Château en Suède

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°529 Novembre 1997Par : Françoise SAGANRédacteur : Philippe OBLIN (46)

Châ­teau en Suède avec Agnès Soral, Jean-Pierre Kal­fon, Nico­las Varde, Mama Pras­si­nos, Marie-France Mignal, Fran­çois Vin­cen­tel­li, Jean-Fran­çois Guillet, Claude Fraize.

Madame SAGAN écrit bien le fran­çais. Au fes­ti­val d’Anjou, Agnès Soral au front bom­bé, Jean-Pierre Kal­fon au ric­tus doux-amer et quelques autres excel­lents comé­diens nous l’ont mani­fes­té en jouant Châ­teau en Suède, dans une élé­gante mise en scène d’Annick Blancheteau.

Tout y com­mence en bati­fo­lage. Des idylles se nouent entre ces per­son­nages contem­po­rains mais vêtus comme au XVIIIe siècle, selon la volon­té de la maî­tresse du lieu. Un peu toquée, elle contraint cha­cun à se dégui­ser ain­si, croyant par ce moyen ser­vir mieux la mémoire d’un ancêtre, le géné­ral Fal­ken, qui illus­tra jadis la famille. Dans le châ­teau pro­gres­si­ve­ment cou­pé du monde par les neiges de l’hiver sué­dois, les choses pour­tant tournent mal. De tra­giques secrets de famille émergent peu à peu des gre­niers, tan­dis que les pas­sions s’exaspèrent. Le spec­ta­teur s’attend au pire, retient son souffle.

On se croyait d’abord chez Mari­vaux, mais non, c’est du Tour­gue­niev, celui d’Un mois à la cam­pagne, sauf que chez le Slave les per­son­nages s’en tiennent aux vel­léi­tés de cou­cher, au lieu que chez Madame Sagan, ils couchent à qui mieux mieux, au degré d’ailleurs de faire un enfant. Mais non, nous sommes en plein cau­che­mar à la Strind­berg, avec des cris et des bruits de meurtre.

Le prin­temps reve­nu, on se réveille en pleine farce molié­resque, avec une aïeule para­ly­tique et lunaire qui ges­ti­cule tan­dis qu’un digne maître d’hôtel, naguère assas­si­né à coups de bâton, sert le schnaps…

Un seul être manque pour­tant, per­du dans les neiges pour avoir fui la demeure malé­fique et ses hôtes à demi fous, avoir ten­té de cher­cher du secours. Il est mort d’avoir pris tous ces cin­glés au sérieux.

Une telle conclu­sion n’est sans doute pas très morale mais toute cette his­toire est si bien mon­tée, et si bien dite, qu’on suc­combe à l’enchantement d’un pétille­ment d’idées folles, sou­te­nues par un texte éblouissant.

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