Château Haut-Brion

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°588 Octobre 2003Rédacteur : Laurens DELPECH

Haut-Brion est à la fois le modèle et le pré­cur­seur des Grands Crus de Bor­deaux. La renom­mée du cru, dont l’histoire s’étend sur plus de cinq siècles, est immense. Appar­te­nant au cercle très fer­mé des Pre­miers Crus Clas­sés, Haut-Brion est le seul cru clas­sé en 1855 qui ne soit pas situé dans le Médoc.

La duchesse de Mou­chy, maî­tresse des lieux depuis 1975, appar­tient, avec les Roth­schild de Lafite, à l’une des plus anciennes familles pos­sé­dant un Pre­mier Cru. C’est en effet en 1935 que son grand-père Cla­rence Dillon, un ban­quier new-yor­kais, ache­ta le vignoble. C’est aus­si le Pre­mier Cru le plus asso­cié à l’histoire poli­tique et diplo­ma­tique. Le prince de Tal­ley­rand fut pro­prié­taire de Haut- Brion au début du dix-neu­vième siècle. Il sut habi­le­ment uti­li­ser ses vins pour ser­vir sa diplo­ma­tie. Plus récem­ment, le père de la duchesse de Mou­chy, Dou­glas Dillon, fut ambas­sa­deur des États-Unis à Paris entre 1953 et 1957 , puis ministre des Finances du pré­sident Kennedy.

Une autre dynas­tie règne à Haut-Brion, celle des Del­mas qui dirige la pro­prié­té depuis plus de quatre-vingts ans. Jean-Ber­nard Del­mas a suc­cé­dé à son père Georges en 1961 et son fils Jean-Phi­lippe est prêt à prendre la relève. Cette conti­nui­té de pro­prié­té et de ges­tion est un fac­teur très favo­rable pour la ges­tion d’un grand cru, qui doit s’inscrire dans la durée.

Mais le grand atout de Haut-Brion, c’est d’abord son ter­roir. L’expérience a mon­tré qu’il faut, pour pro­duire un grand vin de Bor­deaux, de très belles graves, une topo­gra­phie de col­lines aux pentes accu­sées, un sol pro­fond péné­trable aux racines, et un sous-sol assu­rant un drai­nage par­fait. Haut-Brion réunit toutes ces carac­té­ris­tiques et béné­fi­cie aus­si des avan­tages cli­ma­tiques de la val­lée de la Garonne : étés chauds et secs, beaux automnes. Éta­gé de 20 à 30 m, le vignoble échappe par ailleurs au brouillard de la basse val­lée de la Garonne.

Dès 1961, Haut-Brion fut le pre­mier à adop­ter des cuves en inox pour la vini­fi­ca­tion. Cet inves­tis­se­ment sus­ci­ta des cri­tiques aujourd’hui bien dépas­sées, car depuis qua­rante ans, tous les grands domaines de Bor­deaux ont adop­té la cuve inox. Le goût de la recherche reste une des voca­tions du châ­teau, mais depuis quelques années, le sujet a quit­té le cuvier pour les vignes : la prio­ri­té est accor­dée à la qua­li­té du rai­sin, objet de nom­breuses recherches por­tant notam­ment sur les clones.

Les 46 hec­tares du Châ­teau Haut-Brion sont situés dans la ban­lieue sud de Bor­deaux. 42,2 hec­tares sont consa­crés au vin rouge (45% de caber­net sau­vi­gnon, 37% de mer­lot et 18% de caber­net franc) et 2,7 hec­tares (63% de sémillon et 37% de sau­vi­gnon) au vin blanc. En rouge, Haut-Brion est un vin pré­coce, char­nu, très savou­reux avec un très beau bou­quet de confi­ture cara­mé­li­sée de fruits noirs et des notes fumées. Il se recon­naît sou­vent en dégus­ta­tion par une touche de café froid en fin de bouche. Assez vite agréable à boire, il vieillit fort bien, fai­sant montre d’une remar­quable lon­gé­vi­té. Le vin blanc est déli­cieux mais pro­duit en quan­ti­té confi­den­tielle (9 600 bouteilles).

Le Domaine Cla­rence Dillon SA, pro­prié­taire de Châ­teau Haut-Brion, est éga­le­ment pro­prié­taire depuis 1983 du vignoble conti­gu de La Mis­sion-Haut-Brion. Issu d’un ter­roir mar­qué par la même pré­co­ci­té, en termes de matu­ri­té des rai­sins, que Haut-Brion, La Mis­sion est très proche de son illustre voi­sin. On y retrouve les mêmes qua­li­tés de finesse et de fon­du avec cet inimi­table bou­quet fumé qui est la signa­ture de ces grands vins. Avec l’âge, Haut-Brion évo­lue­ra plu­tôt vers la finesse et la com­plexi­té, alors que La Mis­sion se signa­le­ra par une déli­cieuse volup­té de texture.

Le domaine pro­duit éga­le­ment un second vin “ La Cha­pelle de La Mis­sion-Haut-Brion ” (le nom de “ Bahans – Haut-Brion” étant réser­vé au second vin de Haut-Brion) et un très rare vin blanc, “Laville-Haut-Brion ” (de 8 000 à 10 000 bou­teilles selon les mil­lé­simes), issu d’un vignoble de 3,7 hec­tares com­plan­té à 80 % de sémillon et 20 % de sau­vi­gnon. Ce vin blanc sec, cha­leu­reux et raf­fi­né est très agréable deux ou trois ans après la récolte, mais il faut ensuite attendre cinq à six ans pour qu’il devienne extra­or­di­naire, avec des notes de miel, de fleur de sureau et d’amande grillée.

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