma­tion éclai­rée : “ Jamais homme noble ne haït le bon vin. ” À Chi­non, de loin­tains adeptes de cet huma­nisme épi­cu­rien conti­nuent de per­pé­tuer la mémoire du grand homme au sein d’une confré­rie au nom tru­cu­lent : les Enton­neurs rabe­lai­siens. Consti­tuée en 1961, la confré­rie se réunit autour du Grand Ménes­trel pour célé­brer une sorte de grand-messe dite à Fran­çois Rabe­lais. Par­mi les che­va­liers adou­bés (plus de 30 000) on ren­contre des noms célèbres comme Jules Romains, Michel Gala­bru, Line Renaud ou Phi­lippe Bouvard.

La Rabe­lai­sie viti­cole, c’est-à-dire l’aire d’appellation “Chi­non”, s’étend sur près de 2000 hec­tares de part et d’autre de la Vienne, un confluent de la Loire. Les for­ma­tions géo­lo­giques sont variées. Tan­tôt la vigne pousse sur des coteaux et des buttes cal­caires, tan­tôt sur des buttes et pla­teaux d’argile à silex et même sur d’anciennes ter­rasses graveleuses.

Le Chi­non est un vignoble qua­si mono­cé­page. Si les règles de l’appellation auto­risent une faible pro­por­tion de caber­net sau­vi­gnon, c’est tout de même le caber­net franc, sur­nom­mé “bre­ton ” dans la région, qui domine. Il donne des vins rouges déli­cats, pro­mis à un vieillis­se­ment pou­vant aller jusqu’à une dizaine d’années. Quelques rosés issus de “ sai­gnées ” (écou­lage des cuves après une courte période de macé­ra­tion) sont à consom­mer sur le fruit. Il existe aus­si des chi­nons blancs, à base de che­nin, aux arômes flo­raux tein­tés de minéralité.

Les ter­roirs de l’appellation Chi­non sont très variés, et seules les vignes les mieux expo­sées pro­duisent régu­liè­re­ment de grands vins dans cette appel­la­tion, proche de la limite sep­ten­trio­nale de pro­duc­tion du caber­net franc. Il faut donc choi­sir avec soin le pro­duc­teur pour avoir accès au meilleur de l’appellation. On peut alors trou­ver à un tarif très rai­son­nable des grandes bou­teilles qui vieilli­ront mer­veilleu­se­ment, comme beau­coup des vins pro­duits par Phi­lippe Alliet, une des stars de l’appellation.

Cet excellent connais­seur de grands bor­deaux qu’est Phi­lippe Alliet a vite com­pris que la notion de matu­ri­té est capi­tale pour pro­duire un bon chi­non. Il faut limi­ter les ren­de­ments et ven­dan­ger le plus tard pos­sible afin d’éviter ces goûts her­ba­cés carac­té­ris­tiques des vins de caber­net franc dont les rai­sins ont été ramas­sés trop tôt.

Autre bon pro­duc­teur, Ber­nard Bau­dry se trouve à la tête d’un des autres domaines phares de l’appellation. Là encore, faibles ren­de­ments et matu­ri­té sont la clé du suc­cès. Son grand vin est la cuvée La Croix Bois­sée, un vin com­plexe et fin, qui demande quelques années de vieillis­se­ment. En l’attendant vous pou­vez dégus­ter son chi­non géné­rique, frui­té et tendre. À signa­ler : un déli­cieux chi­non blanc.

Signa­lons aus­si Charles Joguet, qui a com­men­cé par suivre les cours de l’École des beaux-arts à Paris avant de faire du chi­non. C’est bien la preuve qu’une for­ma­tion artis­tique bien maî­tri­sée mène à tout, car il fait d’excellents chi­nons, des vins soyeux et concen­trés, très par­fu­més et extrê­me­ment savoureux.

On trouve de bons vins aus­si chez Cou­ly-Dutheil, un des meilleurs pro­duc­teurs et négo­ciants de Chi­non. La mai­son règne sur un vignoble de 85 hec­tares situé sur des ter­roirs dif­fé­rents, ce qui favo­rise de bons assemblages.

Les caves sont par­mi les mieux équi­pées et les plus modernes de l’appellation, mais la tra­di­tion est scru­pu­leu­se­ment res­pec­tée au niveau de la conduite de la vigne, des ven­danges manuelles et de l’élevage sous bois. Les deux fleu­rons de Cou­ly-Dutheil sont le Clos de l’Écho et le Clos de l’Olive. Le Clos de l’Écho tire son nom d’une curio­si­té sonore, un “ écho admi­rable, réflé­chi par les murailles et les tours du châ­teau, et qui répète très dis­tinc­te­ment jusqu’à neuf syl­labes ”, comme le pré­ci­sait au siècle der­nier l’abbé Che­va­lier dans ses Pro­me­nades pit­to­resques en Tou­raine. Avant d’appartenir aux Cou­ly-Dutheil, le Clos de l’Écho a notam­ment appar­te­nu à la famille de Rabe­lais. C’est un beau vignoble de dix-huit hec­tares situé face aux murailles du châ­teau de Chi­non sur un ver­sant orien­té plein sud. Pour tirer la quin­tes­sence de ce ter­roir (dont les vignes ont un âge moyen de trente-cinq ans), la ven­dange est manuelle et entiè­re­ment éra­flée, le ren­de­ment limi­té à 45 hl/ha et la vini­fi­ca­tion très soignée.

Phi­lippe Alliet : 02.47.93.17.62.
Ber­nard Bau­dry : 02.47.93.15.79.
Cou­ly-Dutheil : 02.47.97.20.20.
Charles Joguet : 02.47.58.55.53.

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